Anthologie: Sansornettes
Titre: Veuillez regagnez vos sièges avant le début de cette histoire
Auteurs: drakys & supaidachan
Fandom: Original > Les nouvelles aventures des Losers!
Personnages: Sanson & cie
Rating: PG
Nombre de mots : 2872 mots
Disclaimer: ironie & bas blancs (drakys & supaidachan)
Notes: Tout est
ici. Posté pour
flo-nelja dans le cadre d'
ecrirepouraider.
Cette auberge puait, était crasseuse, les lits étaient inconfortables, elle puait, le plancher craquait, il n'y avait pas de rideaux aux fenêtres et surtout, elle puait. Si Deriner n'avait pas montré du doigt l'état de leurs finances d'abord et menacé ensuite de le foutre à poil pour qu'il gagne de son corps de quoi dormir dans un endroit plus chic et décoré de plus nombreuses étoiles d'excellence, Sanson aurait refusé d'au moins deux mille façons différentes de passer la nuit à l'Auberge de la Crevette Faisandée.
Pour une raison qui lui échappait totalement, Sinis réussissait à dormir et à ronfler sans trop se soucier de toutes les cochonneries dans lesquelles il croupissait. Son petit doigt, maintenant qu'il en avait un vrai de vrai, disait au prince sans royaume que mage de combat n'était pas la profession la plus lucrative. Pour échapper à la puanteur, aux ronflements, aux ombres louches à longues queues qui disparaissaient très vite dans les coins en lui lançant des regards rouges un rien mauvais, à la puanteur et aux draps vraiment trop raides, il décida que le matin peignait juste assez de rosé dans le ciel pour qu'il puisse se lever.
Il alla doucement cogner à la porte de Deriner, se demandant bien pourquoi ils avaient pris deux chambres si leurs finances étaient si profondément enfouies dans un trou sans fond. La naine lui ouvrit, sa fidèle hache de combat à la main.
"Oh, ce n'est que toi", fit-elle en s'écartant pour le laisser entrer.
Sanson se demanda qui elle pouvait bien attendre, hache à la main comme ça et il réalisa qu'au fond, non, il n'avait pas du tout envie de savoir ni qui elle attendait, ni pourquoi. Il réalisa qu'il ne connaissait pas trop bien les mœurs naines et que, franchement, il préférait rester dans l'ignorance. Il resta saisi en voyant sa chambre, qui avait tous les airs d'un somptueux petit palais. Il réalisa que libérée des rats, une chambre d'auberge pouvait rapidement devenir coquette et confortable.
"Que- Comment ?", bafouilla-t-il et elle lui sourit d'un petit air rusé.
Elle lui pointa les bouquets qu'elle avait installé ici et là.
"Il n'y a rien comme deux ou trois fleurs pour transformer un trou puant en endroit habitable !"
Si par deux ou trois fleurs, elle voulait plutôt dire les sept somptueux bouquets dont les fragrances s'agençaient harmonieusement en plus d'égayer considérablement l'endroit, le prince allait devoir lui donner raison. Il s'assit au bord du lit - avec une certaine circonspection, pour éviter les taches louches - et s'éclaircit la gorge, lui posant enfin la question qui l'avait amené à frapper à sa porte :
"Je peux avoir un peu d'argent, pour le petit déjeuner ?"
Elle le regarda comme s'il avait demandé son cœur sur un plateau d'argent, avec des tomates taillées en lotus, des spirales de carottes et des radis découpés en fleurs. Deriner eut un hmm qui ne laissait rien présager de bon et Sanson regretta soudain très amèrement de lui avoir confié l'exclusivité du contrôle et toute l'organisation de leur budget commun. Elle desserra finalement les cordons de la bourse pour lui remettre trois piécettes.
"Ne fais pas de folies", lui dit la naine d'un air sévère et Sanson se demanda vraiment ce qu'il pouvait faire comme folies avec une somme aussi ridicule.
Ça allait tenir du miracle s'il avait juste de quoi s'acheter un demi-pain et une demi-cuillerée de confiture à étaler dessus. Il était très loin des noisettes grillées avec du miel, dont la simple pensée le faisait saliver - il s'ennuya soudain d'Esoj et de toutes ses petites attentions : se balader sur son épaule, les occasionnelles petites gratouilles sous le menton, les noix à grignoter à volonté. Il soupira en empochant la somme, sachant très bien que même pas les plus violentes et obstinées négociations n'allaient réussir à convaincre Deriner de lui donner plus. Il la remercia donc et elle le raccompagna à la porte.
"Fais attention dans l'escalier", avertit la naine.
"Ça va !", siffla Sanson, irrité, tenant la rampe. "Je ne suis quand même pas-"
Ce qu'il pensait ne pas être, il ne le dit pas. Dès que son pied droit s'aventura sur la première marche, son corps sembla refuser de descendre l'escalier. Enfin, de le descendre de façon normale. Sanson réalisa, avec une pointe assez énorme d'horreur, qu'il allait planter en beauté. Il se prépara mentalement à hurler, brisé de douleur et de honte, quand un bras fort, mais surtout salvateur, s'étendit devant lui et l'empêcha de culbuter fort disgracieusement devant tout le monde.
Il leva les yeux vers le coude, puis vers l'épaule attachée à ce bras et enfin, vers le visage de l'homme auquel le tout appartenait. Un regard gris clair surplombait un sourire fait de dents blanches qu'on utilisait habituellement pour annoncer les dentifrices et le visage, agréable à l'œil, était couronnée de cheveux blonds dans lesquels coulaient presque timidement des ondulations parfaites.
"Holà, bel ami...", souriait l'étranger, plein de bonté, en profitant pour montrer ses dents bien droites. "À peine un moment plus tard et je n'aurais eu la chance de vous éviter une bien vilaine chute !"
Il l'aida fort gentiment à descendre le reste des marches sans autre pépin majeur, lui tira une petite révérence gracieuse sans que Sanson retrouve l'usage de la parole pour le remercier et quand Deriner l'eut rejoint pour s'assurer qu'il allait bien, qu'il ne s'était rien cassé et que c'était qui, ce plouc qui lui ruinait sa scène de rire du matin ?, il cligna deux ou trois fois des yeux.
"Je n'ai jamais vu de voyageur avec des vêtements aussi blancs... Tu crois qu'il utilise quoi, pour la lessive ?"
***
Une fois le demi-pain et sa cuillerée de confiture consommé (ce qui lui pris au grand maximum deux minutes), Sanson décida d'affronter à nouveau l'escalier. Après tout, il devait réveiller Sinis, ce qui allait certainement se révéler être un autre genre de tâche quasi insurmontable. Tenant bien la rampe, il gravit chacune des marches avec paranoïa, s'attendant à chaque seconde d'être trahi par un de ses pieds et de partir en arrière, en avant ou, pourquoi pas, sur le côté, par-dessus la rampe, en défiant toutes les lois connues de la gravité et peut-être même une ou deux qui restaient à découvrir.
Il faillit lâcher un grand HA ! victorieux une fois qu'il eut gravit tout l'escalier, mais se retint à la toute dernière fraction de seconde, parce qu'être aussi fier d'avoir réussi à monter une vingtaine de marches était un exploit plutôt pathétique. Il croisa Sinis en se rendant à leur chambre et le mage de combat, qui n'avait pas daigné se raser ce matin non plus, le salua.
"Deriner m'a donné de l'argent pour un festin, ce matin !", souriait-il. "J'ai certainement de quoi m'acheter tout un demi-pain et une bonne demi-cuillerée de confiture !"
Il dévala les marches à toute vitesse, filant de toute évidence droit vers la salle commune et sa pitance. Sanson le pointa, même s'il avait déjà disparu, puis pointa l'escalier, comme si on venait de mortellement l'insulter.
"Merde", grommela-t-il en réalisant qu'il était remonté pour rien.
***
Sinis finissait de pousser sa nourriture dans sa bouche quand le prince, après être redescendu sans heurt, le rejoint. Deriner était déjà avec lui et bien que ni l'un, ni l'autre de ses compagnons ne voulut se risquer à poser des questions, il leur paraissait un poil injuste que la naine profite d'un petit déjeuner composé de saucisses grillées, de patates dorées, d'œufs brouillés bien épicés et de fromage de chèvre, le tout accompagné de ce qui avait l'air d'être une bière de très bonne qualité.
Pour une auberge puante, pensa Sanson, la qualité de la nourriture était surprenante. Le cuisinier devait être vraiment mieux payé que la femme de chambre. Il se laissa tomber sur une chaise et pianota sur la table. Sinis fixait l'assiette de Deriner en espérant de toute évidence que peut-être, par bonté d'âme ou un sentiment similaire, elle allait jeter quelque chose dans sa direction.
"...Est-ce qu'il a eu sa leçon, ce matin ?", demanda Deriner sur le ton de la plus pure innocence et Sinis tiqua violemment.
"Euh, c'est que, euh", hésita-t-il, cherchant une justification, n'importe laquelle, tant qu'elle justifierait quelque chose.
La naine piqua une saucisse sur sa fourchette et l'agita devant le nez du mage de combat ; il la suivit des yeux, hypnotisé. Elle dévisagea Sanson en souriant ; il sentit son coeur battre plus vite. S'il continuait comme ça, il allait lui sortir de la poitrine. Quand Deriner souriait comme ça, quelqu'un risquait de mourir.
"Sanson... vous m'avez promis de vous entraîner sérieusement une heure tous les matins", elle inséra un peu de suspense, sourit un peu plus largement. "Qu'est-ce que je t'ai dit que je ferais, si tu n'étudiais pas le maniement de l'épée ?"
Le prince se redressa, dos bien droit et pâlit dangereusement. Il se leva dans un geste mécanique et sec, attrapa le bras de l'autre homme pour l'encourager à le suivre. Sinis tendit une main vers la saucisse qui recula hors d'atteinte.
"Vite !", couina Sanson. "Vite vite vite !", insista-t-il en tirant Sinis derrière lui. "J'aime tous mes membres où ils sont !"
Sinis, malgré tout, tenta une attaque et essaya d'attraper la saucisse. Deriner, un peu cruellement peut-être, l'éloigna de ses doigts et y croqua une bouchée.
***
Un peu plus d'une heure plus tard, elle les retrouva haletants, avec un nombre qu'elle jugea correct d'estafilades, et leur jeta leurs sacs. Sanson vida sa gourde ; Sinis faillit couiner de plaisir en recevant le mouchoir plié dans lequel Deriner lui avait apporté des saucisses.
"On devons-nous nous rendre ?", demanda-t-il entre deux bouchées, après qu'ils soient sortis de la petite ville. "Parce qu'il y a-", il jeta un coup d'œil autour de lui avant de pointer une direction. "-une cité là-bas avec une grande arène où on peut facilement gagner de l'argent.
- Tu ne penses qu'à l'argent ou quoi ?", lui reprocha Deriner et Sinis, même s'il trouva le commentaire assez déplacé venant de la naine, se garda bien de commenter. "...Mais l'idée n'est pas bête ! Le petit prince pourrait gagner quelques points d'expérience !
- Ça vous dérangerait beaucoup de me demander mon avis, pour une fois ?", intervint Sanson en croisant les bras.
Les deux autres échangèrent un regard, haussèrent chacun un sourcil et réprimèrent de toute évidence une crise d'hilarité. Sinis reprit son sérieux et lui serra l'épaule, l'air grave.
"C'est pour ton bien !", souligna-t-il.
Deriner s'empressa de lui tapoter la main.
"Et bien sûr, c'est aussi pour celui de nos finances communes !"
Le prince grommela et de l'avis général, qui n'incluait bien sûr pas le sien, l'affaire fut réglée et leur destination fixée. Sur le chemin, ils dépassèrent une haute structure de bois et des cages qui n'étaient pas étrangères à Sanson, pourtant sans qu'il se préoccupe du sort de leurs prisonniers ailés. Seul Sinis s'arrêta, hésitant, et il pencha la tête sur le côté, écoutant le concert irritant des croassements. Il entendait une voix au milieu des cris des corbeaux, une voix qui, étrangement, appelait le prince en insistant beaucoup pour être sauvé.
"Hé, Sanson", appela-t-il et il pointa la cage la plus à droite. "Tu ne serais pas copain avec ce corbeau, par hasard ?
- Avec un-", Sanson leva les yeux et essaya d'entendre ce qui se disait.
Il remarqua qu'il ne comprenait plus du tout ce que les corbeaux racontaient : c'était seulement des croassements rauques. Fronçant les sourcils, irrité d'avoir perdu en redevenant humain la faculté de comprendre les animaux, il se détourna et allait s'éloigner.
"Non."
Deriner l'attrapa par la ceinture et le tira vers la structure et ses cages suspendues.
"Hé ho, comment ça, non ? Et Noir alors ? Ce malheureux petit rehven doit s'être fait encore prendre à voler !"
Elle relâcha le prince pour agripper Avro le Conquérant, passa un bout de corde dans l'anneau au bout du manche de la hache et elle visa soigneusement. Sanson et Sinis la regardèrent s'échiner un moment et libérer sans faire exprès la moitié des corbeaux sans jamais atteindre la bonne cage. Ils décidèrent de prendre un peu de recul avant de se faire trancher la tête par erreur.
"Comment tu peux les comprendre ?", demanda Sanson, désignant les oiseaux.
"Oh, j'ai reçu une formation de druide", expliqua Sinis. "J'ai une mineure en langages animaliers... quoi ?", voulut-il savoir, réalisant que Sanson le dévisageait. "La formation de druide, c'était surtout pour apprendre la magie élémentale", se défendit-il.
"Non, ce n'est pas ça ! C'est seulement que- En fait- Par hasard, tu ne connaîtrais pas...", il ne termina pas sa phrase. "Non, oublie ça, ce serait un trop gros hasard."
La hache finit par filer droit pour fracasser la dernière cage et Noir en tomba, roulant au pied de la structure pour amortir sa chute. Il continua à rouler, chantonnant avec excitation :
"Sauvé, sauvé~! Je ne vais pas crever, crever~!"
Deriner lui sourit gentiment, lui tendit un main pour l'aider à se relever et une fois qu'il fut de nouveau bien campé sur ses pieds, qu'il sautillait sur place avec son enthousiasme habituel, elle lui montra de très près le tranchant de sa hache. Noir s'immobilisa, perplexe.
"Petit voleur !", hurla-t-elle à plein poumons, ce qui faillit crever tous les tympans présents. "Qu'est-ce que tu as fait de la Pierre de Vœux ? Et où est ce bon à rien de Zahid, avec ses sourires parfaits et ses clins d'œil à la pelle et son charisme irrésistible ?"
Le rehven se releva et s'épousseta.
"Je n'ai rien volé, non non !", se défendit-il, avec une expression absolument triste qu'on doute ainsi de lui. "J'avais une dette envers Zahid et Zahid, ce gros caillou était à lui !"
La naine et Sanson échangèrent un regard, pendant que Sinis reprenait des mains de Noir la boucle de ceinture qu'il venait de lui prendre. Il lui donna un claque derrière la tête quand il le vit s'approcher de l'épée de Sanson et un coup de pied au derrière quand le rehven essaya de subtiliser pas très subtilement un petit couteau à la naine. Deriner passa lentement une main sur son visage et pensive, elle enroula une des tresses de sa barbe autour de son petit doigt.
"...Comment ça, la Pierre de Vœux était à lui ?
- Zahid...?", murmura Sinis en fronçant les sourcils, fouillant sa mémoire, le nom lui rappelant quelque chose qui insistait pour refaire surface, surtout associé à Pierre de Vœux comme ça. "Zahid comme le djinn Zahid ? Le Sans Chaîne ?", demanda-t-il, incrédule.
Sanson et Deriner échangèrent un coup d'œil surpris, même Noir en oublia d'avoir envie de dérober quelque chose à quelqu'un. La naine le considéra de bas, tout à coup très très suspicieuse. Elle mit les mains sur ses hanches, prenant soin de glisser ses doigts sur le manche de sa hache.
"Le Sansquoi ? ...Et comment tu le connais d'abord ! Tu es de mèche avec lui, peut-être ?
- Quoi ? Bien sûr que non", se défendit-il. "Il n'est pas-", il allait dire réel, mais réalisa que cette information-là était peut-être erronée. "S'il est bien réel, alors c'est normal qu'il veuille reprendre les Pierres de Vœux.
- Oh, bien sûr !", éclata Deriner. "Il veut reprendre les Pierres de Vœux, c'est normal ! Qu'importe si notre Pierre était à nous, à nous", insista-t-elle, les nains étant toujours possessifs en matière de cailloux et roches diverses, "depuis des siècles et des siècles et là, hop ! Un écureuil voulant redevenir humain plus tard, plus de Pierre chez les nains ! Et toutes les habitudes de prières à la Pierre Ouestantes sont chamboulées ! Ça fait beaucoup de sens- Les Pierres de Vœux ? Comme dans plus d'une ?
- Comme dans plus d'une", confirma Sinis.
Deriner le dévisagea, Sanson aussi, même Noir y mit du sien ; Sinis se sentit obligé d'ajouter quelque chose.
"Ce sont des prisons pour les djinns..."
Cette révélation semblait en appeler d'autres, plusieurs autres, si possible tout de suite, maintenant et il allait parler, oui ou merde ? Deriner vit bien que Sinis n'allait pas se mettre à révéler des choses importantes comme ça. Elle agita un index en direction de son visage et personne ne lui fit remarquer que c'était moins convainquant quand le doigt s'agitait énergiquement en direction du torse de son interlocuteur.
"J'ai une question pour ta petite personne, monsieur le mage de combat !"
Sinis faillit lui faire remarquer qu'en matière de petite personne, il n'était pas celui qui possédait les meilleures qualifications pour remplir le poste, mais il s'abstint, aimant assez l'idée de ne pas se retrouver coupé en deux au niveau des genoux.
"C'est quoi cette histoire de prison pour les djinns ?
- Vous ne connaissez pas la légende ?
- Bien sûr que si, je veux juste entendre le doux son de ta voix me la raconter...", railla Deriner. "Mais crache l'histoire qu'on en finisse ! On ne va pas rester plantés ici toute la journée !"
Sinis soupira et se hissa sur la plate-forme de bois et s'installa en tailleur. Il prit un moment pour se rappeler les bribes d'histoire qu'il connaissait et un autre pour se remémorer quelques techniques de conteur.
"Il y a très longtemps..."
(15 janvier 2010)