for (;;) {stupidity++;} > 1 > Le client est roi

Jun 23, 2007 11:21

Titre: Le client est roi
Auteurs: drakys & supaidachan
Fandom: original > for (;;) {stupidity++;}
Personnages: louis-philippe, william, kelly
Rating: PG
Disclaimer: ironie & bas blancs (drakys & supaidachan)
Notes: ici.


if (poste == eTypesEmployé.TechInfo)
{
ResponsabilitésEmployé àFaire = new ResponsabilitésEmployé();
àFaire.EmbauchéPour = eTypesTravail.Coder;
àFaire.TâchesConnexes = eTypesTravail.BoucheTrou;

esclave = true;

SeTuerÀLaTâche(àFaire);
}

Mon poste officiel, aux dernières nouvelles, c'est technicien en informatique. La dénomination est, je vous l'accorde, d'une largesse qui ouvre la porte à tous un tas de tâches diverses dont je devrais avoir la charge. Dans le meilleur des mondes, ces mille et uns travaux à envergure variable devraient être reliés au moins un tout petit peu aux ordinateurs.

Je ne suis pas si tatillon que ça: programmation, réparations diverses et remplacement de pièces, aide en tout temps pour de complexes manipulations comme faire une somme dans Excel ou imprimer recto-verso un catalogue, je suis à même de pouvoir me rendre utile, avec le sourire au moins et même l'enthousiasme dans la plupart des cas.

"Merci, bonne journée!"

Aussi, je me demande ce que je fais là à remercier les clients qui m'ont payé leurs achats, debout derrière le comptoir, dans l'uniforme des employés avec mohawk proprement attaché. C'est même triste que sur le tablier, j'ai droit à ma propre petite épinglette qui clame haut et fort Louis-Philippe. Pas un truc fait à la va vite, avec un autocollant par-dessus la vieille épinglette d'un travailleur à temps partiel parti vers des ailleurs plus sympathiques. Non non, l'Étiquette Standard, avec mon nom gravé en belles lettres noires sur le plastique blanc.

Le problème, quand on travaille dans une petite boîte, c'est qu'on se retrouve toujours à faire un tas de trucs que normalement, on ne devrait pas avoir à faire. Au début, je vous assure, ce n'était presque rien: vider les poubelles après le travail, changer une ampoule grillée de temps à autre. Le genre de petit coup de main qu'on accepte de rendre parce que justement, ce n'est pas grand chose.

Puis, petit à petit, c'est emballer ou finaliser la présentation des produits avant l'ouverture, aider au comptoir pendant le rush de l'heure du lunch et finalement, ça devient programmer quand on a le temps, comme quand on fait de l'insomnie, parce que Hé Louis! Grouille-toi, y'a des clients pas encore servis!

"Je peux vous aider?"

Le sourire, check. L'air avenant, check. Le souvenir de ce qui est en spécial aujourd'hui, beaucoup moins check. J'espère qu'elle sait ce qu'elle veut, je ne voudrais pas mélanger tous les noms de nos pâtisseries du jour.

"Hmm..."

Huh oh. Une cliente à problème, c'est facile à deviner: les sourcils froncés, l'expression indécise, ce regard désapprobateur en direction de mes cheveux qui se traduit généralement par espèce de rebus de la société, retourne au néant d'où tu viens! Enfin, je crois que c'est espèce de rebus de la société, j'ai toujours de la difficulté à faire la différence entre ça et espèce de suppôt de Satan!

"Est-ce que vous cherchez quelque chose en particulier?", je demande, en me sentant particulièrement con même si c'est le discours standard.

Parce qu'à moins d'hésiter à mort entre un pain moisson aux raisins grillés et miel et un assortiment de biscuits aux amandes ou au café, on fait assez rapidement le tour des produits offerts en tout temps en boutique.

"J'ai commandé un gâteau, la semaine dernière", finit-elle par lâcher le morceau, après avoir silencieusement insulté peut-être 156% de ma personne.

J'attends une seconde en sortant le cahier des précommandes, lui laissant la chance de continuer. Généralement, c'est à ce moment-là que les gens enchaînent avec leur nom, le type de gâteau, la date de la commande peut-être, ce genre de touts petits détails de rien, mais oh combien pratiques pour que je puisse trouver leur commande.

Le silence s'étire et je sens son regard intense qui me vrille. Je crois qu'elle pense que j'ai une connexion directe avec son cerveau.

"Oui bien sûr, alors c'est à quel nom?"

Je suis certain, au moins à 99.9% que cette question n'a rien d'insultant. Je ne lui ai pas demandé son âge, ni son poids. Je crois qu'en matière d'identification, le nom d'une personne est souvent suffisant pour qu'on puisse procéder avec la suite des opérations.

"Comment ça, à quel nom!?", elle élève le ton. "Je viens de vous dire que j'ai commandé un gâteau la semaine dernière! Vous n'avez pas besoin de savoir qui je suis!

- D'accord...", une pointe d'hésitation, parce que d'habitude on ne me crie pas après si tôt dans la journée, puisque Jacques arrive généralement en début d'après-midi. "Alors, à quelle date avez-vous placé votre précommande, madame?"

Je feuillette rapidement les pages du cahier en même temps, cherchant les commandes passées la semaine dernière. Elle se contente d'un soupir irrité.

"Je ne sais pas trop, au début de la semaine, peut-être."

Bon, voilà déjà une piste. Je regarde le lundi, dix-huit précommandes. Je regarde le mardi: treize précommandes... Je lui jette un coup d'œil, me demandant sérieusement si elle s'attend à ce que je lui lise tout jusqu'à ce qu'elle entende la sienne.

"Et votre commande était pour quel type de gâteau?"

Je sais, c'est une question délicate. C'est toujours complexe de se souvenir si on a demandé un tiramisu, un gâteau au fromage au thé vert ou un mousse chocolat, orange et rhum.

"Hmpf, vous n'êtes pas vraiment compétent, n'est-ce pas?"

Ah non, merde. Quand on tombe sur le terrain de la compétence, je perds toujours. Bien sûr que je suis incompétent: le client à toujours raison! Je vais la jouer finement, en mode politesse avec un soupçon de je m'excuse madame, je sais que je vous suis inférieur.

"C'est que nous recevons beaucoup de précommandes, madame. J'aurais besoin de savoir sous quel nom vous avez placé la vôtre.

- C'est de la violation de vie privée!"

C'est qu'elle beugle en plus! Proportionnellement, je rougis. Je déteste me faire gueuler dessus par des étrangers. En fait, même si c'est par des gens que je connais, ça me fait généralement le même effet. Il faut que je reste calme, même si j'ai envie de disparaître sous le plancher.

"Non madame, c'est notre façon de procéder habituelle. Est-ce la première fois que vous achetez ici?"

...La gaffe.

"Mon garçon, j'achetais ici bien avant que tu sois né! Et le service était bien meilleur avant! C'est ça la jeunesse aujourd'hui, bonne à rien! Complètement incapable de m'apporter le simple gâteau que je demande!"

Arrêtez de hurler madame, s'il vous plaît. Je suis désolé, ce n'est pas mon boulot habituel, d'habitude j'aligne à l'écran des petits caractères qui font surtout du sens pour les gens ineptes socialement dans mon genre. Je suis désolé, je ne sais pas de quoi, d'exister peut-être, ou de ne pas savoir qui vous êtes. J'ai de plus en plus envie de mourir pour mettre fin à cette conversation qui n'est qu'une suite de souffrances quand je perçois un bienvenu mouvement sur ma droite, tout juste comme la dame commence à insulter ma généalogie.

"Madame", interrompt William avec son tact habituel, ce qui implique presque toujours une certaine part de dialogue à risque. "Pour votre bien, taisez-vous!"

Il se penche en avant par-dessus le comptoir dès qu'elle a l'air choqué et conspirateur, il lève une main pour cacher le mouvement de ses lèvres, mais il sait bien que je l'entends parfaitement. Et je sais bien qu'il sait que je l'entends parfaitement.

"Louis ici comprends l'hexadécimal", dit-il avec de gros yeux un peu inquiets derrière les verres rouges de ses lunettes. "Et il sait comment s'en servir...", continue-t-il, sa voix pleine d'une menace sourde.

La dame, par chance pour moi, j'imagine, ignore complètement ce qu'est l'hexadécimal. Dans le regard qu'elle me lance aussitôt, je crois que j'ai grimpé d'un cran jusqu'à oh mon Dieu, une créature du Mal, Seigneur, Marie, Joseph, protégez-nous!

William se redresse et me donne une grande claque sur l'épaule, avec un sourire forcé, comme si me parler lui coûtait terriblement.

"Ha ha", force-t-il le rire, parfait dans tout ce qu'il est de faussement nerveux. "Louis, mon cher, vas donc prendre une petite pause, je m'occupe de madame!"

Je n'ai pas besoin de me le faire répéter deux fois, je m'excuse poliment et m'éclipse dans un territoire plus sécuritaire, c'est-à-dire au fond de mon bureau où, pour me calmer, je lance une analyse antivirus sur le serveur. Pas que ce soit nécessaire, la tâche est automatisée pour être lancée toutes les nuits à deux heures du matin, mais regarder la barre de progression bleue et les noms de fichiers qui défilent rapidement a toujours sur moi un effet profondément déstressant.

"Je croyais pas qu'elle devait passer aujourd'hui, celle-là", s'excuse William en passant par la porte sa tête couronnée aujourd'hui d'un bandana rouge. "Elle est un peu... particulière."

Il s'installe sur la chaise en face de mon bureau, derrière les piles de documents de développement désuets que je n'ai pas classés depuis que je travaille ici. Il faut dire que j'ai difficilement le temps pour ça, on me fait passer de la version 3 à des modifications sur la 1, pour revenir récupérer certaines chose dans la 0 et oublier finalement tout, pour recommencer sur la 4. Enfin, quand j'ai le droit de toucher un clavier.

"Qu'est-ce que tu fais?

- Je chasse les gros vers et les petites bestioles indésirables. Dans l'espoir que vous oublierez tous que j'existe et que je n'aurai plus besoin de retourner là-bas."

William rit et défait son bandana, passe une main en peigne dans les cheveux foncés qui lui tombent jusqu'aux épaules et s'appuie au bord du bureau.

"Je crois que Kelly peut se débrouiller pour le reste."

J'hoche la tête, jusqu'à temps qu'un doute terrible m'envahisse. Je suis ici, donc pas derrière le comptoir. William est aussi ici, donc de toute évidence pas derrière le comptoir non plus. Trois moins deux, je crois que ça donne encore un.

"Tu l'a laissée toute seule?"

Il sourit.

"Pendant le rush?"

Le sourire s'étire.

"Est-ce que tu veux mourir jeune?"

Avec une pointe de masochisme... enfin, de sadisme... qui s'y mêle. Je regarde ma montre et lève une main, faisant le décompte.

"Cinq. Quatre. Trois. Deux. Un."

Kelly fait irruption dans la pièce et ses poings se referment sur l'uniforme de William. Elle devrait hurler, techniquement, ça donnerait à sa rage une toute autre dimension sur l'échelle internationale du Ça me Fiche la Trouille. Son expression et le fait qu'elle, toute menue pourtant, réussisse sans le moindre effort à soulever William de sa chaise sont suffisants pour me glacer de terreur. Même à deux doigts d'être déchiquetée vivante, sa proie continue de sourire.

"C'est pas l'heure de ma pause?", demande-t-il, l'air parfaitement innocent.

(23 juin 2007)

univers : infinite stupidity

Previous post Next post
Up