Anthologie: Seasonal Allergies
Titre: Compte à affecter
Auteurs: drakys & supaidachan
Fandom: original > les nouvelles aventures des losers!
Personnages: geld, schuyler, magiè, marek et lilka
Rating: PG
Disclaimer: ironie & bas blancs (drakys & supaidachan)
Notes: tout est
ici.
Les livres et états de compte s'empilaient apparemment plus vite qu'il ne pouvait les consulter. Reclus depuis des mois dans une petite pièce, il avait plus ou moins oublié ce que c'était de vivre hors de son bureau. Avec un taux criminellement élevé de caféine dans le sang, il consultait avec une belle régularité les nombreuses colonnes de chiffres écrites en pattes de mouche.
Ce que le pauvre Geld ignorait, c'était qu'il subissait un test depuis son entrée en fonction. Parce qu'honnêtement, le Ministère des Finances n'accordait pas vraiment d'importance aux archives des transactions financières vieilles d'une dizaine d'années. Il s'agissait par contre d'un excellent moyen de classer les nombreux jeunes qui appliquaient en tant qu'internes au Ministère.
Le Ministre lui-même arpentait les corridors, évaluant régulièrement le travail des internes. Et Geld avait piqué sa curiosité depuis son entrée. Sans broncher, le jeune homme avait révisé plus de quinze ans de transactions et présenté deux rapports proposant d'excellentes idées pour maximiser les revenus engendrés par les nombreuses foires commerciales.
Sans prévenir, il entra un matin dans le bureau du jeune homme et s'éclaircit la gorge pour attirer son attention. Remontant ses petites lunettes rondes cerclées de fer sur son nez, Geld poussa une exclamation de surprise en le reconnaissant:
"Maître Schuyler!"
Et il s'inclina rapidement, regrettant aussitôt sa barbe mal rasée, ses cernes et ses vêtements froissés. Le Ministre éclata d'un rire bon enfant.
"Pas besoin de faire tant de manières! Suis-moi plutôt, j'ai un ou deux trucs à te dire…"
Schuyler sortit de la pièce, le jeune interne sur les talons. Il garda le silence jusqu'à ce qu'il se retrouve enfin dehors. Geld fut un moment aveuglé par le soleil, mettant une main en visière au-dessus de ses yeux.
"Monsieur le Ministre?
- Je suis désolé, Geld", commença son supérieur. "Mais tu ne travailleras plus ici."
Geld ralentit le pas. Une seconde plus tôt, il était transporté de bonheur qu'un homme aussi influent connaisse son nom. Maintenant, il espérait qu'il avait mal entendu.
"Pardon Monsieur?
- Oui, je suis désolé. Je sais bien que tu aimais ce misérable petit bureau, mais je ne veux plus te voir là!", poursuivit Schuyler sèchement.
Son jeune interne arrêta brusquement de marcher.
"Mais… Que- Hein!?"
Le Ministre se retourna, sourire aux lèvres.
"J'aimerais beaucoup mieux que tu travailles pour moi, en tant que vice-ministre!"
Geld vira au blanc. Lentement, il plaqua deux doigts contre sa jugulaire, pour vérifier que son cœur battait encore. Puis un sourire illumina son visage et il se jeta sur son bienfaiteur pour lui serrer la main, hurlant ses remerciements avec excitation.
"Ça va, ça va! Pas besoin de m'arracher un bras! Suis-moi, je vais te montrer ton nouveau bureau…"
***
Trois ans et huit remaniements à la Constitution Financière plus tard, Geld s'était fait une excellente réputation en tant que vice-ministre. Non seulement il avait réussi à faire réduire de moitié les impôts de la population, mais il avait comblé le manque engendré par cette baisse d'impôts en doublant les revenus grâce à l'amélioration de la gestion et de la logistique entourant les foires commerciales.
Le Ministre des Finances Schuyler ne tarissait pas d'éloges sur celui qu'il désignait maintenant ouvertement comme son successeur.
Le Royaume s'était peu à peu transformé en un très efficace Empire du Commerce, géré conjointement par les représentants des marchands permanents de la ville, les différents Ministères ainsi que par la jeune reine.
Depuis qu'elle avait succédée à sa mère adoptive, Magiè prenait très à cœur les intérêts de son Royaume, mais surtout ceux de son peuple. Elle avait personnellement plaidé de nombreuses causes devant le Comité des Institutions Publiques, rendant possible l'instauration d'écoles et d'hôpitaux complètement financées par la couronne.
La jeune femme avait même déjà adopté deux enfants, faisant d'une jolie petite fille de trois ans la princesse héritière de cet Empire florissant.
Les choses allaient pour le mieux, et allaient même en s'améliorant. Un matin, Magiè reçut le rapport quotidien du sommaire des nouvelles propositions d'études accompagné d'une superbe rose rouge. Ignorant pour une fois complètement le rapport, elle souleva la rose et sourit. Intriguée, elle traversa rapidement sa chambre et ouvrit la porte qui donnait sur son boudoir.
"Marek?", appela-t-elle.
Sa suivante, qui partageait son service entre celui de la reine actuelle et de l'ancienne, leva les yeux du livre qu'elle lisait distraitement.
"Oui madame?
- Qui m'apporte les rapports habituellement?
- Un ou l'autre des internes du Ministère des Finances.
- Et aujourd'hui, qui l'a apporté?"
Marek fronça les sourcils, songeuse.
"Je crois que c'était un de ces internes…"
Sa suivante attitrée passa la tête par la porte de la chambre des enfants.
"Oh non Marek-wysoka! C'était le jeune vice-ministre! Il avait l'air très nerveux quand il m'a remis ce rapport.
- Merci Lilka!", s'enthousiasma la jeune reine.
***
Après une semaine d'un manège semblable, la seule différence étant le type et le nombre de fleurs qui variaient, Magiè décida de prendre les choses en main. Elle se présenta de bon matin à la demeure de son Ministre des Finances, qui l'accueillit encore en pyjamas et pantoufles.
"Votre Majesté, pardonnez ce relâchement à un vieil homme comme moi!
- Oh oncle Schulie! Allons donc! Vous êtes encore un fringant jeune homme, tout le monde sait ça!", répliqua affectueusement la reine, lui arrachant un rire joyeux. "Et comme je vous tiens en haute estime, je sais que vous pourrez bien me faire une petite faveur…"
***
Schuyler avait l'air sévère, ce qui ne pouvait dire que deux choses: soit sa fille lui avait perdu une bonne somme aux courses de la veille ou bien il était sur le point de lui imposer quelque charge du plus total ennui.
"Geld, j'ai une faveur à te demander."
Le vice-ministre roula des yeux. C'était de toute évidence la deuxième option qui affectait l'humeur de son supérieur.
"Oui?
- Il y a un souper diplomatique ce soir et je suis dans l'impossibilité de m'y rendre. Je veux que tu me remplaces.
- Mais-
- Je sais que tu vas me faire honneur!
- Mais-
- Je t'en remercie infiniment!
- D'accord", soupira Geld, s'éloignant avant de se faire coller une autre tâche ingrate.
"Vingt heures sonnantes!", précisa le Ministre avant qu'il sorte de son bureau, sourire fendu jusqu'aux oreilles.
***
En passant devant le miroir, il examina sa toilette. Elle était en tout point irréprochable. Il passa une main en peigne dans ses cheveux, pour faire bonne mesure et remonta ses lunettes sur son nez. Il prit une grande inspiration et sourit à son reflet.
"Bonne chance vieux!", s'encouragea-t-il.
Puis il poussa la porte de la salle de réception qu'on lui avait désignée et il resta immobile dans l'encadrement.
Il n'y avait personne. Pas âme qui vive dans la grande salle pourtant dressée de façon royale. Il fronça les sourcils, ennuyé. Qui était l'imbécile qui lui avait désigné la mauvaise salle? Il se retourna en grommelant, la porte se refermant derrière lui, et tomba face à face avec la reine.
Il écarquilla les yeux, oubliant de respirer.
"Vous attendez quelqu'un?", demanda Magiè, tout sourire.
"Euh", réussit-il à articuler en guise de réponse.
"N'attendez pas vos amis du comité diplomatique, il n'a jamais été prévu qu'ils viennent. Je trouvais seulement cette idée pour vous inviter à souper assez originale… Et surtout, elle m'assurait de votre présence!"
Elle le poussa légèrement dans la salle de réception, où dans le court intervalle durant lequel la porte s'était refermée, un petit orchestre s'était mis en place et avait commencé à jouer dès leur entrée. Des domestiques s'affairaient efficacement autour d'eux.
Pétrifié, le pauvre Geld regardait la scène comme si elle n'avait été qu'une illusion.
La reine se retourna vers lui et souriante, lui demanda:
"Alors, quels sont vos plans, Maître Geld?
- M-Mes p-plans?", bafouilla le pauvre vice-ministre. "Mes plans p-pour quoi?
- Oh, disons pour l'éternité…"
Geld ouvrit la bouche. Puis la referma. Il se pinça et sursauta à la douleur aiguë et soudaine, excessivement heureux de ne pas être la victime d'un rêve superbe.
(~2004)