FIC : Saveurs d'Egypte 2/2 - pour Ygrain

Dec 25, 2007 10:44

Titre : Saveurs d’Egypte 2/2
Auteur : ezilda
Personnages : OC, Bill Weasley
Rating : PG
Genre : Aventure, romance
Nombre de mots : +13000
Résumé : Elle était conjureur de sorts. Bill comptait bien le devenir. Et il paraissait certain qu’au beau milieu de l’Egypte, les mésaventures de ces deux-là promettaient d’être mouvementées.



L’après-midi se passa sans davantage de complications. Il me semblait même que Bill était plus calme qu’à l’habitude. L’on fit le tour de trois sites de fouille, relevant les rapports des chefs de manœuvre, prenant note de l’avancée des travaux et vérifiant les systèmes de sécurité. Je laissai quelques initiatives à Bill qui ne se gêna pas pour en profiter.

Alors que le soleil se couchait, baignant le désert d’un rouge sang, je parvins à décider Bill à reprendre le tapis volant pour rejoindre Le Caire.

- Si c’est moi qui le dirige, opposa-t-il.

- S’il n’y a que ça pour te faire plaisir, lui concédai-je. Je t’en prie, mais évite de faire trop d’embardées. Ça n’a rien à voir avec les balais volants.

Malgré cet avertissement, le décollage fut chaotique. M’en étant doutée, je m’étais solidement agrippée aux bords du tapis. Bill un peu secoué, s’obstina et finit par obtenir une ligne de vol convenable.

C’était toujours un joli spectacle que de voir le soleil s’embraser sur le désert. Seules quelques falaises et reliefs désordonnés étendaient leurs ombres gigantesques un peu plus au Sud. Il n’y avait là pas le moindre signe de vie, je trouvais cela reposant. Bill, concentré sur ses manœuvres, ne m’accordait pas une once de son attention, et j’en profitai pour m’étendre un peu et contempler rêveuse le panorama.

- Arrête-toi ! j’hurlai en me redressant.

Il y avait eu une ombre furtive derrière ce surplomb. Je l’aurais juré !

Je m’accrochai vivement au tapis, tandis que Bill lui faisait exécuter un arrêt en catastrophe.

- Tu peux me dire ce qu’il se passe ? lança-t-il sortant sa baguette, ce qui semblait être un réflexe chez lui.

- J’ai vu quelque chose là-bas, près du relief.

Weasley me dévisagea, perplexe.

- C’était sûrement un animal égaré, rétorqua-t-il en haussant les épaules.

- Tu as vu beaucoup d’animaux en plein désert, depuis que tu es venu ? Fais-moi confiance et approche-toi.

A cette heure où le soleil disparaissant, une gazelle pouvait aisément passer pour une hyène, où les ombres pouvaient devenir des inconnus malfaisants, les doutes de Bill étaient légitimes. Mais je tenais à vérifier ça de mes propres yeux. J’avais la prétention de penser bien connaître le désert et la vision subreptice que j’avais perçue ne m’inspirait pas confiance.

Le tapis toucha terre trop doucement à mon goût, je sautai donc au sommet d’une dune ignorant les protestations de mon partenaire.

Nous étions au bas d’une falaise et la pénombre en était d’autant plus profonde. J’avançai prudemment vers l’endroit où s’était tenue la silhouette.

- On perd notre temps, renchérit Bill. Il n’y a personne ici, tu le vois bien.

Tenant fermement ma baguette, j’exécutai quelques simples sorts de détection de magie.

- Crois-moi, je préférerais que tu aies raison, répondis-je à la vue des étincelles mauves échappées de ma baguette.

Si sorcier il y avait eu ici, il n’était pas venu pour rien. Je fis un tour d’horizon, fouillant tout l’espace à la recherche de la moindre anomalie.

- Ici ! s’écria Bill.

J’étais stupéfaite. Dans un repli de la falaise, une cavité bien rectangulaire était ouverte, de taille tout juste suffisante pour s’y faufiler.

- Comment c’est possible ? balbutiai-je.

Bill désigna alors un symbole étrange sur la paroi ocre, que je n’aurais sans doute jamais vu sans son aide, tant la marque semblait faire partie intégrante des irrégularités de la roche.

- Je m’y suis appuyé sans faire exprès et la trappe s’est ouverte, expliqua-t-il avec un sourire badin.

Je m’allongeai et tentai d’y voir au mieux dans le trou obscur, à l’aide d’un Lumos.

- Je me demande ce que c’est.

Une curiosité grandissante s’empara de moi. Ça pouvait être une formidable découverte, la tombe d’un ancien mage égyptien ou que sais-je encore. De quoi en mettre plein la vue à tout le département ! Mes collègues en seraient verts de jalousie.

- On devrait peut-être aller chercher du monde, proposa Bill.

- Pour qu’on s’approprie ma découverte ? opposai-je hargneusement en m’enfonçant un peu plus dans la cavité.

C’est qu’on n’y voyait goutte là-dedans.

- Notre découverte ! rectifia-t-il vivement.

- Si tu veux.

Bill pourrait sûrement dire beaucoup de choses, je n’y prêtais plus attention. Le Lumos ne semblait rien éclairer, je ne pouvais même pas discerner une paroi. C’était comme si la puissance magique du sortilège s’atténuait en pénétrant dans ce passage.

- J’y vais, indiquai-je en me redressant et en dévisageant Bill, essayant de lire sur son visage la même excitation qui m’emplissait.

- Tu as perdu l’esprit ! Tu n’as aucune idée de ce qui se trouve là-dedans. Il y a probablement des sorts de défense, et toi, tu veux y foncer tête baissée !

Ciel, je n’aurais jamais cru qu’il puisse être… prudent !

- Si tu as si peur, rentre à Gringotts, lui rétorquai-je. Je n’ai absolument pas l’intention de laisser une aubaine pareille me passer sous le nez. Quant aux sorts de défense, je te rappelle que c’est notre métier de les défaire.

Il fronça les sourcils. Apparemment j’avais blessé son amour-propre.

Je ne comptais pas lui laisser le temps d’une réflexion. Il pouvait bien rester là ou voler vers Gringotts pour y quérir de l’aide et faire les choses en bonne et due forme, ça m’était égal. Tout ce que je désirais, c’était savoir ce que recelait cette cachette.

Alors que je rampais précautionneusement dans l’étroite cavité, j’entendis Bill m’appeler et à son ton, il était aisé de deviner qu’il n’appréciait pas du tout de me voir n’en faire qu’à ma tête.

J’avançais et je désespérais que le halo du sortilège Lumos n’éclaire pas davantage mon chemin. C’était à peine si je pouvais voir plus loin que le bout de ma baguette.

Une fraction de seconde. C’est le temps que mirent mes neurones à enregistrer toutes ces données synonymes de danger : le sable soudain glissant, le vide que perçurent mes bras puis l’impression de tomber indéfiniment…

Lorsque mes yeux se rouvrirent, il régnait une douce clarté bleue.

- Bon retour dans notre monde ! lança une voix ironique que je reconnus sans peine.

J’avais terriblement mal à la tête.

- Bill, qu’est-ce que tu fais ici ? marmonnai-je les yeux mi-clos.

Un grognement de mécontentement retentit.

- C’est tout ce que tu es capable de dire, après avoir perdu connaissance pendant bien cinq minutes ? aboya-t-il, et je perçus nettement le bruit de ses bottes allant et venant à quelques mètres de là.

Je me décidai à rouvrir les yeux, malgré la lumière intensifiant ce fichu mal de crâne. J’étais couchée, la tête et les épaules reposant de manière inconfortable contre un mur glacial. Le couloir dans lequel nous nous trouvions était constitué de parois de pierre nues. L’absence de symboles et de fresques me frappa. Seuls d’étranges points étincelants enrobaient le lieu d’une lumière bleutée.

Je levai le visage vers le haut et découvris le boyau obscur d’où j’avais chutée.

- Tu m’as suivie ? je demandai à Bill qui m’observait les yeux brillants de colère.

- Evidemment ! fit-il en levant les bras en signe d’impuissance. Comment tu as pu imaginer que j’allais te laisser jouer les aventurières toute seule ? Et apparemment j’ai bien fait.

Il esquissa un sourire mauvais alors que je me redressai, grimaçant sous la douleur lancinante qui parcourait mon crâne.

- Dorénavant tu y réfléchiras à deux fois avant de te lancer dans l’inconnu, ricana-t-il.

C’était bien la première fois que je le voyais aussi cynique.

- Oh, je t’en prie ! Et toi, tu y réfléchiras à deux fois avant de te lancer à la rescousse de pauvres demoiselles en détresse, répliquai-je énervée par son sermon. Puis excuse-moi ! Mais je ne vois pas de quel droit tu te permets de me gronder comme si j’étais une gosse !

Ces paroles semblèrent lui faire l’effet d’une douche froide, et les traits de son visage se radoucirent.

Je passai une main fébrile sur ma tête douloureuse.

- Tu as fait une sacrée chute. Ça va ? s’enquit Bill.

- Un sort antalgique, et ça ira mieux, soupirai-je en ramassant ma baguette gisant à terre.

- Je n’y compterais pas trop si j’étais toi, marmonna-t-il en se frottant la nuque d’un air ennuyé.

- Pourquoi donc ?

- On ne peut pas utiliser de magie, expliqua-t-il. Il doit y avoir un sort de blocage. Et maintenant qu’on est coincés ici et privés de nos pouvoirs, ça va être compliqué de le défaire.

Décidément ma petite aventure semblait échapper à tout contrôle. Merveilleux…

- Quand même un sort de blocage… susurrai-je doucement en scrutant le souterrain.

- Avant de te montrer admirative, tu ferais mieux de te demander comment on va faire pour sortir d’ici, intervint Bill.

- Facile, on va suivre ce couloir, fis-je en désignant face à nous le long chenal aux murs parfaitement rectilignes.

- Très facile, répéta Weasley l’air méfiant. Pas besoin d’avoir passé ses ASPICs pour trouver ça.

ASPICs, qu’est-ce que c’était que cette bestiole ? Il se contenta d’un haussement d’épaules face à mon regard perplexe.

- Juste un diplôme d’Angleterre, expliqua-t-il. Mais tu ne crois pas qu’on pourrait avoir droit à d’autres surprises ?

- On verra bien, répondis-je. Puis, toi qui d’habitude aimes tant l’aventure, tu pourrais te montrer un peu moins craintif. On dirait ma mère !

Oh, il n’apprécia pas beaucoup la comparaison. Et c’eut l’effet escompté : il s’avança dans le couloir à grands pas, me devançant avec un air effronté. Je m’empressai de le suivre, assez satisfaite de la situation.

L’endroit se révéla monotone. Excepté les lumières magiques qui éclairaient le tout, les murs d’un gris passable n’arboraient aucun symbole, dessin, fresque ou quoi que ce soit qui aurait pu nous en apprendre davantage sur ce lieu. Je me demandai même s’il s’agissait bien d’une tombe, n’en ayant jamais vues de la sorte. Les lieux funéraires des anciens mages égyptiens regorgeaient habituellement de gravures et de hiéroglyphes contant leurs exploits. Ici, rien de tout cela.

Nous avancions depuis déjà un bon quart d’heure et l’agacement de ne rien distinguer de plus exaltant que de la pierre grise encore et toujours, commençait à me gagner.

- Et bien, pour une découverte, c’en est une ! nargua Bill.

Je me gardai bien de répondre. Un endroit pareil rendu inaccessible et protégé de la magie par un sort de blocage, devait bien receler quelques objets exceptionnels… A moins que d’autres n’aient déjà fait main basse sur ces trésors. De toute façon, nous n’avions d’autre choix que de continuer si nous voulions sortir de cet endroit. Sans magie, nous étions incapables de transplaner les dix mètres de hauteur qui nous séparaient de l’entrée.

- Ce chenal doit bien mener quelque part, murmurai-je plus pour moi-même.

Le bruit de nos pas résonnait entre les murs étroits. Et la température baissait tandis qu’à la surface, le soleil devait s’être couché, laissant le désert n’être plus qu’une étendue de sable et de pierre, glacée.

- Ou pas, marmonna Bill.

Je levai les yeux, éberluée, et en quelques pas, je me hâtai de rejoindre mon partenaire. Mes mains se posèrent sur le mur qui se tenait en travers de notre chemin.

- Un cul de sac ! C’est impossible ! m’exclamai-je, outrée que le destin puisse nous jouer un tour pareil.

- Apparemment ce n’est pas si impossible que ça, fit Bill tandis qu’il scrutait désespérément la surface rugueuse à la recherche d’une marque ou d’un interstice quelconques.

- Je n’en reviens pas ! On est faits comme des rats !

Dépitée, je m’assis contre le mur honni qui mettait fin prématurément à mes rêves de grandeur et de gloire, et peut-être bien même à ma vie. J’envoyai un coup de coude furieux contre la pierre et grimaçai face à la douleur stupide qui m’élança le bras. Je tentai de trouver un moyen pour nous en sortir, mais il n’y avait rien à faire, ma colère était bien trop grande pour me laisser réfléchir en paix.

Silencieux, Bill se désintéressait totalement de moi et de mon immense désespoir.

- Alors, le grand William Weasley aurait-il découvert un mécanisme secret pour nous faire sortir d’ici ? Qu’est-ce que tu as à observer comme ça ce mur ?

Il me dévisagea froidement, sans parvenir pour autant à me faire ravaler mes paroles pleines d’amertume.

- Tu te décourages vite, constata-t-il.

- Que veux-tu ? Sans magie, je ne vois vraiment pas ce qu’on peut faire.

- Comme tu l’as si justement dit, ce chenal doit bien mener quelque part, rappela Bill en se baissant vers le bas du mur.

Il posa son doigt tout en bas à droite de la paroi, puis sortit de sa poche un couteau à cran d’arrêt.

- Il y a une croix ici, murmura-t-il.

Je me penchai par-dessus son épaule pour mieux voir l’insignifiante marque tracée dans la pierre.

- On dirait que la roche est plus friable à cet endroit, fis-je remarquer.

Il hocha la tête et appuya la pointe de son couteau contre la croix. La pierre céda avec facilité, découvrant une petite cavité, juste suffisante pour y passer les doigts. Bill dégagea les débris et en sortit un bout de parchemin qu’il déroula précautionneusement.

- Des hiéroglyphes. Tu sauras mieux le déchiffrer que moi, lança-t-il.

Je pris fébrilement le document.

- On dirait une incantation.

- Aucune idée de ce que ça pourrait donner ? demanda Bill. Il vaudrait peut-être mieux éviter de la prononcer alors.

- Bill ! On est coincés ici avec juste ce fichu parchemin. Si tu vois une autre solution, une issue de secours sortie de nulle part, dis-le !

Il ferma les yeux et me prit la main.

- Vas-y.

Je prononçai sans hésitation l’incantation, prenant plaisir à entendre cet ancien dialecte égyptien retentir dans ce lieu étrange.

Le mur face à nous s’illumina. J’approchai ma main et sursautai presque de ne pas sentir la sensation habituelle de la pierre. Mes doigts s’enfoncèrent dans ce qui était auparavant une matière compacte. Je passai lentement à travers, entraînant derrière moi Bill.

Lorsque je fus passée de l’autre côté, ma respiration s’arrêta. Je baignais entièrement dans une onde obscure. Mes longs cheveux nattés évoluèrent librement dans l’eau glacée. Cherchant de l’aide, je jetais un regard vif à Bill dont le corps apparaissait hors du mur. Lorsque son transfert fut terminé, la paroi redevint terne et le sort prit fin. L’étendue d’eau qui, jusqu’alors semblait figée par le temps, se déchaîna, nous entraînant plus loin.

Je m’agitai tant bien que mal pour remonter à la surface, mais mes piètres talents de nageuse et mes muscles engourdis par le froid se révélèrent inefficaces. Je crus ma dernière heure arrivée, lorsque je me sentis hissée jusqu’à l’air salvateur. Bill me maintint à la surface malgré le courant. Quelques secondes plus tard, nous nous étions fixés sur une berge rocheuse.

La gorge en feu d’avoir tant haleté à la recherche de la moindre goulée d’air, je tombai à terre et me recroquevillai, glacée par l’eau tumultueuse qui nous avait emportés jusqu’ici.

Lentement mes pensées se remirent en ordre. Une rivière, nous ne pouvions pas être en plein désert, c’était inconcevable.

- C’est une rivière souterraine, conclut Bill qui semblait se poser les mêmes questions que moi.

Mes yeux se posèrent sur la voûte rocheuse juste au-dessus de nos têtes. Vraiment nous avions de la chance.

- Bon sang, je ne sais pas nager ! tempêtai-je, harassée par cette peur effroyable qui m’avait prise alors que de gigantesques quantités d’eau se situaient au-dessus de moi.

- J’avais bien remarqué, soupira Bill, allongé de tout son long, regardant fixement la voûte.

Un moment, je crus qu’il allait en profiter pour me faire la leçon. « Je te l’avais bien dit » ou quelque chose du genre, mais il s’abstint.

- Ce que j’ai froid, je gémis.

Je sentis deux bras m’entourer et ma tête se posa contre une chemise mouillée.

- Respire doucement et détends-toi, murmura Bill.

Peu à peu, la chaleur revint.

- Tu m’as déjà sauvé la vie, constatai-je nerveusement.

- Tu devrais apprendre à nager, ça peut être utile.

Nous sommes restés comme ça pendant ce qui me sembla une éternité, sa main lissant mes cheveux emmêlés.

- Moi qui étais prête à tout pour une fabuleuse découverte, me voilà servie ! J’espère qu’au bout de tout ça, il y a des trésors qui n’attendent plus que nous.

Le rire de Bill résonna dans la grotte. Il planta un baiser sur ma tempe, se leva et me hissa d’autorité sur mes pieds.

- Allons à la chasse aux trésors ! s’amusa-t-il.

Du bout des doigts, je touchai encore hagarde l’endroit où il avait posé ses lèvres.

- Par là, il y a une corniche, indiqua Bill.

Alors qu’il empruntait l’étroit chemin au-dessus des flots, je le suivis tant bien que mal, me plaquant à la paroi rocheuse et essayant de ne pas penser au torrent tumultueux juste sous nos pieds.

J’arrivai au bout de l’infernal passage, les yeux obstinément fixés sur la mur face à moi, mes pieds avançant avec précaution sur la roche glissante.

- Il y a un tunnel, Asma ! s’écria Bill en m’entraînant à sa suite, sans doute exaspéré par ma lenteur.

- Heka(4) soit loué ! soupirai-je.

Peut-être allions-nous enfin sortir de cette galère. Trempée jusqu’aux os, je devais bien avouer que la chaleur aride de cette fin d’été ne m’avait jamais fait plus envie.

La main de Bill autour de mon poignet m’agaça. A devoir le suivre, j’évitais maladroitement les obstacles du tunnel chaotique qui s’était offert à nous. Des pierres taillées paraissaient avoir été dressées ici de main d’homme, mais des pans entiers s’étaient effondrés, œuvre sans doute du temps et des désordres sismiques.

- Oh !

Ce fut le seul son que je parvins à prononcer, face à l’impressionnante fresque qui s’étendit devant nos yeux. Jamais je n’en avais vu de semblable. Elle devait bien faire quatre mètres de haut sur six de long. Si les couleurs étaient fanées, elles détonnaient pour autant dans le gris rocheux qui nous entourait.

- Encore une impasse, constata tout de même Bill.

Ce petit jeu commençait aussi à me lasser. Pourtant nous devions forcément être sur la bonne voie.

Du doigt, je suivis les représentations de ce qui s’avéra être des rituels magiques anciens. C’était assez rare de voir la magie figurée de façon aussi claire. Afin de se protéger des moldus, les anciens sorciers égyptiens préféraient dissimuler leur science, en utilisant allégories et symboliques. Là, la marche à suivre était aussi claire que de l’eau de roche. Les sceptres n’étaient plus des objets de pouvoir, mais ils jouaient bel et bien le rôle de baguette rudimentaire.

- Bien sûr !

Bill me dévisagea d’un air sceptique, attendant des explications à mon enthousiasme soudain.

Sortant ma baguette, je prononçai haut et fort un Alohomora, manquant de sauter de joie en sentant le sol vaciller doucement sous mes pieds.

- Ça serait aussi simple que ça ! s’exclama mon partenaire les yeux ronds. Et le sort de blocage ?

J’esquissai, très satisfaite de moi, un geste vers la fresque qui s’effaçait lentement pour laisser le passage ouvert.

- La fresque était entièrement consacrée à la magie, avec différents rituels - probablement les découvertes du sorcier enterré ici. Ça valait le coup d’essayer un simple sortilège.

Frottant sa nuque, Bill eut l’air passablement déconcerté.

- Avoue que tu as essayé au hasard, lança-t-il.

- Si tu veux. Mais j’appellerais plutôt ça de l’instinct. Quand tu seras parvenu à mon niveau, tu pourras peut-être en dire autant.

J’avançai précipitamment, tentant de cacher mon amusement face à la mine ahurie de mon collègue. Niveau second degré et ironie, il avait décidément des progrès à faire.

La salle dans laquelle j’entrai, me coupa bien vite toute envie de plaisanter. Si j’avais fait des rêves, ils s’avéraient bien piètres par rapport à la réalité qui s’imposa à moi. Parchemins entassés sous une couche de poussière conséquente, amulettes de grand prix, bijoux d’or et de pierres précieuses, objets d’une grande valeur, et au fond, une niche où reposait sans doute depuis des milliers d’années le propriétaire de toutes ces merveilles. Dans un geste désuet que m’avait appris Nadim Ghezali, je portai ma main à mon front pour honorer le défunt.

Bill préféra choisir ce moment pour m’envoyer une tape dans le dos.

- Par Merlin, en voilà une trouvaille ! s’exclama-t-il bruyamment. Tu imagines la valeur de tout ça ?

Sur le coup, je cherchais plutôt à imaginer la tête de Sicpol, le gobelin qui dirigeait le service.

- Je me demande comment on va faire pour tout transporter, demanda Bill. Et aussi comment on va sortir d’ici.

Intéressante problématique. Mais il soulevait la question trop tôt à mon goût. Avant de revenir si brutalement sur terre, j’aurais aimé planer encore un peu.

- On va prendre ce sceptre, proposai-je en m’emparant d’une des superbes pièces entassées dans un coffre. C’est le protocole, on prend un échantillon représentatif du butin comme preuve. Et l’équipe s’occupera d’amasser tout le reste. L’organisation, la collecte, l’archivage, ça reste secondaire.

- Ce qui est moins secondaire, c’est de parvenir à sortir d’ici, fit remarquer Bill.

- Très juste, mais tu vois, la sortie est indiquée.

Je désignai un étroit boyau dissimulé derrière la niche du sarcophage. Bill déchiffra un moment les hiéroglyphes entourant l’étroit passage puis scruta l’ intérieur même du tunnel, où l’on pouvait seulement passer en rampant.

Après un dernier regard vers la salle, il s’y engouffra.

La faim, la fatigue et le froid eurent tôt fait de calmer mes ardeurs de briseuse de sorts. Pour aujourd’hui, nous en avions assez fait. J’avais repéré les lieux et estimé le trésor que recelait cette tombe, de quoi faire un rapport suffisamment alléchant au directeur. Et si ça ne s’avérait pas suffisant, le sceptre serait un argument de poids pour lui faire dépêcher au plus vite tous les ouvriers disponibles. D’or, serti de rubis, je pouvais presque en voir la lueur se refléter dans les yeux avides du gobelin Sicpol.

Le sceptre sous le bras, je me faufilai à mon tour dans notre dernière issue. Ramper dans cet endroit sombre et étouffant ne fut pas une partie de plaisir. Je pourrais sûrement exhiber des écorchures aux coudes et aux genoux, comme séquelles de cette petite aventure… Sans parler d’une probable phobie de l’eau…

Après plusieurs minutes d’une éprouvante avancée dans ce lieu clos, j’entendis Bill plus loin s’agiter.

- Bill ?

Ma voix résonna étrangement, comme teintée d’une inquiétude que je ne lui connaissais pas.

- Par les baguettes d’Orsino(5) ! Il y a une foutue pierre qui bloque le passage !

Je passai outre ma surprise face à ce juron - y avait-il en Angleterre des sorciers si puissants qu’il pouvait manier deux baguettes ?!

- Et qu’est-ce que tu attends ? Pousse-la !

Pour être honnête, l’idée que nous puissions rester coincés ici s’était insinuée rapidement en moi et y causait un profond sentiment de panique. Je serrai étroitement le sceptre contre mon cœur, espérant étouffer ses battements désordonnés. Ma tête appuyée contre le mur, je fermai les yeux et tentai d’apaiser ma respiration haletante. Ce n’était ni le moment ni l’endroit de se découvrir des phobies.

Dans le noir total, des marmonnements me parvinrent. Bill semblait d’aussi mauvaise disposition que moi. Le silence revint n’aidant pas mes peurs, avant que ne retentisse un bruit sourd.

Lorsqu’une faible lumière éclaira le caveau, j’aurais sauté de joie si je ne m’étais pas souvenue à temps que le bas plafond ne me le permettrait pas.

La main familière de Bill m’aida à sortir du boyau. Mes jambes endolories eurent du mal à supporter à nouveau la position debout. Epuisée, je me rassis sur le sable et je contemplais le grand mur enchassé dans la falaise dont nous venions de sortir.

- On dirait un vieux temple, fis-je remarquer.

Bill s’effondra à mes côtés.

- Tu es dans un état pitoyable, constata-t-il.

Certes je ne devais pas avoir l’air brillante, les vêtements détrempés, assise là à grelotter en serrant pitoyablement entre mes bras le sceptre.

- Allez, il faut qu’on trouve le tapis, lança Bill en me remettant sur pied.

Portant mes doigts à ma bouche, j’émis un sifflement. En quelques secondes, notre moyen de transport était devant nous. Je m’avachis sur la molle carpette et laissai échapper un dernier mot d’ironie.

- Ce n’est pas vos balais qui en feraient autant.

Bill ne répondit pas, se concentrant plutôt sur le sortilège qui lui permettrait de retrouver la direction du Caire.

Le trajet jusqu’à Gringotts me parut morne après toute l’agitation que nous avions eue à subir. Le ciel sombre s’éclaircissait doucement par-delà les dunes, annonçant l’aube. Le Caire nous apparut silencieuse et endormie à ces heures du petit matin.

Le tapis se posa dans la cour de l’Ensemble Gringotts sans que nous ayions aperçu âme qui vive. Nous étions suffisamment à distance des bâtiments bardés de gardes et de défenses magiques, protégeant les réserves souterraines de richesses que possédait la Banque des Sorciers. Aucune chance qu’on se préoccupe de deux employés faisant du zèle. Pourtant je tenais toujours le sceptre tout contre moi.

- Il y a un coffre-fort dans le département, pensai-je à haute voix. On pourra l’y entreposer avant de le montrer au directeur.

Bill m’emboîta le pas dans les escaliers menant au troisième étage, puis jusqu’au bout du couloir où se situait la réserve.

D’un coup de baguette, j’allumai la torche appendue au plafond. L’endroit avait avant tout pour but d’entreposer les rapports en tout genre, la documentation et bon nombre de notes. Des étagères emplies de parchemins poussiéreux, voilà ce que recelait principalement ce réduit mal éclairé. Bill haussa un sourcil moqueur, il semblait avoir trouvé la réponse à certaines de ses questions, notamment où pouvaient bien finir les interminable rapports que nous devions copier en plusieurs exemplaires.

Cependant tout au fond de la salle, je connaissais l’existence d’un coffre-fort peu utilisé, excepté pour quelques notes riches en informations tenues secrètes, ce qui avait été rarement mon cas. McKee se donnait beaucoup d’air lorsqu’il venait ici dissimuler certains de ces rapports.

Pour ce qui était du butin d’or ou d’une puissance magique appréciable, nous devions nous rendre dans les réserves souterraines de Gringotts. A cette heure de la nuit, j’étais peu encline à devoir affronter les factions de mercenaires bornés qui montaient la garde.

Je fis doucement tourner la molette du coffre-fort, attentive au cliquetis, pour cause, je n’étais pas sûre de me rappeler de la bonne combinaison. La porte s’ouvrit pourtant sans difficultés. J’y rangeai le sceptre avec délicatesse, évitant de regarder les autres papiers et objets entreposés et pensant déjà qu’il serait plus prudent de venir récupérer mon trésor aussi tôt que possible dans la journée. Si par exemple McKee tombait dessus, je ne jurerai pas des conséquences que cela pourrait avoir.

Alors que je claquai la porte du coffre-fort, Bill sursauta.

- J’ai entendu du bruit.

Dubitative, je haussai les épaules. La fatigue devait l’avoir égaré. A cette heure-ci il ne pouvait y avoir personne dans ce bâtiment.

Sans me laisser le temps d’obtempérer, il me prit par le bras et m’entraîna avec lui. Il sortit de la réserve et prenant la première porte à sa gauche, il m’y poussa devant lui. Qu’il s’agisse d’un placard à balais n’eut pas l’air de le gêner pour autant.

- Mais qu’est-ce que tu f… ?

Il interrompit ma question en me baillonnant de la main et fit cesser bien vite mes tentatives pour me dégager en me maintenant fermement contre lui. Seule une mince raie lumineuse passait sous la porte, je n’avais même pas éteint la torche de la réserve. Je m’impatientai dans cette attente stérile. Mon pied heurta ce qui devait être un seau et les deux bras de Bill se resserrèrent sur moi. Soudain des bruits de pas retentirent.

- Tu as perdu la tête, grinça une première voix. Qui viendrait ici à cette heure ?

- Je n’ai pas rêvé, la torche de la réserve ne s’est pas allumée toute seule que je sache, répliqua sèchement son interlocuteur. Monsieur Sicpol, vous nous avez demandé de vous prévenir s’il y avait du mouvement. Je crois que vous voilà servi.

Sicpol, le gobelin directeur du service ! Que faisait-il là au beau milieu de la nuit ?

- Très bien, il faudrait inspecter le périmètre, marmonna Sicpol.

J’eus envie de sortir de ce placard et de mettre un terme à cette situation ridicule. Ce n’était que moi après tout, et non un voleur ou un intrus, mais Bill ne me laissa aucune liberté de mouvement.

- Vous êtes sûr qu’il s’agissait d’eux, Pills ? reprit le gobelin.

- Oui Monsieur, répondit une troisième voix. Une jeune femme accompagnée d’un homme plutôt grand. C’était Miss Souakri et le nouveau conjureur, j’en suis persuadé.

- Et ils seraient arrivés en tapis à une heure pareille ? demanda Sicpol.

- C’est cela, Monsieur, approuva Pills.

- C’est très bien, vous pouvez retourner à votre poste, ordonna le gobelin. Vous deux, fouillez donc l’étage, ils ne doivent pas être loin. S’ils ont vu quoi que ce soit, il faudra les réduire au silence.

Je faillis laisser échapper un hoquet de frayeur. Si nous avions vu quoi ? Que se passait-il ? Nous n’avions en rien outrepassé le règlement de Gringotts. La situation devenait inquiétante et je ne comprenais rien au comportement de Sicpol.

La respiration de Bill sur ma nuque se fit plus précipitée.

- On doit sortir d’ici, me chuchota-t-il.

Des bruits divers retentissaient à notre gauche, du côté de l’escalier. Ce n’était pas bon si les mercenaires nous coupaient la route.

- Asma, tu connais le bâtiment mieux que moi. Tu dois nous faire sortir d’ici, me murmura Bill.

La nuance d’empressement et de peur que je perçus dans sa voix, me parut bien mince par rapport à mon propre sentiment de panique. Nous faire sortir d’ici, et comment ? Le transplanage était une possibilité que je pouvais exclure d’emblée, Gringotts étant largement pourvu de sortilèges le protégeant contre toutes sortes d’intrusion. D’après le tapage qui provenait du début du couloir, il semblait impossible de parvenir à l’escalier sans passer devant les gardes.

- Je suis sûr qu’il y a un moyen, renchérit Bill en me secouant un peu.

De mon bureau, il était bien possible d'atteindre un escalier extérieur qui avait servi autrefois d’accès au toît pour les atterrissages de convois volants. Mais il faudrait sûrement jouer les acrobates sur une corniche escarpée, vraiment je ne m’en sentais pas le courage !

- Asma, je t’en prie ! Ce n’est pas le moment de lambiner.

- Il y a un escalier extérieur… par la fenêtre de mon bureau, on devrait pouvoir…

Me prenant au mot, Bill tourna lentement la poignée de la porte du placard et jeta un œil dans le couloir. Avec vivacité, il m’attira à l’extérieur. Le cœur battant à tout rompre, je jetai un dernier regard sur la réserve, craignant pour le sceptre. Un instant, le dos de Sicpol m’apparut, tendu vers le coffre-fort.

Avant que je n’ai pu réagir, je me retrouvais dans mon bureau et Bill en fermait la porte silencieusement. Pétrifiée par la peur, je contemplais son regard fiévreux et scrutais les mouvements sûrs avec lesquels il ouvrit la fenêtre.

- Allez, viens ! ordonna-t-il en me prenant par la main.

Il envisageait vraiment de me faire monter sur une corniche de quelques centimètres, du haut du troisième étage ? Mon cœur se soulevait rien qu’en percevant le vide qui m’accueillerait si je venais à glisser. Ça ferait une jolie chute.

- Monte ! Les gardes ne vont pas tarder à arriver jusqu’ici.

J’ignorai quelle était ma peur la plus grande : ces gardes qui avaient apparemment des intentions peu pacifiques, ou une promenade sur une corniche culminant si haut. Je préférais fixer mon attention à quelques mètres de là sur l’escalier extérieur, que me désignait vivement Bill. Il m’aida à monter et me suivit, ne faisant aucune remarque sur la façon dont j’empoignai solidement son bras, ni sur mes tremblements excessifs.

A peine étions-nous passés sur la corniche qu’un claquement de porte nous alerta. Je crus que mon cœur allait s’arrêter lorsque j’aperçus par l’encadrement de la fenêtre, un gobelin à l’air furibond. Nous étions faits !

- Stupefix !

Je resserrai mon emprise sur le bras de Bill et j’en aurai loué le ciel qu’il ait eu un tel réflexe. Il ne me laissa pas le temps de me remettre de ma frayeur et me força à progresser. D’une main accrochée à mon partenaire et de l’autre cherchant la moindre prise sur le mur de granit de la façade, je fis glisser avec précaution mes pieds. J’hésitai et je tremblai. Le peu de distance à parcourir me parut un calvaire.

- Saute maintenant !

Je retournai vivement la tête et je dévisageai d’un regard égaré le visage blême de Bill.

- Sauter ?…

- L’escalier est là, à seulement deux mètres. Saute, je te dis !

Je jetai un regard plus bas et cela suffit à me dissuader de toute action. Je ne pouvais pas…

A l’air déterminé de Bill, je crus deviner ses intentions. Il était trop tard pour réagir. Il me poussa et j’eus au moins le bon sens de ne pas crier. L’atterrissage fut un peu rude, mais je m’en sortis plutôt bien. Lorsqu’il sauta à son tour, je me retins de le gifler, le disputer ou quoi que ce soit d’inapproprié au vu de la situation.

- Ce n’est que partie remise, marmonnai-je plus pour moi-même.

Il eut un faible sourire.

Cachés dans la pénombre régnant encore, nous descendîmes l’escalier et longeâmes le bâtiment.

Un juron étouffé échappa soudain à Bill.

- Qu’y a-t-il ? demandai-je.

- Le sceptre ! Sicpol va s’en emparer.

Je secouai la tête.

- Aucun risque. Il a beau être le chef du service. Ça reste plus un titre administratif qu’autre chose. McKee et les autres conjureurs sont trop orgueilleux pour accepter qu’un gobelin puisse venir fourrer son nez dans les affaires qu’ils tiennent à garder secrètes. La combinaison du coffre reste entre conjureurs de sort.

Alors que nous débouchions dans la cour, notre attention fut attirée par des éclats de voix. Sous le portail d’entrée, deux hommes semblaient se disputer âprement. Impossible de sortir de Gringotts sans passer sous leur nez. Se dissimulant derrière une statue à l’effigie de Sir Holden Whitmore, le fondateur de la section égyptienne de la Banque des Sorciers, je sentis Bill se glisser derrière moi.

- Il n’y a pas d’autres sorties ? demanda-t-il anxieux. On ne peut pas passer par là.

Je lui fis signe de se taire. Il n’y avait pas d’autres sorties. Et je n’aimais pas vraiment le tour que prenait la dispute entre les deux sorciers.

Je connaissais l’un comme étant Teekney, un assistant de recherche au Bureau de détection de la magie, son rôle étant de repérer les sites à potentiel magique pour ensuite les désigner aux conjureurs de sort. Et sa silhouette dessinée par les premiers rayons de l’aube me parut étrangement familière.

- Il faut se rapprocher, chuchotai-je.

Bill sembla désapprouver fortement, mais je me faufilai contre le mur d’enceinte pour me rapprocher plus près des deux sorciers. Mon pressentiment allait peut-être se confirmer…

- Et que devais-je faire ?! s’écria Teekney. Je ne pouvais pas les mettre hors d’état de nuire. J’étais seul !

- Deux Stupefix auraient suffi pour les empêcher de s’approcher de la tombe, maugréa son partenaire. Maintenant nous voilà dans de beaux draps. Tu les as vus entrer ?

Teekney hocha la tête et je pus discerner ses traits déformés par l’angoisse. Son expression contrastait par rapport à celle dure de l’autre homme aux cheveux roux entourés d’un keffieh.

- Ils se seraient posés des questions si je les avais stupéfixés, marmonna-t-il.

- Tu sais qu’ils sont revenus ?! s’emporta l’autre sorcier. Sicpol et deux gardes ont dû se lancer à leur recherche. Maintenant c’est certain qu’ils doivent se poser des questions.

Teekney s’apprêta à présenter des excuses, mais il sembla incapable de trouver quoique ce soit d’approprié à dire. Baissant la tête, il continua d’entendre les reproches de son interlocuteur.

- Il ne te reste plus qu’à aller tout expliquer à Sicpol. Il va être enchanté d’apprendre que notre réseau est peut-être mis à jour à cause d’un incapable dans ton genre.

La main de l’assistant de recherche eut un mouvement menaçant vers sa baguette que ne manqua pas d’apercevoir l’homme roux.

- Pour ton propre bien, il vaut mieux qu’il en soit informé rapidement. Il faudra sûrement employer les grands moyens pour retrouver ces deux conjureurs, s’ils en savent trop…

La menace voilée me fit me renfoncer davantage contre le mur d’enceinte. En reculant, je butai maladroitement contre la jambe de Bill.

- Je crois qu’il n’y a pas que des gens bien intentionnés par ici, souffla-t-il.

Le trait d’ironie était assez mal venu au vu de la gravité de la situation.

- Bill, je viens de découvrir qu’un réseau de malfaiteurs était infiltré ici, fis-je en lui adressant un regard noir. Alors je pense que ce genre de commentaires, je m’en passerais. Réfléchis plutôt à un moyen de nous en sortir.

D’un geste, il me désigna le portail d’entrée déserté par les deux sorciers. Plus loin, Teekney traversait la cour. Et son partenaire sans doute un garde, était allé rejoindre son poste près des bâtiments Ouest.

- Qu’est-ce qu’on fait ? demandai-je d’une petite voix.

- Quelle question ! s’enhardit Bill. On s’éloigne d’ici au plus vite et on va tout expliquer aux autorités.

Me prenant la main, nous sortîmes de l’Ensemble Gringotts. Plus au Nord, le Caire s’éveillait doucement, le chant du muezzin s’élevant dans l’atmosphère encore fraîche de la nuit.

J’imaginais déjà ce que serait cette journée : interrogatoire en règle chez des Aurors, incompréhension, incrédulité… Tout cela allait m’attirer des ennuis, c’était certain. Mais ça ne comptait pas réellement. Parce que j’avais beau être épuisée par cette nuit sans repos et être effrayée par ce que l’avenir me réservait, il y avait Bill qui me tenait la main. Et cette simple sensation était rassurante.

(1) Karkadé : décoction de pétales d’hibiscus

(2) Foul : plat préparé à base de fèves mijotées toute la nuit pour en faire une purée généralement servie dans un morceau de shami (pain)

(3) Tahina : pâte de sésame parfumée au citron

(4) Heka : dieu de la magie dans le culte de l’Egypte ancienne

(5) Orsino Thruston : batteur du groupe « Les Bizzar’ Sisters »

fic

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