Défi SINTE

Nov 11, 2010 22:06


J'ai fini par vaincre le défi SINTE. Pas encore bêta lecté, et j'espère que ma relectrice survivra à cela ^^;; 
Il faut le considérer comme un chapitre bonus aux Héritiers de Magnus (que je ne publierai pas sur fictionpress, ceci dit). Les évènements dont Horatio fait mention seront explicités dans un chapitre des Héritiers, probablement d'ici quelques mois vu ma vitesse d'écriture actuelle ^^;;


Défi Sex Is Not The Enemy (pas encore de titre)
Rating : NC17
Taille : 7239 mots (la scène en question se cantonne au dernier quart si jamais ;p)
Chronologie : Horatio a 31 ans, Alidia 26. Nous sommes au moment des festivités de Beltane (soit, le 1er mai)

Lien vers la photo
Note : je n'ai retenu que la position entre les deux personnages de la photo. La situation (dans un train) ne m'inspirait pas du tout. D'autant plus que placer un train dans l'univers des Héritiers risquait d'être difficile XD

Pour les personnes ne lisant pas mon originale, beaucoup de choses risquent de vous passer par-dessus la tête si vous souhaitez lire malgré tout. Sachez que Horatio et Alidia ne vieillissent pas, n'ont aucune pilosité secondaire (c'est-à-dire au pubis, aux aisselles, et sur le visage pour Horatio), et doivent boire du sang pour vivre (de l'ordre d'une à deux gorgées tous les dix jours s'ils ne sont pas blessés).

La caserne de Narrès ressemblait à toutes celles du Royaume, et Horatio n'eut aucun mal à en retrouver la sortie après avoir déposé ses affaires dans le dortoir attribué à la compagnie.

« Horatio ! » fit une voix bien connue derrière lui alors qu'il approchait de la porte gardée.

Il se mit automatiquement au garde-à-vous. Le garde en faction près de la porte jeta un coup d'œil ennuyé dans sa direction, espérant peut-être de quoi animer quelque peu sa journée.

«Lieutenant ? »

Il se retourna. Jehan Sonneurson était un homme aux épaules massives, plus grand que la moyenne. Il avait l'air d'une brute sans cervelle avec ses cheveux coupés courts et la cicatrice barrant sa joue gauche jusqu'au menton, mais Horatio savait qu'il avait l'intelligence d'un officier au grade supérieur à celui de lieutenant.

« Je pensais que tu irais prendre du repos, dit Sonneurson d'un ton où perçait une certaine gêne.

- Je n'ai pas sommeil, lieutenant. »

Le silence qui suivit fut identique à ceux qui prenaient place dans toutes les conversations depuis dix jours.

« Avec votre permission, j'aimerais aller faire un tour. À moins que le quartier libre ne s'applique pas à moi...

- Non, non... pas de problème. »

Les mâchoires serrées du lieutenant contredisaient sa dernière phrase.

Horatio le salua, fit volte-face et sortit d'un pas qui donnait l'impression qu'il fuyait. Ce qui, tout bien réfléchi, était parfaitement le cas. Indifférent à la mise en place des festivités de Beltane, il marchait sans vraiment regarder où il allait, essayant de ne pas penser à ce qui était arrivé près de deux semaines auparavant. Sa main passa machinalement sur sa poitrine et, lorsqu'il s'en rendit compte, il l'ôta vivement, comme s'il s'était brûlé.

Les autres membres de la compagnie avaient décidé de dormir quelques heures pour être en forme pour les festivités. Ces dernières seraient une bénédiction pour les hommes soumis à rude épreuve ces derniers jours.

Les combats n'étaient pas grand chose. C'était le lot quotidien des soldats. Mais il y avait des évènements pour lesquelles aucun homme n'était préparé. Et Horatio serait volontiers resté ignorant de certaines particularités le concernant, sans parler de toute la compagnie qui avait assisté à ce miracle. Ou à cette malédiction.

Il secoua la tête en serrant la mâchoire. Ça ne servait à rien de ressasser tout cela. Les évènements ne pouvaient pas être changés. Pour la centième fois depuis que c'était arrivé, il se demanda si Magnus savait. Mais il était hors de question qu'il mette son orgueil de côté en allant retrouver le magicien pour le questionner.

Pour faire quoi de toute façon ? Agiter Cyril sous son nez en criant victoire ? Fanfaronner parce qu'il s'en était sorti seul, qu'il n'avait plus besoin de sa protection pour vivre ? Tout ce que Horatio voulait, c'était de ne plus rien avoir à faire avec Magnus.

Ses pas l'avaient mené jusque sur la grande place de la ville, où le plus fort de la fête aurait lieu. Une foule d'ouvriers, de marchands et de saltimbanques s'agitait dans tous les sens comme des fourmis pour mettre en place les dernières estrades, les chariots et les étalages. Un groupe de gardes de la ville essayait de faire comprendre à une troupe de jongleurs qu'ils ne pouvaient pas rester au milieu du passage à cause des processions. L'un d'eux lança ses balles en l'air - où elles restèrent comiquement suspendues - avant de se tourner vers leur estrade. Celle-ci recula de plusieurs pieds en tanguant comme un marin ivre, attirant quelques cris de surprise lorsqu'elle manqua renverser quelques personnes.

« Le problème est réglé ! » entendit crier Horatio tandis que les balles retombaient toutes dans les mains du jongleur-magicien.

Plusieurs badauds applaudirent, ce qui encouragea les saltimbanques à improviser un petit spectacle. Au grand dam des gardes : l'estrade était toujours mal placée.

Horatio s'éloigna vers les bords de la place, cherchant un endroit plus calme. Il dut jouer des coudes pour enfin atteindre une rue parallèle où on respirait mieux. Il se remit en marche sans vraiment regarder où il allait, quand on cria son nom, le faisant se retourner.

Quelqu'un lui sauta dans les bras et il dut se faire violence pour ne pas démettre une épaule à l'impudent. L'instant d'après, il reconnut avec un coup au cœur à la fois l'odeur et les cheveux blonds d'Alidia.

Il l'écarta de lui pour la contempler à bout de bras.

« Mais... qu'est-ce que tu fais là ? » fut tout ce qu'il trouva à dire.

Elle éclata de rire et lui frappa l'épaule d'un air faussement outré.

« C'était écrit dans ma dernière lettre, si tu l'avais lu, espèce de mufle ! On fait le tour des villes du Royaume. »

Elle se détourna soudain de lui et s'inclina en direction d'une femme qui venait à leur rencontre, furieuse à en avoir les oreilles rouges

« Élève Alidia ! Ce comportement est inacceptable ! En pleine rue qui plus est, vous jeter ainsi au cou d'un... d'un... »

Elle fixa Horatio de son air furibond, cherchant un qualificatif. Mais il avait ôté les attributs qui faisaient de lui un soldat reconnaissable ; sa tunique et ses chausses auraient pu appartenir à n'importe quel homme s'étant habillé de manière décontractée pour les fêtes. Il avait cependant son épée à la ceinture, ce qui fit réfléchir la femme le temps pour lui de réagir.

« Horatio, se présenta-t-il. De la compagnie du lieutenant Sonneurson. Je suis en permission courte. Et je suis son frère. »

Il vit du coin de l'œil Alidia réprimer un sourire. Il venait de déclamer sa tirade d'un ton glacial à force d'indifférence et la femme avait blêmi. Derrière elle, à une dizaine de pas, tout un groupe de jeunes filles attendait la suite des évènements avec impatience, en chuchotant entre elles.

« Messire, veuillez me pardonner, je l'ignorais. Mais vous conviendrez qu'il ne sied pas à une jeune fille de se comporter comme elle vient de le faire. »

Il eut du mal à rester stoïque tandis qu'Alidia faisait une grimace dans son dos, alors qu'il reprenait :

« Non, en effet. C'est un heureux hasard que nous nous croisions aujourd'hui, je vais pouvoir remédier à cela. J'avais l'intention de profiter des festivités, mais ma sœur a bien besoin d'être réprimandée. Ce que votre école ne sait vraisemblablement pas faire.

- Ne vous en faites pas, elle sera punie comme il se doit.

- Et comment le saurais-je ? Je m'en occuperai moi-même. Avec votre permission bien sûr. »

Rouge d'embarras à présent, la femme se tourna vers Alidia qui feinta avec merveille l'appréhension.

« Très bien, très bien, finit-elle par dire en se tordant les mains. Mais je ne puis vous la confier toute la nuit, nous sommes très stricts sur le couvre-feu, et...

- Croyez bien que je le suis aussi. Vu les circonstances elle ne verra rien de la fête, ni aucune nourriture avant demain matin. Je vous la ramènerai à l'aube. Vous déciderez alors si elle mérite ou non un petit déjeuner. »

La femme déglutit et Horatio se rendit compte qu'il avait nonchalamment posé la main sur la garde de son épée. Elle finit par acquiescer avant de faire volte-face, tentant de ne pas montrer qu'elle fuyait à toutes jambes.

Elle hurla sur le reste des jeunes filles dont elle avait la garde pour faire bonne mesure, avant de se remettre en route. Elles allaient vraisemblablement vers le Temple de la Mère, situé quelques rues plus loin.

Dès qu'elles furent hors de vue, Alidia lui ressauta au cou. Cette fois-ci il lui rendit son étreinte, ignorant le rire goguenard d'un couple qui avait assisté à toute la scène depuis leur fenêtre.

« Mais qu'est-ce que tu es allées faire dans cette école, toi... marmonna-t-il en riant doucement.

- C'est le seul moyen d'apprendre les manières des femmes du monde... mais franchement, si les nobles traitent leurs filles comme ça, je suis bien contente de ne pas en être une.

- Cette femme est un dragon ! s'esclaffa-t-il en l'entrainant dans la direction opposée au Temple.

- Freyna n'est pas la pire, au moins elle est naïve et on arrive assez facilement à l'entourlouper. Oh... fit-elle brusquement en s'arrêtant au milieu de la rue.

- Quoi ?

- Je suis libre ! Je suis libre pour la nuit !

- Oui, c'était le but de la manœuvre, petite sœur... ricana Horatio. Mais pas question d'aller profiter des festivités, on risquerait de t'y voir et ce ne serait pas bon pour mon image de grand frère sérieux et protecteur.

- Brute et esclavagiste, plutôt », rétorqua-t-elle en lui frappant l'estomac du dos de la main.

Il se plia en deux en mimant une grande souffrance et elle éclata de rire. Il sourit et passa un bras sur les épaules d'Alidia, l'attirant contre lui. Elle n'offrit aucune résistance et il sentit avec un bonheur incroyable sa chaleur sous son bras. Ses soucis semblaient soudain envolés, dilués par le miracle de sa présence.

« Je n'ai pas eu cette lettre, fit-il soudain remarquer

- Laquelle ?

- Celle que tu as mentionné, que vous faisiez le tour des villes du Royaume.

- Oui, on visite pratiquement toutes les familles nobles de chaque duché. On vient de passer ces deux derniers jours à faire des ronds de jambes dans le manoir ducal de Krüger de Nainte. Krüger, tu te rends compte ? rajouta-t-elle avant qu'il puisse dire quoi que ce soit. Quel genre de parents nommeraient leur enfant comme ça ?

- Un genre de parent un peu nain...

- C'est vrai qu'il n'était pas grand, le pauvre... »

Ils rirent de bon cœur, comme s'il était normal de se moquer d'un duc dans sa propre ville un soir de Beltane.

« Si cette école est si pénible, tu peux toujours arrêter.

- Oh, non, maintenant que j'ai commencé... le plus dur ce n'est pas les cours, le protocole, les coups de baguette sur le bout des doigts si on a le malheur de manger trop vite... tu sais, le plus dur c'est d'être traitée comme une gamine de seize ans.

- C'est l'âge des autres élèves, non ?

- Oui. Mais moi j'ai vingt-six ans cet été, merci de t'en souvenir.

- On peut fêter ton anniversaire ce soir, si tu veux...

- Ne dit pas de bêtises, seuls les nobles se soucient de ça, rétorqua-t-elle.

- Ça tombe bien, c'est ce que tu essaies de devenir... »

Elle lui pinça les côtes et il grimaça, choisissant de se taire. Elle laissa son bras autour de son torse et il se dit que ça valait bien quelques bleus.

« Et toi alors ? On ne parle que de moi. Et même dans tes lettres tu ne t'étends pas.

- Il n'y a pas grand chose à dire. Je suis soldat, pas futur noble du duché d'Homistir...

- Oui, c'est grosso-modo ce que tu écris dans toutes tes lettres, persifla-t-elle.

- On se bat, on court vite à un autre point sensible, je traduis des courriers quand on en intercepte, il n'y a rien de très folichon.

- Tu n'as pas un bataillon de dragons précepteurs sur le dos à longueur de temps, au moins.

- J'ai un lieutenant, un caporal et une vingtaine d'homme qui n'ont pas fini de pouffer quand je dois me changer. Je crois que c'est pire. »

Elle marqua un temps d'arrêt.

« Oh, je n'y avais pas pensé. Personne ne m'a cru quand j'ai dit que ça n'avait pas encore poussé...

- Tu te fais passer pour une jeune fille de seize ans, c'est encore acceptable comme excuse. Moi je n'ai pas menti sur mon âge...

- Rigole, on m'a envoyé une guérisseuse très inquiète, ''mais non mon petit, ce n'est pas normal, oh et en plus tu n'as pas encore tes règles ? Quelle horreur, Grande Mère ait pitié, cette enfant va mourir dans d'atroces souffrances !'' » mima-t-elle avec quelques grimaces.

Horatio rit de bon cœur. Il ne perdait pas espoir, de son côté, que quelques poils finissent par pousser à certains endroits de son anatomie. Pendant presque trois ans, à la fin de l'adolescence, il s'était même rasé tous les jours en espérant que ça aiderait sa barbe à pousser. Mais il avait dû se rendre à l'évidence : ça ne changeait rien. Il avait fait avec pendant un certain temps, sans vraiment y penser. Puis en entrant dans l'armée il s'était retrouvé face à une troupe d'hommes tous plus poilus les uns que les autres - même les « gamins » de seize ans - alors que lui n'arborait qu'un duvet enfantin. En répondant avec ses poings aux quolibets, il avait réussi à calmer quelque peu les moqueries et les rumeurs.

Cependant, il avait fallu des missions de plusieurs jours avec les mêmes personnes pour qu'ils finissent par se faire à l'idée qu'il était ainsi et n'y pouvait rien. Depuis qu'il était dans la compagnie de Sonneurson, plus personne n'y faisait attention. Et à vrai dire, après les évènements récents, plus personne ne pensait à son absence de poil.

Il se renfrogna alors que les évènements en question lui revenait en mémoire.

« Et pour boire ? fit Alidia, le tirant de ses sombres réflexions. Toujours ce Cyril ?

- Oui, la Mère le bénisse, je ne sais pas ce que je ferais sans lui. Au début ça allait avec des prostituées, mais je ne pourrais pas être dans la compagnie de Sonneurson s'il n'y était pas lui aussi.

- Des prostituées... marmonna Alidia d'un ton aigre.

- Je n'avais pas vraiment le choix... et c'était plutôt agréable », rajouta-t-il juste pour voir la réaction de la jeune femme.

Il grogna lorsqu'elle lui pinça à nouveau les côtes, plus méchamment qu'un peu plus tôt, mais se surprit à sourire de sa réaction.

Ils déambulèrent un moment dans les rues, jusqu'à ce que les cris de joie et la musique venant de la grande place attirent tous les badauds dans cette direction. D'un commun accord, ils ne suivirent pas le mouvement : le risque que quelqu'un reconnaisse Alidia comme étant une élève de l'école de jeune fille de Dorrès - elle en portait la tenue, une tunique blanche descendant jusqu'aux genoux et une ceinture dont la boucle arborait l'emblème de l'école - était trop grand. Pour peu que cela remonte jusqu'aux précepteurs, Alidia risquait de gros ennuis.

Ils s'éloignèrent un peu et cherchèrent un accès vers les toits de la ville. De là-haut, ils pourraient assister aux festivités sans être dérangés. Narrès était une ville de montagne, même si elle était à basse altitude comparé au reste du duché. La grande place et le manoir ducal étaient au sommet d'une colline, tandis que le reste de la ville s'empilait sur les pentes assez raides qui l'entouraient. Le Temple de la Mère avait dû être fortifié plusieurs fois, ses murs larges et ses colonnes appréciant assez peu l'inclinaison du sol. Une partie avait même dû être refaite, et le bâtiment ressemblait à un patchwork de pierre, chaque architecte chargé de fortifications y allant de ses propres techniques.

Les toits n'étaient pas très hauts, mais pourvus de sortes de remparts pour empêcher la neige de tomber dans la rue en hiver. Arriver sur un de ces toits ne fut pas difficile pour Horatio et Alidia. Ils passèrent ensuite de toiture en toiture jusqu'à trouver un endroit confortable où ils avaient vue sur la grande place. Aucune fenêtre ou vasistas ne donnait sur leur emplacement, protégé sur deux côtés par des murs aveugles. Le pare-neige était épais et solide, tandis que les tuiles planes étaient recouvertes de mousse sèche. Le soleil s'était couché mais les feus brillaient tant sur la grande place que Horatio voyait la peau d'Alidia se teinter d'orange et de rouge, et ses cheveux flamboyer.

« Je redescends nous chercher quelque chose à manger, annonça-t-il tandis qu'elle s'installait, les deux pieds posés sur le pare-neige. Tu as une préférence ?

- Un beau jeune homme à saigner ? lança-t-elle.

- Très drôle », rigola-t-il en se détournant pour redescendre.

Il était presque arrivé en bas lorsqu'elle le rappela.

« Essaie de trouver une couverture, ou quelque chose comme ça !

- Tu as peur d'avoir mal aux fesses ?

- Je ne passe pas mes journées à cheval, moi ! »

Elle lui lança une poignée de mousse séchée et il s'écarta en riant.

OoOoO

Alidia attendit le retour de Horatio en jetant des bouts de mousse en bas du toit. Un chat apparut sur le mur qui la surplombait et s'accroupit, l'observant. Elle devait être sur son chemin habituel et il semblait se demander s'il pouvait passer ou si ça vaudrait la peine de faire un détour. Elle tendit la main dans sa direction et sifflota entre ses dents. Les pupilles du chat s'agrandirent, mais il ne bougea pas pour autant.

Horatio se hissa à sa hauteur en ahanant et le chat disparut.

« Tu as fait fuir le chat », fit-elle.

Il leva la tête, inspecta les toits autour d'eux et haussa les épaules. Il déballa ses achats et les déposa sur la dalle du pare-neige devant eux.

« Vin de fraise, petits pains chauds, saucisses, confiture, carottes nouvelles. Et voici pour les épaules et les fesses de la dame, rajouta-t-il en déposant la petite cape de laine dans laquelle il avait emballé le repas sur ses épaules.

- Monseigneur est trop bon, sourit-elle avec une courbette exagérée. Tout cela juste pour mon bon plaisir est d'un... d'un... oh, et flûte, ouvre-moi cette bouteille ! »

Il sourit et s'exécuta, s'aidant d'un couteau de soldat qu'il portait à la ceinture pour ce faire. Il huma le vin et lui tendit la bouteille pour qu'elle fasse de même. Il était fruité et devait être particulièrement sucré. Elle soupira et hocha la tête.

« Il ne manque que le beau jeune homme à saigner, remarqua-t-elle en se servant de pain et d'une saucisse.

- Aucun étal n'en vendait, fit Horatio, pince sans rire. De toute façon June est avec toi à l'école, non ? »

Elle hésita un instant, contente d'une certaine façon qu'il amène de lui-même le sujet.

« On m'a surprise dans son lit il y a quelque temps. Depuis les surveillantes nous gardent à l'œil et on nous a changé de groupe. Je n'ai pas réussi à boire depuis huit jours...

- Oh... je te proposerai bien d'aller trouver Cyril, mais je l'ai trop bu ces derniers temps.

- Toi... trop boire ? »

Horatio se renfrogna et se concentra sur son repas. Alidia fronça les sourcils, intriguée par l'humeur maussade de son frère. Horatio était loin d'être un bout en train joyeux et exubérant, mais depuis leurs retrouvailles un moment plus tôt, elle le trouvait un peu étrange. Pas distant, mais plutôt morose, comme tracassé.

« Horatio, qu'est-ce qui se passe ? Et n'essaie pas de me faire croire que je me fais des idées, je ne suis pas aveugle. »

Il mâcha consciencieusement sa bouchée de pain et de saucisse sans la regarder.

« Hé ! lança-t-elle en le frappant d'une pichenette sur l'épaule.

- J'ai été tué, sortit-il comme d'autre dégurgiteraient.

- Quoi... comment ? »

Il posa ce qu'il tenait en main comme si toute nourriture le rendait brusquement malade. Toujours sans la regarder, il défit le lacet de sa chemise, tira pour la sortir de sa ceinture et la fit passer par-dessus sa tête. Alidia le regarda sans comprendre, puis elle les vit.

Horatio avait la poitrine glabre, tout autant que le reste de son corps. Presque trois années passées dans l'armée l'avaient sérieusement musclé ; ses épaules et ses pectoraux étaient bien dessinés, les muscles roulaient sous sa peau. Alidia tendit les doigts et les passa sur les marques blanches, en étoiles, qui parsemaient sa poitrine. Elles étaient au nombre de trois, en relief sous ses doigts, des cicatrices propres, récentes.

« Est-ce que ça fait mal ? s'entendit-elle demander alors qu'elle le sentait tressaillir sous ses doigts.

- Non. Plus maintenant, répondit-il sur le même ton. Je... c'est par là qu'ils sont sortis. Je les ai pris dans le dos. »

Elle se décala ; les trois mêmes marques apparaissaient sur son dos, plus ou moins avec la même disposition que sur sa poitrine.

« Qu'est-ce que c'était ?

- Des carreaux d'arbalète. Les pointes sont hérissées vers l'arrière, on ne peut pas les retirer... il faut les faire traverser... »

Sa voix mourut dans un hoquet qui ressemblait à un sanglot. Mais aucune larme ne coula sur ses joues. Il prit une inspiration en fermant les yeux et remit sa tunique.

Alidia essaya de digérer ce qu'elle venait de voir, et ce que cela impliquait pour elle également. Les blessures reçues par Horatio étaient mortelles, sans doute à très court terme. Elle n'avait aucune connaissance de guérisseur, mais s'en sortir avec quelques cicatrices vouées à disparaître n'avait rien de naturel.

Bien sûr, elle savait qu'ils cicatrisaient bien, Horatio, Cecil et elle. Vite et bien, plus précisément. En peignant des chats et des oiseaux sur le mur de la Violette, Cecil avait fait une chute qui aurait dû lui valoir de rester immobilisé plusieurs semaines. Le lendemain il marchait à nouveau presque normalement, et il avait repris ses pinceaux deux jours plus tard. La moindre égratignure disparaissait en quelques heures, les hématomes et les bosses en moins d'une journée, et une jambe cassée était entièrement remise en deux jours.

Ce n'était pas normal, bien sûr. Alidia en était consciente. Mais de là à imaginer qu'ils puissent survivre à une blessure aussi mortelle, il y avait un monde. C'était quelque chose qu'elle n'avait aucune envie d'expérimenter.

Dans un brusque élan de compassion à l'égard de Horatio qui avait dû traverser une telle épreuve, elle le serra dans ses bras, avec cette force et cette violence qu'elle ne se permettait qu'avec ses frères. Il lui rendit son étreinte avec la même force. Elle le sentit se détendre imperceptiblement dans ses bras.

Alidia soupira et laissa glisser sa tête dans le creux du cou de Horatio. Il se déplaça légèrement pour que leur position soit plus confortable, jusqu'à ce qu'elle se retrouve avec le nez contre sa gorge. Elle prit une inspiration et s'écarta.

« Je risque de te mordre.

- Tu as si soif que ça ? » fit-il en haussant les épaules, mais sans la lâcher.

Alidia fut soudain presque douloureusement consciente de la présence d'une de ses mains sur sa taille.

« Oui. Et je pense que tu as plus besoin de ce sang que moi.

- Je peux boire plus facilement. Je ne suis pas coincé entre deux surveillantes format dragon nuit et jour, dit-il avec un sourire en coin qui manquait d'entrain.

- On n'a jamais fait ça... »

Mais la proposition de Horatio était tentante. Elle était assoiffée et ne lui avait pas tout dit : cela faisait effectivement huit jours qu'elle n'avait pas pu boire June, mais à ce moment-là elle n'avait pas bu autant qu'elle l'aurait voulu. La vigilance des surveillantes de l'école de jeune fille était difficile à mettre à défaut.

« Il faut bien un début à tout... et ça fait un moment que je me demande ce que ça fait, d'être mordu.

- Mais... tu es sûr ? Je veux dire, tu as quand même été... »

Elle ne parvint pas à finir sa phrase, mais le bout de ses doigts se posa sur sa poitrine, sur les cicatrices dissimulées par la tunique.

« Ça ira. Je peux me nourrir plus facilement que toi, si nécessaire. »

Elle hocha la tête et se redressa légèrement ; il était plus grand qu'elle et il la soutint pour qu'elle puisse glisser son visage contre sa gorge de manière plus confortable. Un peu intimidée, elle se rendit compte que cela faisait longtemps qu'elle n'avait pas bu un homme. Longtemps qu'elle n'avait pas été dans les bras d'un homme, plus précisément. Jusque-là, elle ne s'était pas rendue compte qu'être entourée de femmes et d'adolescentes en continu finissait par être agaçant, et surtout frustrant.

Alidia se sentit sourire, se rendant compte que pour elle Horatio avait toujours été un « frère », et non pas un « homme ». La fermeté de sa prise sur elle et la solidité de ses épaules étaient agréables. Elle inspira tout près de sa peau et sentit son odeur, mélange épicé de transpiration légère, de cheval, de poussière et de cuir. Elle tendit son esprit vers lui par réflexe, surprise de sentir le sien en retour ; les humains ne semblaient pas vraiment conscient de ce contact lorsqu'ils les buvaient - à l'exception de Magnus qui savait les garder à l'écart de son esprit.

Ses lèvres trouvèrent sa peau, et elle mordit.

D'abord il n'y eut que la soif enfin épanchée, le sang dans sa gorge et son odeur exaltante. Puis Alidia sentit un contact inhabituel, celui d'un esprit venant au contact du sien, et elle répondit à sa curiosité en s'ouvrant à lui.

Brusquement, elle eut l'impression grisante de s'étendre, de ne plus être limitée par son corps qui lui paraissait, soudain, si petit et si insignifiant. Elle n'était pas seule, Horatio était là lui aussi, les doigts de son esprit étroitement entrelacés aux siens. Elle se tendit davantage vers lui, à la recherche de ce contact électrisant, et il l'accueillit sans la moindre hésitation. Elle y découvrit une tendresse et une attention qu'elle ne lui connaissait pas. Alidia eut conscience des bras de Horatio se resserrant autour d'elle. Il ne faisait rien pour la repousser - au contraire, il s'était tant ouvert à elle qu'il semblait vouloir l'absorber toute entière - et elle se fit violence pour rompre le contact.

Elle reprit son souffle.

« Oh Grande Mère, je suis désolée ! s'exclama-t-elle brusquement en réalisant qu'elle avait bu plus que nécessaire. Est-ce que ça va ? »

Elle s'était retrouvée assise sur les cuisses de Horatio sans trop savoir comment, le bas-ventre contre le sien. Ses grandes mains étaient posées sur ses hanches et sa respiration était saccadée. Il avait tourné la tête, comme s'il refusait de la regarder.

« Horatio ? » appela-t-elle doucement en posant une main sur sa joue.

Il accepta enfin de croiser son regard et elle ne sut pas ce qu'elle devait y lire. Une certaine forme de panique semblait y prendre place, mais elle n'eut pas le temps de s'en inquiéter : il se redressa et ses lèvres rencontrèrent les siennes.

Alidia répondit au baiser, par réflexe tout d'abord, puis par envie ensuite. La langue et les lèvres de Horatio cherchaient le goût du sang dans sa bouche et ses dents mordillèrent ses lèvres. C'est haletants qu'ils finirent par se séparer. Il remua un peu sous elle, comme mal à l'aise, et ce qu'elle avait senti lorsqu'elle l'avait mordu pris soudain du sens, alors qu'elle identifia l'origine de la pression qu'elle sentait sur l'intérieur de sa cuisse.

Ce n'était définitivement pas la garde de son épée, ni la boucle de sa ceinture, et encore moins l'étui dans lequel il rangeait son couteau.

« Ça dure depuis combien de temps ? » s'entendit-elle prononcer d'une voix rauque qu'elle ne se reconnaissait pas.

Il se contenta de hausser les épaules. Elle posa les mains sur ses joues pour l'obliger à la regarder.

« Réponds-moi, souffla-t-elle sur ses lèvres.

- Quelle importance ? Tu te destines à Charles et tu finiras bien par y arriver... moi je ne sais que fuir, articula-t-il.

- Ne dit pas de bêtises », répondit-elle, mais elle se sentait soudain mal à l'aise.

L'idée de l'école de jeunes filles de Dorrès n'était pas la sienne, mais celle du fils du Duc d'Homistir. Parce qu'elle n'était pas noble, elle ne pouvait pas espérer se rapprocher de lui sans les diplômes de cette école. Charles avait un charme certain, une voix enjôleuse, un vocabulaire plaisant. Il ferait un bon duc, simplement parce qu'il avait ce charisme qui faisait de lui un meneur naturel. Alidia lui avait plu, elle le savait. Charles lui plaisait aussi et il serait un moyen agréable de s'affranchir de Magnus, de devenir, en quelque sorte, indépendante.

Horatio ne savait rien de tout cela, de ses raisons réelles. Il n'avait eu que la version qu'elle avait donné à tout le monde, à savoir qu'elle était amoureuse.

« Quel âge as-tu ? demanda-t-elle soudain, et il fronça les sourcils, ne comprenant pas où elle voulait en venir. Tu as trente ans, voire même un peu plus, répondit-elle à sa place. La plupart des hommes de cet âge que j'ai vu avaient quelques rides, des cheveux blancs, des marques qui apparaissaient. Charles a des plis aux coins des yeux et il n'a pas vingt-cinq ans. Il va vieillir, vite, bien plus vite que toi et moi.

- Intuables, ne vieillissant pas... ce n'était pas vraiment l'idée que je me faisais de mon futur, tu sais, fit-il d'un ton aigre.

- Ce que je veux dire, c'est que nous sommes ce que nous sommes. Et nous sommes identiques.

- Frère et sœur.

- Non. Magnus a voulu nous donner une famille et c'était plus simple pour lui de nous considérer comme les enfants d'une même fratrie, mais tu sais aussi bien que moi que nous n'avons pas de lien de sang. Alors je te repose la question : depuis combien de temps est-ce que tu as ces sentiments pour moi ? »

Il soupira et baissa le regard. Ses mains étaient toujours sur ses hanches et il les remonta légèrement, jusqu'à sa taille, avant de redescendre le long de ses cuisses. Elle sentit une chaleur prendre place dans son bas-ventre, sensation qu'elle n'avait pas ressenti depuis longtemps. Elle tenta de l'ignorer. Elle voulait d'abord entendre la réponse de Horatio.

« Il y avait cette petite fille perdue et apeurée, qui s'accrochait à ma main comme si sa vie en dépendait, pendant que Magnus forçait la porte qui allait nous mener vers la liberté, commença-t-il. Il y avait cette enfant adorable et malicieuse, qui se laisser coiffer chaque matin et qui avait les plus beaux cheveux d'or que je n'ai jamais vu. Il y avait cette adolescente belle et impertinente, inconsciente encore de son charme, et puis cette jeune femme qui commença à regarder un autre homme comme j'aurais voulu qu'elle me regarde... »

Sa voix mourut. Il ferma les yeux et prit une inspiration hachée. Il rouvrit les yeux, plongea son regard dans le sien.

« Et moi j'ai tourné la tête et j'ai fuis.

- Pourquoi ? demanda-t-elle.

- Parce que tu es ma sœur.

- Tu es un imbécile.

- Je sais.

- Un idiot, un crétin, doublé d'un lâche et d'un nigaud.

- Merci de me remonter le moral. »

Elle n'avait pas pu s'empêcher de sourire en prononçant sa dernière tirade et il souriait en retour, d'un sourire triste et malheureux, mais c'était un sourire tout de même.

« Maintenant descend de là, s'il te plait, articula-t-il, un peu mal à l'aise. Ça commence à être inconfortable.

- Non », rétorqua-t-elle.

Ne lui laissant pas le temps de protester, elle se pencha sur lui et prit ses lèvres, ses bras s'enroulant naturellement autour de son cou. Il répondit au baiser après un instant d'hésitation et la serra contre lui, ses mains s'aventurant le long de ses cuisses, remontant dans son dos, redescendant vers ses fesses. Alidia se redressa légèrement pour qu'il puisse glisser ses mains sous elle, mais il les remonta.

Elle grogna et pinça sa lèvre en représailles.

« Aie, dit-il juste.

- Je vais t'en donner du ''aie'' », marmonna-t-elle.

Elle se pencha vers sa gorge, retrouva l'endroit où elle l'avait mordu et but à nouveau. L'esprit de Horatio l'accueillit et elle se lova dans la sensation avec un soupir. Mais il l'écarta avec autorité pour l'embrasser, goûtant le sang, cherchant la moindre goutte de ses lèvres et de sa langue.

« Si tu crois que je vais me laisser saigner... » chuchota-t-il.

Horatio se redressa pour poser ses lèvres sur sa gorge, et elle pencha la tête en arrière, lui facilitant l'accès. Il mordilla la peau et l'embrassa, tandis qu'une de ses mains se glissait dans sa ceinture, cherchant la boucle pour la défaire.

Alidia eut un très court instant d'appréhension quand elle sentit ses dents sur sa peau. Puis il mordit et elle oublia toute peur, alors que l'esprit de Horatio pénétrait dans le sien comme un amant honorerait sa maîtresse.

« Oh ! » s'entendit-elle s'exclamer.

Elle ferma les yeux, s'ouvrit complètement. La prise de Horatio sur elle se fit plus forte encore et il grogna en buvant, petite gorgée après petite gorgée. Il finit par s'écarter et lécha le sang qui coulait doucement sur sa gorge. Elle entendait sa respiration rauque et hachée, et constata avec détachement qu'elle était dans le même état.

Il avait réussi à détacher la boucle de sa ceinture et l'écarta d'un geste vif. Alidia l'entendit rebondir sur les tuiles un peu plus loin. Les mains de Horatio se glissèrent sous sa tunique, la soulevèrent, cherchèrent la peau. Il avait les paumes rugueuses, et leur contact sur son ventre et sa poitrine fit frissonner Alidia. Elle enleva sa tunique d'un geste et il suivit le mouvement pour l'aider, caressant son corps de bas jusqu'en haut.

L'air était frais en cette soirée de Beltane. La chaleur des feux ne montait pas jusqu'à eux, mais elle n'avait pas froid. Elle s'attaqua à la chemise de Horatio ; il ne l'avait pas remise correctement et il lui fut facile de glisser ses mains dessous. Ses doigts rencontrèrent les cicatrices et elle hésita quelques instants.

Leurs regards se croisèrent, dans un échange silencieux. Une des mains de Horatio se posa sur sa poitrine, caressa un sein. Son pouce passa sur le mamelon, joua avec un instant. Elle fit de même, des deux mains, ignora les cicatrices. Elles ne seraient bientôt plus qu'un mauvais souvenir. Alidia se pencha vers Horatio, happa ses lèvres.

Le baiser fut plus doux, moins impérieux. Plus douloureux. La passion brutale avait laissé la place à autre chose, de plus subtil, de moins pressant. Ils se séparèrent le temps que Horatio ôte correctement sa tunique et elle se serra contre lui.

Peau contre peau, leurs cœurs résonnant dans leurs poitrines, ils poussèrent un soupir pratiquement en même temps et pouffèrent de rire, de surprise, de nervosité, de joie. Horatio avait une main dans son dos et il suivit du bout des doigts sa colonne vertébrale, la faisant frissonner et se cambrer légèrement.

Alidia posa la tête sur son épaule, embrassa les muscles tendus. Elle glissa une main entre deux et descendit résolument vers la ceinture de Horatio.

Vers les ceintures, puisqu'il y avait également le baudrier auquel pendait son épée. Elle pesta, il sourit. La main de Horatio passa sous ses fesses, écartant la pièce de tissu qui protégeait encore son intimité. Elle sentit le bout de ses doigts explorer son entrejambe en une caresse trop douce et trop légère à son goût. Alidia se figea et se mordilla les lèvres. Il lui fallait plus, soudain, bien plus que ces attouchements presque indécis.

« Plus haut, marmonna-t-elle en se cambrant. Non, de l'autre côté ! » s'exclama-t-elle alors que les doigts de Horatio repartaient vers l'arrière.

Il ramena ses doigts à sa bouche et les passa sur ses lèvres, goûtant l'humidité qu'ils avaient récolté.

« Tu disais ? » souffla-t-il.

Elle sentit ses joues s'empourprer.

Alidia n'était pas vierge, ce qui lui avait valu des remarques désobligeantes lors de son arrivée à l'école après la visite chez les guérisseuses. Mais la virginité, si elle pouvait être exigée lors d'un mariage noble ou pour les novices prêtresses et druides, ne pouvait pas l'être pour les roturières. On s'était contenté de leur faire une morale ennuyante sur la nécessité de réserver son corps à l'être aimé.

Alidia, Cecil et Horatio avaient grandi dans un manoir aux côtés d'un magicien qui payait ses serviteurs pour des services autres que simplement faire le ménage et les repas. Le sexe pour le plaisir avait fait partie de leur éducation, d'une certaine manière. Voir plusieurs fois par semaine Magnus choisir un homme pour partager son lit n'avait jamais réussi à les choquer ou à les gêner. Alidia avait de son côté profité de ces serviteurs pour satisfaire sa propre curiosité. Horatio s'était toujours montré beaucoup plus discret sur ce genre de chose, mais il n'avait certainement pas attendu d'avoir besoin de boire des prostituées pour sa première expérience.

Cependant, la manière dont il la regardait en cet instant n'avait rien à voir avec les regards qu'elle avait pus échanger lors de ces étreintes juste pour le plaisir et la découverte. Le désir de Horatio était brut et brûlant, impérieux. Il la désirait comme personne ne l'avait jamais désiré et elle sentit une chaleur inonder son bas-ventre en réponse à son geste.

Elle posa avec autorité une main sur la bosse qui déformait son pantalon et il s'étouffa presque comiquement. Horatio redescendit ses doigts vers son entrejambe et cette fois-ci il prit soin d'appliquer une pression plus importante entre ses chairs. Elle se mordit les lèvres pour retenir un gémissement et s'attaque sérieusement aux ceintures.

Il vint à son aide rapidement, défit le baudrier avec habitude, et Alidia l'arracha pour le lancer un peu plus loin. Entrainé par le poids de l'épée, le tout glissa jusqu'au bord du toit où il s'immobilisa. Elle ne manqua pas le coup d'œil de Horatio qui vérifia que ça ne risquait pas de tomber. Elle défit la ceinture du pantalon, ouvrit celui-ci et glissa sa main à l'intérieur pour libérer sa verge tendue. Il poussa un grognement lorsque les doigts d'Alidia se refermèrent sur la peau fine.

Elle redressa son bassin et Horatio trouva rapidement la petite boule sensible au creux de ses chairs. Les mains tremblantes, elle caressa son érection, posant son pouce sur son extrémité. Chacun de ses mouvements, chacune de ses caresses, provoquait une réaction qu'il répercutait dans ses propres gestes. Elle posa le front sur l'épaule de Horatio pour chercher un appui et commença un long mouvement de va et vient qui le fit soupirer. Il décala légèrement ses mains et elle grommela entre ses dents.

« Un peu plus haut, réclama-t-elle.

- Comme ça ? »

Elle ne répondit pas, se contentant d'un bruit de gorge qui échappa à son contrôle. Leurs lèvres se retrouvèrent et les caresses se firent plus précises, plus rapides, jusqu'à ce que Horatio s'écarte légèrement d'elle pour prendre une inspiration.

« Je ne vais pas tenir beaucoup plus longtemps », indiqua-t-il.

Elle hocha la tête, colla son bassin au sien, coinçant son érection entre leurs deux corps. Il poussa un petit gémissement qui aurait été comique dans d'autres circonstances. Les mains sur ses hanches, il l'aida à se soulever. Elle prit sa verge dans une main, et vérifia de l'autre qu'elle était assez humide pour l'accueillir sans frottement désagréable. Elle fut presque surprise de constater à quel point elle était prête, moite et frémissante.

Il se glissa en elle avec un soupir d'anticipation partagé. Ils restèrent un instant immobile, savourant la sensation d'être enfin l'un dans l'autre, puis Alidia bougea. Elle se releva un peu, aidée par les mains de Horatio qui la soulevaient, et redescendit en retenant son souffle, lentement. Il grogna et sa prise sur ses hanches se raffermit. Elle se releva à nouveau, mais cette fois-ci il la tira à lui d'un geste brusque, plaquant son bas ventre contre le sien, lui coupant le souffle.

Ils recommencèrent le même geste deux fois, trois fois, puis leurs lèvres se retrouvèrent pour un baiser violent et affamé. Brusquement, Horatio la retourna et la plaqua sur le toit, la dominant de toute sa taille. Alidia écarta les cuisses pour mieux l'accueillir, noua ses jambes dans son dos, redressa le bassin pour mieux venir à sa rencontre. Il plongea en elle avec une force qu'elle n'avait jamais trouvé chez aucun de ses amants et lui mordit l'épaule avec autorité, comme pour la marquer.

Alidia lui prit la tête entre les mains, chercha ses lèvres, les frôla. Elle s'agrippa à son dos, sentant ses ongles percer sa peau, et parvint à glisser le visage dans son cou pour retrouver l'endroit où elle l'avait déjà mordu par deux fois. Sans y penser, parce que ça paraissait naturel et normal, parce que ça allait dans le sens du plaisir qu'elle sentait monter de son bas-ventre, elle mordit à nouveau.

Elle se laissa entrainer dans la sensation, y tirant Horatio avec elle. Brutalement unis, de corps et d'esprit, comme un seul corps et un seul être, ils plongèrent l'un dans l'autre sans hésitation. Alidia n'aurait su dire combien de temps ils le supportèrent avant d'être envahi par une chaleur impérieuse qui lui fit lâcher prise.

Horatio retomba sur elle en grognant après un dernier coup de rein, haletant. Elle passa une main sur sa nuque, caressa les cheveux coupés courts à cet endroit. Ils restèrent immobiles un moment, reprenant leur souffle, puis il se redressa et se retira avec douceur.

« Ça va ? » demanda-t-il avait une certaine inquiétude.

Il se tenait au-dessus d'elle, appuyé sur ses mains qui prenaient appuis de part et d'autre de sa tête. Elle lui sourit tendrement et lui caressa la joue d'une main, puis essaya de s'étirer.

La douleur prit brutalement place et elle étouffa un juron.

« On n'a même pas pensé à utiliser la cape », pesta-t-elle.

Horatio se redressa et récupéra son pantalon pour s'asseoir dessus. Il épousseta ses genoux écorchés, recouverts de fragments de mousse séchée. Il tendit une main pour l'aider à se relever et elle souffla.

« C'est comment ? demanda-t-elle en se retournant à demi.

- Et bien... ça pourrait être pire, je suppose...

- Oui, si tu pesais plus lourd », persifla-t-elle.

Il ne répondit rien, mais elle entendit un léger rire, tandis qu'il passait une main précautionneuse sur son dos pour enlever les morceaux de mousse. Même sans la voir, elle sentait que la peau de son dos était à vif au niveau des reins, à cause du frottement sur les tuiles et la mousse. Ses genoux avaient également quelques marques, mais largement supportables.

Horatio se rapprocha et elle sentit sa chaleur dans son dos. Elle soupira et s'appuya légèrement, évitant un trop fort contact pour ne pas amplifier la douleur. Il déposa un baiser dans ses cheveux.

« J'ai fait un choix, dit-elle, parce qu'elle se devait de mettre les choses au point. Et j'entends m'y tenir. »

Elle le sentit hocher la tête, mais il ne répondit rien. Elle reprit, se demandant pourquoi sa voix devait soudain être aussi éraillée :

« Mais nous avons le temps, bien plus de temps que les autres... je reviendrai vers toi. Je te le promets. »

Ce disant, elle tourna légèrement la tête vers Horatio et elle trouva ses lèvres, pour un baiser simple et doux, juste un contact, une promesse scellée.

(fin)

défi, magnus

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