Titre : Une douce litanie
Auteur :
anadyomedeThème : Se servir des autres ou être utilisé
Fandom : Everworld
Personnages : Senna/David
Rating : PG
Disclaimer : Tout appartient à K. A. Applegate.
Note : Ecrit aussi pour
30_baisers avec le thème "Toi et moi".
« Toi et moi, dit-il, on aurait pu s’aimer tellement fort qu’on se serait crevé, tu sais, on se serait crevé d’amour. »
Senna s’est retournée. Elle a eu envie de hurler mais le filet l’en a empêché. Toute cette toile sur son visage, c’est comme si elle s’étouffait et la moindre inspiration devient vitale. Elle s’est déjà épuisée. Lorsqu’elle est tombée, elle s’est à moitié tuer à force de crier et maintenant, elle se sent comme dans un rêve et elle entend David mais elle sait bien, tout au fond, qu’il n’est pas là.
« C’est tomber fou amoureux, au début ça ne fait aucun mal, c’est terriblement joyeux et puis c’est malsain au milieu pour finir par te tirer des balles dans le cœur. Toi et moi, c’est un peu la même histoire, tu ne crois pas ? Sauf qu’il n’y a que moi, que moi qui pense à toi même quand je suis fort, même quand je dors et puis je te dessine ici ou ailleurs, mais comme tu t’en fiches c’est pour de faux nous deux. »
Elle remue encore. Elle ferme les yeux, elle aimerait se boucher les oreilles parce qu’elle ne sait pas ce qui est pire : les cris des sacrifiés dont Hel se délecte ou le murmure d’un David inexistant qui se dresse de nulle part, qui apparaît de sa faiblesse pour l’entourer toute entière et la dévorer.
Ses doigts n’obéissent plus à rien. Ils se sont emprisonnés et elle les sent glacés. Son sang bat encore à ses oreilles, oui, elle l’entend quand y pense, qui remonte, qui descend, qui se fige lorsque le silence reprend. Et alors Senna s’aperçoit qu’il y a quelque chose de rassurant à cette voix qui n’existe pas.
« Tu te souviens quand tu m’as embrassé, il faisait nuit partout, je rêvais et puis tu es arrivées, tu flottais du dehors au dedans, tu m’as embrassé très doucement et tu nous as scellé, toi et moi, tu le sais n’est-ce pas ? Tu étais tellement jolie, j’aurai pu pleurer tellement je t’ai aimée. Mais pourquoi fais-tu tout ça, Senna ? Tout aurait pu être si facile, ne crois-tu pas ? Juste toi et moi, ici, je ne t’aurais jamais laissée seule mais te voilà partie, toi, toi sans moi. Comme c’est bête, Senna. »
Elle a pleuré sans s’apercevoir de toute sa peur qui dégoulinait sur son visage de superbe, sur ses joues éternelles de beauté, sur son cou et entre ses seins terrifiés.
« Et au final je ne t’en veux même pas. Tu ne t’aimes pas alors tu te sers des autres, tu te sers de moi. Tu crois alors que tu n’en deviendras que plus forte mais regarde-toi à présent. Regarde-toi chez Hel, comme tout est devenu noir maintenant que tu sers d’appât, que tu es comme une mouche embourbée dans une toile que tu as cru maîtrisée, jolie petite esclave d’une déesse dont tu pensais te jouer. Se servir des autres ou être utilisée, tu n’avais jamais cru un jour que les rôles s’inverseraient. Mais toi et moi, on aurait pu construire quelque chose de très beau, et je t’aurai aimée, et je t’aurai adorée, tu serais devenue la personne la plus puissante du monde dans mes bras, tu sais. »
Que quelqu’un tue cette voix. Ce David qui n’est pas là mais qui est en train de la bouffer, que quelqu’un vienne à bout de cette obscurité parce qu’elle n’en ressortira que plus folle si on l’abandonne, parce qu’elle sent la haine se mêler à sa terreur. Toute cette faiblesse dégoulinante, comme elle est dégoûtante ! Pourquoi David, elle n’a besoin de personne et personne n’a jamais eu besoin d’elle.
« Toi et moi, répète-t-il. C’est une litanie dont tu ne te passeras jamais. Toi et moi, on aurait pu crevé les merveilles du monde et les garder serrées contre nos cœurs, si seulement tu ne t’étais pas jouée de moi, si seulement tu ne t’étais pas haïe à ce point. Toute la vie, ne penses-tu pas, elle aurait juste pu se résumer à toi et moi. »