for (;;) {stupidity++;} > 7 > L'employé à toujours tort

Feb 01, 2008 12:40

Titre: L'employé à toujours tort
Auteurs: drakys & supaidachan
Fandom: original > for (;;) {stupidity++;}
Personnages: louis-philippe, jacques, william, kelly
Rating: PG
Disclaimer: ironie & bas blancs (drakys & supaidachan)
Notes: ici.

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Jacques sourit d'un air tellement crispé et faux qu'il a l'air fait en plastique. Un peu comme les figurines qui ont des expressions totalement psychopathes parce que quelqu'un, quelque part, à été assez sadique pour accepter les dessins préliminaires qui montraient le Joker avec quatre-vingt-dix-huit pour cent de son visage occupé par ses dents et son grand sourire. Ils auraient dû prévoir, pourtant, la génération entière d'enfants qui en feront des cauchemars. Surtout si les mêmes débiles décident de lui mettre un sourire qui brille dans le noir.

Qu'est-ce que je peux faire? Je ne peux pas lui demander Vous pourriez sourire moins? parce qu'il me demanderait nécessairement pourquoi. Et je ne suis pas certain que j'ai envie de répondre, le plus sérieusement du monde, la blancheur de vos dents m'éblouit.

C'est ridicule, comment un dentiste peut accepter de faire des traitements pour blanchir les dents jusqu'à ce qu'elles puissent être vues depuis la lune?

"Il y a un problème, Roy?", demande-t-il soudain et c'est absolument bluffant la vitesse à laquelle il passe du sourire terrifiant au froncement de sourcils un cran plus flippant. "Tu as besoin d'aide avec la caméra numérique?"

Euh, oui, parce qu'appuyer sur un bouton, c'est un concept qui m'a toujours échappé. Il faut dire que j'ai à peine suffisamment de neurones pour gérer ma respiration, surtout si je dois faire autre chose en même temps.

"Non, c'est hm", comment on dit ça Vous avez l'air d'être fait en cire, mais poliment?

Je m'empresse de recadrer sans rien me risquer à ajouter, j'ai trop peur de laisser paraître toute cette horreur qui me prend à la gorge. Et je me redemande pour la millième fois, à peu près, pourquoi je suis coincé à jouer les photographes. Enfin, je sais bien qu'ils sont radins, mais ils auraient pu s'offrir les services d'un professionnel pour prendre les clichés qui vont apparaître sur le site web.

D'ailleurs, je me demande bien pourquoi Jacques veut absolument y mettre des photos des propriétaires, ce n'est pas eux que les visiteurs du site vont vouloir manger. Enfin… j'espère.

***

"Qu'est-ce qui t'amène dans notre repaire du vice et de l'immoralité?", me lance William dès que j'entre dans la cuisine.

Je ne suis pas trop certain par quoi il faut que je réponde à ça, surtout qu'il m'ignore complètement, concentré sur une activité fort intellectuelle: morceau de chocolat à la main, il vise soigneusement Kelly. À en croire les morceaux de chocolat échoués par terre, ça fait un moment qu'ils répètent leur grande performance d'Envoyer un Morceau de Chocolat dans la Bouche de l'Autre dans la Gloire, la Précision et le Cacao. Il lance, échoue lamentablement et soupire.

Il vient à peine de tourner la tête pour me dire autre chose quand Kelly lui balance un carré de chocolat bien au centre de la joue droite. Il réussit à rattraper le morceau avant qu'il ne tombe par terre et il le lance aussitôt dans ma direction. J'arrive à l'attraper de justesse et le lui relance, réussissant à le déposer parfaitement dans sa bouche grande ouverte.

"Je vois que vous êtes terriblement occupés."

William hoche la tête, croque dans le carré de chocolat.

"Comment t'as fait ça?", demande-t-il en pointant sa bouche. "On est nuls en comparaison!

- Toutes ces heures perdues à jouer à Paper Throw, il fallait bien que ça me serve à quelque chose un jour", j'hausse les épaules.

Kelly vient m'ébouriffer les cheveux et pas satisfaite d'avoir détruit les beaux pics de mon mohawk, en rajoute en me pinçant les joues.

"C'est qu'il est bon dans tout, notre petit informaticien! Hein, qu'il est bon dans tout?"

Je recule avec empressement, me demandant si elle ne vient pas de bousiller tout ce que j'ai de nerfs et de muscles fonctionnels dans le visage. J'ai déjà bien assez d'une ou deux grandes-tantes qui essaient par les mêmes mouvements de m'assouplir la face, elles n'ont vraiment pas besoin d'une assistante pour y arriver. Pour se faire pardonner, elle me tend des retailles de chocolat. Je les examine d'un œil suspicieux.

"…Ça a traîné partout par terre?"

J'ai droit à une claque sur l'épaule pour mes efforts et elle m'interdit de me servir ensuite.

"Pourquoi t'es pas un peu plus comme William? Il n'hésite pas à mettre un peu n'importe quoi dans sa bouche, lui!

- Hé!", se défend-t-il, mais ce n'est que très moyennement crédible vu comment il est accroupit et ramasse, puis mange sans les inspecter, tous les bouts de chocolat qui n'échappent pas à son examen du plancher. "Qu'est-ce que tu viens faire ici, de toute façon?", demande-t-il en levant le nez de sa quête.

"J'ai besoin d'un coup de main. Il faut que je prenne des photos de ça et je ne sais pas trop ce que sont la moitié de ces trucs...", je lui tends la liste et Kelly lui jette un coup d'œil, haussant de plus en plus haut un sourcil.

Elle commence alors à me pointer la moitié des items.

"On ne fait plus ces gâteaux-là, ces mousses-là, on ne les fait que l'été, celles-là, à l'automne. On n'a pas fait de ça aujourd'hui, on ne fait ces pains-là qu'en hiver... C'est Jacques qui t'a donné cette liste?", j'hoche la tête. "Ça ne m'étonne pas qu'il te demande une liste parfaitement fidèle à ce qu'on vendait en tout temps il y a trois ans, ça doit être la dernière fois qu'il a jeté un coup d'œil à nos vitrines."

Kelly se tapote une tempe avec insistance.

"Il est un peu déconnecté de la réalité.

- Non, vraiment?", je lui réplique, mettant sur mon visage tout ce que je peux y mettre d'étonnement très mal feint.

J'ai encore droit à une claque et je me masse l'épaule en grimaçant. Elle va finir par me déboîter quelque chose et je n'ai pas si hâte que ça au moment où je devrai faire une petite visite à la clinique et qu'on me demandera Alors fiston, comment tu t'es fait ça? et que je devrai, en m'intéressant beaucoup au plancher, répondre Oh, c'est une amie au bureau, elle m'a donné à peu près dix-huit mille claques sur l'épaule. À force, hein, ça a dû un peu avoir son impact.

"William, occupe-toi de la cuisine, je vais l'aider avec les photos."

Avec un petit salut militaire exagéré, William lui lance un Oui, chef! et je deviens un moment le petit chien de poche de Kelly, qui m'organise de très jolies présentations dont je prends de généreuses séries de clichés.

***

"C'est parce que ça fait trois fois que je le recommence", je crois bon de le souligner, pour lui faire comprendre que franchement, je commence à en avoir sérieusement marre.

De toute évidence, ça ne lui fait pas un pli, ce genre de petit éclat sans importance de ma part. Jacques me regarde comme si je venais d'essayer de faire quelque chose de vil et méchant, comme de lui arracher un poil de nez ou faire fondre son stylo préféré en le mettant au micro-ondes. Il pointe l'écran comme si c'était la chose la plus odieuse qu'il a vu depuis longtemps.

"Ce n'est pas ce que je t'ai demandé."

Non, bien sûr que ce n'est pas ce qu'il m'a demandé. Ce qu'il m'a demandé était laid, horrible et était certain de causer des saignements massifs au cerveau chez quiconque allait tomber sur la page web du Cibo degli Dei. Jacques est très bon dans certains domaines, comme la comptabilité et rendre les gens aux trois quarts fous, mais s'il y a un endroit où il n'excelle pas, c'est bien dans le domaine artistique. Si je voulais concevoir des sites moches, je me trouverais une machine à remonter le temps pour retourner au tout début des premiers frémissements d'être de l'Internet, quand le texte régnait en maître et que les images étaient rares et prenaient deux minutes chacune à télécharger via les premiers modems téléphoniques.

"Je sais, j'ai voulu donner un peu de punch à votre concept, pour le rendre plus accrocheur."

Ce qui veut dire, en termes clairs: grr, argh, messire roi des connards, laissez-moi faire mon boulot! Mais comme ce sont des choses que les petits garçons bien élevés ne disent pas, surtout s'ils veulent conserver leur job, je tente une autre approche. Je lui pointe la page principale.

"Comme ça, c'est plus agréable à l'œil, ça ne fait pas ramassis de tout en une page.

- Mais je t'avais bien dit que je ne voulais pas de barre de défilement!"

Il glisse le curseur de la souris sur le côté de l'écran et bouge la barre de bas en haut. J'hésite. Je pourrais soulever son écran plat et l'assommer avec ou je pourrais me laisser tomber sur le coupe-papier qui traîne si gentiment sur son bureau, dans l'espoir qu'il me perce un organe vital et que je meure au bout de mon sang.

"Votre résolution est de 800 par 600, il y a une barre de défilement parce que ça crée un espace très réduit pour l'affichage.

- Et qu'est-ce qui arrive si je change de résolution, hein!?", beugle-t-il en s'exécutant aussitôt, cliquant pour passer en 1024 par 768. "Ça doit tout défaire et le site ne doit plus apparaître comme il f-", il s'interrompt, fixant l'écran qui lui montre son sacro-saint site web tout beau et tout joli.

"C'est une mise en page dynamique, qui s'adapte aux différentes résolutions d'écran."

Je ne sais pas pourquoi je lui explique. Je pourrais aussi bien lui parler du processus de procréation des mousses de nombril qu'il m'ignorerait aussi bien, fixant depuis derrière ses lunettes avec ses petits yeux pleins de fureur le fruit de mon labeur. Je le fixe avec lui, cherchant quoi ajouter pour le convaincre. Bien sûr, j'ai un argument de poids: votre mise en page était tellement horrible qu'elle me donnait envie de vomir partout, mais quelque chose me dit que ce genre de remarque ne serait pas beaucoup appréciée.

Le site est assez laid comme ça, j'ai déjà bien assez honte d'avoir dû participer à la création d'une telle monstruosité. Je sens mon âme qui se tortille, roussie et rabougrie par le simple fait d'être mêlée au développement d'un tel monument au mauvais goût.

"Je veux que chaque page cadre parfaitement dans un seul écran. Je ne veux pas de barre de défilement! Je croyais que j'avais été assez clair!"

Je me passe une main sur le visage, me pince l'arrête du nez et après dix secondes qui doivent lui paraître comme dix mille ans et finalement, je lui souris. Il y a une part de moi qui veut pleurer, mais je la coince dans un coin sombre avant qu'elle ne prenne d'assaut le reste de mon corps et que je me transforme en marre d'eau salée par terre. De la toute petite voix soumise du type qui veut encore avoir un chèque de paie et le boulot qui vient avec, je cède:

"D'accord, je vais recommencer."

(1er février 2008)

univers : infinite stupidity

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