Dec 20, 2009 12:13
Après de longues heures d’hésitation, Faramir avait pris sa décision. Si son Roi et compagnon d’armes avait su partir pour faire face au danger, alors lui-même devait être capable d’affronter la morsure terrible de l’amour, qui déjà faisait saigner son cœur. En ce moment-même, Aragorn et sa suite d’amis et héros se trouvaient en route pour le Mordor, s’ils n’étaient pas déjà arrivés à destination. Peut-être étaient-ils morts à la seconde où Faramir s’était décidé, peut-être se battaient-ils encore, non pour leur vie, mais pour Frodon.
Pour eux, pour Frodon, Faramir se devait de croire en l’avenir, de vivre et d’agir comme si un lendemain existait bel et bien. Le semi-homme n’avait jamais cessé de marcher vers son Destin, pas même lorsque Faramir l’avait retenu contre son gré. Il s’était battu, débattu parce qu’il croyait en sa quête. Désormais, le Fils de la cité blanche croyait en lui également. Malheureusement… il ne pouvait décrire l’amertume qui l’habitait suite à la mort de tous ses cavaliers, son inconscience, cette bataille décisive à laquelle il n’avait pu participer, et la mort de son père dans les flammes de la folie… Que de regrets quant à toutes ces choses qu’il n’avait pas accomplir.
Blessé, on lui avait remis les clefs de Minas Tirith. Les mots d’Aragorn, fils d’Arathorn, avaient touché son cœur et pansé la plaie béante : « Si nous tombons, si Frodon échoue, alors tu es notre second front, mais aussi le dernier. J’ai confiance en toi pour soigner nos blessés, relever nos murs, et croire un avenir brillant, où les cendres du Mordor ne pourront plus nous atteindre. »
Une longue journée s’était écoulée depuis le départ du roi et de son cortège de combattants, issus de tous les peuples libres. Faramir avait dû maintenir l’ordre dans la cité désertée de ses protecteurs, ainsi que dans son esprit agité.
Il avait pris de nombreuses décisions, dont certaines lui valaient quelques remords, mais il savait que ces derniers valaient mieux que des regrets. Car il fallait agir.
Ce soir, Faramir allait agir suivant son cœur.
Ce soir, s’il était le dernier soir, alors il serait le plus beau, un souvenir si impérissable que la Mort ne parviendrait à effacer. Ce soir, Faramir n’aurait pas de regrets.
Ce soir, si Eowyn devait pleurer, que ce fût de joie et non de peine.
Avant même de la rencontrer, Faramir était tombé amoureux de tout son être. Il avait entendu quels hauts faits elle avait accomplis, entendu les louanges quant à sa beauté solaire, entendu la description de la grâce de ses poignets, de la courbure de son dos, mais aussi entendu le récit de la force de son bras et de l’immensité de son courage.
A l’instant où il avait entendu son prénom, Faramir avait su qu’il n’y aurait jamais d’autre femme de sa trempe en ces terres ; qu’elle était l’avatar de ses attentes les plus folles.
Puis, il l’avait rencontrée, et la magie avait opéré des deux côtés. Comment une si forte femme pouvait-elle bien vouloir d’un homme si faible ? Le mystère restait entier, toutefois, Faramir était le premier à s’en réjouir.
Il l’avait veillée, jour et nuit, à la place d’Aragorn, qui avait alors confié son opinion au Fils de la cité blanche :
« Elle mérite mieux que moi, elle vous mérite. Je n’aurai jamais à son égard la moitié de l’amour que vous lui portez. Elle mérite quelqu’un qui l’aime. Prenez soin d’elle. »
Le roi avait quitté l’infirmerie, laissant Faramir pantois. Lui, le fils haï, le frère dans l’ombre éternelle de Boromir, pouvait-il se prétendre à la hauteur d’une Eowyn, qui jadis avait désiré un homme tel qu’Aragorn ?
Il l’aimait, elle l’aimait en retour, Faramir le savait.
Deux jours, c’était court pour apprendre à se connaître, mais l’amour n’avait pas éclot entre eux : il avait explosé. Et s’ils devaient mourir demain…
Faramir n’avait qu’une certitude : il voulait la rendre heureuse jusqu’au jour de sa mort, jusqu’à son dernier souffle, et vivre l’éternité auprès d’elle, enlacé dans la tombe, sous les Simbelmynë du Rohan ou bien dans la pierre du Gondor. Cependant, à deux doigts d’ouvrir la porte de la salle où il savait trouver la femme concrétisant ses rêves, celle qui donnait corps à ses souhaits les plus ardents, il hésitait.
Il ne voulait ni regrets, ni remords… que ferait-il, si d’aventure elle le rejetait ?
La main sur la poignée, Faramir sentit celle-ci se dérober. Tout à coup, la porte s’ouvrit, et de l’autre côté, Eowyn s’avançait. Elle manqua de le percuter. Une douce mèche de cheveux effleura la main de Faramir, qui crut mourir par anticipation de ce qu’il allait lui demander.
Le regard bleu du jeune homme se noya dans les ténèbres brunes des yeux en face de lui. Ils étaient si proches, son visage, tendu vers le sien… l’aurait-elle repoussé, en cet instant, s’il avait trouvé le courage de l’embrasser ? Faramir secoua la tête et recula d’un pas. Il n’avait pas de courage en lui.
Pourtant, il parla.
« Je vous cherchais. »
Elle eut un délicieux sourire qui éclaira son visage un peu pâle et répondit : « Cela est amusant, je sortais pour vous trouver. »
Elle quitta l’infirmerie pour venir avec lui dans le couloir. Faramir l’aida à refermer la porte, car la belle, avec son bras en écharpe, n’était déjà parvenue à l’ouvrir qu’à grand peine.
« Pourquoi me cherchiez-vous ? »
En pensée, Faramir se maudit de poser cette question. C’était une manière comme une autre d’éviter d’avoir à poser cette autre question, celle pour laquelle il hésitait tant à se lancer.
« J’avais envie d’être à vos côtés. » répondit la jeune femme, dont la joue droite portait encore les traces des draps, sur lesquels elle passait le plus clair de son temps à récupérer ses forces.
Elle tendit sa main valide vers les siennes. Il la saisit, plein de douceur, et caressa la peau veloutée, espérant ainsi lui signifier son affection. Elle tremblait. Un courant d’air glacial traversait le couloir, pourtant, il apporta avec lui la chaleur de la témérité. Faramir vit qu’elle attendait qu’il parle, aussi se lança-t-il.
Il n’y aurait jamais de meilleur moment, seulement des bons. Faramir décida de saisir sa chance :
« Eowyn, je vous aime. »
Cela, elle le savait déjà, néanmoins c’était la première fois qu’il l’exprimait à haute voix, autrement que par un regard, une attention délicate, un sourire… La blonde et pâle jeune femme rougit furieusement, la bouche entrouverte, terriblement tentante, attirante, avec sa lèvre supérieure plus fine que l’inférieure, et cette couleur rose aussi pâle qu’un bourgeon. Sur ces lèvres, la jeunesse de ses vingt ans attendait d’être cueillie. Faramir espérait y être autorisé dans les minutes qui allaient suivre.
« Je l’ai ressenti à la seconde où j’ai ouï dire vos exploits. Après quoi, lorsque je vous ai vu pour la première fois, bien que faible et fiévreuse, j’ai su que mon cœur vous chérissait déjà bien avant. Je vous aime plus que je ne saurai l’exprimer. Les mots me manquent pour décrire le trouble qui me traverse quand je vous vois. Si vous saviez quelle joie m’a traversé à votre réveil, notre première conversation, et les suivantes. Et si vous saviez quelle terreur m’agite, en ce moment… quand je vous parle… »
Elle ne lâcha pas la main du jeune homme qui s’ouvrait à elle. Au contraire, elle la serra plus fort. Quoique cela pût signifier pour elle, Faramir le prit comme un signe d’encouragement. Il poursuivit :
« J’ai peur, comme nous tous ici, mais la raison est différente. Eowyn : j’ai peur que vous ne m’aimiez pas ! Peu m’importe la fin du monde, si vous m’aimez et… »
Il s’agenouilla, et posa son autre main sur celle de sa mie. Pour la réchauffer, dans l’écrin de sa propre peau, de son propre corps. Pour l’aimer et la chérir.
« Je vous aime aussi. »
C’était déjà plus qu’il n’espérait recevoir ce soir. Son cœur manqua un battement, perdu à jamais, qui alla rejoindre ces autres pulsations manquées, étouffées d’amour et d’excitation.
« Épousez-moi. »
C’était dit.
Le court silence qui suivit cette déclaration, Faramir devait se le rappeler toute sa vie. Eowyn, abasourdie, retira sa main d’entre celles de son prétendant, pour la porter à sa bouche désormais close. Un râle, qu’il prit d’abord pour un pleur, monta dans sa gorge si pâle. Bientôt, ce fut un « oui », rauque d’émotion pure, qui s’échappa de sa bouche parfaite.
Eowyn fondit en larmes dans ses bras, soudain. Elle était tombée à genoux et pleurait dans ses cheveux - ou bien était-ce ses propres larmes que Faramir sentait contre ses joues ? Il la serra contre lui, s’abreuva à la cascade de sa chevelure blonde, pour en sentir le parfum qu’il avait jusque là capté à grand peine, de loin. Quel bonheur c’était de les caresser, de les toucher, d’y tremper ses doigts comme dans une eau torrentielle !
Faramir crut qu’il n’aurait jamais pu être plus heureux, jusqu’à ce qu’elle se décolle de son torse parcouru de tremblements, et ne vienne coller ses lèvres contre les siennes.
Un baiser chaste, que la passion transcendait, que les larmes salées de joie rendait plus puissant que toute étreinte charnelle.
« Je vous aime, Eowyn du Rohan. »
« Et je vous aime en retour, Faramir du Gondor. Vous avez chassé l’enfant en moi, qui courait après des hommes-chimères, et la femme ici présente sera à jamais vôtre, car elle le désire ardemment. »
L’emploi de ce dernier terme, et tout ce qu’il sous-entendait, coupèrent le souffle au jeune homme. Son attente n’avait pas été vaine !
Ce soir, ni remords, ni regrets. Si ce devait être leur dernière nuit, ils la passeraient côte à côte, à planifier leur avenir radieux. Même les nuages du Mordor ne pouvaient assombrir la perspective de ce fol espoir.
Tremblant, Faramir s’excusa : il n’avait pas d’anneau à lui offrir. Elle rit.
« Je l’aurai probablement jeté au feu… je n’ai guère d’amour pour les anneaux, surtout en ce moment. En revanche, en ce qui vous concerne… »
Faramir lui offrit un deuxième baiser, plus profond que le premier. Leurs gestes étaient hésitants, car si leurs âmes semblaient s’être reconnues avant même le premier regard, leurs corps avaient plus de retenue. Le temps viendrait pour les plaisirs de la chair. Faramir y songeait, mais rien ne pressait. Les délices de l’âme étaient déjà un repas bien assez satisfaisant.
Toujours à genoux, ils se relevèrent, autant à cause de l’inconfort de la position, sur les pierres rudes et glacées, que pour éviter d’être surpris en position si intime. Malgré tout, Eowyn confia sa main valide à Faramir, car leur amour n’était pas honteux. C’était une émotion dont il fallait être fier. Il fallait s’en sertir et en rayonner, avec la force d’un anneau de pouvoir, et plus encore, afin de vaincre le mal, chasser la peur.
Après tout, n’était-ce pas une forme d’amour qui avait conduit Aragorn et les autres aux portes du Mordor ?
Faramir invita Eowyn sous sa cape, afin de la prévenir du froid, et ensemble ils marchèrent vers l’un des balcons. La vue sur la Montagne du Destin était imprenable.
Au moment où ils s’embrassaient à nouveau, le volcan s’embrasait. Le Mal s’écroulait sur lui-même, et le spectacle de cette victoire se déroulait sous leurs yeux.
« J’ai hâte que le roi du Gondor revienne, triomphant, et que je puisse lui annoncer la nouvelle de nos fiançailles… » souffla Eowyn.
« Oui, moi également. »
Faramir était digne d’une femme qui avait désiré Aragorn. L’amour qu’elle lui portait effaçait les années de déshonneur et de fiel que son père avait versé sur lui. Il valait quelque chose, après tout. En cet instant, il n’éprouvait aucun regret, pas même pour son père mort qui n’avait jamais reconnu sa vraie valeur. La joie et le triomphe l’habitaient et, avec Eowyn, ne le quitteraient plus jamais.
A partir de ce soir, il décidait qu’il serait un homme sans regrets. Quitte à avoir des remords… quitte à risquer d’être heureux, comme il l’était en cet instant.
A jamais.
auteur : gabytrompelamor,
défi : regrets,
fanfiction,
film : le seigneur des anneaux