"Ночная" поэзия. Артюр Рембо

Jul 02, 2010 16:05


Да, днем, и не надо придираться к словам.
Решил я перебить поток английской поэзии мощной французской струей и поместить два моих любимых стихотворения Артюра Рембо, которые я читаю и перечитываю постоянно, в течение многих лет. Просто поэзии ради. Больше ничего.
Рембо - очень странный человек, об особенностях личной жизни и биографии которого можно писать много, но мне это не интересно. Гениальный поэт, который писал стихи всего несколько лет, примерно с 1869 по 1873 год, а потом напрочь завязал.
Вот уж кого-кого, а Рембо на русский язык переводили много, пожалуй, даже слишком много. Поэтому у меня не было проблем с поиском и выкладыванием переводов.
Другое дело, что эти стихотворения, как и практически все остальные - принципиально непереводимы. Напрасно стараться, хотя и пробовать тоже надо, конечно

Première Soirée Первое свидание

- Elle était fort déshabillée Она была полураздета,
Et de grands arbres indiscrets И со двора нескромный вяз
Aux vitres jetaient leur feuillée В окно стучался без ответа
Malinement, tout près, tout près. Вблизи от нас, вблизи от нас

Assise sur ma grande chaise, На стул высокий сев небрежно,
Mi-nue, elle joignait les mains. Она сплетала пальцы рук,
Sur le plancher frissonnaient d'aise И легкий трепет ножки нежной
Ses petits pieds si fins, si fins Я видел вдруг, я видел вдруг

- Je regardai, couleur de cire И видел, как шальной и зыбкий
Un petit rayon buissonnier Луч кружит, кружит мотыльком
Papillonner dans son sourire В ее глазах, в ее улыбке,
Et sur son sein, - mouche ou rosier На грудь садится к ней тайком

- Je baisai ses fines chevilles. Тут на ее лодыжке тонкой
Elle eut un doux rire brutal Я поцелуй запечатлел,
Qui s'égrenait en claires trilles, В ответ мне рассмеялась звонко
Un joli rire de cristal И смех был резок и несмел.

Les petits pieds sous la chemise Пугливо ноги под рубашку
Se sauvèrent: "Veux-tu en finir!" Укрылись: "Как это назвать?"
- La première audace permise, И словно за свою промашку
Le rire feignait de punir! Хотела смехом наказать

- Pauvrets palpitants sous ma lèvre, Припас другую я уловку!
Je baisai doucement ses yeux: Губами чуть коснулся глаз;
- Elle jeta sa tête mièvre Назад откинула головку:
En arrière : "Oh! c'est encor mieux!... "Так, сударь, лучше... Но сейчас

"Monsieur, j'ai deux mots à te dire..." Тебе сказать мне что-то надо..."
- Je lui jetai le reste au sein Я в грудь ее поцеловал,
Dans un baiser, qui la fit rire И тихий смех мне был наградой,
D'un bon rire qui voulait bien... Добра мне этот смех желал...

- Elle était fort déshabillée Она была полураздета,
Et de grands arbres indiscrets И со двора нескромный вяз
Aux vitres jetaient leur feuillée В окно стучался без ответа
Malinement, tout près, tout près. Вблизи от нас, вблизи от нас

Le bateau ivre

Comme je descendais des Fleuves impassibles,
Je ne me sentis plus guidé par les haleurs :
Des Peaux-Rouges criards les avaient pris pour cibles,
Les ayant cloués nus aux poteaux de couleurs.

J'étais insoucieux de tous les équipages,
Porteur de blés flamands ou de cotons anglais.
Quand avec mes haleurs ont fini ces tapages,
Les Fleuves m'ont laissé descendre où je voulais.

Dans les clapotements furieux des marées,
Moi, l'autre hiver, plus sourd que les cerveaux d'enfants,
Je courus ! Et les Péninsules démarrées
N'ont pas subi tohu-bohus plus triomphants.

La tempête a béni mes éveils maritimes.
Plus léger qu'un bouchon j'ai dansé sur les flots
Qu'on appelle rouleurs éternels de victimes,
Dix nuits, sans regretter l'oeil niais des falots !

Plus douce qu'aux enfants la chair des pommes sûres,
L'eau verte pénétra ma coque de sapin
Et des taches de vins bleus et des vomissures
Me lava, dispersant gouvernail et grappin.

Et dès lors, je me suis baigné dans le Poème
De la Mer, infusé d'astres, et lactescent,
Dévorant les azurs verts ; où, flottaison blême
Et ravie, un noyé pensif parfois descend ;

Où, teignant tout à coup les bleuités, délires
Et rhythmes lents sous les rutilements du jour,
Plus fortes que l'alcool, plus vastes que nos lyres,
Fermentent les rousseurs amères de l'amour !

Je sais les cieux crevant en éclairs, et les trombes
Et les ressacs et les courants : je sais le soir,
L'Aube exaltée ainsi qu'un peuple de colombes,
Et j'ai vu quelquefois ce que l'homme a cru voir !

J'ai vu le soleil bas, taché d'horreurs mystiques,
Illuminant de longs figements violets,
Pareils à des acteurs de drames très antiques
Les flots roulant au loin leurs frissons de volets !

J'ai rêvé la nuit verte aux neiges éblouies,
Baiser montant aux yeux des mers avec lenteurs,
La circulation des sèves inouïes,
Et l'éveil jaune et bleu des phosphores chanteurs !

J'ai suivi, des mois pleins, pareille aux vacheries
Hystériques, la houle à l'assaut des récifs,
Sans songer que les pieds lumineux des Maries
Pussent forcer le mufle aux Océans poussifs !

J'ai heurté, savez-vous, d'incroyables Florides
Mêlant aux fleurs des yeux de panthères à peaux
D'hommes ! Des arcs-en-ciel tendus comme des brides
Sous l'horizon des mers, à de glauques troupeaux !

J'ai vu fermenter les marais énormes, nasses
Où pourrit dans les joncs tout un Léviathan !
Des écroulements d'eaux au milieu des bonaces,
Et les lointains vers les gouffres cataractant !

Glaciers, soleils d'argent, flots nacreux, cieux de braises !
Échouages hideux au fond des golfes bruns
Où les serpents géants dévorés des punaises
Choient, des arbres tordus, avec de noirs parfums !

J'aurais voulu montrer aux enfants ces dorades
Du flot bleu, ces poissons d'or, ces poissons chantants.
- Des écumes de fleurs ont bercé mes dérades
Et d'ineffables vents m'ont ailé par instants.

Parfois, martyr lassé des pôles et des zones,
La mer dont le sanglot faisait mon roulis doux
Montait vers moi ses fleurs d'ombre aux ventouses jaunes
Et je restais, ainsi qu'une femme à genoux...

Presque île, ballottant sur mes bords les querelles
Et les fientes d'oiseaux clabaudeurs aux yeux blonds.
Et je voguais, lorsqu'à travers mes liens frêles
Des noyés descendaient dormir, à reculons !

Or moi, bateau perdu sous les cheveux des anses,
Jeté par l'ouragan dans l'éther sans oiseau,
Moi dont les Monitors et les voiliers des Hanses
N'auraient pas repêché la carcasse ivre d'eau ;

Libre, fumant, monté de brumes violettes,
Moi qui trouais le ciel rougeoyant comme un mur
Qui porte, confiture exquise aux bons poètes,
Des lichens de soleil et des morves d'azur ;

Qui courais, taché de lunules électriques,
Planche folle, escorté des hippocampes noirs,
Quand les juillets faisaient crouler à coups de triques
Les cieux ultramarins aux ardents entonnoirs ;

Moi qui tremblais, sentant geindre à cinquante lieues
Le rut des Béhémots et les Maelstroms épais,
Fileur éternel des immobilités bleues,
Je regrette l'Europe aux anciens parapets !

J'ai vu des archipels sidéraux ! et des îles
Dont les cieux délirants sont ouverts au vogueur :
- Est-ce en ces nuits sans fonds que tu dors et t'exiles,
Million d'oiseaux d'or, ô future Vigueur ?

Mais, vrai, j'ai trop pleuré ! Les Aubes sont navrantes.
Toute lune est atroce et tout soleil amer :
L'âcre amour m'a gonflé de torpeurs enivrantes.
Ô que ma quille éclate ! Ô que j'aille à la mer !

Si je désire une eau d'Europe, c'est la flache
Noire et froide où vers le crépuscule embaumé
Un enfant accroupi plein de tristesse, lâche
Un bateau frêle comme un papillon de mai.

Je ne puis plus, baigné de vos langueurs, ô lames,
Enlever leur sillage aux porteurs de cotons,
Ni traverser l'orgueil des drapeaux et des flammes,
Ni nager sous les yeux horribles des pontons.

Теперь по-русски
Перевод Евгения Витковского
перевод Владимира НАбокова
много других переводов

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