May 17, 2007 11:24
Parce qu'aujourd'hui, c'est la Journée Mondiale de Lutte contre l'homophobie, et que je ne fais rien de particulier (comme porter un brassard comme en 2005, ou aller voir ce qu'il se passe à cette occasion - et à Aix il ne se passe rien -)... voici une petite fic.
L'idée m'est venue pendant le boulot, hier matin. Elle est toute simple et courte, ne vaut pas grand chose, mais j'avais envie de l'écrire en ce jour spécial. Le problème est que je ne sais pas si elle est très compréhensible...
Dire à Patrick que je l’aime.
Cette phrase écrite à l’encre noire dans le bloc note de mon cerveau. Comme la tâche que l’on repousse toujours au lendemain et que l’on ne fera jamais. La tâche qui effraye, elle plus que toutes les autres. La seule encore sans rature. La seule qui reste à faire. La seule écrite pour se donner bonne conscience, et sans doute un peu de courage.
Je repose mon stylo sur mon bureau. Encore une fois, ce n’est pas par écrit que je trouve la force de lui écrire ces mots. Je me demande à nouveau si cela vient de moi. Si je ne me braque pas volontairement pour avoir toujours, à l’ordre du jour, une mission à remplir. Avant de me dire pour la énième fois que mon raisonnement est simplement absurde.
Je me lève et marche jusqu’à la fenêtre. L’horloge de la tour voisine m’informe que dans deux heures seulement j’aurai le choix de rompre mon silence. Deux petites heures pour trouver une force forcément cachée quelque part, résidu de l’époque où je n’étais pas encore devenu un lâche.
Il a fallu que ce soit lui qui me contacte, lui qui ait le courage de prendre son téléphone et de me parler. J’aurais pu me contenter de ce geste pour briser mon mutisme. J’aurais pu prononcer ces mots qui, hier aussi, étaient une tâche à accomplir. Etait-ce de l’appréhension ? Etait-ce simplement de la lâcheté ? Je n’ai rien dit. Ce courage me fait continuellement défaut.
Tout à l’heure, il sera là. J’imagine sa silhouette assise en face de moi à une table sympathique d’un agréable restaurant. Nous commanderons tous deux en fixant le serveur des yeux. Nous attendrons en silence que l’autre prenne la parole. Nous serons là, comme deux imbéciles, à patienter le temps que durera la préparation du repas. Et peut-être, même, partirons nous ensuite chacun de notre côté, sans avoir toujours prononcé le moindre mot.
La sonnerie du téléphone coupe court à mon triste scénario. J’atteste à voix basse auprès de mon interlocutrice que tout se passera bien. Qu’aujourd’hui, j’agirai comme il se doit.
Le temps défile tandis que je me perds à nouveau dans mes pensées. Que fera t-il, lorsqu’il m’aura entendu ? Me dira t-il que cela est partagé ? Me prendra t-il dans ses bras, parce que je n’aurai pas moi-même la force de le faire ? Ou sera-t-il simplement trop tard pour cela ?
L’heure de l’aveu est à la porte. J’enfile ma veste, la poitrine serrée. Je sais parfaitement qu’aujourd’hui, je n’ai plus le droit de faire demi tour. La date limite est depuis longtemps déjà dépassée. Il est un jour où il faut accepter de voir où se trouve l’essentiel. Et le mien, aujourd’hui, m’attend dehors. Tout près.
Je le vois qui m’observe, le visage tendu et les mains jointes, de l’autre côté de la rue. Beau, comme il a toujours été. Grand, tellement plus grand que moi. Fort, et fier. Avec sans doute autant d’appréhension que moi dans le regard.
J’ouvre la bouche et prononce son nom.
- Salut… papa, répond t-il en un léger sourire avant de pénétrer dans le restaurant.
Journée Mondiale de Lutte contre l’Homophobie - 17 mai 2007
fic