Titre : De terre verte
Auteur :
anadyomedeThème : Accident d'avion
Fandom : Hair
Personnages : Claude et Berger
Rating : PG-13
Disclaimer : Tout appartient à Milos Forman.
Mais pour que le silence revienne, il aurait fallu que l’avion s’écrase au milieu du chemin.
C’est ce que Claude avait pensé en voyant le ciel s’ouvrir, et il avait eu beau courir, courir à s’en exploser les jambes, et les bras, et le ventre, l’avion avait continué sa petite route tracée. Bien droit, bien décidé, il s’était laissé piloter, rempli de ses soldats, de ses hommes armés qui pour de vrai ne savaient rien de ce qu’il leur préparait.
Et Claude s’était dit : mais comment avons-nous pu être aussi idiots. Comment, comment. Changer de nom un si court instant, pour un pique-nique, pour une bêtise, et maintenant il y avait eu cet appareil affreux qui était parti au-dessus des oiseaux avec Berger dedans. Jusqu’au bout, jouant son rôle, jouant son nom.
Et Claude, Claude en bas. Claude qui avait couru il ne savait plus pourquoi. Pour la guerre qui avait vidé la caserne en emportant Berger contre ses seins, pour arrêter l’implacable machination ; pour rien.
Longtemps, les jours suivants, il en avait rêvé.
A quel moment Berger avait-il pu s’y résoudre ? L’avait-il fait seulement un instant ? Lorsqu’on l’avait appelé, lorsqu’il avait pris le casque de Claude, son sac, sa place dans la longue file ? Ou en voyant l’avion, en s’y engouffrant comme une fourmille - oui à cet instant sûrement il avait dû comprendre et il avait dû penser à Claude, et Claude qui était à présent lui, et à combien la guerre est bête mais le destin aussi.
Les jours se sont trainés dans ce silence, dans cette carcasse de honte qui répétait qu’il fallait que l’avion s’écrase dans l’océan, qui se laisse plonger parce que Berger ne pourrait jamais plus revenir vivant alors à quoi bon attendre la fin de la guerre ? Non, il fallait qu’il soit mort bien avant le Vietnam, bien avant qu’on ne le force à presser le canon. Il fallait que dans l’Atlantique, il pique du nez, qu’il ramasse les vagues. Et Berger dedans, oui ce serait affreux, ce serait injuste. Berger avait sa vie toute ouverte à ses pieds, avec ses grands idéaux dans la tête quand il grimpait sur les tables, quand il jetait les verres et les assiettes. Mais ce sera fini, toujours, ce sera balayé dans l’eau si seulement l’avion... Et dans l’eau ce serait mieux que dans la violence de terre verte, dans la terreur, la maladie, les balles et le sang, le soleil grisé de fumée, les oiseaux couverts par les bombes.
Un accident d’avion. Claude en a dessiné des centaines et des milliers. Chaque seconde qu’il ouvrait les yeux, chaque seconde qu’il les refermait, il en voyait et il les a attendu, attendu. Est-ce qu’on en parlerait ? Est-ce qu’on s’en souviendrait ? Un simple accident pour figer Berger, ça aurait été mieux puisqu’Hamlet disait : Le reste est silence. Mais Berger dans une guerre, ce ne serait plus jamais silence.
Et Claude, à présent, vivant. L’autre mort.