for (;;) {stupidity++;} > 3 > Les mille et un cris

Jul 12, 2007 14:50

Titre: Les mille et un cris
Auteurs: drakys & supaidachan
Fandom: original > for (;;) {stupidity++;}
Personnages: louis-philippe, william et jacques
Rating: PG-13
Disclaimer: ironie & bas blancs (drakys & supaidachan)
Notes: ici.


do
{
if (argumentUtilise == eArgument.jeSuisTonPatron)
{
employeATort = true;
break;
}
cris++;
}
while (cris < HURLEMENT.volumeMax)

Il me pointe la porte avec un tremblement fébrile dans le bras, un tic nerveux dans le sourcil et je recule doucement, refusant absolument de le quitter des yeux. Si j'ai cette faiblesse, ce manque horrible de jugement, je le sais, il va me sauter à la gorge et m'arracher la jugulaire avec ses dents. Goûter mon sang avec une expression satisfaite et poser un pied victorieux sur ma carcasse agitée de ses derniers soubresauts de vie.

"Sors d'ici et reviens-moi avec une solution!"

Je m'empresse de filer, en faisant soigneusement attention à ne pas claquer la porte. La dernière fois que j'ai eu la poignée de porte un peu lourde, j'ai dû passer deux heures et demie en réunion, à me faire péniblement souligner mon manque de respect et mon comportement à problème. Je crois qu'il y avait aussi quelque chose là-dedans à propos de mon attitude et de ma forte tête, mais honnêtement, j'ai un peu perdu le fil de la conversation après que Jacques me reproche d'oser lui crier par la tête.

Ce n'est quand même pas ma faute si c'est le seul moyen de me faire entendre.

Il y a des gens qui croient vraiment que si vous hurlez le plus fort, vous avez raison. Peut-être qu'après avoir atteint un nombre précis de décibels, votre corps subit une transformation subtile: vous devenez un être supérieur, investi du savoir universel.

Mon patron pense comme ça.

Et il n'hurle pas tant que ça. En comparaison, il respire beaucoup plus souvent.

C'est peut-être ça le problème.

Plus je m'éloigne et plus je serre les poings, les dents et mon corps un peu partout me signale que je suis en train de crever de douleur à force d'être si tendu. Je vais direct m'enfermer dans la pièce réfrigérée, histoire de littéralement me rafraîchir les idées.

Je m'installe dans un coin, replie les jambes contre ma poitrine et cache une seconde mon visage dans mes mains avant de fixer le plancher, hésitant vaguement à m'arracher les cheveux. J'y renonce, sans envie de devenir chauve avant l'heure. Je rêve, ou non, pas tout à fait, c'est juste un autre cauchemar et je vais me réveiller. Quelqu'un de compétent sera alors mon supérieur hiérarchique et je n'aurai pas à recommencer encore le même programme de gestion d'inventaire.

Je me dis, naïf idéaliste que je suis, qu'un jour j'arriverai bien à coder plus loin que le système d'identification à la sécurité bétonnée pour cette stupide application interne. Parce que tout le monde vil et méchant a envie de pirater le système informatique d'un petit traiteur un peu populaire, pour avoir le secret de nos fournisseurs divins et de nos ingrédients magiques, sources toutes-puissantes de notre succès à travers la Voie Lactée et au-delà.

Bien sûr, pas moyen de broyer du noir en paix dans mon coin. Une tête sous un bandana bleu et derrière des verres de la même couleur se glisse dans mon champ de vision et je crois que son expression traduit parfaitement sa colère. Par chance, ce n'est pas moi qu'il a envie de battre à mort.

"Qu'est-ce qu'il a fait, ce coup-ci?

"C'est stupide" est tout ce que je peux offrir, ma gorge nouée par la rage peut-être, ou le désespoir, ou un alliage intéressant de plusieurs sentiments déroutants qui forment une Super Émotion Ultime, capable de botter le cul de toutes les autres émotions partisanes du Lamentable mises ensemble.

"Oui", approuve William sans savoir de quoi je parle.

C'est un fait: si je commence une conversation par c'est stupide, c'est qu'un truc est définitivement d'une stupidité effarante. Du genre à donner honte à la race humaine et faire rire les quelques races extra-terrestres qui nous regardent peut-être comme le télé-drame le plus amusant de ce côté-ci de la galaxie.

"C'est stupide."

J'insiste, parce que William pense parfois en quantité de crème et de sucre ou en nombre de coups hypothétiques que ça prendrait pour donner à Jacques le statut de macchabée. Je dérape ensuite, avec de grands mouvements des mains et des bras et j'arrive à ne pas hurler. Comme quoi, entre le patron et moi, c'est moi la larve inférieure incapable d'affirmer ma supériorité de toute la puissance de ma voix.

"Si la base de données plante pendant une mise à jour entamée avant une panne d'électricité, en même temps que le serveur grille ses cinq disques durs d'un coup, que les tapes backup se consument, juste comme les éclairs divins pleuvent et que l'Apocalypse vient formater mon disque dur et ma copie de travail, est-ce que ce serait possible de récupérer l'information avec un rituel magique ou en vendant l'âme de trois innocents purs au Démon?

- C'était si pire?"

Je crois que mon regard est vide, à ce point. Vide comme mon estomac, qui se dévore lui-même après avoir bousillé mon heure de lunch à me faire dire à mots couverts que j'étais un incompétent. Parce que les risques de défaillances techniques existent malgré le meilleur matériel et le meilleur système et que oui, on peut perdre une entrée dans une base de données si telle est la volonté du cosmos, si la position des étoiles l'ordonne.

"Oh non. C'était sympathique. Il m'a bien coincé contre un mur, m'a fait dire la cruelle vérité: qu'il était possible, dans des cas très rares, que le data soit complètement impossible à récupérer. Apparemment, ce 0.000001% de tous les cas recensés dans l'univers est celui qui fait toute la différence."

Je lève un regard désespéré, meurtri par la puissance écrasante de la débilité de Jacques Arnault, le fléau de ma stabilité mentale, vers William, qui n'ose pas parler. Ou qui dort les yeux ouverts, parce que je l'emmerde.

"Pourquoi il faudrait que je perde du temps à essayer de régler un problème qui risque d'arriver dans cent vingt-ans, quand de toute façon mon application sera un souvenir poussiéreux dans ce futur lointain où l'Humanité pourra probablement communier directement avec un Super Ordinateur relié à l'inconscient collectif?"

Je crois que je manque de souffle à ce point, que mes yeux fous voient le passé, le présent et le futur, jusqu'au troisième stop après l'arrêt de la Destinée. William est en état de choc, je sais, c'est pour ça qu'il ne réagit pas. Il hésite, bouge les lèvres en silence, cligne des yeux.

"Je crois que je vais le tuer...", avance-t-il prudemment.

"Si tu veux, je peux lui tenir les bras pour qu'il ne se défende pas."

Nous commençons à établir une stratégie sérieuse, impliquant un endroit désert et l'arme du crime, la meilleure façon de se débarrasser du cadavre et les alibis parfaits pour ne pas être pris, comme c'était un accident, il a juste un peu glissé dans la fosse garnie de pieux aiguisés! ou encore c'est bête, monsieur le policier, la tête lui a explosé toute seule. Ça déraille un peu, sur le nombre de coups de clavier nécessaire pour faire éclater un crâne ou les graves questionnements à savoir si on peut efficacement étrangler quelqu'un avec un cordon de souris.

"ROY!", vient un hurlement lointain, étouffé derrière la porte et je crois que depuis le temps, ma réaction physique est conditionnée: je me recroqueville un peu plus sur moi-même en marmonnant quelque chose comme Hiii, c'est Astaroth et je ne joue même pas avec Maxi!

Puis, je me lève et ouvre la porte, pour tomber nez à nez avec Jacques.

Derrière moi, William gronde d'une voix spectrale: meurtreeeuuuh, violeeenceeeuuuh, comme pour voir si à ce faux message subliminal, je vais craquer et sauter sur mon patron pour le dépecer à mains nues.

"Oui?", je lui demande et j'adore cet air surpris qu'il a pendant une fraction de seconde parce qu'il ne s'attendait pas du tout à me voir sortir de là.

Il se reprend dans un temps record, parce que périsse l'idée qu'il ne soit pas 120% du temps au courant de tout ce qui se passe au Cibo degli Dei. …Je mettrai ma main au feu qu'il cartographie les migrations des moutons de poussière et les déplacements saisonniers des trombones. Parce que oui, peut-être est-ce au fond parfaitement naturel et entièrement normal de me voir sortir comme un diable de sa boîte d'une pièce réfrigérée alors que mon bureau est deux portes plus loin.

"Mon imprimante ne fonctionne plus!", me gueule Jacques.

Fugitivement, je me demande s'il est même capable de parler autrement qu'en criant. Il soupire bruyamment, comme si c'était ma faute que son périphérique d'impression avait soudainement décider d'entrer en grève. Remarque, je la comprends, pauvre machine, si elle doit supporter de l'avoir toujours dans le même bureau… Jacques regarde sa montre avec un autre soupir, replace rapidement ses cheveux pâles et ajuste sa cravate, remonte ses lunettes sur son nez.

"Bon, j'ai un rendez-vous alors je n'ai pas le temps de m'occuper de ça maintenant. Règle-moi ça avant que je revienne!"

Il s'éloigne vers des contrées inconnues et je crois qu'il va arracher la porte de la boutique au passage, ou faire sauter le carillon, disparaissant bien sûr sans m'informer de la nature exacte du problème. Ça va, je me dis. Je sais parler aux machines de toute façon, elles murmurent à mon oreille tout ce qui ne va pas. La photocopieuse me racontait justement l'autre jour que le télécopieur lui avait fait des avances honteuses avec ses copies d'un noir plus noir, mais qu'elle n'en avait rien à faire, parce que la cafetière était un bien meilleur parti.

...Il faut que j'arrête de sourire comme un con, ça va renforcer ma propre impression d'être un parfait débile. Bah, au moins, ça me donnerait toujours bien une certaine mesure de perfection.

"C'est pas possible, je crois qu'à chaque jour qui passe, il devient un peu plus désagréable", fait remarquer William. "Encore heureux qu'il ne soit là que le tiers de la journée, sinon on risquerait la troisième guerre mondiale entre vous deux."

Il y a un grand hurlement de rage qui suit sa déclaration, mais qui n'a aucun rapport avec l'affirmation. C'est Kelly et si on se fie à la suite qui vient en japonais rapide mêlé d'un anglais au vocabulaire riche en gros mots, c'est que Biancolini père ou fils vient de foutre la merde quelque part. William porte un doigt à ses lèvres avec un hmm pensif.

"Je crois que c'est pile le moment où je dois aller sauver quelqu'un ou quelque chose. Possiblement Kelly de l'emprisonnement à vie pour meurtre."

J'en profite pour prendre la direction du bureau de mon patron, pour voir ce qui cloche. Au premier coup d'œil, le témoin lumineux de l'imprimante me dit Attention. Juste pour me mettre au défi, pour user d'un peu d'instinct, je ne regarde pas la fenêtre et le message qui y figure, j'ouvre le tiroir à papier direct. Et bingo! Plus une seule feuille blanche à l'horizon, c'est le désert là-dedans.

"Oh Louis, merci! Jamais je n'aurais pensé que ces bestioles ne se remplissaient pas toutes seules!"

Je marmonne, je sais, en ouvrant un nouveau paquet de papier format huit et demi par onze, brillance de quatre-vingt-douze, vingt livres, sans acide, cinq boîtes et plus à 43.96$ chacune, livraison le lendemain. J'en fourre la moitié dans le tiroir que je claque et j'ai la satisfaction du travail accompli. Je ne sais pas pourquoi exactement je tapote l'imprimante dans un geste compatissant.

"Voilà ma grande... Je vais m'occuper de toi, tu n'auras plus faim à l'avenir", je crois que c'est quand on commence à dire des choses comme ça qu'on est officiellement fou.

Maintenant, il va pouvoir continuer à imprimer chacun de ses précieux formulaires douze cent fois plutôt que d'utiliser la fonction Aperçu de la page pour voir si tout est parfait avant de lancer l'impression.

Parce que la fonction Aperçu de la page, c'est pour les faibles et les écolos.

(12 juillet 2007)

univers : infinite stupidity

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