Fandom : Sekaiichi Hatsukoi
Personnages/Pairing : Takano Masamune et Ritsu Onodera
Rating : PG - 13
Titre : Barrières
Disclaimer : A Nakamura Shungiku. Cette badass (pour une fois).
Note : Ecrit sur le prompt "Il dit non avec la tête mais il dit oui avec le coeur" [Le Cancre - Jacques Prévert] de
shakeskp pendant le
marathon_prompt de ce week-end.
Ritsu détourna la tête. Takano-san venait encore de lui demander s'il l'aimait. Cette question fatidique. Cette question a un million qu'il avait pris l'habitude d'esquiver comme on chasse d'un mouvement d'épaule une bestiole indésirable. « Je ne retomberai jamais amoureux de vous », « Je n'aime personne à l'heure actuelle », « Et qu'est-ce qui a pu vous faire imaginer une chose pareille ? »... il les lui avait toutes faites. Et toutes avec une mauvaise foi que Takano avait sentie dès le départ. Plus le temps passait, plus les excuses que lui servait le jeune homme étaient tirées par les cheveux.
Et la dernière en date avait de quoi énerver : « Je ne me sens pas encore prêt à le dire ». C'était la meilleure celle-là. Depuis quand lui avait-il besoin de se préparer pour dire quelque chose qui crevait les yeux ? Depuis quand était-il devenu ce type aussi introverti sentimentalement parlant qui ne disait plus rien par peur que l'on se moque de lui ou qu'on lui fasse du mal ? Ah, oui. Maintenant que Takano y pensait, c'était peut-être un peu de sa faute. Si à l'époque il lui avait dit qu'il l'aimait en retour, Onodera n'aurait jamais pris le large et ils n'en seraient pas là aujourd'hui.
Cela l'attristait vraiment, même s'il ne l'avouerait jamais au principal concerné. Dire que tout était parti d'un quiproquo, d'une mal interprétation... L'éditeur en chef eut un sourire amer. C'était cher payer l'omission d'il y a dix ans. Onodera ne s'ouvrait plus à lui, ne lui disait plus rien, ne lui faisait pas confiance et l'évitait autant qu'il pouvait. Pourtant quand ils se retrouvaient ensemble en dehors du cadre professionnel, c'était complètement différent. Malgré ses réticences à l'admettre Ritsu appréciait ces moments. Sinon, pourquoi laisserait-il l'autre homme envahir sa vie privée, son appartement, son lit, son corps de cette façon ? Quand il lui avait demandé si c'était dans ses habitudes de s'envoyer en l'air aussi fréquemment avec une personne qu'il détestait Ritsu avait été catégorique : non, jamais, même pas en rêve. Ça voulait bien dire ce que ça voulait dire.
Masamune savait que s'il tournait autant autour du pot et niait les évidences - quitte à parfois se couvrir de ridicule, il fallait l'avouer -, c'était parce qu'à l'époque, ce gamin tout mignon et pétri de bons sentiments à tel point que c'en était risible avait eu sa part de traumatisme dans l'histoire et chat échaudé craint l'eau froide, disait-on. C'était pour cela que l'éditeur en chef ne voulait pas brusquer les choses, aussi pressé qu'il pouvait l'être - dix ans à rattraper, ça commençait à faire long. Néanmoins Ritsu n'y mettait pas vraiment du sien et se comportait comme une damoiselle qu'il fallait courtiser avec le juste mélange entre des avances fermes et la nonchalance du séducteur aguerri. A la longue, c'était éprouvant. Tant de contradiction en une seule personne le laissait pensif. L'éditeur disait non avec sa tête mais oui avec son cœur. Il refusait de s'engager mais acceptait une fois de temps en temps que Takano lui rappelle qu'il avait des envies à satisfaire. Il semblait heureux quand il l'entendait lui répéter qu'il l'aimait mais ne répondait rien en retour.
C'était ce que l'on appelait un retournement total de situation. Dire qu'une décennie plus tôt, Onodera lui avait dit toutes ces choses absolument adorables et qu'il n'avait pas appréciées à leur juste valeur... Le jeune homme se traita mentalement d'idiot pour être passé à côté de tout ça. Oh ça lui avait fait plaisir, un petit peu, c'était gentil après tout. Mais c'était tout ce que ça lui avait fait. Et c'était bien ça le problème. La situation s'étant complètement inversée, il se retrouvait en quelque sorte à vivre leur relation comme avait pu la vivre Ritsu et... il lui fallait en convenir : c'était très angoissant. Et désagréable. Ça pinçait le cœur et ça réveillait la nuit, ça soulevait des montagnes de questions et ça faisait douter de tout, de rien, jusqu'à soi-même. « Est-ce que je ne le force pas ? Accepte-t-il d'être avec moi juste pour me faire plaisir ? Ou parce qu'il se sent coupable ? Est-ce que je devrais lui dire ce que je pense ? Ne va-t-il pas me repousser en me disant que ce n'est pas son problème ? »
Et beaucoup d'autres du même genre. Masamune soupira et se passa une main sur le visage. Toute cette histoire lui suscitait beaucoup de réflexions et à peu près autant d'incertitudes. Il serait tellement plus simple d'en parler à bâtons rompus avec l'autre concerné mais il se trouvait que celui-ci était en pleine crise de déni et refusait d'entendre quoi que ce soit - et surtout ce genre de choses à vrai dire. Le jeune homme tourna la tête vers la gauche. Derrière le mur de son salon, la porte juste à côté... Il pouvait y être en quelques secondes et une dizaine de pas mais quand il envisageait de se lever, la boule d'anxiété qu'était devenu son ventre se rappelait à son bon souvenir.
Il y avait de ça aussi, en effet. La peur. Takano ne l'avait jamais vraiment montré mais chaque rejet ferme et épidermique de Ritsu lui était arrivé droit au cœur. Les barrières étaient toujours là et solidement là. Apparemment la personne qui les y avait posées avait mis beaucoup de volonté à ce qu'elles ne s'ouvrent pas au premier venu. Un rire amer. Il venait tout juste de se désigner comme « le premier venu », là, non ? C'était un peu réducteur. Mais pour l'autre homme cela semblait être la même chose ; ex de longue date ou collègue de travail, il refusait de se dévoiler si facilement. Du second point de vue c'était louable. Du premier c'était juste chiant. Il se leva du canapé dans lequel il avait pourtant prévu de passer la soirée à ruminer et se dirigea vers l'entrée. Si les barrières ne voulaient pas s'ouvrir devant lui, il allait juste devoir les faire tomber lui-même. Ça ne le dérangeait pas tant que ça.
Fin