[Fic GW] Cocoon Crash

May 23, 2010 14:16

Écrit le 23 mai 2010 dans le cadre du marathon_prompt.
Prompt : « Ma maison est un nuage » lancé par tipitina
Rating : PG
Résumé : institut psychiatrique

Cocoon Crash

Les murs étaient moins blancs qu’il ne l’avait imaginé. Le linoléum chiné auxquels ses semelles semblaient coller et la luminosité vert amande qui se déversait sur les murs grisâtres ne l’en rendirent pas moins malade pour autant. Il en avait connu, des hôpitaux, cliniques, centres de rééducation, tout ce qui se rapprochait (ou pas) d’un lieu où l’on pratiquait la médecine… des planques, aussi, où un spray désinfectant et des bandages (parfois des morceaux de draps ou de vêtements) tenaient lieu de matériel de soin, mais jamais il ne s’était senti aussi physiquement mal que dans cet endroit. Son corps était pourtant ce sur quoi il avait le meilleur contrôle, depuis toujours ; ce n’était qu’une question de discipline, de volonté. Mais dans ces couloirs où la claustrophobie rampait à la périphérie de sa vision, la nausée prenait le dessus, son pouls était animé d’un battement propre auquel il ne pouvait rien.
« Cela lui fera plaisir de recevoir de la visite », lui sourit la femme en blouse qui lui montrait le chemin. Il n’était pas sûr qu’elle fût infirmière. Sitôt rentré, il enquêterait sur la compétence de chacune des personnes de l’établissement. « Vous êtes amis depuis longtemps ? »
Amis, il n’était pas sûr de l’être. La question, innocente et qu’il aurait pu classer dans ce que, fut un temps, Duo avait appelé « la pluie et le beau temps », était bien plus complexe que la femme n’en avait eu l’intention. Définir ce qu’il y avait entre eux - tous - n’avait rien d’aisé mais quand Heero avait appris, la question de venir ou pas ne s’était, elle, même pas posée.
« Nous avons vécu des moments difficiles, répondit-il simplement, avec sincérité.
- Je vois ». Heero en doutait. Elle se mordilla la lèvre inférieure, signe de nervosité, tout comme son regard fuyant lorsqu’elle releva les yeux sur lui. « Je dois vous avertir, afin que vous soyez préparé. Il est possible qu’il ne vous reconnaisse pas ou que ses souvenirs de vous soient… confus, qu’il vous paraisse incohérent. Mais rassurez-vous, il n’est pas violent.
- Vous le médicamentez ?
- Nous n’en avons pas besoin. Comme je vous le disais, il est très calme. »
Les sentiments de Heero étaient mitigés. Il savait mieux que personne le danger que Duo pouvait représenter, surtout enfermé, encore plus dans un tel lieu et, en apprenant la nouvelle, il s’était autant inquiété pour son… ami, puisqu’il fallait le dire, que pour ceux qui l’entoureraient. Mais Duo, calme ? Comment aurait-il pu s’en trouver soulagé ?
« Prépare-toi à recevoir un choc, l’avait prévenu Trowa. Il n’est plus la personne que tu as connue.
- Comment a-t-il changé ? »
Au geste évasif de Trowa, il avait su que quelque chose n’allait pas.
« Tu verras.
- Quand l’as-tu vu pour la dernière fois ? »
Lui aussi avait détourné les yeux.
« Je… ne vais pas le voir.
- C’est vrai, ce que Quatre a dit ? »
La mine de Trowa s’était faite chagrinée mais il n’avait pas répondu.
« Comment le soignez-vous ? questionna-t-il, lassé de n’obtenir que fuite à ses questions.
- Son bien être est très important à nos yeux, lui assura-t-elle.
- Ce n’est pas ce que je vous ai demandé.
- Je suis navrée. Les médecins ne pensent pas pouvoir le guérir. »
Ça aussi, on le lui avait dit. Il refusait toujours d’y croire.

Elle le conduisit jusqu’à une salle commune où une lumière plus naturelle en provenance des fenêtres ne parvenait pas à faire oublier où vous vous trouviez. Sur sa droite, un poste de télévision allumé ressemblait autour de lui trois patients. Heero n’aurait sur dire qui de l’écran ou des sédatifs les hypnotisait autant. Quelques tables occupaient çà et là l’espace. Sur la gauche, un tapis rappelant furieusement une surface de sol pour enfants. Duo lui tournait le dos, assis en tailleur, le nez en l’air vers une lune qui ne s’y trouvait pas. L’espace d’un instant, Heero le vit se retourner, lui lancer par dessus son épaule un sourire accueillant, un peu plaisantin, mais la vision s’évanouit aussitôt. Si ce qu’ils prétendaient tous était vrai, alors Duo n’avait peut-être même pas remarqué sa présence.
La femme se dirigea sans hésiter vers son ami, Heero lui emboîta le pas. Chacun d’entre eux lui était difficile, comme si contre toute raison, tourner les talons maintenant, nier la réalité qui commençait à prendre prise sur son esprit pourrait tout effacer. Guérir. Revenir en arrière. S’il avait su, il aurait…
S’il avait su…
Elle se pencha en avant, les mains appuyées sur les genoux, et sourit comme on le fait à un enfant. Cela enragea Heero plus que de raison.
« Duo… Duo ? J’ai une surprise pour toi. Regarde qui est venu te voir… »
Elle s’écarta pour leur donner de l’espace. Duo… n’avait pas vraiment changé. Si l’on exceptait les vêtements dont on l’avait affublé et qui faisaient penser à un immonde pyjama informe (de son vivant, Duo n’aurait jamais accepté de porter une chose pareille), il ressemblait trait pour trait au pilote avec lequel Heero avait combattu. Si l’on exceptait l’expression ouverte, vide, avec laquelle il le dévisageait. Si l’on exceptait…
Prépare-toi, lui avait-on dit. Répété maintes fois.
« C’est ton ami Heero, encouragea la femme. Dis-lui bonjour. »
Duo sourit, se leva pour en deux pas se jeter dans ses bras. Le geste plus que son poids déstabilisa Heero plus que tout autre accueil.
« Heero ! »
Mais ce fut l’intonation de Duo qui manqua de l’achever.
Prépare-toi.
Il avait cru l’être.
Prononcer les mots suivants fut le combat le plus difficile qu’il eut jamais à mener.
« Bonjour, Duo. »
Il serra contre lui le corps frêle, non, pas frêle, mais à l’abandon. Confiant comme Duo, sans doute, ne l’avait jamais été. Sans défense. Vulnérable à toute agression.
Le rire clair qui vibra dans son cou l’emplit d’une terreur sans nom. Incapable pourtant de le lâcher, Heero s’écarta pour le regarder. Il chercha quoi dire, resta muet un long moment.
« Comment vas-tu ? »
Les grands yeux de Duo se troublèrent, son sourire infantile s’arrondit en une expression étrangère.
« Il réagit mieux aux questions en oui ou non », s’immisça la femme. Heero hocha la tête sans le quitter des yeux. Il lui fallut plusieurs secondes pour reformuler, son esprit refusait de fonctionner.
« Tu te plais, ici ?
- Oh, oui ! Les gens sont très gentils et ils me laissent envoler les papillons !
- C’est… bien.
- Toi aussi, tu as l’air gentil, poursuivit-il. Tu veux voir ma chambre ?
- C’est l’heure de la salle commune, rappela en douceur la femme. Il est trop tôt pour retourner dans ta chambre.
- Oh oui, c’est vrai… » Oublieux de la présence de l’aide-soignante juste à leurs côtés, Duo lui chuchota : « Y’a plein de règles ici mais je te les apprendrai.
- Je vais vous laisser discuter tous les deux. Je ne serai pas loin en cas de soucis. »
Duo délaissa le cou de Heero pour lui adresser un au revoir de la main auquel elle répondit avec bonhomie. Ensuite, il prit Heero par la main et le fit s’asseoir par terre.
« Non, non, non ! Pas comme ça ! Il faut plier les genoux ! Voilà, comme ça, sinon ça va pas ! »
Ne voulant pas le contrarier, Heero l’imita, bien qu’inconfortable en position tailleur.
« Qu’est-ce que tu faisais quand je suis arrivé ? »
La question sembla ravir Duo qui l’illumina en désignant un nuage plus gros que les autres.
« Je regardais ma maison !
- Ta maison ?
- Ma maison, elle est au ciel mais je ne peux pas y aller pour l’instant alors je la surveille pour pas qu’elle se transforme en pluie. Ils disent qu’ils veillent sur moi alors je veux aussi veiller sur eux. Et toi, elle est où, ta maison ? »
Incertain de si Duo faisait référence aux Colonies ou à quelque chose de plus métaphorique, Heero décida de biaiser.
« Pour l’instant, je suis ici.
- Je vais te confier un secret, tu veux ?
- Je t’écoute. »
Duo se rapprocha. Il chuchota à nouveau, sur le même ton qui aurait permis à quelqu’un assez proche de l’entendre qu’un peu plus tôt.
« Ils pensent tous que je suis fou mais ce n’est pas vrai.
- Qui, tous ?
- Ceux qui ne veulent pas devenir des papillons. Ils pensent que c’est de ma faute mais je ne sais pas quoi leur dire de plus !
- Ils se mettent en colère ? Ils te font du mal ? »
Duo cligna des yeux.
« Qui ça ? »
Décontenancé, Heero balbutia : « Ceux qui… ne veulent pas être un… papillon…
- Quoi ? »
Le désarroi de Duo fut si sincère que Heero se hâta de changer de sujet. Il éclaircirait tout ça plus tard auprès d’autres personnes. Duo ne semblait pas maltraité. Certes ses vêtements trop grands camouflaient la majorité de son corps mais il avait le visage bien rempli de ceux qui mangent à leur faim et il se mouvait avec aisance. Il doutait, d’autre part, que Duo pût chercher à lui dissimuler des blessures. Plus maintenant.
Il écouta avec attention le babillage incohérent de Duo, mémorisant la moindre phrase pour la décortiquer plus tard, au cas où elle révélerait autre chose, recèlerait un message caché, un appel… Duo répondait à ses questions, parfois à côté, parfois semblait parler tout seul ou à quelqu’un d’autre, et quand la femme revint leur annoncer que son temps de visite était écoulé, Heero se sentait vidé de ses forces. Peut-être comprenait-il un peu mieux l’attitude de Trowa. Mais il refusait de l’imiter.
« Je reviendrai te voir, promit-il.
- Tu t’en vas ?
- Mais je reviendrai. »
La bouche de Duo se courba de déception et son menton de fripa.
« C’est bientôt l’heure du repas, Duo, dit la femme. Il faut aller te nettoyer avant de manger.
- Heero ne peut pas rester ?
- Non, pas aujourd’hui.
- Je reviens bientôt, d’accord ? » Puis, mû par une force inconnue, Heero le prit dans ses bras. « Tout se passera bien… »
Il fallut qu’un autre aide-soignant rassemblât les patients éparpillés dans la pièce pour que Duo acceptât de la quitter. Il s’en fut avec un triste signe d'au revoir à l’attention de Heero et celui-ci, comme la femme plus tôt, se sentit le lui retourner. Il ne se souvenait pas avoir jamais agité la main de la sorte avant ce jour. Il chassa toute détresse quand il pivota vers la femme en blouse.
« Je veux voir son médecin. »
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