Anthologie: Seasonal Allergies
Titre: Le meilleur ami de la sorcière moderne
Auteurs: drakys & supaidachan
Fandom: original > les nouvelles aventures des losers!
Personnages: henry every, zwölf et freya
Rating: PG
Disclaimer: ironie & bas blancs (drakys & supaidachan)
Notes: tout est
ici.
Henry Every les suivait de son regard doré, mais avec subtilité. Le vieux Khook, avec sa peau foncée et ses cheveux crépus tressés, doutait fort que les enfants de la famille royale avait un quelconque intérêt à lui voler ses tapis.
Ses tapis étaient très réputés dans la région, et quand il avait envie de se flatter, il disait dans le monde entier. Il en avait tissé lui-même plus de six cent depuis le début de sa vie d'adulte, son épouse Brandy peut-être une centaine des plus grands et des plus beaux et son fils Sean commençait à être tout aussi réputé, malgré le fait qu'il n'en avait terminé que huit, au dernier compte du vieux Every.
Ils avaient tissés des tapis de génération en génération, depuis que les pères de leurs pères étaient venus s'installer dans le Royaume. Ils filaient, teignaient, tissaient et vendaient depuis des centaines d'années. Et certains des anciens tapis, les premiers Every, qui se conservaient miraculeusement bien à moins d'être jetés au feu, se vendaient bien au-delà de dix milles pièces d'or.
Henry repensait vaguement à son arbre généalogique tissé dans ses tapis devant lui quand il entendit un son qu'il n'aima pas.
Un son qu'il n'avait jamais vraiment aimé.
"Non!", s'était soudain écrié Zwölf avec horreur. Ses yeux verts s'étaient fermés sur le coup de la honte et il cacha son visage dans ses mains recouvertes de tatouages. "Oh par les dieux, par tout ce qui est sacré, qu'est-ce que tu as encore fait!?", gémit-il.
Il pensa qu'il n'aurait jamais dû la suivre dans cette stupide échoppe de tapis, même si sa mère lui avait expressément ordonné de garder un œil sur elle.
Freya avait au visage un air d'innocence tout à fait inconvenant.
"Mais c'est un bon sort!", argua-t-elle, tout sourire.
Zwölf secoua la tête avec un bruit qui ressemblait suspicieusement à un sanglot. Il se força à arrêter de paniquer et pu offrir un visage raisonnablement calme au pauvre Henry qui s'était précipité vers eux.
"Monsieur Every…", commença posément le garçon aîné de la famille royale. "Nous-" Sa voix se brisa et il replaça nerveusement ses cheveux blonds derrière ses oreilles. "Nous aimerions faire l'achat de ce tapis", annonça-t-il finalement.
Il désignait de toute évidence le tapis qui volait au-dessus de leurs têtes.
Le tapis qui volait au-dessus de leurs têtes.
Henry Every avait vu beaucoup de choses dans sa vie, mais un tapis volant n'était certainement pas l'une d'elles. Il fixa le tapis, un fin spécimen de la génération précédente: il reconnaissait le style de son père, feu monsieur Geoffrey et les couleurs flamboyantes qu'il aimait utiliser. Les fils d'or rehaussaient la beauté de ce tapis particulier, qui avait par ailleurs toujours eut un peu l'air d'avoir une vie propre.
"Ce tapis?", répéta le pauvre tisseur barre oblique vendeur de tapis.
"Oui", fit Freya avec un sourire. "Ursule m'a dit qu'il aimerait bien venir avec moi.
- …Ursule?", répéta Henry, la couleur peu à peu drainée de son visage.
Zwölf s'interposa avant de faire quelque chose d'extrême, comme d'exploser en sanglots ou de tuer sa sœur avec le poignard au manche d'ivoire qu'il voyait à la ceinture du vieux Every.
"Serait-il possible d'en connaître le prix?
- Le… prix?", fit Henry, le regard toujours braqué vers le haut.
"Oui", s'énerva le prince. "Le prix, la somme que vous en demandez, le nombre de pièces d'or qu'il va falloir que je débourse pour que cette gamine insupportable me foute la paix!", finit-il sur une voix quelque peu hystérique.
Apparemment, le tic nerveux à côté de l'œil droit du jeune adulte ramena Henry à la réalité.
"Bien sûr mon bon prince, bien sûr. Le prix!", fit-il joyeusement en se frottant les mains.
Il pointa le tapis.
"Comme vous pouvez voir, c'est un tapis de la précédente génération. Une qualité extrême, des couleurs sublimes: ces superbes tons chauds de rouge et d'orangé qui n'ont rien perdu de leur éclat avec les années! Et cette fine remarque de violet, ces enluminures dorées sur ce spécimen tout à fait unique en font-
- Le prix!", s'impatienta Zwölf.
Henry Every se rembrunit un peu. Le garçon n'était évidemment pas amateur. Mais un coup d'œil vers Freya, qui flattait gentiment le tapis comme un petit animal de compagnie, lui fit comprendre que la création de sa famille serait entre bonnes mains.
"Et bien bon prince, deux cent pièces d'or."
Zwölf devint plus blanc que blanc, pour reprendre l'expression des publicités de lessive.
"Il en vaut plus de cinq cent, mon bon prince", crut bon de préciser Henry. "Même qu'un seigneur m'a déjà offert le triple de cette somme avant de se désister bêtement, sa maîtresse ne voulant plus de ce merveilleux tapis."
Le prince cligna finalement des yeux et baissa une main vers sa bourse.
"D'a-d'accord. Deux… deux cent."
C'était toutes ses économies, sept mois de travail, qu'il avait prévu de dépenser sur un fantastique ouvrage antique d'alchimie qu'il avait vu une semaine plus tôt dans sa librairie favorite. Peut-être le libraire pourrait-il le lui mettre de côté? S'il trouvait un ou deux petits boulots de plus… L'idée de tuer sa sœur lui revint à l'esprit, plus oppressante que jamais. Il secoua la tête pour la chasser.
Il ne pouvait plus lui refuser le tapis, pas maintenant qu'elle l'avait enchanté.
Il passa à la caisse et compta lentement ses pièces avant de les pousser vers un Henry très souriant. Il ne lui restait plus que quelques pièces d'or et une poignée de piécettes de cuivre.
"Merci bien, mon bon prince. C'est un véritable plaisir de faire des affaires avec vous!
- Je n'en doute pas", répliqua Zwölf entre ses dents serrées.
Il se détourna et alla s'éloigner quand Henry le rappela.
"Un instant, mon prince! Je ne vous ai pas donné son certificat d'authenticité et ses instructions d'entretien!"
Le vieux Khook se pencha sous son comptoir en grommelant et chercha dans ses boîtes. Zwölf posa une main sur le comptoir, encore un peu faible de la dépense imprévue.
"Voilà!", s'exclama Henry en lui remettant les papiers. "Pour une somme minime, sachez qu'il nous fera plaisir de le nettoyer à votre convenance!"
Le blond hocha la tête, roula les papiers et les glissa dans sa veste.
"Merci beaucoup monsieur Every, je louerai la qualité de votre service et celle de vos tapis", grinça-t-il en essayant de ne plus penser à son ouvrage antique d'alchimie, avec sa belle reliure de cuir rouge et ses enluminures d'argent, ses formules écrites à l'encre bleue et ses magnifiques gravures-
Ses poings se serrèrent de façon convulsive et il prit une grande inspiration qu'il expira lentement.
"Merci", répéta-t-il finalement.
"C'est moi qui vous remercie!", sourit Henry en les regardant sortir tous les trois de sa boutique.
Zwölf s'immobilisa quelques pas plus loin, tout son corps tendu comme s'il essayait de résister à quelque chose de particulièrement tentant. Sa jeune sœur se doutait que ce quelque chose en question était très probablement violent et dirigé contre elle.
Elle ne put s'empêcher de sourire, amusée. Elle caressa Ursule, le gratta dans un coin se qui le fit frétiller de plaisir et elle lui tapota ensuite le centre.
"Je ne veux plus jamais que tu m'accompagnes quand j'ai besoin d'aller faire des achats, c'est clair!?", grinça finalement son frère entre ses dents.
"Mais-", commença Freya en renvoyant une tresse de cheveux foncés derrière son épaule.
Elle n'eut jamais le temps de finir. Zwölf avait vu une échoppe de tatouage et s'y était aussitôt dirigé à grands pas.
"Besoin d'un remontant", commença-t-il à marmonner en s'éloignant. "Tapis volant, quel foutue connerie", continua-t-il et sautant ensuite à un sujet qui lui tenait plus à cœur: "J'ai encore un petit espace dans le dos où je voulais faire tatouer ce nouvel assemblage de symb-"
Sa voix se perdit dans la foule et Freya put enfin regarder son tapis.
"Eh bien Ursie, si toi et moi on allait voler un peu?"
Les coins du tapis s'agitèrent rapidement et après avoir tourné une fois autour de sa jeune maîtresse, il plana devant elle. Son extrémité forma un marchepied et Freya sauta gracieusement dessus, avant de s'installer en tailleur sur son tapis volant.
"Allez Ursie, vers l'infini et plus loin encore!"
Si le tapis avait pu faire un petit bruit triomphant de trompette, il l'aurait fait.
(~2004)