Titre : Le ciel des rêves et des doutes.
Auteur : Maliel (Participant 21)
Pour : Out of the Blue (Participant 6)
Fandom : Disney, Le Roi Lion
Persos : Les trois hyènes, Shenzi, Banzaï et Ed.
Rating : PG
Disclaimer : L'histoire n'est pas à moi, mais à plein de sources différentes !
Prompt : "Ce qu'a bien pu être la première soirée que les hyènes ont passé sur la Terre des Lions après que Scar soit monté sur le trône. J'aimerais bien une mise en scène avec Shenzi, Banzaï et Ed sous le ciel étoilé."
Note personnelle : Désolée d'avoir mis si longtemps ! En attendant, je t'annonce avoir pris énormément de plaisir à traiter ces personnages sous un jour complètement différent, et de manière très détaillée. Une plongée intéressante dans les pensées de hyènes, merci de l'occasion que tu m'as donnée ;D J'espère en tout cas que cela te plaira, bonne lecture !
La Terre des Lions, à leurs pattes.
Le principe même de cette phrase semblait surréaliste, que ce soit de jour, sous le soleil écrasant de la savane, ou bien de nuit, comme en ce moment.
Shenzi, Banzaï et Ed se tiennent le long d'une grande paroi rocheuse et brunâtre, que domine de toute sa hauteur le roc le plus imposant des environs. La place du roi. Mais le roi avait changé, les temps aussi, et pourtant, elles sont là, hyènes sans foi et sans merci, vainqueurs d'une guerre où les pronostics ne leur donnaient aucune chance.
"Des charognards contre les nobles lions, comme si le moindre doute pouvait persister" songe Banzaï, un ricanement hystérique perlant à ses babines. Pourtant, les lions ne sont plus maîtres de leur propre terre, et les hyènes parcourent les lieux en véritables seigneurs, la tête haute, grognant à la moindre incartade des nouveaux perdants, les esclaves d'une chaîne alimentaire rompue.
Scar a tenu parole, Scar a fait d'eux les dominants. Il règne d'une patte griffue de fer sur la Terre des Lions, persécutant ceux qui faisaient mine de résister. Il écrase tout de sa présence, laissant à son armée de hyène tous les droits.
... Mais tous les droits de quoi, au juste ? Banzaï s'avoue quelque peu dérouté, à cette simple idée. Il a toujours fonctionné de manière très claire. Avec Shenzi et Ed, il repérait un animal mal en point, malade, retardataire, et après la mise au point d'un plan tout relatif, ils fonçaient dessus discrètement, en louvoyant, en tentant de sauter à sa gorge de manière détournée, ou tout simplement en traçant tout droit. Avec plus ou moins de succès bien sûr. Après un festin, (ou plus souvent le ventre vide, il fallait bien l'avouer), ils s'en retournaient tous les trois jusqu'à leur repère, le cimetière d'éléphants. Non seulement très pratique de par son décor, qui donnait le ton immédiatement, mais aussi parce qu'au fond, cela convenait bien à des renégats comme eux, les mis au ban de la société, ceux qu'on se devait d'éviter. Les charognards, les horribles prédateurs profitant de la faiblesse des autres. Pas comme les lions, évidemment, ces êtres nobles et royaux, ces bons rois des animaux.
Si bon rois qu'on en oubliait qu'eux aussi se devaient de déchiqueter à grands coups de dents la chair encore tressautante de leurs proies, pour survivre, comme tous les autres.
C'est pour ça que Banzaï déteste les lions. Ce déni de leur nature profonde le dégoûte, ce mépris des bas prédateurs le révulse. Ce soir, il a tout pour se sentir supérieur, heureux, victorieux. écrasant ces rebuts sous la présence de sa race.
Quelque chose le rebute cependant, et il réalise enfin pourquoi. Car même si le règne des hyènes est venu, au fond, il s'agit toujours d'histoires de lions. C'est un lion, Scar, qui domine, et même si Banzaï a pour lui plus de respect que pour tous ses confrères réunis, cela ne change pas la donne. C'est un lion, Mufasa, qui est mort pour que vienne ce règne. C'est un conflit entre lions qui a scellé tout ceci, un simple et bête coup de griffe sur une patte déjà affaiblie. Il en rirait presque. Et qu'ont fait les hyènes dans tout ceci, mis à part la poursuite vaine d'un lionceau malingre dans les ronces, et la garde d'honneur de Scar ? Pas grand-chose. Tout n'était qu'histoire de lions. Et maintenant, on leur apportait leur déjeuner sur un plateau...
Banzaï préfère arrêter là les réflexions, puisque de toute façon, ce n'est pas lui la tête pensante de leur trio, c'est Shenzi. Et puis peut-être aussi que s'il continue à penser ainsi, cette lune toute ronde et appétissante sous les étoiles piquetant le ciel bleu nuit risque de lui sembler moins savoureuse, moins triomphante.
Shenzi, cependant, n'est pas bien loin de l'endroit où l'esprit de son compatriote s'est égaré. La hyène dominatrice, un peu vulgaire, et qui ne mâche pas ses mots, n'arrive pas trop à trouver les siens ce soir. Assise tranquillement, les oreilles pointées vers la lune tout brillante, elle pense, se perd dans des méandres d'interrogations dont elle n'aurait jamais soupçonné l'existence.
Il y a la jubilation, bien sûr, la jubilation pure et malsaine ressentie en marchant à pas soigné et conquérants parmi toutes ces lionnes au regard lourd de menaces, et pouvoir leur rendre sans la moindre crainte de voir son corps éventrée par les griffes puissantes et aiguisées. Le plaisir de planter ses yeux plissés et sournois dans leurs prunelles rageuses, de montrer les crocs, de les faire plier devant elle. La joie de les voir courber l'échine, de lui servir de meute de chasse pour ses repas. Elle peut demander ce qu'elle veut, le massacre de tel ou tel troupeau, de telle ou telle espèce, et elle est certaine de retrouver les cadavres souhaités, sanguinolants à point, juste au pied de sa tanière.
En matière de chasse, Shenzi est forcée de reconnaître la supériorité des lionnes. Puissantes, souples et agiles, elles terrassent d'un coup de patte musclée les plus gros animaux. Elle ne se l'avouera jamais, mais parfois elle aimerait bien avoir la même prestance, faire les mêmes gestes sans avoir l'air ridicule avec sa carrure de petite hyène agressive. Lorsque l'envie devient trop forte, elle l'exorcise en attaquant une des lionnes les plus faibles du groupe sans que celle-ci puisse riposter. Scar maintient trop bien la discipline de fer pour qu'une seule d'entre elle se risque à jouer la vie de sa famille sur une contre-attaque inconsidérée. Shenzi éprouve un plaisir immodéré en frappant sachant cela. Elle les trouve faibles, ou plutôt rendues faibles sciemment par leur propre choix. Quel gâchis !
Malgré tout, malgré cette liberté nouvelle et apparemment sans limites, il y a une chose que la hyène ne se risque pas à faire. Un relent de peur passée peut-être, ou bien autre chose. Jamais, au grand jamais elle ne se risquera à provoquer Sarabi, la compagne du défunt Mufasa. Nommée par Scar responsable des troupes de chasse, et Shenzi peut facilement deviner pourquoi. La lionne irradie la force intérieure, l'obstination et la force brute. C'est la seule à ne pas baisser les yeux devant le nouveau roi balafré, celui-là même qui lui a rapporté la mort de son bien-aimé en même temps qu'une étouffante tyrannie. Parfois, Shenzi en vient à croire qu'il s'agit d'une bouffée de respect pour l'ancienne reine de la Terre des Lions, mais vite, elle étouffe cette pensée, parce que la race des lions représente tout ce qu'elle haït, et rien d'autre. Alors elle redouble de sournoiseries pour se convaincre qu'elle n'a pas changé, et qu'elle reste toujours la hyène assoiffée de sang et affamée de viande fraîche, ne pensant à rien d'autre que sa survie, et éventuellement celle de ses proches compagnons.
Shenzi préfère arrêter là les réflexions, puisque de toute façon, une tête pensante de trio n'a pas à hésiter ou tergiverser, seulement agir et conserver sa place dominante. Et puis peut-être aussi que si elle continue à penser ainsi, cette lune toute ronde et appétissante sous les étoiles piquetant le ciel bleu nuit risque de prendre un goût amer ; amer d'une victoire transformée en semi-défaite aux relents de regrets de l'ancienne vie.
Ed, quant à lui, est très loin de tout ceci. Allongé entre ses deux comparses, les pattes pendant dans le vide impressionnant qui surplombe la savane déserte, il ne pense pas grand-chose. Son estomac est plein, et le sera tous les jours qui suivront, d'après ce que lui a dit Shenzi. La nourriture est bonne, il n'est plus limité au cimetière plein d'os déjà savamment rongés jusqu'au dernier bout, il n'a pas d'efforts à fournir pour se nourrir... Ses plus bas instincts sont satisfaits, et même les plus hauts, car Ed n'a pas besoin de grand-chose pour se sentir bien. Suivre Shenzi et Banzaï le rassure toujours dans ses choix, peut-être parce qu'il n'a connu qu'eux au fond.
Or Shenzi et Banzaï sont là, juste à côté de lui, le nez levé vers la lune. Ed relève son museau, et fixe l'étrange disque couleur coquille d'oeuf. A-t-il quelque chose de spécial, pour que ses amis le suivent avec autant d'attention ? S'il les gêne tant que ça, ils n'ont qu'à revenir au cimetière d'éléphants, pour se terrer amoureusement parmi les gros os polis par leur passage, le ciel caché par la boîte crânienne des pachydermes aux yeux vides. Oui, leur tanière lui manque un peu, et il ne comprend pas trop pourquoi ils n'y sont pas retournés cette nuit.
Mais comme Shenzi et Banzaï sont avec lui, après tout, il n'a rien à craindre. Les choses ont changé peut-être, mais eux sont toujours là, comme des rochers inébranlables. Ed sait que tant qu'ils sont présents, il n'aura à s'inquièter de rien, à part acquiescer et suivre, parce que ce sera forcément bien. Un ricanement long et agité de soubresauts le prend, et il se redresse entre ses deux comparses. Comme mûes par le même réflexes, le trio reprend une profonde inspiration.
Et la Terre des Lions, ce soir à leurs pattes, s'endormit difficilement pour la première fois d'une longue lignée, sous les rires sans fin des hyènes.