... et troisième à laquelle je participe.
Défi Sex Is Not The Enemy : âmes liées
Lien vers la photo-prompt Rating : NC17
Taille : 1669 mots
Univers :
les_immortels Personnages : Tugdual, Nassim, et une vingtaine de spectateurs (mais ils prennent pas trop de place ;p)
Chronologie : an 578 de la cité (soit 68 ans après les évènements du dernier chapitre posté...)
Remarques : ce chapitre est à insérer entre la deuxième et la troisième partie de l'histoire (sachant que la première partie touche à sa fin en publication, dites bonjour aux spoilers! XD). Il comporte une deuxième moitié de blablas, qui explique notamment comment ils sont arrivés là et pourquoi, mais je pense que ceci suffit à valider le prompt! ö_ö
Non béta-lecté.
An 578 de la Cité
Les tambours résonnent, multiples, selon un rythme qui m'apparait tantôt chaotique, tantôt limpide comme de l'eau de source. Chaque coup sur une peau tendue, chaque claquement entre deux mains, chaque choc entre deux morceaux de bois creux se répercute au plus profond de ma poitrine, de mon ventre et de mon âme. La faute, je présume, à cette substance que l'on m'a donnée à boire, après deux jours de jeun.
Je ne comprends pas les paroles des chanteurs, pour autant que leurs trémolos, accordés aux tambours, aient la moindre signification. Je tente de me concentrer pour saisir, par contre, la voix de la douma'alay, la femme sage comme ils l'appellent, qui semble incanter quelque chose.
Mais quoi ?
Elle lève les mains vers le ciel, tendue comme si la tache était d'une difficulté extrême. Ses yeux se révulsent et j'en vois un instant tout le blanc, avant qu'elle ne ferme les paupières. Je tourne mon visage vers le toit de la hutte qui nous recouvre à la recherche de ce qu'elle implore. Hermétique, le plafond ne laisse rien filtrer de l'extérieur. L'atmosphère est confinée, douloureusement imbibée de sueur, de bruits, de chants et d'instruments. La chaleur est étouffante et la transpiration me coule le long du visage et du torse, me poisse les aisselles et l'entrejambe. Des danseurs tournent tout autour de nous, sans interruption depuis ce qui me semble être des heures, des jours, des années. Leurs mouvements cachent par intermittence les quelques torches fixées au mur et me donnent le tournis.
Nassim regarde vers le ciel lui aussi, les yeux papillonnant, les mains ballantes. Je me fais la réflexion que je ne dois pas avoir l'air plus alerte que lui. Les peintures blanches dont on a bariolé son corps se découpent avec une netteté obscène dans l'obscurité de la hutte aux esprits. Je me fais plus que jamais l'effet d'être un intrus dans cette communauté, tant la blancheur de ma peau jure avec l'ébène de tout ceux qui m'entourent. Sur moi, les peintures blanches donnent un effet risible.
La douma'alay pousse un cri rauque, soudain, me faisant sursauter. Il se répercute parmi les autres chanteurs, dans le rythme même des tambours et les mouvements des danseurs. Elle a refermé ses poings sur quelque chose d'invisible et semble tirer, tirer, tirer vers le bas la paroi même du monde. Effaré, j'amorce un mouvement de recul.
« Pas de crainte, grince-t-elle entre ses dents blanches, les yeux exorbités. Ils sont là pour toi, et pour toi », rajoute-t-elle en tournant son regard vers Nassim.
Je le regarde moi aussi, et il n'y a nulle crainte ni appréhension en lui. Il écarte légèrement les bras, accueillant, et elle lance une de ses mains dans sa direction, lâchant au dernier moment ce qu'elle tient.
Ça n'a aucune substance et pourtant je le vois, je le sens traverser l'espace et disparaitre en Nassim. Lorsqu'elle fait de même pour moi, je sens la chaleur de cette chose se couler dans tous les pores de ma peau, enflammer mon ventre, se répandre dans mes veines. Et, brusquement, m'enflammer les reins et le bas ventre comme je ne l'aurais jamais cru possible.
Les chants redoublent, les tambours battent plus vite encore - est-ce seulement réalisable ? - et les danseurs tournent et tournent et tournent en une masse floue et impérieuse. Nassim me fixe et je le fixe, la bouche entrouverte, assoiffé soudain. Il n'y a que quelques pas entre nous, qui me semblent insurmontables. Lorsque j'amorce un mouvement dans sa direction, j'ai l'impression de traverser une épaisse mélasse, et lui aussi si j'en juge par la frustration intense que je vois se dessiner sur ses traits.
Cela ne dure que quelques instants, pourtant, et nous nous jetons enfin l'un sur l'autre, pour épancher notre soif à nos lèvres. Ses mains me serrent les bras à faire mal, m'emprisonnent, mais il me reste suffisamment de liberté de mouvement pour lui labourer le ventre et le torse des doigts, étalant la peinture qui le recouvre. Nous nous dévorons l'un l'autre, des lèvres, de la langue, des dents, portés par les cris, les chants, les tambours et les danses. Un instant de lucidité me rappelle qu'une vingtaine de personnes nous regardent, puis je les oublie.
J'ai les reins en feu, et mon érection aussi brusque que conséquente est coincée entre nous deux. Je sens celle de Nassim, tout aussi impérieuse, contre mon bas-ventre. Les pagnes dont nous sommes vêtu ne retiennent pas grand chose.
Ses mains lâchent mes bras, glissent vers mes épaules, m'emprisonnent la nuque. Je lui attrape la taille pour ma part, le colle à moi davantage, comme si ma vie dépendait de notre contact. J'ai l'impression de le redécouvrir sous mes paumes, de le réinventer. Comme si ces seize années d'errances n'avaient pas existé, comme s'il n'y avait jamais eu de doutes, comme si je n'avais pas enfreint les lois du Père pour libérer Nassim d'une sentence qu'il savait mériter.
Il pose ses dents sur ma gorge, mais c'est sa langue qui les remplace. La tête en arrière, je me sens pousser un râle, de contentement et d'impatience tout à la fois. Ses longs bras s'enroulent autour de mon torse et serrent avec cette force qui étoufferait un mortel, mais qui ne me fait que souhaiter qu'il ne me lâche jamais. Mon genou force le passage entre ses jambes et il vient de lui-même s'appuyer contre ma cuisse en grognant.
Ses mains suivent la ligne de ma colonne vertébrale, étalant la peinture déjà mise à mal par la moiteur de l'atmosphère et la transpiration. Je sens sa main droite glisser plus bas, repousser la ceinture du pagne qui glisse et tombe - à ce demander à quoi il était sensé servir - et ses longs doigts, impérieux, se glisser entre mes fesses.
Il s'écarte un peu, cherche mon regard. Sa main ne bouge pas, attend l'autorisation, ou le refus. Il sait que je refuse de perdre le contrôle, pas après ce qu'il m'avait fait la première fois, à son réveil, en espérant puérilement que je renvoie à l'Oubli. Parce que pendant toutes ces années, si le lien nous mettait au supplice et que nous boire l'un l'autre était notre drogue, si chercher la jouissance dans les bras de l'autre était le seul moyen de retrouver la paix, le doute ne nous a jamais quitté.
Le doute, la défiance, la frustration et le déséquilibre. Notre relation est une colline truffée de galeries pouvant s'écrouler à tout instant. Je n'oublie pas les mots qu'il a prononcé, une fois, une seule, les yeux dans les yeux alors que je le pénétrais au plus profond. « Parce que tu es l'homme que j'aime. »
Je n'avais jamais su quoi y répondre. Ce n'est pas de l'amour que je ressens pour lui. C'est autre chose. Plus violent et douloureux, indéfinissable. Lou n'avait pas tord en me traitant de drogué. Nassim est mon poison. Et moi, tel un foutu junkie, je ne sais lui résister.
J'enroule mes bras autour de son cou, prends appuis sur ses épaules, et bondis pour venir enserrer ses hanches de mes cuisses. Il trébuche, assure sa prise sur moi, me retient. Ses yeux ne m'ont pas quitté. Son érection frôle mes fesses - il a sa réponse.
Nassim se laisse glisser au sol en m'entraînant. Ses lèvres sont de nouveau sur les miennes et me dévorent ; ma langue passe sur ses dents, tâte les pointes des deux canines qu'il a fait tailler quelques semaines plus tôt. Nos mains se perdent, affamées de contact, et Nassim pousse un cri rauque lorsque j'empoigne son érection sans subtilité pour l'exciter avec force. Le pouce sur l'extrémité, j'étale les gouttes qui perlent déjà, mais il me repousse soudain.
Il me plaque sur le sol de terre battue et le choc me coupe le souffle. L'instant d'après sa bouche se referme sur mon gland rendu douloureux par l'excitation et je m'entends glapir. Je redresse la tête, le regarde. Il ne me quitte pas des yeux tandis que sa langue glisse sur toute la longueur de mon sexe.
Sa main se glisse entre mes fesses et, aidée par l'humidité de ma transpiration, un doigt se glisse en moi sans que je ne songe même à m'en inquiéter ou que je me crispe d'une manière ou d'une autre. Nassim se redresse et me tire à lui, se place entre mes cuisses, prêt. Un vieux souvenir me revient soudain en mémoire, lorsque j'avais rêvé que Nassim me faisait l'amour et me pénétrait aussi facilement que si j'étais une femme. Ce rêve m'avait ébranlé, secoué. Premier pas vers ma décision d'assumer ma dépendance au sang de Nassim.
Il me pénètre enfin, et c'est exactement comme dans le rêve, aussi facile, aussi évident, sans la moindre douleur ou gêne. Lui-même semble ne pas en revenir tandis qu'il se penche sur moi et m'embrasse, tout doucement, du bout des lèvres. Je donne un coup de rein un peu gauche, cherchant à m'empaler plus profond sans trop guère savoir comment, et il vient à mon secours, magnanime. Un coup, deux, et la jouissance me tord brusquement les reins, à tel point que j'en hurle.
Nassim s'est écroulé sur moi et je réalise que lui aussi vient d'être terrassé par un orgasme tel qu'il lui en a coupé le souffle. Il se retire, groggy, et je me dégage de son poids pour chercher ses lèvres, affamé de nouveau. Ni lui ni moi n'avons éjaculé. L'excitation est toujours là, toujours présente, nos sexes toujours douloureux.
Le temps de le réaliser et tout recommence, rythmé par les chants et les danses, les tambours nous aidant à résonner à l'unisson. Sur le sol, aux pieds des danseurs, bras et jambes mêlées, nos lèvres se dévorent, nos mains caressent, encore et encore, et la jouissance est si facile à atteindre que l'on s'en gave jusqu'à la lie, jusqu'à plus soif, jusqu'à ce que l'on s'écroule d'épuisement.