[Fic] Miss Marple fait son marché, Agatha Christie [de Loco Lacrimae, pour Mazer]

Sep 15, 2013 22:19

Titre : Miss Marple fait son marché - et déniche quelques secrets
Auteur : Loco Lacrimae (participant 23)
Pour : Mazer (Participant 25)
Fandom : Agatha Christie
Disclaimer : Miss Marple et le "club du mardi" appartiennent à dame Agatha Christie. Le reste sert de décor.
Persos/Couples : Miss Marple, des marchands, sir Henry Clithering, docteur Lloyd.
Rating : T.
Prompt : Agatha Christie. Même en allant simplement au marché, Miss Marple ne peut s'empêcher d'observer ses contemporains. Un petit détail, une expression apeurée. Montrer sa gentillesse, sa compréhension ; pas forcément le fait qu'elle veuille à tout prix résoudre les énigmes, simplement le fait qu'elle observe et qu'elle sait quand il est nécessaire de ne rien dire et de laisser tranquille. Je suis vraiment pas très clair, mais je ne veux pas une Miss Marple obsédée par le fait de résoudre les mystères de ses contemporains mais qui soit davantage attachée à aider par sa simple présence, par un petit conseil sans que cela ne ressemble à la résolution d'un mystère#.c'est toujours pas clair et je en sais vraiment pas comment expliquer.
Note : La recette des cornish pasties existe vraiment ! La partie ‘trouver une recette typique anglaise pour légitimer le marché de miss Marple’ n’a pas été la plus simple…
Certains des secrets évoquaient viennent d’enquêtes policières de plusieurs médias.



Miss Marple fait son marché - et déniche quelques secrets

Par une belle matinée d'avril, miss Jane Marple sortit de bonne heure de sa coquette maison de St. Mary Mead afin de se rendre au marché du village. Le ciel était dégagé, le vent frais, la journée serait parfaite pour une réunion du "club du mardi". Miss Marple savait deviner le temps de la journée rien qu'avec l'état de ses rhumatismes au lever. Et son genou ne la trompait jamais : il ferait encore soleil cet après-midi.

Ses amis venaient chez elle pour déjeuner. Ses talents de cuisinière étant mis à l'épreuve, elle ne pouvait pas les décevoir. Ils la taquinaient toujours, disaient qu'elle passait son temps à tricoter et à observer par la fenêtre le voisinage. C'était faux, bien sûr. Miss Marple était un membre actif de sa communauté, aidait aux collectes à l'église, organisait des réunions de quartier, aidait de jeunes mères en détresse, retrouvait toujours la clé perdue dans le jardin... Il lui arrivait, elle devait le reconnaître, de réaliser quelques écharpes et quelques chaussettes avec des aiguilles et de la laine, mais c'était par nécessité. Une dame devait se couvrir chaudement quand l'hiver venait, n'est-ce pas ? Et elle n'espionnait pas les voisins par la fenêtre, d'où leur était venue cette idée saugrenue ?! Elle était trop bien élevée pour ça !

Après avoir cherché trois jours une idée fantastique pour le repas du jour, elle s'était décidée pour un plat qu'elle ne ratait jamais. Des cornish pasties. Elle allait les épater.

Pour les réaliser, il lui fallait du steak, trois pommes de terre, deux oignons et deux rutabagas. Le reste, elle l'avait déjà dans sa petite cuisine.

Le marché de St. Mary Mead était à la taille du village : modeste. Une quinzaine de commerçants, qui venaient deux fois par semaine, bien peu en comparaison avec les centaines de marchands qu'on retrouvait dans les villes des environs. Mais c'était leur marché, et les habitants de St. Mary Mead y étaient très attachés. C'était toujours les mêmes commerçants et toujours les mêmes acheteurs, souvent pour les mêmes achats, mais cette charmante routine ne serait changée pour rien au monde.

Miss Marple salua avec chaleur une famille qu'elle connaissait et se dirigea vers le premier vendeur. William Smith, le fermier de St. Gabriel, une localité voisine.

L'homme avait les cheveux grisonnants aux tempes mais encore de beaux restes. On disait qu'il avait fait des ravages dans sa jeunesse et qu'il avait brisé bien des cœurs lorsqu'il avait décidé de se marier avec une fille de la grande ville. Celle-ci ne s'était jamais pleinement habituée au village et à son poste dégradant de vendeuse de patates, son visage semblait trahir une fureur cachée. Elle était d'autant plus énervée que son mari n'arrêtait pas de fixer la jeune fille qui travaillait au stand suivant, celui d'un fleuriste.

"Elle a tort de se faire du souci," se dit miss Marple. "Son mari l'aime, même si elle n'est jamais contente. Il est fou amoureux d'elle, regardez-moi ces grands yeux timides quand elle lui parle ! Et s'il regarde cette enfant, ce n'est pas parce qu'il est séduit... C'est parce qu'elle ressemble à sa mère. Sa mère qu'il a connue avant son mariage... Oui, lui qui n'a jamais pu avoir d'enfant avec sa femme s'est découvert une fille l'année dernière, et comble du hasard, elle travaille juste à côté de lui !"

Mais miss Marple n'était pas là pour révéler les secrets des autres. Elle avait des courses à faire et peu de temps à consacrer à des aveux indiscrets. Le temps ferait son œuvre. Depuis deux semaines, le fermier ouvrait souvent la bouche pour adresser la parole à la jeune fleuriste. Il n'avait pas encore eu assez de courage pour lui parler, mais cela ne saurait tarder. Miss Marple était confiante. D'abord il parlerait à la fille, innocemment, puis sa femme lui criait dessus devant tout le marché pour une raison injuste, ensuite elle recommencerait chez eux, et il livrerait son grand secret. La malheureuse femme serait contrite, présenterait ses excuses à son mari, discuterait elle aussi avec la fille, le mari finirait par avouer leur filiation. Là-dessus, ils découvriraient que la fille était orpheline - ses habits étaient propres mais toujours les mêmes, cela la trahissait - et décideraient de l'adopter.

Miss Marple acheta ses pommes de terre avec un sourire serein aux lèvres. Elle osa un petit commentaire à l'adresse du fermier :

- C'est amusant. Pour un peu, vous pourriez vous allier à vos voisins les fleuristes et vendre aussi les fleurs de vos pommes de terre. Elles sont si jolies !

Le pauvre homme était dans tous ses états.

Miss Marple continua sa route l'air de rien.

Elle croisa une jeune femme à l'air chagrin et fronça le nez.

Abigail Fetherstonhaugh avait perdu un magnifique chat de race voilà une semaine. Elle avait passé plusieurs soirées à parcourir les rues du village en l'appelant, avait mis une écuelle de nourriture devant sa porte, en vain. Le fameux Fragonard, en français s'il vous plaît, n’avait pas pointé le bout de son élégant museau.

"Qu'elle ouvre les yeux, cette enfant. Si le jeune Connor Wayne l'aide autant à chercher, ce n'est pas dans l'espoir de trouver le chat, c'est pour passer du temps auprès d'elle. Le chat se trouve dans son garage. Wayne a des poils roux sur le bas de son pantalon ! Faut-il être aveugle ou naïf pour ne rien voir..."

Elle continua son chemin, adressa des félicitations à un homme de sa connaissance, dont la femme attendait des jumeaux - il n'avait pas encore remarqué que son tour de taille avait beaucoup augmenté depuis qu'elle s'était découverte grosse.

Plus loin, vers le fond du marché, un vieil monsieur tenait un stand de bric-à-brac. C'était principalement des objets antiques, presque disparus, comme une herse ou une voiture à chiens. Le vendeur paraissait s'ennuyer et ne pas savoir ce qu'il faisait là. Dès qu'un client approchait et posait des questions sur la marchandise, il s'animait, comme si on avait pressé les bons boutons sur un automate. Il connaissait chacun de ses produits sur le bout des doigts et pouvait expliquer leur histoire, leur usage, leur entretien.

Cet homme avait touché un immense héritage un mois plus tôt. Miss Marple avait remarqué immédiatement un changement dans son visage. Avant, il était fatigué à cause d'une vie passée à collecter des objets et à parcourir la campagne anglaise pour les vendre. Ensuite, il trahissait l'inquiétude d'un trop pesant secret. L'homme ne savait que faire de tout cet argent. Il n'avait ni famille ni ami. Et tant d'argent attirerait les convoitises ! Il avait donc choisi de se taire et de faire comme s'il n'avait pas une boîte remplie de billets cachée au fond de son placard.

Le maraîcher que miss Marple choisit pour ses oignons et ses rutabagas était jovial et lui donna une botte de carottes en plus de ses achats. Il cachait à tout le monde, y compris sa femme, une maladie qui le rongeait et l'emporterait avant la fin de l'année...

Il ne restait plus que le steak à prendre. Le boucher de miss Marple était un solide gaillard qu'elle connaissait depuis qu'il avait quinze ans. Trente ans plus tard, il restait pour elle ce garçon un peu timide qui n'arrivait pas à parler aux filles, même s'il en avait à présent cinq chez lui. Il se trompa dans la pesée, lui demanda deux livres de moins que le prix prévu, et miss Marple le gronda gentiment en lui tendant le bon prix.

Et il n'avait même pas remarqué que son nouvel apprenti cachait des cheveux longs sous son chapeau et sa poitrine en-dessous de son tablier couvert de sang. C'était une femme qui tranchait les morceaux de viande et déplaçait des carcasses... Miss Marple lui jeta un regard acéré, cherchant à lui faire comprendre à la fois qu'elle avait été découverte et que la vieille femme n'approuvait pas une telle attitude.

Satisfaite de tous ses achats, miss Marple regagna enfin sa maison. Elle passa le reste de la matinée à mitonner ses petits plats. Ses amis arrivèrent à l'heure prévue. Sir Henry Clithering la regarda d'un œil critique dès qu'ils se mirent à table.

- Eh bien, ma chère ? Quel mystère avez-vous déniché depuis la dernière fois ?

- Voyons, monsieur Clithering, s'exclama miss Marple en rougissant. J'ai autre chose à faire qu'à dénicher des mystères, comme vous dites.

- Ah oui ?

- D'ailleurs, vous savez bien qu'ici, à St. Mary Mead, la vie est tranquille et paisible pour une pauvre petite vieille comme moi...

- Vraiment ? N'avez-vous pas démasqué un assassin en descendant la rue ? Ou découvert un cadavre ? Ou dévoilé quelque secret de famille ?

- Je ne vois pas de quoi vous voulez parler.

- Enfin, sir Henry, cessez d'importuner notre amie, intervint le docteur Lloyd. Vous savez qu'elle ne révèlera rien avant le thé...

- Mais qu'aurai-je bien à vous raconter ? Aujourd'hui, je suis seulement sortie faire quelques achats au marché...

- Nous savons que vous connaissez toutes les petites habitudes de vos concitoyens. Vous dites toujours... Qu'est-ce que c'est, déjà ?

- "La nature humaine est partout la même", récita sir Henry.

- En se basant sur cette simple phrase, vous avez sûrement des choses à nous raconter, ma chère. Qu'avez-vous compris aujourd'hui, en vous basant sur vos observations ? Qu'avez-vous découvert ?

- Maintenant que vous le dites, il y a ce chat British longhair qui m'a rappelé l'affaire de Mary Keynes...

agatha christie, pour:mazer, fic, auteur:loco lacrimae

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