Les Losers! > Sansornettes [5/8] > L'Arène

Feb 13, 2010 19:01

Anthologie: Sansornettes
Titre: L'Arène
Auteurs: drakys & supaidachan
Fandom: Original > Les nouvelles aventures des Losers!
Personnages: Sanson & cie
Rating: PG
Nombre de mots : 3783 mots
Disclaimer: ironie & bas blancs (drakys & supaidachan)
Notes: Tout est ici. Posté pour flo-nelja dans le cadre d'ecrirepouraider.

"J'ai faim", commenta Sanson.

Le petit déjeuner était loin et son estomac s'empressa de confirmer d'un bon grondement qu'il ne mentait pas. Il se demanda pour quelle raison obscure et surtout idiote il fallait autant de nourriture au corps humain pour lui permettre de survivre. En tant qu'écureuil, il mangeait de façon frugale, grignotant ça et là une petite noix grillée, une noix confite au miel, une noix en écorce, une noix- Il s'aperçut qu'il bavait et essuya du revers de la main le filet qui lui coulait sur le menton.

"Et j'ai mal aux pieds", ajouta-t-il, après un moment de réflexion.

Ce qui était certainement une découverte bien pire encore ! Maintenant qu'il avait réalisé qu'il avait mal aux pieds, il n'allait pas pouvoir penser à autre chose qu'au fait qu'il avait mal aux pieds. Vraiment, quelle idée débile de devoir marcher sans que personne ne vous porte ! Quoique… Il jeta un regard un peu beaucoup énormément suppliant vers Sinis, qui secoua aussitôt la tête.

"Oh non ! Pas question, n'essaie même pas. Prince ou pas, je ne te porterai pas sur mon dos.

- Il n'y a pas un précepte druidique qui dit qu'il faut aider son prochain ?"

Sinis lui sourit.

"Peut-être, mais aucun n'ordonne de se plier aux volontés idiotes d'un prince à peine capable de mettre un pied devant l'autre. Et au cas où tu l’aurais oublié… Je ne suis plus druide depuis longtemps."

L'ex-écureuil le pointa.

"Hé ! Ce n'est quand même pas ma faute si j'ai passé des années dans le corps d'un rongeur ! J'aimerais bien t'y voir, moi, si tu-

- Calme ta princière personne, Sanson. Il ne manquerait plus que tu nous pètes une crise cardiaque avant la fin de ta quête", l'interrompit Deriner, pointant un restaurateur ambulant installé un peu plus loin sur la route.

Sous les étendards oranges et rouges qui flottaient à sa carriole, un homme lançait pour attirer les passants :

"Nouuuilles froides, nouilles tièdes, nouilles chaudes, nouilles friiites !"

Avant même qu'ils le remarquent prendre les devants, Noir les avait dépassés à la course. Le rehven était installé sur un des bancs et avait levé une main pour commander un bol de nouilles. La naine grommela et le rejoint aussi vite que lui permirent ses petites jambes (bref, à une vitesse étonnante), avant que Noir commande le plat le plus Super Ultime Extrême du menu, c’est-à-dire celui qui coûtait le plus cher et que, par logique, détruisait le plus rapidement le sévère budget de voyage qu'elle avait préparé.

"Alors, Sanson, tu comptes le regagner comment, ton royaume ?", demanda Sinis, une fois leur commande passée.

En fait, c'était peut-être la centième fois qu'il posait la question, mais le jeune prince n'avait jamais véritablement daigné lui répondre convenablement, ce qui laissait présager au mage de combat qu'il n'en avait pas la moindre idée. Il aimait assez le torturer avec la même question au moins une fois par jour, histoire de le voir adopter une expression pensive, sourcils froncés par l'effort, pendant de longues minutes... pour invariablement lui faire une réponse ridicule.

"En temps et lieu !", siffla Sanson.

Il pianota sur le comptoir fixé au côté de la carriole, suivit des yeux les gestes du chef qui faisait sauter ses nouilles et le mage de combat décida de ne pas poursuivre l'interrogatoire. Sinis remarqua Noir, qui empochait les baguettes qu'il pigeait sans subtilité dans un pot laissé sans surveillance.

"Qu'est-ce que tu fais ?", lui reprocha-t-il en voulant les lui reprendre ; Noir s'esquiva.

"Laisse ça à sa place !

- Mais... n'importe qui pourrait les prendre~!", couina le rehven.

"C'est ça l'idée, elles sont là pour que les clients les prennent."

Noir le regarda avec de grands yeux curieux.

"C'est comme...", essaya d'expliquer le mage de combat. "C'est comme si les baguettes appartenaient au pot. ...Tu ne devrais pas les rendre à leur propriétaire ? Elles doivent lui manquer."

Le rehven hocha sagement la tête et les baguettes retournèrent à leur place. Deriner éclata de rire quand il commença à chiper les serviettes de table et donna une claque dans le bas du dos de Sinis qui soupira, vaincu.

"On ne remontre pas à un rehven comment voler, mon pauvre !"
Une fois leur repas servi, Sinis désigna au propriétaire une des roues de sa carriole, couverte de boue séchée.

"Vous avez eu un problème ?", demanda-t-il au marchand.

"Ah, si, j'étais embourbé, mais monsieur a eu la bonté de m'aider", il désigna le blond assis seul de son côté.

Sanson lança un regard rapide dans sa direction et sa tête lui rappela vaguement un souvenir quelconque. Il y avait quelque chose de familier dans les yeux gris, leur regard clair et pur, et les boucles blondes. Il n'en fit pas grand cas et préféra de long s'intéresser à son bol de nouilles frites et légumes divers, qui était nettement plus appétissant et qui allait mieux le remplir que la passive contemplation d'un autre homme.

"Ha !", tonna une voix, lui faisant presque renverser le contenu de son bol sur ses cuisses. "Mais vous êtes le beau voyageur qu'un traître et vil escalier tenait en respect !"

Le prince lança un coup d'œil irrité au blond, lui tenant un peu rancune de lui rappeler l'incident.

"Et euh, tu es le bras salvateur aux dents blanches", répondit-il après avoir avalé une bonne bouchée de ses nouilles. "Maintenant que les présentations sont faites, je peux manger, peut-être, si ce n'est pas trop demander...?"

Le blond vint s'installer entre lui et Sinis, manquant de peu d'éjecter le mage de combat du banc. Sinis lui lança un regard furieux, que le nouveau-venu ne remarqua même pas tellement il lançait dans la direction de Sanson son brillant et aveuglant sourire. Sanson eut envie de mettre une main en visière pour ne pas être aveuglé. Le paladin lui envoya une grande claque dans le dos, manquant cette fois de peu de le faire piquer du nez directement dans son repas. Grimaçant en massant son épaule endolorie, le jeune prince soupira.

"Par la Lance d'Aubrey !", tonna le blond. "Bon seigneur, je suis mille fois reconnaissant à la générosité des dieux de constater qu'aucun autre vil escalier n'a eu raison de vous !

- Génial", commenta Deriner à voix basse. "Un paladin... On avait à peu près autant besoin de ça que de la peste ou d'un de ces maudits vérificateurs de permis de vendeurs de fleurs..."

Comme pour confirmer la mauvaise opinion qu'elle avait déjà du voyageur, ce dernier commença à se répandre en prières diverses pour appeler sur un peu tout le monde la faveur des dieux, pour stimuler la paix dans le monde et pour que jamais ils ne soient déchirés par un choix impitoyable à faire entre un riz frit au poulet et un riz frit au bœuf.

"Bon, c'est bien beau tout ça", s'irrita Sanson après trente minutes de calvaire et il désigna son bol. "Mais j'aime bien déguster mes repas en silence", mentit-il. "Et surtout", ajouta-t-il. "Quand ils sont encore chauds ! Ça te dérangerait beaucoup d'aller voir ailleurs si j'y suis ?

- Bel-ami, pour vous, n'importe quoi !", sourit le paladin en se redressant pour prendre congé. "...Où serez-vous donc, que je puisse vous y trouver ?"

Sanson cligna des yeux, un peu abruti par le niveau de débilité de l'autre homme. Il pointa une direction au hasard et au moins, le paladin ne prit pas longtemps pour s’éclipser, après avoir payé son repas et récupéré sa monture. Sinis profita de la place à nouveau libre sur le banc pour se rassoir plus confortablement.

"C’est qui ce clown ?", voulut-il savoir.

"La boîte de conserve a sauvé notre petit prince de ce qui aurait pu être une violente rencontre avec un plancher", expliqua Deriner, avec un demi-sourire, provoquant un grognement irrité de la part de Sanson. "Sanson", continua-t-elle en avisant son expression. "Sois fier ! Dans ta quête, tu as déjà surmonté un ennemi monstrueux ! Les escaliers et leurs traîtresses armées de marches !"

Sinis eut la décence de ne pas rire. Enfin, pas avant d'avoir tourné la tête pour se cacher derrière une main.

"Il a oublié, les as oublié toutes, toutes ses jolies piécettes brillantes~!", chantonna Noir en vidant sur le comptoir le contenu de la bourse du paladin.

Les trois autres échangèrent des regards nerveux, s'attendant soudainement à voir le blond revenir en hurlant pour essayer de les tuer. ...Ou considérant son emploi, pour essayer de les ennuyer à mort avec un discours très long et très barbant sur l'importance de l'honnêteté, des finances non déficitaires et des sous-vêtements propres. Mais le paladin ne revint pas. Ce qui valait bien la peine qu'ils utilisent au mieux son argent, décida Deriner : c'est-à-dire pour payer leur repas.

Ce n'est pas Sinis qui se plaignit d'avoir droit à un second bol de nouilles.

***

Le lendemain, ils arrivèrent dans une grande ville colorée de banderoles et où se heurtaient des centaines de personnes. Sanson s'installa judicieusement entre Deriner et Sinis, histoire de ne pas se faire écraser par le premier malotru venu. Il attrapa de justesse Noir par le collet avant que celui-ci s'aventure d'un peu trop loin dans les poches du premier malotru venu.

"Ah, j'arrive tard cette année", se navra Sinis. "Certaines des disciplines doivent déjà avoir complétées leurs inscriptions."

Il s'arrêta dans une place publique et pointa un chapiteau de toile.

"C'est une pièce d'or-

- Une pièce d'or !", hurla presque Deriner. "C'est du vol, ils sont fous ces humains ! Chez moi, ça coûte à peine un demi-bloc d'argile et on ne fait pas un tel foin avec-

- -par personne pour l'inscription générale", Sinis l'ignora et parla tout simplement un peu plus fort pour être entendu. "Ça inclut la participation à trois disciplines de combat et à la compétition en style libre entre tous les inscrits", expliqua-t-il. "Sanson, je te conseille le combat à mains nues, l'épée courte et-", il essaya de ne pas trop sourire. "La fuite.

- La fuite !", s'indigna Sanson. "Pas question que je participe à une discipline aussi-

- Le prix, c'est une nuitée dans la meilleure auberge de la ville pour le gagnant et son groupe d'aventuriers. Repas et séance de massage inclus.

- La fuite !", reprit Sanson, "Quelle excellente idée, je ferai de mon mieux !"

***

Sanson regardait son coupon Bon pour une nuit à l'Auberge de Dix Étoiles, repas et séance de massage inclus, les yeux brillants du feu de bien plus de dix étoiles. Il arrêta de le fixer seulement quand Deriner lui enfonça son coude dans la cuisse.

"Regarde, c'est au tour de Sinis ! Et c'est la finale en plus ! C'est le seul d'entre nous encore en compétition, il faut l'encourager... Surtout que", ajouta-t-elle pour elle-même, "s'il ne gagne pas, je vais lui faire avaler ses bottes."

Elle se leva sur son banc, demanda poliment à l'humain devant elle de se pousser pour qu'elle puisse voir quelque chose, mis ses mains en porte-voix et commença à hurler :

"Tue-leeeeeeeee ou je t'arraaaaaache la goooooorge !"

Sanson essaya de se cacher derrière ses mains. Avant de réaliser que ça ne lui en laissait aucune de libre pour tenir Noir en place.

Dans l'arène, Sinis regardait son adversaire avec un mélange de surprise et d'irritation ; son adversaire le dévisagea en retour, sourcils froncés, essayant de se rappeler pourquoi la tête à dreads et le visage tatoué lui disaient vaguement quelque chose.

"Oh non", grinça Sinis.

Le paladin blond se tenait devant lui, dos raide et tête droite, regard fier. Par-dessus son armure étincelante était passée la tunique de son ordre, la grande lance de l'emblème brodé pointant vers la tête aux cheveux pâles, artistiquement ondulés de quelques vagues discrètes, mais néanmoins saisissantes - Sinis se demanda s'il ne cachait pas un coiffeur dans ses sacoches de voyage. La lance devait plutôt pointer le ciel, mais celui qui avait pensé le concept semblait avoir oublié qu'elle pointait d'abord et avant tout vers la tête de celui qui portait la tunique. Ce qui avait donné aux paladins d'Aubrey le surnom assez déplaisant des Prétentieux.

"Ah, le manant qui accompagne le beau voyageur !", sembla soudain se souvenir l'autre homme.

Sa main se resserra sur le manche de sa lance.

"Où est donc ton maître, servant ? Participe-t-il lui aussi à cette ignoble sauvagerie ou est-ce là ton idée d'une distraction à lui offrir ?", demanda-t-il, fouillant soudain la foule du regard.

"Comment ça, son servant ?", répéta Sinis, piqué. "Je ne suis pas son servant.

L'arbitre leur fit signe de se taire et le mage de combat serra les dents. Ils s'avancèrent, échangèrent un salut plus raide que poli et un sifflement annonça le début du combat. La lame de Sinis fut aussitôt hors du fourreau et il sauta, abattant avec un cri son épée vers la tête blonde. Une lance vint aussitôt se mettre dans le chemin et le sourire aux dents blanches lui fit silencieusement remarquer qu'il était nul.

Ou du moins, c'est de cette façon que Sinis décida de l'interpréter en retombant sur ses pieds. Un coup faillit s'écraser derrière ses genoux et il sauta en arrière, prenant un instant un appui rapide par terre avec sa main pour se rétablir loin du paladin et surtout, hors de portée de sa lance. Ce dernier en profita pour la faire pivoter, un tour, puis deux, avant de l'appuyer au sol.

"Pourquoi te bats-tu ?"

Sinis haussa un sourcil.

"Ça ne te regarde pas.

- Je n'ai alors point de doute que c'est pour une raison impure", conclut le paladin en passant à l'attaque.

"Quoi ?", répliqua Sinis, ne comprenant pas trop le raisonnement de l'autre homme, avant de réaliser qu'il devait se défendre.

Il encaissa une série de coups, chercha une faille dans la défense du paladin et n'en trouva aucune. Il attendit, patient, tenta quelques manœuvres rapides pour juger autant de la portée exacte de l'arme de l'autre homme que pour jauger sa maîtrise. La lance vint chaque fois bloquer son épée. Des huées se propagèrent dans la foule, qui commença à réclamer un vrai combat.

Sinis attaqua plus agressivement, essaya de forcer sa garde. Le paladin le tint en respect, faisant tourner sa lance au-dessus de sa tête, ses gestes précis, rapides, pratiqués. Il la baissait au niveau de sa poitrine pour se défendre, faisant rarement descendre ses attaques plus bas. Sinis essaya une feinte, faillit se faire trancher le tête et se jeta à terre pour la conserver sur ses épaules. Il roula sur le côté, surpris que le paladin recule, lui laissant le temps de se relever.

"Tu es certain que tu comprends le fonctionnement général d'un combat ?", lui demanda-t-il et le blond haussa la tête, redressant sa lance.

"Il n'y a pas d'honneur à s'attaquer à un adversaire qui n'est point en mesure de se défendre."

Sinis sourit. Et lui fonça droit dessus, sans même mettre d'effort dans sa défense. C'était un risque à prendre - il entendit la foule se calmer soudainement, le suivre des yeux. Le paladin parut hésiter et décida finalement de l'attaquer, la pointe de sa lance visant l'épaule de Sinis. Si l'attaque portait... la blessure serait superficielle. Sinis se laissa tomber à genoux à la toute dernière fraction de seconde, glissant en avant et une main contre le sol, il creusa devant lui une faille dans le sol pour lui permettre de s'enfoncer plus. Il passa facilement sous la lance, s'appuya sur un bras pour donner de la force à son coup et envoya un pied dans les genoux du blond pour le faire trébucher. De l'autre jambe, il l'immobilisa au sol.

Le paladin comprit son erreur en tombant et avec un effort, il réussit à tourner son corps pour essayer de se libérer. Il abattit sa lance vers Sinis avec l'intention de peut-être l'assommer. Sinis relâcha aussitôt sa prise et, les doigts enfoncés dans la terre, s'éleva au-dessus du paladin avec un pilier qu'il conjura. Le blond le suivit des yeux, se redressa sur les genoux et, avec un grand cri, donna un coup de lance brutal sur le pilier, qui s'écroula.

La foule hurla ; surpris de la force du coup, Sinis tomba avec un grognement étouffé de douleur, souffle coupé, et le paladin se remit difficilement sur pieds. Il tangua un instant, donnant le temps à Sinis de se relever. Le paladin le surveilla de loin, baissant cette fois franchement sa lance. Il la mania avec une part d'incertitude, ses mouvements plus lents. Sinis en profita pour une attaque haute.

Il se donna un élan, courut trois ou quatre pas et avec une syllabe rauque, des marches sortirent du sol pour lui permettre de sauter plus haut. Le paladin recula, étonné et comme paralysé, le regarda soulever son épée. Le paladin tiqua et sa réaction fut saccadée, il fit passer son poids sur un pied, leva sa lance pour contrer l'attaque et Sinis comprit qu'il était en mauvaise posture.

"Merde", grogna-t-il en essayant de tordre son corps pour accuser le coup.

Le paladin suivit son mouvement et la lance le cueillit en pleine poitrine, le coup judicieusement calculé pour causer le moins de dommage possible. Sinis se sentit néanmoins soulevé de nouveau dans les airs et, à l'expression victorieuse du paladin, réalisa qu'il allait sans aucun doute tomber hors des limites de l'arène et être aussitôt disqualifié. Il gronda un mot de pouvoir et avec un mouvement sec de son bras, un mur de terre se souleva en suivant la courbe du cercle, pour l'empêcher d'être éjecté de l'arène. Il s'écrasa contre le mur conjuré avec un gémissement de douleur, glissa au sol et sauta sur ses pieds pour se remettre en position défensive. Le mur s'effondra en poussière derrière lui.

"Je ne t'avais pas cru si doué, manant", sourit le paladin en faisant tourner sa lance, la ramenant devant lui.

"Tu m'énerves", siffla Sinis et il repassa son épée au fourreau, surprenant l'autre homme, qui baissa aussitôt son arme.

"J'exige que tu reprennes ton arme sur le champ", ordonna-t-il. "J'entacherais à jamais mon honneur si j'osais me battre contre un homme désarmé."

Sinis se pencha, sourit et enfouit ses doigts dans la terre.

"Qui a dit que j'étais désarmé ?", demanda-t-il en tirant du sol une grande lance faite d'une matière étrange : foncée comme la terre, brillante comme le métal.

Le paladin recula et rit.

"Tu voudrais m'affronter avec une lance qui n'est qu'une vulgaire imitation !", s'exclama-t-il. "Il te faudra plus que la même arme que moi pour espérer-"

Un coup précis le fit taire et le blond fronça les sourcils. Il avait dû relever son arme rapidement et enfoncer ses pieds dans le sol pour ne pas se retrouver en mauvaise posture. Il s'était sentit reculer et avait dû mettre un bon effort pour ne pas être battu sur ce coup précis. Sinis recula, visage sérieux. Le paladin recula aussi, le jugeant d'un nouvel œil, comprenant rapidement que le coup n'avait pas été chanceux. Il ne posa pas la question, peut-être parce que la réponse l'aurait fait hésiter.

"J'ai appris à me battre avec plus qu'une simple épée", sourit Sinis.

Il fit tourner la lance, beaucoup plus vite que le paladin l'avait fait auparavant. Il l'immobilisa finalement dans son dos en la tenant d'une main, à l'horizontale. Le blond essaya de ne pas laisser paraître que malgré lui, il était impressionné.

"Et laquelle dans ton arsenal est ta meilleure arme ?", siffla le paladin. "Ta langue ?", cria-t-il en passant de nouveau à l'attaque.

Quelques coups rapides portés par Sinis lui firent comprendre qu'il n'avait pas affaire à n'importe qui. Le blond tenta bien de reprendre l'avantage, mais c'était la première fois qu'il combattait un adversaire qui se débrouillait fort bien avec plus d'un type d'arme. Il essaya quelques attaques après avoir étudié l'autre homme, mais se trouva frustré à chaque tentative.

Il recula et baissa son arme.

Sinis recula aussi, mais resta sur la défensive. Il ne croyait pas vraiment qu'un paladin tenterait une feinte aussi grossière, mais préférait ne pas prendre de risque inutile.

"Je suis battu", annonça le blond et l'arbitre leva aussitôt un bras pour désigner Sinis comme vainqueur.

Le paladin s'épousseta d'abord et appuya sa lance sur son épaule. Il lui fit un salut rapide, un peu raide, avec le sourire - qui montrait son lot de dents blanches parfaitement alignées - typique de celui qui perdait, mais qui perdait avec humilité.

"Je t'offre toutes mes félicitations", il serra la main de Sinis, continuant à lui sourire, au point de le rendre mal à l'aise. "J'avais compté remettre le prix à l'orphelinat tout juste à l'extérieur de la ville... dire que le toit doit être refait et que les pauvres petits mériteraient bien quelques nouveaux vêtements, de jolis jouets pour les distraire..."

Il continua à sourire.

"Mais je n'ai nul doute que tu dépenseras bien plus judicieusement ce prix, manant !"

***

"Tu as gagné ! Tu as gagné !", hurla Deriner en se jetant vers lui.

Sinis crut un instant pour sa vie et essaya de trouver rapidement les meilleures façons de s'esquiver, au cas où la naine décide vraiment de lui sauter dans les bras. Heureusement pour lui, elle s'arrêta juste avant de lui écraser les orteils. Elle leva la tête et le dévisagea d'un regard froid et calculateur, son regard redescendit, chercha sans les trouver les signes annonciateur d'une bourse bien rondelette.

"...Où est l'argent ?

- Euh, c'est que-", hésita Sinis. "Il y a cet orphelinat, tu vois. Un tout petit orphelinat, assez miteux d'ailleurs, avec des murs à peu près juste assez épais pour laisser passer tous les courants d'air. Et je ne te parle même pas de l'état du toit : il y a moins de trous dans un gruyère-"

L'expression de Deriner, mais surtout la couleur de sa peau, le décida à ne pas continuer.

"Tu as... donné le prix ? Donné ? Pas prêté, avec un taux d'intérêt raisonnable et un programme de remboursement sur quarante-huit mois ? Tu l'as donné ?"
Sinis hocha la tête ; Deriner sourit.

Il y eut un silence. Le genre de silence lourd et épais, qui sent vaguement la mélasse et qui trahit à tout coup la réalisation que beaucoup d'argent a disparu en très peu de temps.
Deriner, lentement, secoua la tête.

"Les humains...", murmura-t-elle. "Les humains !", siffla-t-elle en se détournant, puis en s'éloignant à petits pas rageurs. "Aucun sens commun, pas une miette de jugeotte ! À croire que pour ces... ces humains... la seule raison d'être des pièces d'or est d'être dépensées !"

Soulagé, Sinis recommença à respirer. Sanson le rejoignit, avec une expression proche de l'adoration.

"Ça alors, tu as osé lui mentir !", commenta-t-il, impressionné. "Aloooors", poursuivit-il en se frottant les mains, "sur quoi allons-nous dépenser le prix ? ...Sinis ?

- Je", le mage de combat avala de travers. "C'est que... J'ai vraiment donné l'argent à cet orphelinat."

(20 janvier 2010)

univers : les losers!

Previous post Next post
Up