Disclaimer : Excepté Vanitas, tous les personnages du chapitre m'appartiennent. Tout comme le monde Lartsa
Notes : C'est un chapitre assez lourd, où il se passe énormément de choses en relativement peu de temps. Du coup, j'espère que ce n'est pas indigeste. N'hésitez pas à me pointer les fautes qui doivent traîner ici et là.
Bonne lecture.
NOTA - Prologuo
Espoir des étoiles échues
Comme toutes ses semblables avant elle, la créature naquit la Faim au ventre, à l’endroit même où son réceptacle d’origine avait trouvé la mort, des griffes de ses soeurs. Poussé par un instinct animal, elle se retourna, se transforma en une flaque d’ombre qui glissa sur le sol vers l’immense porte grise qu’elle apercevait au loin. Ses sens le lui disaient, qu’au-delà de la barrière se trouvait les chemins menant à la satiété. Des endroits emplis de coeurs qui n’attendaient qu’à être goulûment absorbés.
Ses longues antennes tordues s’agitèrent sous le coup de l’agacement tandis que la bête reprenait sa forme humanoïde. Ses doigts frappèrent la matière étrangement brillante, sans qu’il n’y eût de résultat probant. Des minuscules loupiottes jaunâtres brillaient autour d’elle, attentives. Elle savaient que toutes les autres l’observaient, voir si elle réussirait à ouvrir le passage vers ces mondes de lumière qu’elles convoitaient tant depuis la fin des temps. Parce que la Faim était là, ancrée au plus profond de leur être depuis leur naissance, et pour certains, matérialisée parce ce vide à la forme étrange qui marquait leur corps.
Comme frustrée, avec un semblant de rage, elle s’acharna sur l’obstacle un moment, avant de finalement reculer pour se fondre dans l’océan de pénombre tacheté d’or que formaient les autres. Toutes ensembles, elles formaient un flot incessant de ténèbres, toujours en mouvement. Animées par la Faim, agitées par le fait d’être enfermées dans leur territoire et ses bordures, patientant inlassablement pour le moment où un être de lumière finirait par ouvrir la porte. Leur instinctive mémoire collective l’informa que cela n’était arrivé pendant un bref instant il n’y avait pas si longtemps, et que certaines avaient alors pu festoyer d’un des coeurs les délicieux qui fût.
Ses pieds écrasèrent sans merci des ombres qui se trouvait là tandis qu’elle s’extirpait de la marée noire pour rejoindre un chemin, se laissant guider par ses sens bestiaux vers une autre part du domaine. Il y avait quelque chose là-bas. Ses narines venaient seulement d’en capturer l’odeur : aussi intoxicante que ces essences dont ils se nourrissaient, elle était cependant teintée et alourdie d’une noirceur si semblable à la leur que cela l’intriguât. Avec un peu de chance, ce serait comestible et apaiserait un peu la Faim. Sinon, ce serait toujours ça pour l’occuper un peu dans cet endroit où il n’y avait presque rien d’autre que les autres membres de sa propre espèce.
Elle glissa le long d’un promontoire, se jeta dans l’eau aussi sombre que la nuit et remua ses membres pour atteindre le lointain morceau de terre. La fragrance se fit beaucoup plus présente, plus insistante. D’ailleurs, la créature en discernait deux bien distinctes, malgré leur similaire nature ténébreuse qui, ajoutées l’une à l’autre, formaient une senteur dense, presque matérielle.
La bête émergea sur une plage d’un sable couleur jais, étincelant comme s’il était composé de pierres reflétant la lueur bleutée du ciel. Malgré les mouvements qu’il lui semblait percevoir à la lisière de ses sens, elle était absolument certaine que personne de sa race ne se trouvait là. Ce n’était pas leur signature olfactive. Celles-ci étaient étranges, distordues. Suivant leur piste, il se fondit dans une roche, la traversant de l’intérieur pour arriver à son sommet.
Sa tête émergeait à peine du sol qu’une chose des plus singulières mordit la pointe de ses précieuses antennes. Un concentré d’émotions négatives soigneusement enveloppé d’une peau bleue, aux extrémités effilées, en pointe. Agacé, il tendit son bras. Celui-ci s’enfonça sans mal dans la poitrine de l’être qui ne devait pas être plus fort qu’une ombre. Malheureusement, ça ne libéra pas de coeur à dévorer, juste une flopée de flammes noires qui s’évanouirent rapidement dans l’air.
Elle reprit donc son chemin, se fondant à nouveau en une flaque vers les objets de sa curiosité. Le premier était assis sur le sol, affaissé vers l’avant, la tête recouverte d’un casque, dont le trou béant sur un des côtés laissant entrevoir une masse de cheveux bruns, ainsi qu’une paupière à demi-ouverte sur un oeil ambre. Sans vie. De nombreux filaments noirs et bleus serpentaient autour du corps, formant une mince brume. Lorsqu’il s’approcha, un ruban se détacha, prit la forme de cette curieuse chose qui l’avait attaqué. Comme sa semblable, elle fut détruite avec une facilité déconcertante.
La seconde chose qui l’intéressait se trouvait à quelque pas seulement. L’être était en tailleur au centre d’une flaque d’obscurité liquide sans que cela ne semblât le déranger plus que ça. Dans la relative pénombre, avec son teint pâle et ses courts cheveux platine, il avait l’air d’un soleil aux yeux d’argent. Si sa forme avait une apparence humaine, la créature constata que sous les ténèbres contenus dedans, il n’y avait pas non plus la trace d’un coeur. La Faim en profita pour manifester sa déception, creusant un peu plus profondément son nid en elle.
L’humain-qui-n’en-était-pas-un se releva avec un sourire lorsqu’il le vit, remuant ses lèvres si pâles qu’elles ne se démarquaient guère de sa peau, sinon la mince ligne rosée qui en délimitait le bord intérieur. Bien qu’elle ne comprit pas les sons qu’il prononçait, ceux-ci lui semblaient étrangement familiers, sans qu’elle ne pût pour autant, trouver à quoi ils faisaient référence ni où ou quand elle aurait pu les entendre.
Après tout, elle n’avait jamais quitté le Domaine. Autrement, cela ferait longtemps que, ses semblables et elle, seraient loin de ce endroit, autant leur maison qu’une prison ; les retenaient de se repaître des coeurs des innombrables mondes et les isolaient d’eux. Cependant, comme toutes les autres, elle attendait patiemment que le jour arrivât où, un humain relierait à nouveau un monde aux ténèbres. Puis, le festin débuterait. Jusqu’à ce qu’il ne restât rien de leur passage. Ainsi peut-être la Faim serait-elle enfin apaisée.
Un frémissement la prit ; elle sauta en arrière pour échapper à la main qui venait de se poser sur sa tête. L’autre souriait, ses lèvres délivrant toujours ses incompréhensibles messages, alors qu’il s’approchait encore, ignorant les claquements d’antennes préventifs de la bête.
Ses griffes se plantèrent dans les doigts tendus vers lui, déchirant la chair comme si ce n’était qu’un amas de papier. De la matière noire et épaisse s’écoula de la blessure, avant de se répandre sur le sol, puis dans l’atmosphère, formant une sorte de cocon dont l’obscurité les enveloppa, mangeant, sinon eux, tout ce qu’il y avait à voir. L’humain-qui-n’en-était-pas-un souriait toujours. Il se pencha lentement vers elle et, attrapa son menton pour planter son regard métallique dans les siens. Puis, avec délicatesse et langueur, son bras traversa son corps, le perça de part en part, avant de souffler sur les lambeaux d’obscurité et le coeur qui, à peine quelques instants auparavant, formaient un sans-coeur.
« Ganymède, Ganymède, revenez-donc parmi nous », chantait la voix du Chef d’Orchestre, tandis qu’on touchait gentiment ses tempes avec une étincelle de magie, pour le ramener à la conscience.
L’interpellé cligna plusieurs fois des yeux afin de fixer sa vision encore troublée par le sommeil. Quelques instants plus tard, celle-ci avait retrouvé sa netteté habituelle, déjà bien trop basse pour qu’il pût distinguer clairement les contours de son Maître penché au dessus de lui. Il devinait son expression de douce impatience, alors qu’il attendait que le cadet eut suffisamment repris ses esprits. Il s’écarta légèrement avant de demander :
« Avez-vous rêvé aujourd’hui ? »
Bien que les deux fussent parfaitement au courant de l’évidente réponse, la question était un rituel quotidien entre eux. Un moyen d’établir les progrès de la nuit et de faire le point. L’élève raconta son rêve à son professeur, constatant que cette fois, il se souvenait de tout, et avait pu restituer les évènements jusqu’au moindre détail, sans rien omettre. C’était la première fois qu’il n’oubliait rien et, la fierté l’emplit lorsque les félicitations chaleureuses tombèrent. Malgré cela, l’adolescent retomba bien vite sur terre, quand il perçut l’infime trouble que les barrières psychiques de son Maître ne parvenaient à masquer. À moins que ses sens ne fussent plus aiguisés.
« Maître ? Y a-t-il un problème ?
- Un problème ? Pas encore. Mais il tambourine aux portes de notre monde. Des sans-coeurs Ganymède. De plus en plus qui se rassemblent. Pour le moment, ils n’ont pas encore attaqué mais je doute qu’ils ne patientent plus longtemps. Après tout, le Clown de notre Cirque possède une keyblade. Ils ont déjà du planter les graines de la destruction dans le coeur du peuple. Je vous prie de ne pas m’en demander plus Ganymède. »
Il prit ses mains dans les siennes avec un sourire indulgent. Il faisait ça à chaque fois qu’il lui expliquait quelque chose d’important. Une habitude vieille de l’enfance de son pupille, et qui, maintenant qu’il avait atteint ses seize ans, tendait à l’embarrasser. Il n’était certes pas un adulte, mais il était loin d’être un enfant non plus. Il ne fit cependant pas la remarque à voix haute. Notamment parce que cela ne servirait à rien. C’était le genre de choses dont son Maître avait parfaitement conscience.
« Monsieur Loyal a réclamé votre présence dès votre réveil. Je suis certain qu’il vous expliquera la situation. Si ce n’est pas le cas, je vous promets de répondre à vos interrogations. Cependant, pour le moment présent, je vous attendrai en dehors de votre chambre. Ne tardez pas trop. »
Le jeune homme hocha la tête. Cependant, il ne put se résoudre à se lever dans l’instant. Maintenant qu’il était livré à lui-même, tout l’impact de son rêve lui revenait. Pour quelqu’un de sa nature, il était fréquent de se retrouver dans la peau d’un autre être vivant le temps d’un songe. Cependant, c’était d’un heartless qu’il s’agissait cette fois. Une immonde créature qu’il n’était même pas certain de pouvoir qualifier de « vivante ». Il réprima un frisson de dégoût, mêlé à une peur profondément ancré en lui tandis qu’il se rappelait des milliers de yeux jaunes. Et surtout… La porte. Les sans-coeurs et la porte.
Il secoua la tête, se rappela fermement à l’ordre. Non ! Il n’avait pas le temps de s’appesantir avec de telles pensées ! Il en aurait tout le loisir plus tard, surtout si les viles bêtes menaçaient son monde. En attendant, Eaque le demandait et, il ne tenait pas spécialement à faire attendre le Monsieur Loyal, surtout dans une telle situation.
En sortant de son lit, il faillit glisser : son pied s’était posé sur une balle qu’il n’avait pas vu. Plus précisément, dont il n’avait aperçu qu’une vague tâche jaune canari, sur un fond doré qu’il savait bien plus sombre, mais qu’il peinait à distinguer sans se fatiguer. Après avoir donné un coup dans le petit objet, il l’écarta dans léger coup.
Ensuite, il tâta prudemment autour de lui, voir s’il n’avait pas laissé traîné quelque chose susceptible de le faire trébucher. Sa vue se dégradant de plus en plus vite, il devenait nécessaire pour lui de suivre les conseils de son mentor quant à mettre un peu plus d’ordre dans ses affaires. Notamment pour éviter ce genre de désagréable surprise, qui tendait à survenir de plus en plus souvent. Vivement qu’il s’y habituât, et qu’il acquît l’aisance toute naturelle de l’adulte.
De légers coups tapés contre la porte le rappelèrent à l’ordre. Soupir tandis qu’il enfilait une veste noir par dessus sa chemise blanche large et bouffante, ainsi qu’un simple pantalon rouge. Il se contenta de passer une main dans sa chevelure longue chevelure brune pour la coiffer et, considérant qu’il était prêt, il enfila sa paire de bottes en cuir avant de rejoindre son Maître.
« Maître ? fit-il au détour d’un couloir avant d’enchaîner sans même attendre de signe : Je ne pensais pas qu’il était possible de rêver de sans-coeurs… Comment cela se fait-il ? Pourquoi ? Y a-t-il une signification à ça ?
- Bien sûr. Lorsque nous rêvons, c’est toujours à une fin particulière. C’est juste que vous n’avez pas encore conscience de cette fin. Ganymède, votre souhait le plus cher est de revoir votre frère n’est-il pas ? Je ne doute pas que cela ait un rapport avec cette volonté. Je ne peux cependant pas me permettre de m’avancer plus dans des théories : vous êtes encore bien jeune et vos pouvoirs, n’ont encore atteint leur pleine maturité et vous n’en avez qu’une maîtrise toute partielle. Ce sont peut-être des choses que vous comprendrez par la suite. Ayez un peu de patience.
- N’y-a-t-il pas de réponse concrète, une signification exacte… Comme lorsque vous, vous rêvez et savez à quoi correspondent exactement vos songes. »
L’autre lui sourit, ébouriffa sa chevelure avant de répondre :
« J’ai des années de pratique derrière moi, ne l’oubliez pas. Et puis, une fois que vos capacités seront pleinement éveillées, tout ira mieux. Il vous sera beaucoup plus simple de les contrôler… après un temps, il ajouta :
Même si la maîtrise ne vient qu’avec le temps. Gardez à l’esprit que ce n’est pas une science exacte. Aujourd’hui encore, il m’arrive d’être surpris et de ne pas comprendre entièrement mes visions. »
Alors ça lui arrivait à lui aussi. Ganymède avait toujours vu son Maître comme un être supérieur, possédant une somme de connaissance, que peu d’êtres humains arrivaient à égaler, ainsi que la tranquille sagesse de ceux qui avaient trop vécus. Ce qui était le cas. Bien des années auparavant, avant la naissance de l’aîné de leur fratrie, c’était lui qui avait dirigé le Sacre de leur père. Ainsi que celui de leur grand-père avant cela. Il se demandait souvent quel âge le Chef d’Orchestre pouvait bien avoir.
Ils arrivèrent cependant dans le cabinet qui servait de salle de travail au Monsieur Loyal. Ce dernier était penché au dessus d’une carte du monde, en pleine discussion avec l’Auguste. Ce dernier s’était nonchalamment appuyé contre le mur, jouant avec une de ses mèches rouge sang.
« Ganymède ! Tu aurais donc finalement décidé de nous honorer de ta présence ! »
Lança-t-il sur un ton guilleret pour l’accueillir, avec son habituelle impolitesse et impertinence. Ganymède répondit d’un léger sourire ironique, pour ne pas lui laisser le loisir de le taquiner plus. Puis, il s’inclina profondément devant Eaque pour le saluer. Il ne lui laissa pas le temps de parler, l’esprit trop empli de questions pour les retenir plus longtemps.
« Eaque ? Maître Calypso m’a parlé de sans-coeurs. Que se passe-t-il ? N’étaient-ils pas enfermé dans le Domaine des ténèbres ? Pourquoi sont-ils là ? Allons-nous être attaqué ? Que vas-tu faire ? Que faut-il…
- Calme-toi un peu Gany. »
Son frère le prit par la main, le guida vers un fauteuil pour l’inviter à s’y assoir. Il fourra entre ses mains, une tasse de thé et attendit qu’il en eût tiré une gorgée avant de reprendre la parole.
« Je vois que Maître Calypso t’as déjà évoqué la situation. Les sans-coeurs sont bien aux portes de Lartsa. Je vais être franc Gany. Vu le nombre qu’ils sont, il y a très peu de chance que nous en réchappions. Tu sais déjà que Palia ici-présent est le seul Maître de la keyblade parmi nous, le seul porteur de la keyblade tout court d’ailleurs… »
Ganymède n’entendit pas le reste. Son visage de l’adolescent s’était renfrogné, transformé en une expression sombre. Il n’avait absolument pas besoin qu’on le lui rappelât, qu’on lui remémorât quoi que ce soit en rapport avec les évènements de l’année précédente et… par sa faute, la perte de… Il secoua la tête. Le passé était le passé. Toute la culpabilité du monde ne ramènerait pas son jumeau à lui. Il serra les poings, passablement énervé. À quoi le sacrifice de son âme soeur avait-il pu bien servir si les sans-coeurs étaient là ?
La main de son Maître se posa sur son épaule, le ramenant brusquement à la réalité. Ce dernier lui lançait un regard inquiet. Il détourna les yeux, les posa sur l’expression indéchiffrable qu’abordait Palia en le scrutant. Soupir.
« Gany, son frère avait les sourcils froncés, sûrement parce qu’il s’était rendu compte de son attention vacillante, Palia t’amènera en sécurité. À la Ville de Traverse.
- La Ville de Traverse… Comme le monde La Ville de Traverse ?
- Parce que tu en connais beaucoup des Villes de Traverse ? il jeta un regard au porteur de la keyblade, Tu y seras en sécurité, contrairement à ici.
- Et pourquoi devrais-je fuir sur un autre monde alors que vous resterez ici ? Et vous Maître ? Et les autres habitants, qui va les évacuer ?
- Ce monde est le nôtre, je ne peux pas le quitter. Tu le sais très bien Gany. Si je dois périr en le protégeant, soit, qu’il en soit ainsi. Quant à notre peuple, il secoua lentement la tête, Cela fait longtemps qu’il s’est préparé à ce genre d’éventualité. Palia n’a pas les capacités pour transporter plusieurs personnes entre les mondes. Il n’aura jamais le temps de faire plus d’un aller-retour. Il a fallut choisir, et c’est toi que nous avons choisi. »
L’adolescent serra les poings de colère. Ça ne devait pas se passer ainsi ! Il savait utiliser la magie, il pouvait se battre lui aussi ! Si personne d’autre que lui ne s’en allait, il était tout bonnement hors de question qu’il le fit. Ce serait particulièrement lâche de sa part. Il était déçu que ses pairs ne le comprissent pas. Il ouvrit la bouche pour répliquer, défendre son avis avec verve. Il était juste hors de question qu’il partît la queue entre les jambes. Surtout s’il devait endosser l’armure de son frère pour voyager. Ce fut ce moment que choisit le Clown pour intervenir :
« Arrête de faire le gamin un peu. Puisque les autres ont été trop gentils pour le dire clairement, ou que tu es trop entêté pour te l’avouer, je vais te le dire cash. Si tu étais sur le champ de bataille avec les autres, tu ne serais qu’une gêne. Tu seras mieux à l’abri.
- Il n’y a pas que ça !
- Oh ? C’est le fait de porter l’armure d’Endymion qui t’agace autant alors. Comment te pourrais-tu protéger des ténèbres autrement ? Tu n’as quasiment aucun contrôle sur tes pouvoirs et le voyage jusqu’à la Ville de Traverse est long. Tu serais absorbé par elles. Si ça peut te rassurer, je suis sûr que ton frère te la ferait enfiler lui-même, s’il était là pour ça.
- Tu aimes remuer le couteau dans la plaie », cracha le jeune homme face à la mesquinerie de la remarque.
C’était extrêmement blessant, surtout venant du précepteur de son frère. Cependant, il aurait du s’en douter, Palia n’avait vu eu sa langue dans sa poche, ni la délicatesse parmi ses qualités. Ce dernier en rajouta d’ailleurs une couche :
« Il faut bien que quelqu’un le fasse jusqu’à ce que tu comprennes que tu ne peux pas rester.
- Palia ! Tu pourrais être un peu plus délicat. Ça ne fait pas si longtemps que ça…
- Ça fait déjà un an tu veux dire. Que dirais-tu Eaque si, moi, j’étais dans cet état ? »
Ganymède se mordit la lèvre intérieur tandis que le Clown le désignait d’un geste vague. Était-ce réellement de sa faute si la disparition de son jumeau l’avait tant chamboulé qu’il n’arrivait guère à s’en remettre ? Il n’avait pas le détachement incroyable de l’homme fardé de blanc et de rouge, le recul de son Maître, ni la capacité à rebondir d’Eaque. À quoi s’attendaient-ils tous de sa part ? Les étoiles fussent louées, son frère leva un bras, indiquant ainsi à Palia de se taire, avant qu’il ne l’attaquât encore.
« Vous avez vos manières différentes de traiter cette perte. N’oublie pas que Gany est encore très jeune. Quant à toi Gany, c’est une décision indiscutable. Je suis ton frère certes, mais aussi le Monsieur Loyal, tu n’as pas le droit de désobéir. Tu voulais voyager et retrouver Endymion, non ? il ébouriffa ses cheveux avec gentillesse, La Ville de Traverse sera un bon début pour commencer tes recherches. »
Il s’approcha lentement de l’adolescent, tendit ses bras pour l’enlacer tendrement, comme lorsqu’il était encore un enfant qui avait besoin d’être rassuré. Ganymède ferma les yeux, ses doigts crispés sur le haut de son frère aîné. Une unique larme coula face à l’injustice de leur situation, et la rage contre tous ces gens qui voulaient le protéger, comme s’il était une demoiselle en détresse. On se saisit de son menton. Son regard se heurta à celui d’un magnifique prune du Monsieur Loyal, qu’il lui partagerait dans plusieurs années. Le jeune homme laissa le dirigeant explorer son visage de ses doigts, pour compenser la vue qu’il avait perdue.
« Comme ça, je te garderai toujours en mémoire. Je regrette infiniment de ne pouvoir t’observer grandir et devenir une magnifique personne. Mais, je suis sûre que tu t’en sortiras, ses doigts se posèrent sur sa poitrine, au niveau de son coeur, Nous serons toujours liés, ce n’est qu’un aurevoir. Je t’aime. »
Acheva-t-il avec un sourire rassurant avant de baiser son front. Tandis qu’il mettait ses mains sur son visage pour masquer son expression désespérée, Ganymède l’entendit parler avec la détermination de ceux qui s’étaient résignés à mourir. Cela lui fendit le coeur.
« Palia, je compte sur toi. Maître Calypso, je vous attendrai sous le chapiteau principal. »
Il entendit ses pas s’éloigner, s’arrêter.
« Ganymède, bon voyage. »
Après le départ du Monsieur Loyal, un long silence pesant s’installa dans la pièce. Ganymède soupira. Il sentait la colère qui l’avait précédemment envahi, glisser puis disparaître, cédant sa place à une résignation forcée. Il passa une main dans sa longue chevelure brune. Soupira encore.
Son Maître se saisit gentiment de sa main, attrapa l’épaule du Clown. Un murmure et ils se retrouvèrent dans une large salle. Les murs étaient recouverts d’une peinture arc-en-ciel magique, qui semblait en perpétuel mouvement et projetait des lueurs polychromes sur l’immense cristal placé au centre. Tout autour, les particules de poussières semblaient danser joyeusement. À l’intérieur, un jeune homme les observait de son bienveillant regard ambre, avec ce sourire joyeux qu’il avait toujours eu. Avec sa chevelure noir de jais, constituée de jolies boucles, il lui ressemblait vraiment. Mais ce n’était pas son frère.
Si l’être qui était là avait l’apparence et le physique de son adoré Endymion, ce n’était pas lui. Cette chose n’était qu’un corps dénué d’âme : un réplique commémorative du jeune héros qui, une année auparavant, avait donné coeur et corps pour leur monde. Et à la base du cristal, taillé à même le monument, un trône sur lequel résidait son armure.
Ganymède l’enfila avec une lenteur exacerbée, l’esprit envahi de souvenirs à la fois chaleureux et douloureux. Les clameurs enjouées d’un frère excité à l’idée de la revêtir, des promesses de voyager ensemble un jour : l’un avec sa keyblade, et l’autre par les rêves et les coeurs, des mots enfantins quand à leurs espoirs pour le futur. La conviction qu’ils seraient toujours ensemble. Il observa longtemps le casque avec ses larges ailettes décorant chaque côté, hésitant à le mettre.
« Ganymède, que se passe-t-il ?
- Je ne vous reverrai pas, n’est-ce pas ? Ni Eaque, ni Palia, ni Endymion, ni vous. Je ne suis pas naïf au point d’ignorer ce que signifie la disparition d’un monde. Vous allez tous mourir, non ?
- Mon enseignement serait-il passé au dessus de votre tête ? il eut un léger rire avant de reprendre :
Peu importe la disparition de notre monde, tant que vous penserez à nous, nous ne disparaîtrons pas. Comme l’a si bien dit votre frère, ‘‘nous sommes liés’’. Ne sous-estimez pas la force de ce lien. Nous serons toujours connectés. »
Le noble était dubitatif, mais hocha tout de même la tête, notamment pour faire plaisir à son mentor. Sûrement avait-il raison, mais qu’importait qu’ils fussent tous liés s’ils ne pourraient jamais se revoir par la suite ? Ils étaient ses souvenirs, sa famille et sa vie jusqu’à présent.
« Ganymède. Rappelez-moi en quoi consistent nos capacités ?
- Est-ce une leçon ? »
L’autre hocha doucement la tête, sourit.
« Une importante leçon. »
Alors, l’adolescent s’exécuta, répéta machinalement ce qu’on lui répétait depuis sa plus tendre enfance.
« Les dreamwalkers ont le pouvoir de marcher parmi les rêves et les coeurs, le don exceptionnel de parcourir ces liens à leur guise, ce qui leur permet une infine… il s’interrompit, écarquilla les yeux, Lorsque je contrôlerai mes pouvoirs, je pourrais revenir ici ? Mais… Sans vous, qui me guidera sur le chemin de l’apprentissage ? »
Son Maître se pencha pour que leur visage fussent à la même hauteur. Il prit les mains dans les siennes.
« Personne. Cependant, ce ne serait pas la première fois que cela arriverait. J’ai moi-même appris seul. Cela prendra du temps, sûrement beaucoup de temps, et la route sera plus ardue que si j’étais à vos côtés, mais je suis absolument certain que vous vous en sortirez. Vous êtes un de mes élèves après tout. Considérez cela comme votre épreuve de maîtrise. Un long voyage initiatique au bout duquel nous serons tous là pour vous féliciter. Peu importe le temps que ça prendra, progressez toujours à votre rythme et en suivant ce que vous dicte votre coeur.
- Mon coeur me dit qu’il ne veut pas partir. »
Sa remarque était plus que puérile, il en était totalement conscient. Seulement, il fallait bien que cela sortit, qu’il essayât de se décharger de la lourdeur qu’il sentait peser sur ses entrailles, ne serait-ce qu’un petit peu. Il entendit le soupir du Clown derrière lui.
« Ne rends pas les choses plus difficiles qu’elles ne le sont déjà Ganymède ! Crois-tu vraiment que nous aimons ça ?! Partir, laisser ce monde derrière nous et continuer à vivre nos petites vies, oh quelle solution simple et facile ! Mais nous ne le ferons pas. En tant que personnes puissantes et responsables de ce monde, nous avons aussi des devoirs. Endymion l’a fait l’an dernier. Eaque et Calypso le font aujourd’hui. Je le fais, moi en t’amenant à la Ville de Traverse puis en revenant ici pour me battre. »
L’adulte se saisit de son col, planta son unique oeil dans son regard avec une colère que Ganymède n’avait jamais vu auparavant. Il ravala les paroles qu’il aurait voulu dire tandis que l’autre poursuivait :
« Le tien est d’obéir aux ordres de ton frère, et de continuer à vivre sur un autre monde. Rester ici pour toi, ce serait comme renier tous nos sacrifices. Ne nous insulte pas ! Qu’as-tu donc en tête, sombre imbécile ! Que crois-tu que j’ai ressenti unique disciple s’est perdu dans le Domaine des ténèbres ? Que penses-tu que ton Maître ferait s’il te voyait arraché à lui par des sans-coeurs ? Et Eaque ? Que penses-tu qu’il ferait si tu mourrais sous ses yeux ? Toi, la seule personne vivante de sa famille qu’il lui reste ?! Rentre-toi bien ça dans le crâne maintenant : tu n’as pas le choix ! »
Il détacha et appuya chaque syllabe avant de le lâcher. Derrière lui, la réplique de son frère lui souriait toujours. Accablé par la culpabilité, Ganymède baissa les yeux au sol, incapable de soutenir le regard du Clown ou de son Maître, dont il sentait la poigne sur son épaule, en signe de soutient silencieux.
« Je ne l’aurai pas formulé ainsi, mais ce que Palia dit est vrai. Vous allez peut-être nous détester, nous renier pour ce que nous faisons, mais nous sommes prêt à l’assumer. Vous représentez l’espoir de notre monde. Nous ne pouvons pas nous permettre de vous perdre. Peu importe ce que vous en pensez. Nous ne regrettons pas. »
Murmura son Maître à son oreille avant de prendre le casque de ses mains pour le poser sur sa tête.
À coté d’eux, Palia s’était reculé. Il frappa sur la pièce d’armure rouge qui couvrait sa cuisse droite. Son corps fut enveloppé d’une aura lumineuse tandis que son armure recouvrait son corps. Sa keyblade, Clown Waltz, se transforma en une espèce de moto, massive et imposante. Le porteur installa l’adolescent devant lui, calé entre ses bras de manière à ce qu’il ne tomberait pas durant le voyage, même s’il s’assoupissait.
Ce dernier se laissa faire sans rechigner, l’esprit totalement ailleurs. Il n’entendit pas la brève discussion entre son Maître et son ami, ne remarqua pas non plus qu’on lui glissait quelque chose autour du coup. Il ne revint à lui que lorsque le portail se referma sur eux, loin du doux sourire de son Maître et d’Eaque, de ses souvenirs d’enfance, et de son monde natal, Lartsa Nalp, la cité des étoiles échues.
Notes: Ce chapitre marque la fin de la première partie du texte : Nota. Elle comprend le prélude ainsi que ce chapitre là et, plante une partie importante extrêmement important du personnage principal, Ganymède. Pour ce chapitre, je ne cacherai pas que j'ai eu du mal avec la seconde partie (la discussion avec Eaque, et la scène des aurevoirs), parce que je voulais montrer plein de choses mais, que je devais garder en tête que Ganymède n'est encore qu'un adolescent totalement pris au dépourvu, qui ne fait que subir les évènements. J'espère avoir réussi.
Je voudrais à présent clarifier quelques petites choses par rapport à Lartsa. Je ne sais pas si vous l'avez compris, mais le titre de Monsieur Loyal est l'équivalent de celui de roi. Celui de Chef d'Orchestre lui, correspond à mage de la cour et, Clown Auguste, commandant de l'armée. Bref, ils ont donc tous un statut social important, d'où le fait que Ganymède et Calypso se vouvoient : Calypso parce que Ganymède est d'un statut plus élevé que le sien, et Ganymède... pour la simple et bonne raison qu'on vouvoie ses professeurs en général. Eaque vouvoie Calypso pour cette raison aussi. Bien évidemment, Palia est une exception.