SAUVER LE SOLDAT HOLLANDE ? IMPOSSIBLE ! ET INUTILE
Sergueï JIRNOV, politologue
Sauver le soldat Hollande ? Impossible ! Et ... inutile !
Bilan des 4 années d’hollandisme et projection dans le futur immédiat.
Le syndrome suicidaire de Lionel Jospin.
François Hollande est un homme intelligent, honnête et sincère. Indiscutablement. Mais tout le monde sait que dans la politique la sincérité et l’honnêteté ne payent pas. Surtout dans les pays romains, sudistes et catholiques. Juste chez les scandinaves nordistes ou anglo-saxons - chez les protestants, les gens trop responsables.
L’exemple le plus frappant de cela était Lionel Jospin au printemps 2002. Le jour de sa défaite spectaculaire du premier tour de l’élection présidentielle face à Jacques Chirac que l’on donnait perdant et Jean-Marie Le Pen qui n’avait jamais voulu accéder à la fonction suprême du pays, le premier ministre socialiste trop sincère a fait sa proclamation extraordinaire : « J’assume mon échec en me retirant définitivement de la politique ! »
C’était la plus belle et sincère chose que la France ait jamais connu ! C’était un geste théâtral et très pathétique shakespearien ! C’était de la tragédie ancienne grecque ! Mais politiquement dans le monde moderne c’était une bêtise, une faute, un mouvement trop émotionnel.
Le problème inextricable : après une telle déclaration publique il n’y avait plus, pour quelqu’un d’honnête et sincère, de possibilité de changer d’avis, de faire le demi-tour. C’était un suicide politique public. Tout le monde l’a compris et les gens en ont tiré une leçon universelle : il ne faut jamais dire publiquement de choses pareilles dans la politique française.
Pourtant le syndrome de Jospin s’est révélé extrêmement contagieux et deux hommes politiques ont suivi presque immédiatement ce mauvais exemple jospinien : l’ancien président Nicolas Sarkozy et le nouveau président François Hollande.
Le premier, après sa défaite de 2012, a déclaré qu’il se retirait définitivement de la politique pour redevenir un homme ordinaire et un père de famille comme un autre. C’était compréhensible : Sarkozy n’a pas raté son élection, mais juste sa réélection. Et son geste n’était ni beau, ni pathétique, ni catastrophique.
Car Sarko a pleinement rempli son mandat quinquennal et jusqu’à la fin de ses jours il allait garder son statut de l’ancien président de la République Française, son siège au Conseil Constitutionnel avec un traitement de 10 mille euros par mois, son salaire présidentiel de 20 mille euros par mois et son droit à un bureau, à des gardes de corps et à une voiture de fonction avec chauffeur payés par la République.
Lorsque Sarko a rapidement changé d’avis et a renié sa parole publique donnée, cela n’a étonné ni offusqué personne. S’il avait toujours une réputation d’être sincère et franc, en revanche ce n’était pas de même pour celle d’être honnête ! Il traîne des casseroles depuis des années. Il est considéré par tout le monde comme un magouillard sans vergogne. Et dans son parti cela est vu plutôt comme une qualité politique et non pas un défaut.
Mais la surprise générale était très grande quant au président actuel François Hollande. Rien ne l’obligeait de prendre lui-même une quelconque obligation politique en dehors des ses 60 engagements de campagne. Surtout en France ! Surtout au début de son mandat présidentiel. Et il a surpris tout le monde lorsqu’il a annoncé de son propre gré qu’il ne présenterait sa nouvelle candidature que si la courbe du chômage était définitivement renversée.
C’était déjà un deuxième suicide politique - beau, pathétique et, pardonnez-nous, complètement stupide - qu’un socialiste français effectuait en public. Pourtant Hollande n’est pas un imbécile ! Le plus surprenant : c’était un suicide par anticipation. Dieu sait ce qui l’a pris ! Mais il s’est lié les mains tout seul et il a brûlé les ponts d’avance derrière lui. Comme s’il voulait mettre fin à la suite potentielle de sa carrière présidentielle avant même d’avoir fini le premier mandat qu’il pressentait assez malheureux.
Comment sauver la mise (Hollande, le socialisme et la courbe du chômage) sans perdre la face ?
Cet engagement stupide du président actuel a tout de suite posé problème pour le parti socialiste et pour tous les amis de Hollande qui, eux, ne voulaient pas renoncer d’avance à une réélection de leur leader et à leurs propres postes bien payés dans l’exécutif.
Mais seul un miracle économique peut renverser cette foutue courbe ! Et la conjoncture mondiale et française ne présage rien de tel à l’horizon de 2017 ! Donc, il reste la magouille, l’escroquerie intellectuelle - le maquillage des chiffres du chômage pour faire croire artificiellement à un changement inexistant ou improbable à court terme.
Pour cela il y a 5 méthodes :
1. Magouilles avec les catégories de chômeurs.
2. Magouilles avec les radiations arbitraires à cause des oublies d’actualisation et vices de forme.
3. Magouilles avec les radiations volontaires des chômeurs de longue durée par désespoir.
4. Magouilles avec les stages aidés bidon.
5. Magouilles avec les emplois aidés bidon.
Les amis de Hollande et ses conseillers le poussent déjà vers cette voie (que Michel Sapin a essayé de pratiquer en 2012-2013 sans succès). Mais il est impossible de sauver le soldat Hollande. Même s’il se laissait convaincre (et tout indique qu’il l’a fait), cela ne servira à rien, sauf à lui faire perdre à coup sûr et davantage la face (comme à Sarkozy), en plus de ce qu’il a déjà perdu.
Il serait mieux de laisser tomber le soldat Hollande et d'essayer de sauver les soldats Valls ou Moscovici - pour ne pas voir arriver l'hombre du maréchal Pétain.
Les français se moquent d'avance si Hollande réussit de renverser la fameuse courbe du chômage ou pas. François Hollande est d'ors et déjà fini pour l’avenir. Il n’a plus d’avenir. Non pas comme un homme politique, mais comme un futur (re)présidentiable. C’était pour lui une seule et unique chance en 2012. Parce que Dominique Strauss-kahn était éliminé d’avance. La France en 2012 n’a pas élu François Hollande. La France n’a pas voté POUR Hollande, mais a voté CONTRE Nicolas Sarkozy. Donc Hollande a été élu par défaut de mieux. Et Hollande avec ses amis espère le renouvellement de la même situation, d’un 2002 à l’envers. Sauf que la France est prête, cette fois-ci, à essayer plutôt Marine Le Pen que de réélire Hollande. Et Alain Juppé est franchement meilleur que le président actuel.
Hollande n’a pas de vrai charisme. Il n’a pas de grandeur. Il a toujours essayé d’imiter Mitterrand mais tout le monde a compris depuis belle lurette qu’il n’était qu’une pâle copie. Il n’a pas sa propre doctrine politique, il n’a aucune idée originale et révolutionnaire. Hollande est un bon élève moyen qui sait juste faire un peu d’humour et de bonnes synthèses. Rien de plus. Il a réussi à jouer sur sa «normalité» une fois - en 2012, face à l’exubérance insupportable de Sarko. Mais cela ne peut plus jamais se reproduire.
Hollande est apprécié à l’étranger, mais les étrangers ne votent pas en France. Pendant 4 ans à l’intérieur du pays Hollande a réussi une seule chose : devenir le président le plus impopulaire, moqué et méprisé de la 5-ième République. C’est à désespérer car il n’a pas tout raté et au niveau international il a eu même pas mal de victoires. Mais il n’est même pas détesté, craint ou haï, comme pouvaient l'être de Gaulle, Mitterrand ou Sarko. Ce qui est le pire pour un homme politique. Et cela est définitif. C’est gravé à tout jamais dans la conscience collective française. Il n’y a plus de retour possible de cette impasse.
Même les légers regains de popularité après les attentats de Janvier et Novembre 2015 n’étaient que très passagers et volatiles ; il a fait perdre à son camp toutes les élections depuis 2012. 8 français sur 10 ne veulent plus le voir à l’Elysée ; 7 français sur 10 ne s’intéressent même plus à ce qu’il pourrait encore dire ou proposer ; 6 socialistes sur 10 ne le soutiennent plus. Il ne peut pas séduire la droite ni le centre et tout le camp de gauche a le goût amer de la trahison profonde des idéaux. Il est impossible de renverser cette courbe-là ! Il faut être un génie pour le faire (un mauvais génie comme Mitterrand), et François Hollande n’est pas un génie.
Le problème majeur : Hollande ne le comprend pas et se fait encore des idées. Il vole dans ses propres nuages. Et l’entourage de Hollande le pousse de toutes les forces dans la fausse voie de «La France va mieux !», de «Faut pas écouter les grincheux» et de «Faut pas perdre l’espoir !». La méthode Cauet, quoi...
Si Hollande laissait clairement et immédiatement, dès 2016, la place politique dans la prochaine course présidentielle à Manuel Valls, à Pierre Moscovici ou à Jean-Luc Mélanchon, cela aurait pu donner un bon résultat de rattrapage même en 2017. Emmanuel Macron l’a bien compris en trahissant Hollande ou voulant tenter cette chance de la place vacante mais il n’a pas encore des ailes assez larges pour voler trop haut tout seul.
Hollande, comme la plupart des hommes indécis et tergiversants, tombe souvent dans le défaut de l’entêtement qu’il prend, à tort, pour de la persévérance, la combativité et le volontarisme réformateur. Et lorsque cela leur arrive, les gens comme cela s’entêtent dans la plus mauvaise alternative - Hollande l’a déjà fait avec le ratage du renversement de la courbe du chômage en 2014, avec le passage en force de la loi dite «travail» pour mieux enterrer les acquis historiques de Léon Blum et du Front Populaire, avec le ratage de la révision constitutionnelle pour y introduire inutilement l’état d’urgence et la déchéance de la nationalité.
François Hollande va certainement jusqu’au bout espérer refaire le miracle de 1988 de son idole François Mitterrand et ne laissera jamais la place à quelqu’un d’autre, malgré les évidences et le pragmatisme. Et son entêtement personnel aveuglé, encouragé par ses «amis» socialistes cyniques et opportunistes, va, au mieux, ouvrir la route royale à Alain Juppé et, au pire, à Marine Le Pen.
Paris, mai 2016.
La suite dans l'article "Sauver le soldat Valls...?"
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