Anthologie: Sansornettes
Titre: Le début de la fin
Auteurs: drakys & supaidachan
Fandom: Original > Les nouvelles aventures des Losers!
Personnages: Sanson & cie
Rating: PG
Nombre de mots : 3100 mots
Disclaimer: ironie & bas blancs (drakys & supaidachan)
Notes: Tout est
ici. Posté pour
flo-nelja dans le cadre d'
ecrirepouraider.
"Il y a très longtemps que cette décision aurait dû être prise."
La grimace de dégoût sur le visage de Zahid ne le surprit pas. Il était prévisible, si facilement prévisible que Zakiya faillit en rire. Il se cachait derrière ses airs sombres, derrière tant de remarques acerbes qu'il s'était isolé des autres avec le temps, était devenu lointain et froid. Il était devenu exactement celui dont Zakiya avait besoin : Zahid n'avait rien à perdre. Il se contenta de garder la tête haute, de laisser passer sa colère.
"Je ne serai pas leur esclave ! Tout prince que tu es, comment oses-tu m'ordonner pareil sacrifice, Zakiya ? N'as-tu plus de fierté, qui a empoisonné ton esprit ainsi ?
- Je t'ordonne de te calmer, ce Conseil n'est pas l'endroit pour un autre de tes éclats vides de sens", gronda Vice, sa voix mélodieuse prenant des accents caverneux.
Zahid frappa la table du poing, se redressa, hautain. Ses yeux brillèrent, sa forme trembla comme il perdait contrôle sur lui-même.
"Je ne serai pas enchaîné à quiconque ! Surtout pas à un vulgaire humain !
- Les humains sont-
- Inférieurs !", tonna Zahid, furieux. "Tellement inférieurs que vous êtes prêts à leur être enchaînés, à leur donner une fraction de vos pouvoirs pour qu'ils survivent aux autres races ! Êtes-vous tous devenu fous ? Pourquoi eux ? Pourquoi se soucier de cette race irresponsable alors que nous en avons vu naître et périr d'autres ! Vous allez écouter les divagations de ce manipulateur, de cet être qui n'a même plus sa place parmi les siens, qui n'est même pas ce qu'il paraît être ?", il regarda l'étranger parmi eux. "Vous n'avez aucun droit ici !"
Le Sage lui retourna passivement son regard. C'était un homme étrange, qui souriait beaucoup, peut-être beaucoup trop. Malgré ses cheveux blancs en broussaille et son air négligé, il se dégageait de lui une énergie particulière. Il était puissant, bien sûr, assez pour que les djinns l'écoutent et le respectent. ...Même s'il était plus jeune qu'eux. Peut-être étaient-ils devenus faibles.
"Tu as raison", répondit le Sage après un moment de silence. "Mais tu te trompes, je ne suis pas ici pour vous imposer un choix. Je suis ici parce que je sais comment sceller vos pouvoirs, si tel est votre désir.
- Ce n'est certainement pas mon désir !", hurla Zahid. "Pareille folie-
- C'est le désir de certains d'entre nous...", murmura Zakiya.
Ce n'était qu'un murmure, mais il s'en dégageait une impression de force et d'autorité. Les têtes se tournèrent vers Zahid : Zakiya, le premier d'entre eux, avait parlé. L'expression de Zahid changea. De furieux, il parut choqué, puis tout simplement trahi. Il serra la mâchoire et poussa sa chaise, recula.
"Si c'est ton désir", dit-il lentement, secouant la tête, "alors c'est ici que nos chemins se séparent.
- Tu sais ce qui t'attends si tu quittes cette table-", commença Vice en se levant à son tour.
Zahid lui tourna le dos, ignora l'aura chargée de menace et le ton autoritaire.
"Je connais très bien les conséquences, ne crois pas que j'ai oublié les règles que j'ai aidé à instaurer. ...Crois-tu que mon rang, ma maison ou ma fortune m'importent, maintenant ? Je n'ai plus personne pour me suivre. Ce que vous voulez m'arracher, c'est ma liberté : c'est ce que je me battrai pour conserver. Prends-moi tout le reste, Vice, je resterai plus riche que toi."
À grands pas, il quitta la salle du Conseil et Vice attendit que la porte se referme derrière lui.
"...D'autres parmi vous partagent-ils son avis ?"
Personne n'osa bouger, ni croiser son regard où brûlait une fureur inquiétante... Jusqu'à ce qu'à son tour, Hilal pousse lentement sa chaise en arrière pour se lever. Des murmures choqués troublèrent le silence lourd de la pièce. Le capitaine des gardes reprit son sabre laissé suspendu au dossier de son siège et secoua la tête. Ses plus proches lieutenants hésitèrent, voulurent se lever aussi, mais il les arrêta d'un geste calme de la main.
"C'est ma décision. Votre loyauté m'a été précieuse, vous avez ma reconnaissance, mais à partir de maintenant, je ne suis plus votre supérieur", leur dit-il en les regardant tour à tour. "Vice, je suis désolé", continua-t-il en se tournant vers le premier conseiller, sa voix grave calmant tout le monde. "Ce qu'il m'est demandé de faire, ma fierté me l'interdit. J'ai promis autrefois que toute ma vie, je défendrai les intérêts de notre peuple. ...Je ne crois pas qu'être relié à un humain et voir mes pouvoirs diminués me permettra de garder parole.
- Ta famille subira-", commença Vice, mais une femme se leva.
"Sa famille ne subira aucune honte", elle releva fièrement la tête. "Sa famille le suivra.
- Crois-tu qu'il est de ton devoir de suivre ton frère ?", siffla Vice. "N'as-tu pas été dotée comme nous tous de libre-arbitre, ne sais-tu pas prendre une seule décision par toi-même, Leila ?"
La rage de Vice était visible dans son apparence : la lumière qui émanait de lui s'atténuait en brillance, vibrait avec des accents sombres. Leila pencha la tête, ses longs cheveux pâles vinrent obscurcirent son visage à la peau foncée. Elle la releva un moment plus tard, gracieuse, et un sourire éclaira son visage.
"La même fierté coule dans mon sang. Ce que mon frère a choisi, je le choisis aussi, par moi-même."
Elle reprit ses armes et rejoint Hilal. Leila glissa une main sur son bras et ils quittèrent à leur tour la salle du Conseil. Vice, bouillant de rage, eut un geste violent et se laissa retomber sur son siège.
"Est-ce enfin terminé ? Peut-on continuer cette discussion en paix ?"
Il faillit s'étouffer en voyant Faten se lever. Elle était certainement la plus belle d'entre eux et peut-être était-elle aussi la plus sage. Vice serra les poings, incapable de retrouver sa voix. Au-delà du respect qu'il éprouvait pour elle, peut-être y avait-il autre chose. Humblement, elle inclina la tête.
"Il viendra un temps où tu comprendras, Vice. Nous ne pouvons tous nous plier à la même destinée."
Un rire lui fit tourner la tête.
"La destinée ! Pfft-!"
Tarek soupira bruyamment. Sur le haut dossier de son siège, les deux formes sombres d'Eni et de Soteh, matérialisation de son pouvoir, sautèrent, agiles, jusqu'au épaules de leur maître. Eni se redressa sur ses pattes arrières, il parut toiser l'assistance avec condescendance. Les deux familiers pouvaient changer de forme à volonté, selon l'humeur de Tarek, mais elles apparaissaient souvent comme deux petits animaux à la forme allongée, semblables à deux furets entièrement faits d'obscurité.
Le jeune djinn n'avait jamais été apprécié.
Il se dégageait de lui une impression de chaos et de violence que personne n'aimait et le pouvoir qu'il favorisait répugnait aux autres. La force qu'il tirait des ténèbres, peu de djinns auraient tentés comme lui de la contrôler. Le seul à l'avoir fait avant lui... n'était plus des leurs. Son nom n'était plus prononcé, son existence même était devenue la source d'une grande honte.
"As-tu quelque chose à dire ?", lui demanda Vice, exaspéré par cette nouvelle interruption.
"Oui", déclara-t-il, étrangement sérieux. "Ce n'est pas en scellant vos pouvoirs que vous pourrez le vaincre. Vous avez peur de lui et tout ce que vous trouver à faire, c'est de vous cacher et de fuir la confrontation ?"
Des murmures choqués lui firent hausser les épaules.
"Peut-être que vous avez raison, qu'est-ce que j'en sais ! Mais pas question qu'on me prenne ma liberté !"
Tarek se leva, ses familiers chacun sur une de ses épaules. Faten attendit qu'il la rejoigne et ils se dirigèrent ensemble vers la porte. Le jeune djinn l'ouvrit, laissa passer son aînée, mais s'immobilisa un instant avant de sortir.
"Hé, le Sage !", lança-t-il, avec une moue qui mettait plus en évidence le piercing dans sa lèvre inférieure.
L'homme aux cheveux blancs, à la barbe mal rasée leva les yeux vers lui et son sourire pouvait vouloir dire qu'il avait déjà deviné ce qu'on lui dirait.
"Tu sais très bien ce qui va se passer, hein ?"
Vice tiqua à la question et plissa les yeux, se redressant pour entendre la réponse. Le Sage se cala plus confortablement dans son siège, nonchalant, remonta sur sa tête les lunettes de protection qu'il avait jusque là laissées devant ses yeux.
"Est-ce que c'est parce que tu le sais aussi, Tarek, que tu as décidé de rejoindre les rangs de Zahid ? ...Ou est-ce seulement parce que tu es terrifié par une partie de toi-même ?"
***
Il regardait le désert avec fascination : Zakiya voyait l'avenir. C'était un don commun chez les djinns, mais aucun d'entre eux ne le maîtrisait comme lui. Là où il y avait encore les jardins qui s'étendaient à perte de vue, remplis d'odeurs délicates et de couleurs vives, il devinait la sécheresse à venir. Le palais deviendrait poussière, tout viendrait à mourir et le désert s'étendrait, impitoyable. Quand ils perdraient le lien qui les unissait tous, ils perdraient ce pays merveilleux. Ils ne seraient plus... qu'un rêve.
Un simple mot, prononcé avec scepticisme.
Djinn ? Oh, les p'tits esprits du désert, ceux qu'on voit quand on a trop pris de soleil sur la tête, ha ha !
Bien sûr qu'ils sont réels, j'en vois tout le temps dès que j'ai trop bu !
Le djinn a mangé ton devoir, bien sûr que je vais croire ça ! File en punition, petit scélérat !
Les humains...
Zakiya ferma les yeux.
Ils ne les verraient pas, mais les djinns veilleraient sur eux. Ils les protégeraient et les humains, si simples, les appelleraient chance ou hasard. Ils vivraient avec eux, près d'eux, ils vivraient et mourraient un millier de fois. Et avec chaque humain qu'ils accompagneraient, ils apprendraient un peu plus qu'il n'y avait plus de place dans ce monde pour les esprits comme eux, nés de la magie, voués à un jour disparaître avec elle. Un sourire joua sur ses lèvres. Invisibles, ignorés, les djinns vivraient à travers des êtres qui n'avaient qu'une infime fraction de leurs pouvoirs.
Il entendit Vice approcher, s'arrêter. Il savait ce qu'il dirait.
"N'êtes-vous pas l'instigateur de leur folie ? Ne devriez-vous pas les suivre, mon Prince ?"
Zakiya secoua la tête.
"Ce n'est pas mon rôle. Zahid... Zahid est le seul assez fort pour ne porter aucune chaîne.
- Ils seront poursuivis, vous le savez très bien. Et quand nous les rattraperons, ils devront se soumettre et-"
Zakiya lui fit face, haussant la tête. Vice aussitôt baissa la sienne, soumis.
"Vice, tu es fidèle. À moi, à ce royaume, à ce que tu crois être le mieux pour nous tous et cette fidélité est louable, je ne l'oublierai jamais. Mais ne leur arrache pas leur liberté. S'ils sont reliés à un humain contre leur volonté, ils deviendront... corrompus et malades. Assez d'entre nous ont déjà subi ce sort et seulement pour satisfaire... ma curiosité."
Il soupira.
Après qu'il se sépare de la collectivité, quelque chose s'était brisé. Ils n'avaient pas su comprendre comment il arrivait à survivre, détaché de leur monde, utilisant la vie d'humain après humain pour conserver la sienne.
Ils avaient essayé par eux-même de se lier à des humains, pour le comprendre, pour le vaincre, mais aucun des djinns portés volontaires n'avait survécu. Ils étaient tous morts pendant la séance, sauf un et celui-là avait prit la fuite. Et c'était le jeune Tarek qui avait été envoyé pour... nettoyer cette erreur de jugement. C'était le genre d'odieux secrets avec lesquels Zakiya devait vivre. Il avait su, pourtant, que les expériences ne fonctionneraient pas. Sa fierté l'avait perdu : il avait refusé de se plier à ses visions. Mais dès qu'il avait rencontré le Sage...
Les choses avaient changé.
"Mon Prince, je vous en prie, ne croyez pas que vous êtes responsable de-", commença vivement Vice.
"Qui est responsable, si ce n'est pas moi ?", il baissa la tête et se pinça l'arrête du nez.
Un mal de tête terrible le vrillait et il bougea sa main devant ses yeux, la regarda devenir lentement transparente avant de reprendre son opacité.
"Nous sommes vieux, nos forces déclinent", soupira-t-il. "Non, ceux-là ne doivent pas être forcés à devenir quelque chose qu'ils ne veulent pas être. Ce n'est pas ce que je souhaite. Emprisonne-les seulement. Le Sage nous fournira les pierres et ils seront oubliés. Ils seront oubliés, comme nous, et c'est ce qui importe. Notre temps est révolu.
- Il sera fait selon vos désirs", lui assura Vice en s'éloignant.
"Attends."
Il hésita.
"Zahid...
- Oui ?
- Je t'en prie, ne l'emprisonne pas. Il doit rester libre jusqu'à la fin."
Vice ne sortit pas immédiatement.
"Mon Prince, me permettez-vous une question ?", Zakiya hocha la tête. "...Qu'avez-vous vu ?
- J'ai rêvé Vice, j'ai seulement rêvé."
Il étendit une main devant lui, mais ne la vit pas. Il voyait l'avenir et traversait sa propre existence comme si elle n'était qu'un rêve.
***
Hilal regarda la Cité à l'horizon. Avec les derniers rayons du soleil, elle paraissait construite d'or et de feu. Il devina la forme majestueuse du palais, ses tours grimpants vers le ciel, disparaissant dans les nuages, mais tout était déjà... pâle et lointain. Les halls frais aux colonnes qui s'étiraient et disparaissaient dans de grandes arches délicates, ses grandes places fleuries gorgées de mille et une odeurs subtiles, Hilal n'oublieraient rien... même si tout était voué à disparaître.
Il ajusta le fourreau de son sabre dans son dos et considéra Zahid.
Zahid tournait résolument le dos à la Cité. Accroupi, il traçait des cercles, des symboles sans signification dans la terre meuble. Il s'était refermé sur lui-même. Il était facile de deviner qu'il ne calculait pas leurs chances d'échapper à la garde : il calculait le temps qu'ils avaient avant d'être capturés et... Hilal ne savait pas quel sort leur était réservé. Il soupira et se rapprocha, tournant à son tour le dos à la Cité, au passé. Il s'arrêta en retrait de Zahid... entêté, désagréable et borné, parfois hautain, il se fâchait facilement... Il était ce que des siècles d'une existence solitaire avaient fait de lui. Il était le seul qui pouvait tenir tête à Zakiya.
D'un silencieux accord, ils avaient décidé qu'il était leur chef.
"Quel est ton plan ?
- Pourquoi m'avez-vous suivi ?", demanda ce dernier avec humeur. "Êtes-vous déments ? Vous savez bien qu'ils nous poursuivront. Vous êtes des imbéciles.
- Est-ce que ça ne flatte pas ton égo, d'avoir de nouveau des gens pour te suivre ?", rétorqua Tarek en gratouillant sous le menton d'Eni.
Soteh fixait Zahid avec un petit air méchant.
"Tu as divisé un peuple qui n'a qu'une seule et même conscience, ne te sens-tu pas au moins un peu fier, un peu accompli ? C'est un bel exploit !
- Tarek, tais-toi !", siffla Leila, étirant le bras pour lui donner une claque derrière la tête.
Zahid fut aussitôt près de lui, son mouvement invisible, comme s'il sautait seulement d'un point A ou point B sans se soucier de traverser l'espace entre les deux. Il l'agrippa par le collet et le secoua. Tarek sourit.
"...Ai-je touché une corde sensible ?
- Je peux comprendre la décision des autres parce que j'ai grandi auprès d'eux, mais toi !? Dis-moi pourquoi je devrais tolérer ta présence ? Tu es jeune et insupportable, tu es-
- Tu crois que je suis comme lui", siffla Tarek, dédaigneux.
Les autres gardèrent le silence. Le seul d'entre eux qui ne méritait pas de nom... personne ne pourrait jamais l'oublier.
"Vous le croyez tous."
Il rit, sans émotion.
"Ce n'est qu'un pouvoir ! C'est ce que je sais faire, pas ce que je suis."
Eni et Soteh frémirent, disparurent en volutes qui s'épaissirent sur les avant-bras de Tarek jusqu'à devenir des bracelets de force, faits d'un étrange métal noir et lisse. Les yeux de Tarek devinrent plus noirs que la nuit, des ténèbres liquides parurent déborder sur son visage : des lignes tracèrent des courbes jusqu'à ses tempes. Sa voix devint ténèbres, rauque, profonde... caressante aussi, suave, faite de tentation pure, de désirs obscurs. Zahid tiqua, mais ne le relâcha pas.
L'Autre n'avait jamais su parler comme ça, il avait contrôlé les ténèbres sans finesse, sans... émotion. Il en avait simplement fait une force mortelle et impitoyable.
"Tu as peur de moi ?", gronda Tarek et il rit, rit d'un rire brisé. "...Tu crois avoir peur de moi ? Tu ne sais rien !"
La noirceur dans ses yeux et sur son visage se dissipa et Tarek leva les bras de chaque côté de son corps. Zahid ne comprit pas son geste, pas immédiatement, mais il entendit Faten pousser une exclamation de surprise, Hilal hurla de rage. Il entendit Leila implorer, l'arrêter avant qu'il tire son sabre du fourreau. Zahid vit enfin les grains de sable. Lentement, ils se soulevaient, un à un, minuscules cristaux qui venaient danser, légers, hésitants, autour des bras de Tarek. Il allèrent orbiter autour de sa tête comme une auréole. Il s'agitèrent, se déplacèrent, tentèrent de créer des formes. Des parodies grossières d'Eni et Soteh, faites de sables mouvants, contemplèrent Zahid. Le pouvoir était approximatif.
"Penses-tu seulement connaître ma terreur, Sans Chaîne ? Que crois-tu qu'ils me feront, quand ils m'attraperont moi ? Quand ils m'arracheront mon pouvoir pour découvrir que j'en possède un second ?"
Zahid comprit.
Prendre la vie d'un autre djinn était le pire péché. C'était non seulement lui arracher la vie, c'était devoir supporter de le voir s'éteindre, devenir une lueur tremblante qui finalement s'éteignait. C'était aussi absorber ses pouvoirs et prendre en soi une fraction de son existence, le sentir lentement disparaître de la collectivité. Zahid relâcha Tarek. ...Et si pas un seul autre djinn n'avait senti disparaître l'un des leurs, c'était qu'il avait rompu son lien avec les autres. Qu'il était corrompu, devenu fou, malade : il était devenu un monstre.
Zahid n'avait jamais su qu'il y en avait eu plus d'un et Tarek... Tarek avait pris la vie d'un autre, avait pris une existence corrompue : il y avait en lui un chaos qu'aucun autre djinn ne pouvait connaître. Un chaos qu'il pouvait comprendre, qu'il devait comprendre et peut-être pourraient-ils le battre lui. Il serra l'avant-bras de Tarek et hocha la tête, le relâcha.
Il garda le silence, parce qu'il n'y avait rien à dire.
Seule Faten s'approcha. Elle serra le jeune djinn contre elle.
"Tu as bien fait", murmura-t-elle.
Mais ils comprirent tous qu'elle ne s'adressait pas seulement à Tarek. Malgré tout, pas un seul d'entre eux fut convaincu d'avoir fait le bon choix.
Ils regardèrent le palais au loin - sauf pour Zahid qui s'entêta à lui tourner le dos - qui s'élevait en or et en feu, niché confortablement sur l'horizon que la nuit venait dévorer. Ils regardèrent le palais au loin et firent silencieusement leurs derniers adieux à leur univers voué à l'extinction.
(15 janvier 2010)