Fic Merlin - Drabblelot 16 - Prière (Part 1)

Mar 01, 2011 19:54



Disclaimer : Persos pas à moi, mais à la BBC, en dehors des légendes.
Genre : Hum. Recueil de Drabbles avorté qui a muté en une série de textes qui se suivent. Amusant que le premier fasse à peu près 100 mots et que celui-ci en fasse 10.000 ^^;
Rating: M
Pairing : Merlin/Arthur
Important: Je tiens à signaler que je m'inspire légèrement de l' « esprit » de l'été de Steven Lawhead dans son « Cycle de Pendragon ». Il vaut mieux avoir lu "tempête" pour  tout comprendre.

oOo


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Prière
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Beltane se profilait à l'horizon de Camelot et les préparatifs des festivités organisées en cette occasion avaient déjà commencé alors que les premières semaines de printemps laissaient place à un manteau de verdure luxuriante entourant la cité.

Ce matin-là, le soleil étirait paresseusement ses premiers rayons sur la cité, laissant une odeur piquante dans l'air.

Gagné par cette atmosphère particulière, Merlin sifflotait joyeusement, poussant la porte de la chambre d'Arthur, son petit déjeuner entre les mains. Ce dernier était déjà levé et contemplait d'un air rêveur la vue que lui offrait la fenêtre près de son lit. Se détournant, il observa Merlin poser le plateau sur la table au centre de la pièce. Le serviteur lui offrit son plus large sourire.

« Tu m'as l'air d' une humeur excessivement enjouée ces derniers jours, fit Arthur d'un ton soupçonneux.

- Ah bon? Pas spécialement. Je suppose que ce sont les festivités qui me rendent joyeux. J'ai l'impression que l'allégresse se répand à nouveau au sein du royaume, après tout ce que le peuple a vécu. »

Il sourit avant d'ouvrir en grand les fenêtres de la chambre pour laisser entrer l'air frais du printemps. Arthur suivit un instant les particules de poussière dansant dans les rayons du soleil avant de reporter son attention sur la conversation.

« Ça doit être l'esprit de l'été » murmura-t-il comme pour lui-même.

Sans comprendre immédiatement pourquoi cette phrase occasionnait en lui un tel soulèvement, Merlin lâcha la manne dont il venait de se saisir. Il voulut s'excuser mais se trouva incapable de produire le moindre son.

Arthur regarda distraitement le linge se répandre sur le sol et ajouta: « C'est un peu ce que les festivités de Beltane m'évoquaient quand j'étais petit: un royaume où ce serait toujours l'été. Étrange que cela me revienne maintenant.»

Merlin acquiesça et murmura quelques mots étouffés qu'il ne comprit pas lui-même, avant de disparaitre dans le couloir sous le regard interloqué du Prince.

-

Le jeune serviteur avait écourté ses corvées matinales, trop perturbé pour mener à bien une quelconque activité. Dès qu'il le put, il se précipita chez Gaius, priant pour que le vieillard ne soit pas sorti.

« Gaius, appela-t-il la porte d'entrée à peine franchie. Vous êtes là?
- Par ici mon garçon, l'invita le vieil homme. Assieds-toi, je réchauffais justement de quoi me faire un casse-croûte. »

Merlin s'installa à table et en profita pour prendre quelques profondes inspirations afin de se calmer. Comme à chaque fois qu'il était contrarié ces derniers temps, il se gratta furieusement les poignets. Ses blessures avaient beau avoir parfaitement cicatrisé, cela n'empêchait pas les démangeaisons.

« On dirait que tu viens d'apercevoir Lady Vivian, sourit Gaius.
- Non, non, c'est autre chose. En fait je... Quoi? Lady Vivian est là ?
- Il se murmure qu'elle a tellement insisté que le roi Olaf n'a pas eu le cœur de la laisser au couvent pour les festivités. Ceci dit, rassure-toi, il n'est pas encore sûr qu'elle vienne...Mais si ce n'est pas ça, qu'est-ce qui te préoccupe? »

Gaius fronça un sourcil trop grand pour son visage et attendit patiemment, sentant que son apprenti avait besoin d'un peu de temps. Merlin ne savait pas par où commencer, ayant lui-même du mal à mettre le doigt sur ce qui n'allait pas.

« Comment dire? Depuis quelques jours, j'ai un étrange pressentiment ou plutôt une sensation. On dirait que mes sens sont étrangement en éveil et m'envoient des signaux. Comme si une partie de moi sait quelque chose que j'ignore et qu'elle essaye de se rappeler à mon souvenir...
- Je vois, fit Gaius sans rien voir du tout. Et qu'est-ce qui t'a fait noter ce... changement? interrogea-t-il.
- C'est difficile à dire... Je l'ai d'abord senti dans ma magie, une sorte de bouillonnement en moi qui menace de déborder à tout moment. Je me suis dit que c'était un peu de surmenage et j'ai essayé de me calmer, ce qui a bien fonctionné au départ.
- Mais enfin Merlin! Tu aurais dû directement venir m'en parler, ponctua le vieil homme.
- Il n'y avait pas lieu de vous inquiéter inutilement! Je me sens souvent comme ça à l'approche de Beltane, je suppose que ça doit être lié à la saison » répondit Merlin en haussant négligemment les épaules.

Gaius s'étonna une fois de plus de cette connaissance intuitive de la magie qu'avait son jeune apprenti. Le savoir que lui-même n'avait pu engranger qu'au prix d'années passées à la seule étude de ses livres, Merlin le trouvait inscrit en lui le plus naturellement du monde.

« Sais-tu mon garçon que selon la légende, ce sont les plus puissants des druides qui créèrent le Feu de Bel par leur magie et leurs incantations. Ils célébraient alors le feu nouveau et la lumière envahissant la nature, messagers de l'été à venir.
- Je l'ignorais, murmura Merlin du bout des lèvres, absorbé par les dires du vieil homme.
- Les druides rendaient hommage à la terre en partant au plus profond de la forêt afin de vivre leur awen. N'as-tu jamais entendu parler de l'éveil du druide?
- Non, c'est quoi exactement?
- Il s'agit d'une forme de transe durant laquelle un druide assez puissant peut communier avec les forces de la nature. Elles lui montrent alors ce qui est ou ce qui sera, et comment peser sur les lignes du destin. Cependant nul ne peut contrôler l'awen et sa manifestation demeure rarissime. 
- Mais où avez-vous appris tout ça, Gaius? demanda Merlin, fasciné.
- Ce royaume n'a pas toujours fermé ses portes aux créatures douées de magie. Et peut-être celles-ci ne demeureront pas fermées à jamais.
- Vous êtes étrange aujourd'hui, sourit le jeune homme.
- Peut-être. Toujours est-il qu'au même titre que la sève remonte dans les arbres à cette époque de l'année, le flot magique se renouvelle en toi, comme en toute créature magique au moment de Beltane. 
- Oui mais le problème n'est pas là, argua Merlin. J'arrive à tout contrôler parfaitement sauf quand Arthur devient bizarre.
- Bizarre? Gaius ne put retenir un haussement de sourcil.
- Oui, parfois on a des, comment dire, des « moments »...
- Des « moments »? répéta le vieil homme d'une voix plus aiguë qu'à l'ordinaire.
- Deux, en fait. Deux moments. »

Merlin leva les yeux au ciel sous le regard ahuri du vieil homme et tenta de s'expliquer. Le premier « moment » avait eu lieu la veille au soir, alors qu'il s'apprêtait à moucher la bougie sur la table de chevet du Prince.

« Laisse-la allumée » avait murmuré ce dernier. Et comme s'il avait senti le regard de son serviteur s'attarder, il s'était cru obligé d'ajouter qu'il dormait mal depuis quelques jours.

« C'est probablement que vous vous préoccupez bien trop des entraînements, Sire, avait argué Merlin. Il faudrait vous aérer un peu l'esprit, cela vous aiderait à dormir.
- On croirait entendre Hunith! » avait souri Arthur avant de fermer les yeux.

Pour le coup Merlin en était resté muet. Arthur n'avait pas eu de nombreuses occasions de rencontrer sa mère et certainement pas assez pour imaginer quelles expressions pourraient venir d'elle.

Mais le plus troublant était que ce souvenir, cette manière qu'avait sa mère de lui dire « tu devrais t'aérer la tête » lui était revenu par le biais d'un rêve, la nuit d'avant.

Il s'était alors revu, à l'aube de sa dixième année, quand ses pouvoirs commençaient à réellement le différencier des autres enfants de son âge, quand on préférait l'éviter plutôt que d'avoir à ignorer les choses étranges qui se déroulaient en sa présence. Quand il courait pleurer dans les jupes de sa mère et qu'elle lui apprenait à être un peu plus costaud, parce qu'une bande de gamins pas vraiment conscients du mal qu'ils faisaient ne valait certainement pas tant de larmes. C'était dans ce genre de moment qu'elle lui disait: « Allons, Merlin, ne reste pas là à ressasser tout ça, tu devrais sortir t'aérer la tête! Va donc me rafraîchir l' espace entre ces deux magnifiques oreilles! » et alors son sourire effaçait presque tout. Son sourire, plus radieux encore que le soleil, donnait irrévocablement envie au petit garçon qu'il était de courir explorer le bois le plus proche.

« Oui, mais c'est peut-être une coïncidence, tenta Gaius, ne semblant pas convaincu de l'étrangeté de la chose.
- Oui, bien sûr. Enfin, c'est ce que je me suis dit au départ. Mais ça m'a quand même semblé étrange de me réveiller avec ce souvenir en tête et qu'Arthur y fasse allusion le soir-même. Mais ce n'est pas le plus troublant, non, ça c'était ce matin!
- Que s'est-il passé ce matin? demanda Gaius, perplexe.
- J'ai fait un rêve étrange cette nuit et en ouvrant les yeux ce matin, j'en gardais un souvenir persistant, alors qu'il est plutôt rare que je me rappelle de mes rêves. Bref, ce rêve était particulièrement étrange parce que j'ai la déroutante impression qu'il ne m'appartient pas... »

La voix de Merlin sembla s'éteindre et son regard se perdit dans le vague.

« Et en quoi consistait ce rêve, mon garçon? demanda le vieil homme, le ramenant aussitôt à la réalité. 
- Ne te moque pas, Gaius, mais j'ai rêvé d'un royaume empli de lumière et de paix, où la magie coexistait en harmonie avec la nature et dont les habitants étaient libres et heureux. Et comme ni les intempéries, ni le froid ne frappaient les terres de ce royaume, on l'appelait le pays de l'été. Je me suis réveillé avant de connaître l'identité du seigneur de ces terres mais avec l'absolue certitude qu'il était fait pour Arthur. »

Seul le sourire un peu las du vieil homme lui répondit et Merlin haussa les épaules, ne se décourageant pas pour autant.

« Je sais que ça a quelque chose de très enfantin, mais ça m'a rendu plus léger. Et la matinée n'a pas eu le temps de s'écouler qu'Arthur y a fait allusion, à ce rêve de gosse! 
- Que veux-tu dire? demanda l'alchimiste.
- C'est cette phrase sur l'esprit de l'été. Ça a tout ramené en moi d'un seul coup, le rêve mais aussi les impressions qui en découlaient... »

Merlin parut soudain fiévreux, animé d'une félicité sans borne. Mais cela ne dura que quelques secondes, avant qu'il ne se perde à nouveaux dans des pensées maussades. Le vieil homme le dévisageait sans mot dire.

« J'ai un mauvais pressentiment, Gaius. J'ai l'impression de m'être introduit dans un rêve d'Arthur et, pire encore, j'ai l'impression qu'il peut faire de même avec moi. Et ça ne serait vraiment pas une bonne chose, qu'Arthur puisse entrer dans mes rêves » murmura-t-il en réprimant un frisson.

Merlin semblait démesurément inquiet. Si les évènements avaient certes un aspect troublant, il n'y avait pas de quoi s'alarmer. Et pourtant le jeune homme se laissait plus facilement tourmenter qu'à l'ordinaire.

« Tu as besoin de repos mon garçon, décréta Gaius. Va t'allonger et tâche de ne pas trop cogiter. J'irai cet après-midi t'excuser auprès du Prince. »

Le jeune sorcier consentit à suivre les conseils de son protecteur, conscient que ce dernier l'imaginait avoir sombré dans la paranoïa. Il n'en était peut-être pas loin, d'ailleurs. Pourquoi paniquait-il à ce point face à ces deux petits moments d'étrange dans leur quotidien ponctué de monstres et de légendes?

Parce qu'il l'avait senti dans ses tripes, voilà pourquoi!

Il avait senti ce lien dévastateur entre eux, cette conscience de l'autre à la fois puissante et rageuse, cette reconnaissance qui aurait balayé toute considération si l' « instant » avait duré plus d'une seconde.

Une seconde après qu'il eut soufflé la bougie.

Une seconde durant laquelle il avait lâché la manne emplie de linge.

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Se passant un chiffon humide et frais sur le visage, Merlin prit conscience qu'il avait de la fièvre. Comme d'habitude, Gaius avait raison!Aussi passa-t-il l'après-midi à somnoler dans son ancienne chambre, sombrant par moment dans un sommeil sans rêve.

En début de soirée, il fut soulagé qu'aucun rêve étrange ne lui soit resté en mémoire. Se frottant distraitement les poignets, il se dit qu'il avait peut-être cédé à un brin de paranoïa, finalement. Il se redressa sur son lit et fut un peu surpris de se retrouver dans sa chambre chez Gaius. Le confort qui l'envahit instantanément lui fit monter un sourire aux lèvres. Oubliant les récents évènements, sa bonne humeur refit surface et il eut envie de voir Arthur. Se levant d'un coup, il se demanda s'il arriverait à l'heure pour apporter son dîner au Prince.

-

Le serviteur croisa Gaius au détour du couloir menant à la chambre princière; ce dernier lui apprit qu'Arthur était alité, en proie à une forte fièvre. Avisant l'éclair d'inquiétude dans les yeux de son apprenti, le vieil homme se voulut rassurant:

« Ne t'inquiète pas, c'est probablement juste son corps qui lui signifie qu'il est épuisé. J'ai préconisé du repos, nous verrons son état au petit matin. »

Merlin hocha la tête, le saluant d'un geste vague avant de se presser vers la chambre.

Ignorant comme à son habitude la plus élémentaire des courtoisies, il entra sans prendre la peine de frapper à la porte. Faisant mine de ne pas remarquer son manquement, le garde affecté à la chambre du Prince leva les yeux au ciel.

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La chambre était si calme et silencieuse qu'il referma la porte avec précaution. Arthur semblait déjà endormi, respirant de manière régulière sous les draps. Seule la veilleuse crépitait dans le noir.

Avisant la bougie sur le point de s'éteindre, Merlin se hâta de la remplacer, ouvrant le tiroir de la table de nuit où il laissait habituellement une réserve de bâtons de cire.

Il faillit hurler lorsqu'une poigne solide se referma sur son poignet. Il sursauta et plongea son regard dans les yeux perdus du Prince.

Ce dernier retira sa main comme si la peau du sorcier l'avait brûlé.

« Ah Merlin, c'est toi, souffla Arthur. Je pensais que tu étais souffrant.
- ça va mieux » répondit le serviteur en remplaçant la veilleuse.

Le blond se redressa contre ses oreillers. Il avait le visage luisant de sueur et les yeux dans le vague, visiblement incapable de se concentrer pleinement sur une seule pensée.

Merlin alla chercher une chaise qu'il plaça à côté du lit et s'y installa prudemment, les mains moites.

« Tu comptes me lire une histoire, Merlin? »  ricana Arthur.

Cela le fit sourire sans qu'il ne se détende pour autant. Il espérait que le Prince s'endorme au plus vite sans comprendre ce qui le poussait à le veiller.

Il avait senti le changement à la seconde où la main d'Arthur s'était refermée sur son poignet effleurant ses cicatrices. Comme si un courant était passé entre eux; le même genre de particules que celles qui chargent l'air lorsque le ciel est à l'orage. Mais il n'eut le temps de sentir gronder ce dernier que déjà le contact avait disparu.

Arthur le dévisageait à présent, un sourcil haussé dans la pénombre.

« Tu ne comptes pas rester jusqu'à ce que je m'endorme ? questionna le Prince, amusé.
- Non, bafouilla Merlin. Si... En fait je... »

En fait, il perdait complètement ses moyens, sans en comprendre la cause. Sans savoir pourquoi soudainement la pièce semblait tourner autour de lui et pourquoi son esprit se trouvait incapable de se fixer.

Arthur se redressa, interloqué.

« Merlin? »

Le serviteur baissa les yeux sur ses genoux, tentant de réfréner les battements dans sa poitrine. Il se frotta furieusement les poignets et déglutit avec difficulté. Il releva des yeux fous et sentit un étau se refermer autour de ses tripes. Ses cicatrices le brûlaient tant qu'il les pensa réouvertes. Arthur suivit son regard et lui attrapa à nouveau les poignets. C'était précisément le geste qu'il aurait fallu éviter.

La magie de Merlin tambourinait pour jaillir de son corps et le clouait en même temps sur place. Son esprit lui hurlait de se soustraire au regard d'Arthur avant de perdre tout contrôle et de révéler involontairement sa nature. Il avait une conscience particulièrement aiguë des doigts frais du Prince sur ses poignets brûlants. Le sorcier se sentit aspiré par la fraîcheur du blond pourtant fiévreux qui regardait curieusement la peau pâle emprisonnée entre ses mains. Les yeux dans le vague, le Prince effleura distraitement les cicatrices du pouce sans avoir conscience de son geste.

Merlin sentit un léger picotement se répandre dans ses poignets, une forme de douceur qui ressemblait presque à une caresse.

Arthur fut surpris de sentir une peau lisse et douce. Il plongea son regard dans les yeux de Merlin pour y découvrir un cercle mordoré, presque lumineux à la lueur de la bougie. Il s'interrogea vaguement sur les effets du clair-obscur et retint sa respiration. Un souvenir qui n'était pas le sien lui perfora soudainement l'esprit et il serra plus fort les poignets emprisonnés.

Merlin, lui, sentit à nouveau la douleur de la peau qui cède sous une lame acérée ; le souvenir d'une sombre nuit de tempête revint danser devant ses yeux et l'impression que sa magie suintait par ses pores pour s'enrouler autour du Prince lui enserra le ventre.

La bougie vacilla au moment précis où Arthur écarquilla les yeux, hoquetant de stupeur. Merlin n'arriva pas à réfréner le souvenir du sang lui coulant le long des poignets ni l'impression qu'un peu de vie le quittait. à ce moment-là, il fallait sauver Arthur et rien d'autre n'avait compté.

« Merlin, qu'est-ce que tu... »

C'est à cet instant qu'un début de réponse traversa l'esprit du jeune sorcier. Il savait pertinemment qu'Arthur était en train de partager ce souvenir et il était hors de question de se compromettre davantage.

Merlin se leva d'un bond et recula de quelques pas, peinant à reprendre ses esprits. La brume dans les yeux du Prince se faisait plus épaisse, il semblait brûlant. Ce dernier secoua la tête, se passant une main sur le front.

« C'est étrange..., commença-t-il en s'interrompant à nouveau. La fatigue, je crois. »

Le jeune sorcier hocha vigoureusement la tête et incita le blond à s'allonger, arguant qu'il avait besoin de repos.

« Votre fièvre empire, je vais chercher Gaius! » articula-t-il en se précipitant vers la porte sans laisser au Prince le loisir de lui répondre.

oOo

« Gaius, c'est terrible, s'époumona Merlin à peine entré dans la pièce. Ça ne peut pas être une coïncidence! J'avais les cicatrices qui me démangeaient plus que d'habitude et quand il a posé ses mains sur moi j'ai enfin réalisé! 
- Quoi? Qu'est-ce qu'il se passe? bafouilla le vieil homme. 
- ça a un lien avec la visite de Mordred, j'en suis sûr! Pendant cette fameuse nuit de tempête où j'ai mélangé cette étrange mixture à mon sang, où je savais exactement ce que j'avais à faire... »

Merlin se perdit dans ses pensées un instant avant de relever un regard déterminé.

« Il a touché mes cicatrices et ça a déclenché quelque chose! Ce remède n'avait rien d'innocent, c'est clair à présent! Ce qui a permis aux blessures d'Arthur de cicatriser est en train de l'empoisonner! Cette magie que je lui ai transmise le rend malade et m'appelle en même temps... Et en plus ça lui donne une loge au premier rang dans mes souvenirs! 
- Peut-être avons-nous en effet été inconscients de ne pas chercher plus avant la signification de ce cadeau, émit Gaius.
- Ce qui est certain, c'est qu'il s'est passé une chose très étrange dans ma magie. Elle bouillonnait, comme si elle voulait sortir de mon corps pour tendre vers Arthur.
- Comme je te l'ai dit, ton flux magique se renouvelle en cette saison. Il ne reste que trois jours avant Beltane et je crains que les choses n'aillent pas en s'améliorant. Et particulièrement en présence du Prince.
- De toute évidence...
- On pourrait fabriquer un antidote, proposa Gaius sans trop savoir par où commencer.
- Il faut surtout que vous lui apportiez immédiatement de quoi faire tomber sa fièvre. J'ai l'impression que ça empire.
- Très bien. Tâche de rester ici. Ta présence auprès du Prince ne semble pas aider. »

Le jeune serviteur hocha la tête et regarda Gaius quitter la pièce d'un air déconfit.

Il lui semblait imprudent de dormir et se demanda à quoi occuper son esprit. Laissant dériver son regard dans la pièce, il songea à ces années (déjà!) passées à Camelot.

:o:

Étrangement, Morgana lui manquait. Ils avaient été proches, tous les deux, empêtrés dans leur magie et un peu perdus dans ce monde qui n'appartenait plus à leurs semblables. Il avait cru lui apporter son aide en l'amenant aux druides, lui montrant que la magie n'était pas qu'une malédiction.

« Morgana... » souffla Merlin dans un murmure.

Si seulement tout s'était arrêté là. S'il n'y avait eu aucun massacre inutile, provoquant la colère de Mordred et ravivant la haine de Morgana envers son roi. Si seulement la mystérieuse Morgause n'avait jamais trouvé le chemin de Camelot...

Morgana aurait probablement été là pour le réconforter.

Et Morgause n'aurait jamais commis l'irréparable erreur de mettre à l'épreuve sa dévotion envers Arthur. Il avait froidement empoisonnée son amie, sachant pertinemment qu'il éteignait là la source du mal qui frappait le pays et Arthur. Et Arthur, surtout. Morgana n'avait pas tenu une demi seconde face à Arthur. Quelle trahison avait-elle dû subir.

« Pardonne-moi, Morgana » murmura-t-il, sachant pourtant qu'à revivre les mêmes évènements, il poserait les mêmes choix.

« Tu demandes pardon sans même regretter, Merlin »

La voix douce et grave emplit la pièce.

Merlin sentit un puissant frisson le parcourir alors que sa magie bondit, donnant l'ordre à son corps de se lever. Il scanna prudemment la pièce du regard et s'arrêta sur une silhouette familière se découpant dans la clarté de la fenêtre.

« Morgana! s'étrangla-t-il.
- Je n'avais pas réalisé jusqu'où tu étais prêt à aller pour lui, siffla la jeune femme sans pour autant se départir de sa douceur.
- Tu étais le catalyseur d'un mal qui atteignait la ville entière, Morgana.
- Et ta solution a été de m'empoisonner, Merlin! » persiffla-t-elle avant de sourire largement, étonnamment avenante.

Peu importe dans quel sens on retournait la situation, les faits étaient là, effectivement. Et la mélancolie avait beau le tourmenter plus souvent qu'il ne le voudrait, il savait que leur amitié n'en reviendrait pas. On ne pouvait pas changer le cours du destin. Et pas plus qu'il ne changerait d'allégeance, il savait que Morgana n'était désormais plus une alliée de Camelot. Cela faisait d'eux des ennemis à présent.

Morgana était aussi fière que belle. Le port altier, elle le toisait du regard.

« Et comme le poison a été ton arme, j'ai choisi de jouer selon tes règles. »

Merlin sourit. Elle n'avait pu s'empêcher de venir savourer sa vengeance en personne.

« Et je suppose que Morgause n'est en rien étrangère à tes nouvelles initiatives, tenta le jeune homme.
- Oh sois gentil de ne pas me chercher d'excuses, Merlin. Tu ne l'as pas fait, ce jour-là, pourquoi t'embarrasser maintenant?
- Tu as raison. » Il n'y avait rien d'autre à dire. Les faits, à nouveau, parlaient d'eux-mêmes.

Elle fit quelques pas dans sa direction, ses talons résonnant dans le silence. Merlin ne bougea pas. Elle ne semblait pas là pour le menacer, juste pour lui cracher son orgueil meurtri au visage.

« Tu n'as pas hésité longtemps, n'est-ce pas Merlin? Tout comme tu n'as pas hésité une seconde à te lacérer les poignets et à te vider de ton sang, sans même te demander d'où te provenait la conscience de ce qu'il fallait faire. » Elle marqua une pause et sourit, presque attendrie. « Ton aveuglement causera ta perte. Avec notre aide, tu as toi-même insufflé en ton protégé le poison qui lui dévorera l'âme. Au plus fort de Beltane, ta magie, Merlin, lui brûlera les entrailles. »

Le jeune sorcier sentit un feu glacé naître dans son estomac.

« Je trouverai un moyen. Il est plus fort que tu ne l'imagines.
- Alors nous nous retrouverons, Merlin. »

S'évanouissant dans l'air comme un peu de fumée soufflée par le vent, elle laissa planer sur lui son regard bleuté et l'ombre de sa voix, qu'il ne put distinguer de celle du jeune Mordred, résonnant dans son esprit.

« Ta cause est perdue, Emrys. Tu protèges l'héritier d'un royaume qui a banni les créatures telles que toi.»

Il fut à nouveau parcourut d'un violent frisson et ses jambes se dérobèrent sous lui. La tête lui tournant, il ferma les yeux pour reprendre pied. Il ne les rouvrit pas, sombrant dans l'inconscience.

:o:

Les premières lueurs de l'aube n'eurent pas le temps de lui chatouiller les paupières qu'il était arraché au sommeil par un Gaius échevelé qui le secouait frénétiquement.

« Merlin, mon garçon, tu vas bien?
- Quoi? Je... Oui. Gaius?
- Tu peux m'expliquer ce que tu fais allongé à même le sol, au milieu de la pièce? demanda le vieil homme, haussant un sourcil fatigué. - Je ne sais pas. J'ai fait un rêve, je crois. Je ne suis pas sûr. C'était un rêve? questionna Merlin en se frottant l'arrière du crâne.
- Comment veux-tu que je le sache! s'impatienta Gaius en l'aidant à se relever. Et bénis le ciel qu'Arthur soit également persuadé d'avoir déliré toute la nuit.
-Que veux-tu dire par là?
- Aucun remède n'a semblé efficace, mais sa fièvre est tombée d'elle-même après quelques heures. Il s'est réveillé juste avant l'aube et a demandé si tu étais toujours souffrant. J'ai répondu par l'affirmative et il a semblé étonné.
- C'est normal, je lui ai dit que j'allais mieux hier soir! interrompit Merlin. 
- Et bien précisément, il m'a expliqué avoir rêvé que tu étais venu le voir, qu'il s'était passé quelque chose d'étrange, se remémora Gaius à voix haute, s'amusant de l'impatience qu'il lisait dans le regard de son apprenti.
- Qu'a-t-il dit d'autre? insista le jeune homme.
- Rien! Il a balayé le sujet et m'a demandé de te rappeler que son armure n'allait pas se nettoyer toute seule. Bref, l'important est qu'il soit persuadé d'un délire dû à la fièvre. »

Le jeune homme profita du petit déjeuner pour mettre son ami au courant de la visite de Morgana, sans pouvoir décider s'il s'agissait d'un rêve ou non. Il décréta que cela avait finalement peu d'importance, compte tenu de ce qu'il en avait appris.

« C'est étrange, Morgana semblait prédire une lente agonie pour Arthur, et pourtant la fièvre est tombée d'un coup, réfléchit Merlin à voix haute.
- Le mieux est malgré tout d'éviter le Prince autant que faire se peut, décréta Gaius. Je continuerai à prétendre que tu es souffrant. »

Le jeune sorcier haussa les épaules et acquiesça.

Il aurait dû savoir pourtant que s'il n'accourrait pas à son destin, c'est ce dernier qui viendrait vers lui.

:o:

Bien qu'il ne puisse s'adonner à ses tâches habituelles auprès du Prince , il était hors de question que Merlin reste oisif durant la préparation des festivités. Gaius l'envoya donc le plus loin possible des quartiers d'Arthur, à savoir la mercerie du château, afin d'aider à la confection des couronnes et guirlandes de fleurs. Estimant que c'était toujours mieux que de passer la journée à se torturer le cerveau, le jeune homme babillait joyeusement avec les servantes assignées à la même tâche. Tous étaient réunis autour de la grande table trônant au centre de l'atelier improvisé.

« Merlin! » appela une voix forte alors qu'il était occupé à lier les fleurs entre elles autour d'un bois souple.

Le jeune homme laissa en plan son travail et se leva d'un bond.

« Oui, Sire! » articula-t-il en cherchant déjà une manière d'expliquer ce qu'il faisait là.

Les jeunes servantes autour de lui s'étaient également interrompues; elles n'avaient pas l'occasion tous les jours de côtoyer le jeune Prince. Le « euh » de Merlin se perdit dans un souffle de gazouillis et de gloussements. Arthur ne le quitta pas du regard, tentant de faire abstraction des joues rosies autour de lui.

« Gaius m'a répété que tu étais souffrant pas plus tard que ce matin. »

ça n'était pas formulé comme une question mais le serviteur savait qu'une explication était exigée.

« Oui, c'est vrai, mais comme je me sentais mieux, je suis venu voir si je ne pouvais pas me rendre utile...
- Ici? » questionna Arthur, ironique.

Merlin observa avec attention la lèvre inférieure du Prince s'incurver, suivant ce pli caractéristique qui précédait généralement sa colère. Il prit le parti de ne pas s'enfoncer plus encore.

« Malgré ton incompétence flagrante, reprit Arthur. Tu es mon serviteur et c'est à moi que tu viens en référer lorsque tu as du temps libre! 
- Oui, Sire. » marmonna Merlin, fixant avec attention un point imaginaire sur le sol.

Il était plus contrarié à l'idée de mettre Arthur en danger que par les remontrances de ce dernier. Pourtant rien ne paraissait sortir de l'ordinaire. Sa magie était encore endormie et force était de constater que le Prince semblait en pleine forme, contrairement à la nuit précédente.

Ce dernier fit volte- face saluant au passage les servantes qui le dévisageaient avec admiration. Le jeune serviteur suivit Arthur hors de la pièce obéissant à un ordre muet.

« Avez-vous passé une bonne nuit, Sire ? tenta-t-il, prudent.
- Autant que peut l'être une nuit de fièvre, je suppose. » Arthur grimaça. « J'ai le vague souvenir d'étranges rêves, assez décousus. 
- Est-ce une potion de Gaius qui vous a aidé à vous remettre?
- Non... Enfin pas d'après le vieil homme. Selon lui, la fièvre est tombée toute seule.
- Ah, conclut Merlin, rassuré.
- Mais ne change pas de sujet, Merlin! Tu ne me feras pas croire que tu t'es spontanément présenté là pour aider aux compositions florales!
-Mais si! Absolument! »

Le blond s'arrêta au détour d'un couloir et scruta longuement son serviteur, ce dernier cherchant de toute évidence à éviter son regard.

« Qu'est-ce qu'il t'arrive, Merlin?
- Mais rien! Au moment où je me suis senti mieux vous aviez déjà quitté votre chambre! mentit ce dernier avec une facilité déconcertante.
- Comme c'est étonnant! répliqua le Prince. Nous avons dû nous croiser, dans ce cas, puisque ma première entreprise de la journée fut d'aller t'empêcher de paresser chez Gaius! Étrangement, il n'y avait personne... »

Merlin sourit avec amertume, décidant qu'il avait déjà bien assez menti. Il haussa les épaules et adressa une moue enfantine au Prince avant de conclure d'un ton enjoué:

« Bon, et bien je suis là maintenant, profitez-en! »

:o:

Le Prince requit son assistance à l'entrainement de ses chevaliers et ce point ne fut pas discutable. Merlin courut donc d'un bout à l'autre du champ d'exercice pendant près de deux heures, déplaçant les cibles ou ramassant les morceaux d'armures dignement tombés au combat. Et lorsqu'il n'était pas occupé à se rendre utile, il suivait avidement Arthur du regard, bien malaisé de constater que son étrange affliction ne disparaissait pas. Si sa magie était bel et bien amoureuse de son destin, lui était juste amoureux d'Arthur. Il s'autorisait rarement à y penser, sachant pertinemment qu'un lien de la sorte n'était pas envisageable entre eux. Il secoua la tête et reporta son attention sur l'objet de son affection.

Pour les yeux avertis de son serviteur, Arthur montrait quelques signes de fatigues. L'entrainement se prolongea malgré tout car plusieurs de ses chevaliers vinrent lui demander conseils ou avis.

L'observant avec attention, Merlin attendait en retrait. Sa magie lui chatouillait l'estomac, lui signifiant ainsi qu'elle était pleinement éveillée à présent.

Il restait admiratif devant la patience et le temps qu'accordait Arthur à chacun de ses chevaliers. Il écouta les conseils adressés à Sir Gwalchavad et les encouragements à Sir Lowen, le petit nouveau pas sûr de lui, souriant distraitement. La magie affluant dans son corps lui susurrait ce qu'il savait déjà: il avait sous les yeux celui qui deviendrait le plus grand roi qu'aient bercé les terres d'Albion.

« Bon, Merlin, arrête de lambiner! Ramasse mon bouclier et dépêche toi un peu. Tu es vraiment le pire servant que j'ai jamais eu! »

Le jeune serviteur leva les yeux au ciel, tentant de convaincre la magie qui ronronnait affectueusement au creux de son ventre qu'Arthur n'était qu'un abruti prétentieux et suffisant. Étrangement, elle ne sembla pas convaincue.

:o:

Alors qu'il se dirigeait vers ses appartements en compagnie de Merlin, un messager vint à leur rencontre contrariant les projets du Prince. Il annonça que le roi désirait s'entretenir avec son fils, les principales délégations arrivaient le lendemain et Uther souhaitait sans doute s'assurer que le protocole serait correctement suivi.

« Bon, Merlin, ma chambre a de toute façon besoin d'être nettoyée. Attends-moi là-bas même si tu as fini. Je ne tiens pas à aller te rechercher pendant que tu batifoles parmi les fleurs! »

Le jeune serviteur ravala la remarque un brin acerbe qui lui était venue à l'esprit, désarmé par le sourire paresseux qui trainait sur les lèvres du Prince.

Ce dernier ne se demanda pas pourquoi l'image de son serviteur concentré sur une composition florale provoquait tant de douceur en lui, mais plutôt pourquoi son serviteur semblait soudain bouche bée. Lui qui s'était attendu à une plaisanterie douteuse!

Il oublia un instant le messager du roi et dévisagea Merlin avec un peu de tendresse résolue.

« Tu es vraiment différent depuis quelques jours. »

Il n'ajouta rien et suivit le messager, renvoyant son serviteur d'un vague geste du menton. Ce dernier le regarda s'éloigner, perplexe.

oOo

Part 2

Merci d'avoir lu, tout commentaire est le bienvenu et me comblerait de joie ^^

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