Les Losers! > Les idées bleues [6/7] > Les esclaves des bonnes offres

Apr 17, 2010 15:04

Anthologie: Les idées bleues
Titre: Les esclaves des bonnes offres
Auteurs: drakys & supaidachan
Fandom: Original > Les nouvelles aventures des Losers!
Personnages: les Losers !
Rating: PG
Nombre de mots : 2430 mots
Disclaimer: ironie & bas blancs (drakys & supaidachan)
Notes: Tout est ici. Posté pour flo-nelja dans le cadre d'ecrirepouraider.

Ce qui les réveilla ce matin-là fut un terrible hurlement.

Le reste de l'auberge, d'ailleurs, fut réveillé par le même hurlement et s'empressa de se plaindre à l'aubergiste de ce tapage trop matinal... mais les Losers ! avaient appris depuis longtemps à bien verrouiller et bien barricader les portes, au cas où l'aubergiste décide de les mettre à la porte s'ils chahutaient un peu trop. Pas que qu'ils soient du genre chahuteurs... c'était arrivé une ou deux fois, à peine. Et peu importe ce que les gens disent, les hurlements au milieu de la nuit finissent souvent pas se régler tous seuls. Souvent par l'application précise d'une botte jetée sur la tronche de quelqu'un.

Pidgeonboy crut à la fin du monde et d'un geste aussi rapide qu'assuré, il se glissa sous son lit dans l'espoir d'être protégé par une précaution aussi simple ; Silent Pascal essaya une approche moins couarde et essaya simultanément de bailler et de demander Qu'est-ce qui se passe ? Carpet-Vale ne tiqua même pas, ayant compris depuis longtemps qu'il était primordial dans un pareil groupe de tarés de porter des bouchons pour dormir. Shmae Girl se retourna dans son lit, marmonnant quelque chose à propos de petites patates grillées et d'une armée de deux mille saucisses qu'il fallait dévorer avant qu'on s'en prenne aux crêpes à la mélasse et que oui, vraiment, elle allait se lever dans cinq minutes ou peut-être dix, mais bientôt, quoi ! ; Spider-chan y alla pour une solution de précision et hurla Ta gueule !

Une botte suivit.

"Non, mais, c'est pas ma faute", s'excusa Esoj en se massant le front, grimaçant de douleur. "Imagine-toi donc que je vis un drame personnel !

- Comme tu veux", râla l'elfe, "mais vis-le en silence si le soleil n'est pas encore levé !"

Constatant avec une certaine irritation que ses compagnons de voyage préféraient dormir plutôt que de s'intéresser aux catastrophes pourtant fort catastrophiques dans sa vie, la druide se recoucha. En grommelant contre les autres, qui osaient choisir le sommeil plutôt que les crises existentielles. Et en prenant une note mentale de se venger à la prochaine occasion venue, par potion ou filtre à tester dans un verre laissé naïvement sans surveillance... Une fois le matin correctement levé et le petit déjeuner servi de façon décente, elle repassa à l'attaque :

"Il faut absolument que je passe renouveler mon abonnement à l'Hebdomadaire Potion ! Il vient à échéance le mois prochain !

- Oh, alors on a tout le temps voulu !", Carpet-Vale écarta le côté pressant de l'affaire d'un geste - elle baissa le parchemin que tenait l'autre femme afin d'atteindre le plat d'omelette. "Ils doivent bien avoir un bureau qu'on peut rejoindre par pigeon ?

- Non, ils l'ont fermé l'an dernier ! Il y a trop de gens qui envoyaient leur demande de renouvellement, qui demandaient d'être facturés plus tard et qui ne payaient jamais, ensuite !", pleurnicha presque la druide. "Il faut absolument y aller ! Il faut absolument y aller maintenant ! Parce que plus tard...", elle y pensa une fraction de seconde, "plus tard, et bien, il sera trop tard, voilà ce qui va arriver !

- Et ma peau bleue, elle ?", lui rappela Silent Pascal. "Elle n'a pas envie d'attendre un autre détour débile !

- Elle a quand même déjà attendu un bon gros mois, je ne vois pas ce qu'une semaine ou deux de plus feront comme différence...", rétorqua Esoj, acide.

"Tu sais où je pense que tu peux te le mettre, ton Hebdomadaire Potion ?", sourit le demi-elfe.

La conversation aurait pu prendre une tangente violente si un grand cri ne les avait distraits.

"Rhâââââââââ !", venait de se mettre à beugler Shmae Girl.

"S'qui's'passe !?", s'inquiéta automatiquement Pidgeonboy, déjà prêt à passer à l'action - le voleur était toujours prêt à passer à l'action, surtout si c'était depuis le dessous d'une table ou alors de très loin, d'où il pouvait regarder l'action en toute sécurité.

"Qui a mangé la dernière crêpe !?", s'indigna la guerrière. "Je la gardais pour la fin !"

Personne n'osa avouer pareil crime.

***

"C'est par là !", leur assura Esoj en prenant les devants.

À la première ronce venue, sa jupe s'accrocha dans une épine et elle resta coincée.

"Oh non ! Ah, mais zut ! C'est une jupe neuve en plus !

- Essaie de reculer très lentement, peut-être ?", suggéra Carpet-Vale.

"Mais non !", répliqua Spider-chan. "Avance d'un coup sec ! C'est ce qu'il faut faire dans ces cas-là !

- Mais ça va faire un accroc terrible, tu n'imagines pas ! Une si belle étoffe !"

Un coup de sabre précis régla le problème. La ronce tranchée se recroquevilla sur elle-même, devint brune d'abord, noire ensuite et s'effrita, redevenant poussière. Un coup de vent qui passait dans le coin ramassa les fragments pour les faire voler jusqu'à un monde meilleur. Une collection de regards outrés s'intéressa au demi-elfe, qui considéra soudain qu'être ailleurs était en pareille circonstance un mode de survie terriblement alléchant.

"Comment as-tu pu faire ça !?", s'indigna la druide. "Des ronces de cette qualité !

- Dans un véritable labyrinthe végétal en plus !", renchérit l'elfe. "Tu ne sais donc pas combien ils sont compliqués à garder en bon état !? Pas étonnant qu'ils soient si rare, maintenant, s'il y a des imbéciles dans ton genre qui donnent des coups de sabre à tort et à travers !"

Silent Pascal serra la mâchoire.

"Vous voulez...", commença-t-il lentement. "Je veux être certain de bien comprendre, vous voulez affrontez ce labyrinthe sans en couper une seule ronce ?

- C'est l'évidence même !", s'exclama Carpet-Vale. "C'est une aventure tellement romantique ! Peut-être qu'il y a un château au bout de tout ça ! Et un joli prince en détresse à sauver en bonus !

- D'habitude, c'est plutôt une princesse...", fit remarquer Pidgeonboy. "Et je croyais qu'on était ici pour le renouvellement de l'Hebdomadaire Potion ?

Spider-chan secoua la tête.

"Ce que tu peux être sexiste.

- Et rabat-joie !", se désola Carpet-Vale.

Esoj reprit les devants de la petite troupe. Sa jupe se prit immédiatement dans la ronce suivante.

"Oh, mais non à la fin !

- Recule d'un coup !", suggéra l'elfe.

- Il n'y a pas deux minutes, tu me disais d'avancer !

- J'essaie seulement de t'aider ! Dis-moi tout de suite que ce n'est pas apprécié !", siffla Spider-chan. "On ne m'y reprendra pas à aider des courtes oreilles... Ingrate...", grommela-t-elle à demi-voix.

"Attends, laisse-moi seulement me glisser près de toi, voilà ! Je vais essayer de t'ai- Ah, merde ! Ma jupe à moi aussi s'est prise dans une ronce !", réalisa Carpet-Vale.

Silent Pascal resta en retrait, essayant de supporter sans broncher les rires aigus des autres et les de plus en plus nombreuses répétitions à saveur Oh zut, maintenant, c'est tel autre vêtement qui s'est pris ! Shmae Girl lui lança un regard navré.

"C'est barbant, hein, quand elles ne nous laissent pas détruire des trucs ?

- Ça va nous prendre des années...", soupira le demi-elfe.

Il se passa une main sur le visage, essayant de retrouver son calme. Il remit son sabre au fourreau et Pidgeonboy lui jeta une grande claque amicale dans le dos.

"Ne t'en fais pas, ça pourrait être bien pire ! Ça pourrait nous prendre des siècles !"

Silent Pascal ne se sentit pas tellement réconforté.

***

Au rythme d'à peu près une ronce aux quinze minutes, ils se retrouvèrent obligés de camper dans la première clairière au moins un peu dégagée qui se présenta à eux. Silent Pascal démarra un feu avec des gestes irrités, gardant résolument le silence. Il était certain qu'au premier mot qu'il dirait, il se mettrait à hurler après quelqu'un. Probablement la druide. Et il y avait des chances pour qu'il la dépèce vivante.

"On mange quoi ?", demanda Shmae Girl.

"Ne vous inquiétez pas, on a de la chance ! J'ai trouvé quelques ronces comestibles-", commença Esoj, avant de croiser le regard meurtrier du demi-elfe. "Je veux dire, nous avons de délicieuses provisions sèches ! De quoi s'organiser un véritable festin !"

Le repas du soir, composé surtout de viandes séchées et sans la moindre trace du début de l'ombre d'une ronce comestible, aurait dû promettre une soirée calme et reposante. Par un hasard assez coquasse - les péripéties étant allées se coucher tôt, elles avaient passé la veille avec les impératifs narratifs et c'était toujours des soirées très arrosées - la soirée se révéla être tout à fait calme et entièrement reposante. C'est la nuit qui posa problème.

Au début, elle charma par sa beauté simple : une demi-lune discrète, couverte timidement de quelques nuages qui laissaient entrevoir un piqué d'étoiles sur le fond noir de la voûte céleste. Les voix musicales des cigales rappelaient les beaux temps des derniers jours. Elles le rappelaient très fort. Très très fort.

Grâce à la relation privilégiée avec la nature propre à sa race, l'elfe décida d'intervenir :

"Non mais, c'est pas un peu fini, ce boucan ! Il y a des gens qui essaient de dormir !"

Les cigales se turent aussitôt, parce que la nature dans son ensemble obéissait à deux grandes lois : de un, il valait mieux de pas être là quand un elfe piquait une crise et de deux, il valait encore mieux ne pas être celui qui provoquait cette crise... C'était le genre d'erreur tactique qui vous coûtait généralement la vie. La nuit continua donc en silence.

Ou presque.

Un bruit discret de frottement s'invita, s'approchant sournoisement, accompagnée de grattements chuchotés, d'insistance rampante. Silent Pascal sentit un effleurement sur sa main droite et se retrouva nez à nez avec une ronce rampante qui eut au moins la décente de plier son extrémité dans une autre direction, un peu gênée d'être là.

"Est-ce que ces damnées ronces sont en train de nous pousser dessus !?", hurla le demi-elfe.

"Euh, non", tenta avec assez peu de crédibilité de mentir la druide. "Elles, enfin, tu vois, c'est qu'elles, hmm, elles s'étirent pour n'avoir aucun muscle lié demain ?

- S'il vous plaît, dites-moi que ce qui m'attaque le postérieur n'a pas d'intentions hostiles !", supplia avec ferveur Pidgeonboy.

***

Trois jours plus tard, ils arrivèrent enfin au bureau de renouvellement. Les hommes - mal rasés, à cran force d'avoir passé trois jours à écouter des piaillages féminins - se jetèrent sur le ragoût qui cuisait sans surveillance sur un petit feu extérieur. Une fois rassasié, Silent Pascal retrouva un peu de sens commun.

...Et il remarqua la petite porte surmontée de façon charmante par une affichette décorée de fleurs. Affichette qui annonçait avec fierté Entrée des employés. Un tic violent lui agita une oreille, rappelant dans son intensité ceux qui faisaient parfois trembler les oreilles de Spider-chan juste avant qu'elle pique une magistrale crise de colère.

"Où est l'Entrée des visiteurs ?", demanda-t-il avec un calme glacial.

"De l'autre côté !", sourit Esoj et la petite troupe fit le tour du bâtiment.

L'entrée des visiteurs, était de toute évidence l'entrée qui n'existait que pour être la principale : son architecture froide, efficace, offrait une grande porte à double battant, tout autant qualifiée pour laisser entrer des ogres que des souris - surtout que personne ne la gardait. Après tout, l'Hebdomadaire Potion se targuait de rejoindre le lectorat le plus varié, accomplissement qui n'aurait jamais eu lieu d'être si les éditeurs du populaire parchemin avait fait un tri parmi leurs lecteurs.

Une charmante petite route de briques jaunes, parfaitement bien entretenue serpentait gentiment depuis la porte jusqu'à l'horizon (et probablement continuait-elle au-delà). Elle était notamment charmante puisque aucune ronce ne semblait tentée de s'y pointer l'ombre d'une épine. Silent Pascal considéra tous ces détails avec patience - et une certaine fatalité.

"...J'imagine que vous ne saviez pas qu'il y a avait un autre chemin ?", voulut-il savoir.

"C'est une surprise pour moi aussi !", lui assura Carpet-Vale.

"Je n'aurais jamais pu deviner", renchérit l'elfe.

"Je vais aller renouveler mon abonnement !", éluda la druide en se précipitant avec peut-être un peu trop d'empressement à l'intérieur.

Silent Pascal, réalisant que les autres le regardaient avec un mélange de fascination, d'horreur et d'anticipation, se força à sourire. Il toussa dans son poing et s'excusa :

"Je reviens, petite urgence personnelle."

Il se dirigea assez loin pour bénéficier du couvert et de la discrétion des arbres et, cinq minutes plus tard, les Losers ! entendirent un grand hurlement qui traduisait frustration, colère et envie de tuer. En revenant, il croisa deux employés qui cherchaient leur ragoût, ils l'avaient pourtant laissé là, juste là ! Mais enfin ! Il n'y est pas, tu vois bien ! Et personne ne passe jamais par ici, avec toutes ces ronces ! Le ragoût a pourtant disparu ! C'est peut-être un djinn qui l'a pris ? Ne sois pas ridicule, les djinns ne sont pas réels d'abord et ils vivent dans les déserts de toute façon !

Le demi-elfe se dépêcha de s'éclipser avant que certaines questions soient posées et que certaines réponses doivent être faites. Il rejoignit les autres devant l'Entrée des visiteurs pile au moment où Esoj ressortait.

"Alors, c'est fait ?", demanda Silent Pascal.

"Euh, oui", sourit nerveusement la druide. "Oui, c'est fait ! Ça ne pourrait pas être plus fait que ça !"

Ils s'éloignèrent - par le chemin sans ronces, cette fois. Le demi-elfe prit les devants, Pidgeonboy à ses côtés. Shmae Girl hésita, haussa les épaules et les suivit. Après tout, il n'y avait pas de très grandes chances qu'ils se fassent attaquer par quoi que ce soit sur cette belle petite route propre et vide de toute menace. Au pire, un coup de vent allait refroidir le fond de l'air ou un petit nuage solitaire allait cacher une seconde le soleil, peut-être croiseraient-ils un épouvantail, mais c'était bien le pire qui pouvait arriver.

"Tu l'as eue ?", demanda Carpet-Vale derrière. "Dis, dis ! Tu as pu l'avoir ?

- Bien sûr que si !", s'enthousiasma la druide. "Une breloque édition limitée, ça valait bien le détour !

- Je peux la voir ?", supplia presque Spider-chan et l'objet changea de main. "Ooooh ! Trop chou ! Non mais, regardez, il est vraiment trop trop chou ! Vous avez vu ? Il a même sa petite lyre !"

Trois Iiiiih ! suivirent. Et quand les trois Iiiiih ! prirent fin, trois autres, plus aigus, suivirent aussitôt.

"...J'ai peur de demander", avoua Pidgeonboy.

"Pfft-", Shmae Girl gonfla les joues. "C'est une stupide breloque de Gwilfred le lyriste.

- Le... Le mec blondasse qui a gagné le dernier Bardacadémie ?", faillit s'étouffer le voleur.

"Mais il est-", commença Silent Pascal et il s'éclaircit la gorge, ne trouvant pas une façon polie de continuer.

"Je sais !", fit Shmae Girl avec une moue. "Moi, je voulais qu'elle prenne la breloque de Whanganah Tatantatan !

- Mais il est encore plus-

- Je sais !", la guerrière roula des yeux pour signifier qu'elle n'était pas complètement stupide.

Puis, elle sourit :

"...Mais au moins, son nom est amusant à dire."

(22 février 2010)

univers : les losers!

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