FINALIS III : Illuminationem
Genre : Angst.
Censure : PG-13
Mots : 2 829 mots
Personnages : Bobby, Dean, Sam.
TIMELINE : Future S4 fic. Mention de spoilers S2, S3, S4(401 à 406)
Disclaimers : Supernatural appartient à Eric Kripke et à CW.
Notes : Merci à
ashkaapour sa béta.
***
Bobby se réveilla en sursaut et saisit son arme dans un pur réflexe de survie. Dean s’écarta de lui les mains levées en signe de reddition. Bobby grimaça en voyant les marques au milieu des paumes de Dean et essaya de calmer les battements de son cœur et sa respiration affolée.
C’était la première fois depuis des jours que Dean ne se réveillait pas en hurlant. Et la première fois qu’il arrivait à se lever de son lit. La fièvre l’avait consumé pendant des jours. Bobby n’avait trouvé aucune trace d’infection malgré les nombreuses blessures, malgré l’anémie. C’était une maladie de l’esprit et, pour ça, il n’avait pas de remède. il avait passé ses journées et ses nuits à veiller le sommeil atrocement hanté de Dean, à prier. Il ne vivait plus que pour Dean. Il avait promis et il aimait trop ce fils d’adoption pour le perdre aussi. Ils avaient trop perdus, tous.
Bobby essuya les sueurs froides de son front et sourit fébrilement à Dean.
« Ça va, fils ? demanda-t-il, inquiet.
- Où est Sam ? »
Bobby se mordit la lèvre. Dieu seul savait où était Sam. Il avait un nouveau monde pour se cacher, un monde qui lui était inaccessible maintenant. Il ne pouvait pas dire à Dean ce qu’il s’était passé quand il l’avait trouvé. Le gosse en mourait et Bobby avait ce besoin complètement égoïste de le garder en vie. Il ne lui restait plus que lui comme famille maintenant.
« Dean…
- Bobby. S’il te plaît.
- Ok, soupira Bobby en marquant une petite pause. Je ne sais pas.
- Ça fait deux fois, Bobby. Franchement, je m’attendais à mieux de ta part. »
Bobby le dévisagea brusquement et se figea une seconde de surprise. Dean souriait. Ce n’était qu’un coin de bouche légèrement plus haut que l’autre mais c’était un sourire. Les yeux verts de Dean étaient encore hantés mais Bobby doutait que cela disparaisse entièrement un jour.
« Comment tu m’as trouvé ?
- J’ai placé un émetteur GPS dans l’Impala.
- … c’est tricher ça Bobby, répliqua sérieusement Dean.
- Je sais. Entre toi et Sam…
- Ouais, s’assombrit Dean.
- Dean. Qu’est-ce qu’il s’est passé là-bas ?
- …Emmène-moi à la grange et je te raconterai.
- Je ne pense pas que ce soit une bonne idée.
- J’en ai besoin Bobby. Je ne tiens vraiment pas à faire une putain de crise de panique au volant de mon bébé alors emmène-moi. » s’agita Dean. « S’il te plaît. »
Bobby frotta sa trop longue barbe nerveusement. Il expira une respiration tremblante et se leva du sofa, rangeant son fusil à canon scié dans son holster. Il hésita une seconde et posa doucement sa main sur l’épaule fragile de Dean.
« D’accord. Prends de quoi faire la route dans le frigo pendant que je me change et attends-moi dans l’Impala. »
Dean acquiesça de la tête et obéit.
***
L’Impala semblait être le seul endroit de cette planète où Dean se sentait en sécurité, même sans Sam. Pourtant, Bobby ne put s’empêcher de remarquer les légers tremblements des mains à peine cicatrisées quand ils approchèrent du site. High Hopes des Pink Floyd se diffusait doucement dans l’habitacle et le ronronnement de la voiture comblait le silence entre eux.
Le premier brin d’herbe mort en vue et Bobby entendit la respiration nerveuse de Dean s’emballer.
« Je me suis renseigné. Il n’y a eu aucune victime sur le terrain touché par l’onde de choc qui était probablement un résidu de ce qu’il s’est passé à la grange. Juste la végétation et l’exode des animaux. Même les vautours ont fui.
- Sol impur, répondit Dean par pur automatisme.
- Sol impur, » répéta plus sombrement Bobby.
Ils mirent encore quelques minutes avant d’atteindre l’épicentre du phénomène. La route de terre sombre était escarpée et l’Impala leur fit sentir la moindre bosse. Bobby arrêta la voiture devant l’entrée de la grange qu’il avait condamnée. Dean prit une grande inspiration et avança avec détermination vers la porte. Bobby ne le vit pas défaire le cadenas mais le suivit quand même.
Le sol qui avait été en fusion ou presque la dernière fois, semblait avoir cicatrisé, comme de la chair brûlé au fer rouge. Dean avança vers le fond, vers les chaînes encore pendantes. Bobby frissonna de dégoût en repensant à ce jour-là. Dean effleura l’une d’elles du bout des doigts.
« C’est ici que j’ai trouvé Sam.
- Comment ça trouvé ?
- Sam avait disparu six jours avant que je ne vienne te voir.
- Quoi ?! Pourquoi tu ne m’as rien dit ?
- Parce que je savais pourquoi, soupira Dean.
- Dean.
- Ok », soupira-t-il.
Dean s’assit sur une chaise dans le fond, tout juste stable.
« Sam s’est changé, Bobby.
- Je sais. Je l’ai vu.
- Et il a débloqué ma mémoire.
- Nom de…
- Ne jure pas, interrompit Dean. On ne sait jamais qui écoute, reprit-il avec une grimace.
- Mais de quoi tu parles ?
- Disons que nous ne sommes pas seuls et restons-en là ok ? Une chose à la fois.
- D’accord »
Bobby s’approche d’une poutre pour s’appuyer et se recula presque d’un bond. Il y avait encore le sang de Dean incrusté dans le bois. Dean prit une grande inspiration et continua son récit.
« Et Lucifer est arrivé.
- Luficer ?
- Lucifer. Ce n’était pas de mon plein gré non plus mais j’ai aidé Sam à l’invoquer, ici et pas ailleurs, quand sa poufiasse a ouvert le dernier sceau. Elle a d’ailleurs obtenu une jolie récompense pour ça, emprisonnée dans son corps de gamine et pelée vive. Il est inutile de dire que Lilith n’est plus vraiment une menace, si elle est encore en vie.
- Bon débarras. Comment il était ?
- Monstrueux. Pas la première fois que je le voyais pourtant… Fumée noire et tout le tremblement mais c’est quand il a tenté de prendre possession de Sam que j’ai vu sa vraie forme, répondit Dean en se cachant le visage.
- Ne me dis pas que… j’ai laissé Lucifer partir.
- Non. On l’a banni. Deus ex machina et tout ça. Disons que pour faire simple, on m’a pas tiré des enfers pour rien.
- Dean, Sam t’a pratiquement saigné à blanc.
- Parce que mon sang était pur.
- Quoi ?
- Mon sang, et une infime partie du sang de Sam. Je saurais pas t’expliquer mais disons que ça a été plus efficace contre lui que toute l’eau bénite du monde. Surtout quand Sam y a mit le feu.
- Tu me fais marcher ?
- Je ne pense pas Bobby. Je sais ce qu’il s’est passé mais à part la douleur, je suis incapable de t’affirmer que je l’ai vécu. Trop de choses se bousculaient dans ma tête. Beaucoup trop de choses m’ont été révélées pour que je les assimile et que je sache ce que je faisais. Mais d’après Sam, j’aurais fait tout le boulot. Je ne sais pas de quoi il parlait. J’en ai une vague idée mais c’est la seule chose que Sam m’ait dite avant que je perde la réalité de vue.»
Dean marqua une pause, frottant la peau encore fragile et à peine cicatrisée de ses paumes. Bobby ne pouvait s’empêcher de les voir comme des stigmates. Puis le jeune homme se mit à rire nerveusement.
« Quoi ? demanda Bobby de peur que Dean n’ait perdu la raison.
- Tu rends compte. Celui qui croyait en Dieu, celui qui avait la Foi, avec un grand F, se retrouve banni et démoniaque et l’autre, le pêcheur et le non-croyant béni de Dieu et de sa cour. Tu parles d’une ironie du sort. »
Bobby déglutit et ignora les larmes qui avaient échappées à Dean.
« Quoiqu’il en soit.
- Dean.
- J’ai perdu conscience et j’ai repris possession de mes moyens hier soir. Quand ce salopard est venu me voir.
- Qui ?
- Cet emplumé de Castiel.
- Dean j’étais avec toi toute la nuit.
- Je lui avais dit de se faire discret, soupira Dean.
- Sam m’a dit quelque chose avant de partir.
- Quoi ? s’enquit Dean.
- « Il est le sauveur, Bobby. Sa mission n’est pas finie. » »
Dean se leva violemment et envoya voler la chaise à l’autre bout de la grange avec une force que Bobby n’avait jamais soupçonné. Il se passa rageusement une main dans les cheveux et se mordit les lèvres une seconde.
« Ce petit enfoiré.
- Quoi ?
- Ouais, ma mission est pas finie. Mon cul. Je ne la finirai pas. Pas comme ils le veulent. Ils peuvent aller se faire foutre. J’ai ma propre façon de faire les choses et je ne leur ai jamais obéit. Je ferai ce que bon me semblera.
- Je croyais qu’on était surveillé, s’inquiéta Bobby.
- Que Castiel aille se palper chez les incubes ! s’écria Dean. »
Bobby était vraiment inquiet maintenant. Dean provoquait un peu trop le Ciel pour son bien.
« Bobby !
- Quoi ?
- On a du pain sur la planche ! » lui sourit Dean, machiavélique.
Bobby se contenta d’acquiescer et de suivre. Trop de choses le dépassaient et il avait encore une heure de route pour extorquer de nouvelles réponses. Cette fois-ci, Dean s’empara des clés et ne manqua de les tuer qu’une demi-douzaine de fois.
***
Bobby claqua la porte derrière lui en rentrant. Dire qu’il était devenu le coursier de Dean était devenu un euphémisme. Dean ne dormait pas. Ou tout du moins lui et Bobby n’avait pas la même notion du sommeil. Il avait trouvé Dean penché sur la table de cuisine le matin précédent dessinant furieusement schéma et caractéristiques techniques. Il avait avalé des litres de café, mangé une part de tarte à la framboise qu’Ellen leur avait envoyée de Seattle - autant dire de la purée de tarte à la framboise, mais c’était l’intention qui comptait - et n’avait pas lâché son stylo de la journée.
Dean s’était endormi dans la bibliothèque, la tête sur l’un des nombreux tomes de la clé de Salomon. Il n’y passa que quelques maigres heures avant de disparaître de nouveau dans la cuisine pour y récupérer son journal, grossissant de jour en jour. Bobby ne disait rien, se contentait de demander de l’aide et de répondre à ses demandes. Ils avaient passé une bonne partie de la nuit précédente à discuter de tels et tels exorcismes ou sorts et Bobby ne s’était jamais aussi détendu depuis des années.
Et ce matin, Dean lui avait probablement demandé l’une des choses les plus bizarres de toute sa vie. Ce n’était vraiment pas son genre de voler les hôpitaux mais il y avait des moments où il fallait prendre sur soi et accomplir sa mission.
Il espérait vraiment que Dean savait ce qu’il faisait. Bobby n’était pas du genre à suivre quelqu’un à l’aveuglette mais pour l’instant tout ce que Dean lui avait montré, expliqué, proposé, tenait la route alors il n’avait aucune raison de ne pas continuer. Pour une fois, que ce gosse ne fonçait pas tête baissée sans réfléchir dans quelque chose.
Bobby ôta sa veste et la jeta sur le sofa en entrant dans le salon. Il se figea sur place en relevant les yeux. Dean n’était pas tout seul et la dernière fois qu’il avait croisé cet invité en particulier, il avait hérité qu’une sale bosse à l’arrière du crâne.
« Alors Bobby ?
- Fait. Mais tu m’en dois une, gamin. »
Dean lui sourit en coin et Bobby se contenta de dévisager Castiel.
« Beaucoup d’entre nous ne sont pas d’accord avec tes agissements, malgré toute la reconnaissance qu’ils te portent.
- Hé ! J’ai ma carte de membre maintenant, rien à foutre. Tant qu’Il ne me dit rien, je compte bien faire ce que je veux et même s’il dit quelque chose, il me faudra de bonnes raisons.
- Ne te prends pas pour plus important que tu n’es. Il y a des tensions, des faits qui te dépassent. Ils ne sont pas tous aussi compréhensif que Lui. Beaucoup n’apprécient pas de devoir t’être redevable.
- Manque de bol, ils n’ont pas vraiment le choix. Qu’ils viennent. Ils seront bien accueillis, défia Dean.
- Tu n’es pas prêt à remplir cette autre mission.
- Tu veux me faire redescendre ? demanda Dean.
- Tu as prouvé ta valeur. Moi et mes frères te seront loyaux mais ne te penses pas intouchable, répondit Castiel avec son flegme froid qui le caractérisait.
- Je n’aime pas ça mais je te remercie. » dit Dean, visiblement mal à l’aise.
Castiel se retourna vers lui et inclina légèrement la tête.
« Bonne chance avec le rituel, conclut Castiel. »
L’ange reconnut la présence de Bobby pour la première fois depuis son arrivée.
« Excusez-moi. »
Et disparut.
« C’était quoi ça ?
- Apparemment, on m’a attribué un gardien, souffla Dean avec une grimace boudeuse.
- Je ne suis pas sûr que ce soit le moment mais tu vas devoir répondre à pas mal de questions, petit.
- Dès qu’on aura fini ça ok ? demanda Dean, las.
- La machine t’attends derrière, lui dit-t-il.
- Merci Bobby.
- Et la prochaine fois ? Demande-moi avant d’inviter un ange sous mon toit.
- Cet emplumé ne connaît pas la notion de propriété. C’est pas la première fois, qu’il entre sans permission et probablement pas la dernière. Je ferai mon possible.
- Merci. On s’y met ?
- Ça marche. Je me charge de la machine et toi du rituel ?
- A quoi bon, tu m’as mâché le travail. Si tu n’étais pas d’accord avec mes méthodes, il fallait le dire, pas la peine de m’écrire un manuel d’instructions, reprocha faussement Bobby avec un sourire.
- Compris, chef. »
***
« Machine ? demanda Bobby.
- Ok.
- Cercle ?
- Ok
- Outils de base ?
- Ok. Je crois qu’on est bons.
- Tu crois que ça va marcher.
- Il n’a pas le choix, gronda Dean. »
Bobby leva les bras et les yeux au ciel. Ce gosse le tuerait un jour. Dean alluma l’engin disposé entre deux vieux fauteuils de cuir. Il se saisit de deux câbles et en déposant un sur chaque accoudoir.
« Vas-y Bobby !
-Amate spiritus obscure
Te quaerimos, te oramus
Nobiscum colloquere
Apud nos circita »
Bobby jeta l’allumette dans le calice et la décoction explosa. La seconde suivante, Bobby se vit repoussé violement contre le mur par un mètre quatre-vingt dix de muscles aux yeux noirs.
« Tu n’aurais pas dû appeler Bobby, gronda Sam, menaçant, son avant-bras pressé contre sa gorge.
-Heureux de te voir aussi, petit frère. »
Bobby ne le vit même pas se retourner. Dean le fixait, sombre et tout aussi menaçant. Sam relâcha sa prise sur lui et Bobby s’écarta. Le plus jeune leva la main tout aussi rapidement vers Dean et Bobby eut peur qu’il n’arrive encore un malheur. Mais Dean ne bougea pas d’un millimètre, ne sourcilla même pas.
« Qu’est-ce que… bafouilla Sam, confus.
-Eh oui, Sammy. Chacun a ses particularités, répondit Dean. Bobby ! »
Bobby planta la seringue dans la jugulaire de Sam et injecta le sérum directement dans son système sanguin. Le jeune Winchester le repoussa violement et s’écarta, titubant déjà sous l’effet de l’injection.
« Qu’est-ce que vous m’avez fait !
- Un petit tranquillisant à démons maison. Je pensais bien que ton organisme adorerait mon plasma.
- Je vais vous… je vais vous peler… tous les deux… »
Bobby le regarda s’effondrer au sol avec perplexité. Dean sourit, fier comme un gamin avec sa première bonne note à l’école.
« Je crois qu’on peut commencer. »
***
Quand Sam s’éveilla, tout son corps était crispé et pourtant il avait l’impression d’être léger, comme si un poids énorme lui avait été enlevé de sur les épaules. Il grogna de douleur, dépliant et étirant ses muscles. Le cathéter sur sa main lui faisait mal.
« Bien pioncé ? »
Sam se retourna le plus rapidement possible. Dean se tenait là, essuyant ses mains avec un chiffon à vaisselle. Sam se concentra et leva la main vers lui.
« Ca ne marchera plus Sam » dit doucement son frère.
Il n’arrivait plus à faire monter la vague. Plus assez de colère, aucune haine, aucune soif de sang, de mort et de destruction. Plus rien.
« Qu’est-ce que vous m’avez fait ! s’impatienta Sam.
- Chut. Bobby dort à coté. Il a travaillé toute la nuit.
- Qu’est-ce. Que. Vous. M’avez. Fait, grinça Sam.
- Tu as été purifié.
- Quoi ?
- On t’a fait une exsanguination partielle, remplacé le sang prélevé par le mien, exorcisé, exorcisé.
- Rien ne peut guérir ma condition.
- La preuve, tu es sorti du piège à démons comme un grand.
- Mais… Dean… qu’est-ce que…
- Vois ça comme une sorte d’union. Un mariage si tu veux aller dans les clichés. Sans promesse de fidélité mais sans possibilité de divorce. En tout cas maintenant c'est trop tard, t'as signé.
- Je n’ai rien demandé !
- Dommage tu l’as eu quand même ! » répliqua Dean.
Dean le saisit par le cou d’une prise forte mais pas douloureuse.
« Tu as beaucoup de choses à expliquer Sammy. Beaucoup de choses que je mettrai du temps à te pardonner mais maintenant ! Tu. Es. En. Vie. Et tu es libre de ce démon.
- Dean, je… balbutia Sam, les yeux humides.
- Ca va aller, Sam. On s’en sortira. Ensemble. A la vie, à la mort. »
Sam éclata en sanglots et se blotti contre le cou de Dean. Il ne méritait pas une seconde chance mais Dean ne lui avait pas laissé le choix. Il se retrouverait grâce aux yeux de son frère. Parce que Dean était tout ce qu’il avait maintenant et il n’y avait plus rien en lui qui lui criait de l’éliminer.
Ils étaient libres et vivants.
FIN