Fanfic : Choix

Aug 23, 2009 22:15


Titre : Choix
Auteur/Artiste: maikichelorrain
Personnage(s) et/ou pairing(s): Francis, Arthur, De Gaulle, mention de Jeanne d'Arc
Rating: (G, PG, PG-13, R and NC-17, je vous avoue, j'ai jamais compris la différence entre PG et PG-13) : G
Avertissement: (Gore, Sexe hardcore (brr..) et j'en passe) : rien de bien spécial. A part qu'il y a le général...
Résumé : se réveillant plus d'une semaine après l'attaque de Mers El Kébir, Francis se rend compte qu'il va devoir faire un choix...

12 juillet 1940

Une douleur sourde et languissante martelait la tête de Francis lorsque celui-ci ouvrit difficilement les yeux. La pièce était ,heureusement, sombre, mais la faible luminosité était déjà trop intense pour lui. Aussi tenta-t-il de cacher son visage avec ses bras, le temps que la vague de migraine passe, et que ses idées se remettent en place. Pris d’un doute, il se tâta le crâne, et sans grande surprise, constata que ce dernier était à moitié enrubanné dans un pansement.

Se redressant avec difficulté - les membres encore engourdis par leur inactivité et par diverses courbatures, Francis considéra la chambre dans laquelle il se trouvait, en pyjama et qui plus est, dans un lit relativement confortable. Ce qui le laissait extrêmement perplexe car ce décor ne cadrait pas avec les derniers souvenirs qu’il arrivait à faire remonter à la surface. Il avait encore le goût salé de la mer et de l’infâme mixture qu’on servait à bord de ses vaisseaux dans la bouche, et maintenant il se trouvait à s’y méprendre sur la terre ferme.

Tandis que Francis tentait de recoller les différentes pièces du puzzle ensemble, pour essayer de comprendre comment il avait atterri dans une chambre inconnue, une porte grinça sur sa droite, et Arthur, avec son air constamment renfrogné ainsi que des cernes sous les yeux, en plus de ses larges sourcils broussailleux habituellement froncés.

Francis tenta de garder un visage totalement impassible malgré l’étonnement de se trouver à quelques mètres de l’Anglais, qu’il n’avait pas vu depuis un peu moins d’un mois.

- Je vois que tu es réveillé.

Arthur attrapa une chaise postée à côté du lit, qui devait habituellement servir à poser divers habits ou affaires de toilettes, et la déplaça pour s’asseoir directement en face du Français. Son absence de gène ou de reproches au vu de la situation délicate dans laquelle ils se trouvaient tous les deux n’étaient pas de bons augures, mais Francis avait cru que le temps des explications était terminé.

- Comment te sens-tu ?

La sollicitude du Britannique surprit Francis, qui machinalement, lui répondit :

- Ca ira, ça ira. Mais si je comprenais ce que je fais ici, ça irait mieux.

- Tu es à Londres, répondit Arthur avec un air soupçonneux - Tu ne te souviens pas de ce qui s’est passé?

L’Anglais avait l’air contrarié par la nouvelle. Francis secoua négativement la tête - il n’y avait qu’un trou noir.

- Pas vraiment. Je me rappelle être allé en Algérie pour… Francis hésita. Combien de temps suis-je resté inconscient ?

- Près d’une semaine.

Francis se passa la main dans les cheveux en contrôlant un excès de contrariété. Reprenant son calme, il préféra savoir où en était donc la question qu’il l’avait obligé à se rendre dans sa plus précieuse colonie, et dont une impression diffuse lui faisait ressentir que là se trouvait la clé de son actuelle situation. C’était après tout dans ses navires mouillant la Méditerranée que remontait son dernier souvenir.

- Le problème de ma flotte est-il résolu ?

Il ajouta ensuite, moins assuré :

- C’était la raison de ma venue à Mers el Kebir après tout…

Et pour éviter de devoir supporter de trop près l’odeur des Boches qu’il était obligé de côtoyer depuis l’armistice, mais il se garda de le dire à haute voix. Il n’avait à s’en prendre qu’à lui-même pour sa pitoyable défaite, et ce n’était surement pas l’allié qu’il avait trahi - contraint, certes, mais acte si peu honorable !- qui allait le plaindre.

- On peut dire que j’ai trouvé le moyen de régler la question, répondit Arthur, en détournant les yeux.

Francis songea qu’il n’y avait peut-être pas que lui qui avait des regrets. Plissant les yeux, il détailla le visage dur, mais fatigué de l’Anglais. Ses traits étaient tirés ; Francis avait eu un avant gout de la fatigue que l’on pouvait accumuler en combattant les Nazis, mais maintenant que le Royaume Uni était seul à poursuivre la lutte, les nuits et les soucis n’avaient du en être que pire. Pourtant, Arthur avait l’air aussi calme et décidé qu’à son habitude, et Francis doutait que le flegme britannique soit seul en cause.

- Francis, je ne suis pas d’humeur, s’énerva soudain Arthur qui dut prendre l’examen du Français pour une tentative de séduction.

Francis laissa échapper un ricanement, malgré le sérieux de la conversation, puis haussa les épaules.

- Je ne me souviens de rien d’autre Arthur. Je suis monté sur un bateau pour discuter de ta demande de négociation et…

Francis se rappela alors des conditions qui étaient posées. Il se souvint de sa propre stupeur et inquiétude - la convention d’armistice stipulait bien que les forces navales françaises resteraient en possession de l’Hexagone, et ne tomberaient pas entre les mains de Ludwig, mais malgré tout, le doute s’était insinué en lui : était il capable de faire respecter cette clause ? Francis avait bien réalisé à ce moment là qu’Arthur aurait également envisagé cette possibilité et que ce dernier ne pouvait pas se permettre qu’une telle éventualité prenne corps. Une seule chose avait le don de le faire paniquer : l’invasion ; et l’invasion ne viendrait que par la mer, alors il se devait de la contrôler.

Arthur ne pouvait pas, ne devait pas voir se lever une puissance maritime ennemie capable de rivaliser avec la sienne.

Le Français ferma les yeux, et baissa la tête.

Arthur n’avait finalement pas pu tolérer le risque, quand bien même hypothétique.

Une vague de nausée, comme lorsque les bateaux avaient tangué suite à la déflagration du premier impact surprit le Français, qui murmura :

- Tu as tout fait sauté n’est ce pas ?

- Je n’avais pas le choix.

- Bien sur que si tu l’avais - mais tu…

Francis ne comprit pas. Le visage et les mains d’Arthur s’étaient crispés, son corps s’était tendu comme pour se préparer à recevoir un coup, et il n’y avait aucun doute que même si cela lui coûtait, l’Anglais ne regrettait nullement son action. Francis posa son regard sur ses propres paumes, tailladées, coupées, égratignées, mais ne parvint pas à ressentir autre chose que de la tristesse. La guerre le laissait à présent aussi froid que le marbre, complètement désabusé, et seule la pensée de ses soldats qui avaient péri dans l’explosion lui brûlait le cœur. Mais il n’arrivait pas à ressentir de la colère pour Arthur.

Il avait passé le temps de l’indignation dans le coma - maintenant était celui du deuil.

Qui plus est, s’il avait été dans la même situation, il aurait surement fait le même choix, et en aurait probablement ressenti une grande joie - combien de fois après tout n’avait il pas rêvé de couler cette fichue flotte ?

- Pourquoi ai-je juste l’impression que toute cette affaire n’est qu’un gigantesque gâchis ?

Arthur ne répondit pas.

- Qu’a dit mon gouvernement ?

- Il a qualifié cela de ‘barbarie’ -il a même coupé les ponts.

- Ce serait une réaction normale après tout… même si tu as été assez gentleman pour nous prévenir.

- Ont-ils vraiment étudié toutes les options, parfois je me le demande, répliqua sèchement Arthur. Un armistice avec Ludwig n’est qu’un bout de papier, et nous savons tout deux ce que vaut actuellement ses engagements.

Puis il haussa les épaules.

- Mais pour être honnête, ce n’est pas lui qui m’inquiète le plus pour le moment.

L’Anglais plongea ses yeux dans ceux de Francis, et le jaugea d’une expression sévère.

- Je devrais rentrer alors, soupira Francis. Ce n’était pas la chose la plus intelligente de manquer une semaine de discussion dans les conditions actuelles, mais, hé, c’est toi qui m’a tiré dessus.

- Justement, un simple coup comme celui là, même dans les conditions actuelles, n’auraient pas du te secouer autant, Francis. Une semaine pour une simple attaque - Waterloo…, commenta Arthur.

- J’avais mis beaucoup de temps à guérir…

- Comme nous mettrons tous du temps après cette guerre-ci - mais tu n’étais pas passé une semaine dans le coma.

Francis fronça les sourcils. Arthur avait eu trop de sollicitations à son égard. Malgré le fait que le Britannique venait bel et bien de détruire sa flotte dans la moindre considération, Francis était coupable. Il se souvenait de l’armistice, du regard plein d’incompréhension quand le Français avait du annoncer qu’il signerait une paix séparée, ne respectant pas les accords le liant à la Grande Bretagne. Ils avaient hurlé, ils avaient crié, les deux comprenant la position délicate de l’autre, mais chacun refusant la moindre confession.

La rancune d’Arthur avait généralement la vie dure. Et le règlement de l’un des points de discorde entre eux deux ne devrait pas suffire à enterrer la hache de guerre après à peine un mois.

- Et d’après toi, qu’est ce qui se serait passé ?

Francis ne ressentait rien d’autre qu’un léger mal de tête - imputable à son accident, et des courbatures, ayant probablement la même origine. Néanmoins l’hésitation d’Arthur lui avait donné froid dans le dos.

- Je ne suis pas sur… mais hier, tes deux chambres ont voté deux nouvelles lois constitutionnelles…

Francis sentit soudain son estomac se glacer et son dos se raidir.

Il n’avait pu contrôler la réaction - le souvenir de la dernière fois ne disparaissait jamais bien loin de son esprit. Il avait l’impression de repartir près de soixante-dix ans en arrière, lorsque la bataille entre monarchistes et républicains battait son plein et que lors de cette fameuse séance, le mot ‘République’ n’avait été retenu qu’à une voix près lors du vote.

- Ce mot là… n’y est pas apparu, c’est cela ? chuchota Francis.

- Non.

Les poings d’Arthur s’étaient tellement contractés que ces articulations en étaient devenues blanches. Quant à Francis, il avait l’impression d’être emporté dans un gigantesque ouragan, qui déchirait ses entrailles et son cœur sans la moindre pitié, et il se vit protester, refusant d’admettre que ce qu’il venait d’entendre puisse être vrai.

- Mais c’est impossible… Les socialistes ! Pétain… jamais il n’accepterait !

Arthur secoua négativement la tête, mais n’ajouta rien.

- Non, non pas Pétain. Tes informateurs ont du se tromper.

Devant le silence d’Arthur, Francis ne put qu’insister :

- Marianne alors ? gémit Francis

- Je ne sais pas.

La conversation ne dura plus très longtemps, mais lorsqu’Arthur quitta la pièce, Francis s’effondra sur le lit, et explosa en sanglots.

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-Je voudrais que tu rencontres quelqu’un.

Francis était prêt à partir. Il ne pouvait pas rester plus longtemps. Tout l’insupportait, chaque petite touche anglaise lui donnait envie de vomir, ou de sauter par la fenêtre. Son cœur lui disait de se jeter des falaises de Douvres s’il le fallait pour rejoindre la France le plus rapidement possible et vérifier si ce qu’il avait appris été vrai. Il voulait croire que non, et seul le corps de sa République, bien vivante entre ses bras, pourrait calmer l’inquiétude qui s’insinuait dans tout son être. Pourrait le convaincre que tout irait bien, et que la collaboration avec Ludwig passerait comme une lettre à la poste. Il était resté trop longtemps loin de ces citoyens.

Debout dans le hall, il se tourna vers Arthur.

- Est-ce vraiment nécessaire ?

- Non. Mais il a insisté.

Le Français soupira, mais comprit qu’il n’y avait rien à faire et qu’il n’y échapperait pas. Reposant son chapeau, il suivit son acolyte en silence, à travers les différents couloirs, jusqu’à ce qu’Arthur s’arrête devant une porte, ne toque, et ne lui fasse signe d’entrer.

Juste quand Francis s’apprêtait à entrer dans la pièce, il entendit la voix sérieuse d’Arthur proclamer doucement :

- Ce n’est pas pour toi que je fais ça.

Puis la porte se referma derrière lui.

Francis ne se trouvait pas seul dans la pièce. De l’autre côté, devant l’unique fenêtre et les yeux rivés sur l’extérieur, se trouvait un militaire filiforme et extrêmement grand, qui rappela vaguement quelque chose au Français. Quand l’inconnu se retourna, au garde à vous et avec grade de général, Francis reconnut le sous secrétaire d’Etat à la guerre du dernier vrai gouvernement qu’il avait eu, à en croire les dernières nouvelles, et accessoirement l’une des rares personnes à avoir gagné une action lors de la bataille de France.

Il portait toujours sa tenue de militaire ce que Francis trouva très troublant au vu de la situation actuelle mais extrêmement indicatif sur le sujet de la discussion à venir. Après avoir hésité quelques secondes, ne sachant trop que dire face à l’un de ses citoyens qui refusait la défaite, il finit par se lancer :

- Monsieur De Gaulle ! Que faites-vous encore ici ? Et rompez, rompez, pas de cela, s’il vous plait !

- J’ai décidé de rester ici, Monsieur. N’avez-vous point, écouté les messages radiophoniques que nous émettons depuis Londres ?
Le regard du général ne trahissait aucun espoir ou aucun reproche, peut-être une simple réaction sur le côté de la balance dans lequel pesait son pays.

- Je n’en ai eu guerre le temps, hélas, fit Francis d’un signe exaspéré de la main.

Depuis qu’il s’était réveillé, il n’avait écouté ni radio ni actualité cinématographique - trop mal à la tête pour cela. Rien que la presse écrite, et son estomac se retourna encore à l’idée des changements qui s’étaient produits en son absence. Il fallait qu’il discute avec Pétain - le maréchal avait bien des explications.

Francis se rendit soudain compte de ce qu’il faisait. Pouvait-il en même temps faire confiance au maréchal comme il l’avait toujours fait, et éprouver de la sympathie pour le général en face de lui ?

Mais qu’avait donc Arthur en tête en le mettant face à un tel homme ?

- Et comment ça ‘nous’ d’ailleurs? pointa Francis

- Ceux qui ont refusé l’armistice. Ceux… qui continuent toujours de se battre.

Francis le fixa soudain avec un mélange d’admiration et de pitié, lui, l’homme qui avait sûrement fait preuve de plus de sagesse politique concernant l’Allemagne que trois gouvernements français et anglais réunis. Cependant, les hommes passionnés n’en restaient pas moins de grands naïfs dans la plupart des cas et cela lui faisait toujours autant de peine que de leur remettre les pieds sur terre. Surtout dans l’état de lassitude dans lequel il se trouvait.

- Je crois, général, qu’il est un peu tard pour le combat. Et puis même, arrêtons là les frais voulez vous ? Je ne veux plus d’autres morts en mon nom, et surtout pas le votre.

Il se tut un instant avant de reprendre.

- Il faut surtout que je retourne en France.

- Puis je vous demander, Monsieur, ce que vous comptez faire une fois là bas ? Votre homologue anglais m’a affirmé vous avoir mis au courant de la situation

Francis ne manqua pas la gêne qu’éprouva De Gaulle en posant la question. Ce n’était pas explicite dans son comportement, mais la lueur dans ses yeux montraient toute l’importance qu’il y trouvait - et l’intense respect qu’il avait pour son pays devant lui.
Francis en fut troublé.

- Tout d’abord… il faudra voir ça avec le gouvernement de Vichy, et surtout voir ce qu’ il est effectivement. Je crains donc ne pas pouvoir vous donner de réponse - tellement de choses me paraissent aberrantes. La première étape est de savoir exactement où j’en suis, avant de voir ce que je peux faire, Général, répliqua laconiquement Francis.

Les deux hommes se regardèrent, puis le Général, qui était resté immobile durant tout l’échange, se mit à bouger. S’approchant rapidement d’une table, il saisit ce qui y était posé dessus et auquel Francis n’avait porté aucune attention. Puis il lui tendit ce qu’il venait de prendre et qui ressemblait à s’y méprendre à un torchon.

Francis l’accepta d’un air méfiant, et en dépliant le tissu, fut surpris de constater que loin d’être un torchon, c’était un drapeau tricolore qu’il avait entre les mains. Mais pas un drapeau français habituel, un drapeau au couleur de la France, avec au milieu, une croix de Lorraine.

- Mais qu’est ce que… ?

La croix lui rappelait bien des souvenirs. Comme un jour de 1477, où ayant appris que la Lorraine et la Bourgogne venait de se battre aux portes de Nancy, il s’était précipité chez Lothaire, le Lorrain, craignant le pire. Son adversaire, après tout, n’était autre que l’ancien allié des Anglais durant la guerre de 100 ans, et qui avait fait de cette guerre non pas une simple guerre d’invasion, mais une véritable guerre civile à en déchirer les entrailles du Français. Un adversaire de poids qui risquait de tout ravager sur son passage.

Mais la seule chose qu’il avait découverte, avait été, dans le champ de cadavre qui s’étendait devant la ville des ducs de Lorraine, le duché, Lothaire, une croix à deux branches fièrement brandie sur ses drapeaux, distraitement occupé à chercher le corps du chef ennemi, qu’il avait massacré durant la bataille mais dont il avait oublié l’emplacement.

Et puis cela avait été l’un des emblèmes de…

- Mr Churchill m’a reconnu chef de la France libre, fit De Gaulle, ramenant Francis sur terre. Tous les français décidés à combattre l’ennemi auront leur quartier général ici même, en Angleterre. C’est depuis cette base que nous continuerons la lutte contre les Nazis. Ceci est notre emblème, ajouta le général en faisant un signe de la tête en direction du drapeau.

Francis resta sans voix suite à cette déclaration. La seule et unique chose que son esprit, qui s’était étrangement embrumé en un instant, arrivait vaguement à saisir était qu’il possédait à présent deux gouvernements, et les deux étant sinon légaux, tout du moins légitimes, selon le camp auquel on appartenait. Soudain, la peur le prit - le mal de tête qu’il arborait depuis son réveil n’était ainsi pas donc du au sabordage de sa flotte ou aux bouleversements constitutionnels comme il l’avait craint, mais était en réalité le signe avant coureur d’une guerre civile à venir.

A l’occasion, il devrait aussi tenter d’étrangler Arthur pour avancer ses pions derrière son dos - il n’avait même pas eu son mot à dire ! A moins que ce soit la faute de De Gaulle, qui s’était rendu aussi insupportable qu’un Français pouvait l’être et qui lui avait un peu forcé la main - mais qu’avaient donc ses citoyens à relever la tête dans les pires moments d’adversité ?
Baissant le drapeau, il fusilla le général du regard.

- Je refuse. Je ne vais pas faire subir aux Français la déchirure de devoir choisir entre deux parties. La France est… Je suis un et indivisible, point final.

- Voulez vous donc leur faire gouter les joies d’une défaite sans honneur ?

- Quel honneur y a-t-il à se battre pour une cause perdue ?

Le général le regarda avec étonnement et douleur, puis secoua la tête avec véhémence, comme si une telle idée ne lui avait jamais traversé l’esprit. Francis eut soudain l’impression d’être un petit garçon à qui on expliquait un raisonnement mathématique dont le sens lui échappait, impression renforcée par la taille du général qui devait le dépasser d’une bonne tête et qui sortait de sa réserve.

- Vous n’êtes pas une cause perdue ! Des hommes s’enfuient en votre nom, des hommes refusent de ne pas être considérés comme tels ! La liberté, et vous le savez mieux que quiconque, est une chose qui vaut la peine de se sacrifier. Et il est de votre devoir de ne pas les laisser tomber.

Il montra alors du doigt le drapeau.

- C’est le symbole que nous avons choisi pour lutter contre la swastika. Contre la barbarie nazie.

- La Croix de Lorraine ? Cela va faire une belle jambe à ce pauvre Lothaire… J’ai du faire évacuer tout le nord de sa région. Et pour rien qui plus est…

- Il fera pendant au signe du Nazisme…

- Cela fera ni chaud ni froid à un Américain, j’en ai bien peur.

- Il a déjà été utilisé par celle qui a bouté notre ennemi, continua De Gaulle sans se laisser troubler.

- Il suffit !

Francis avait réagi au quart de tour, sentant la discussion s’entrainer sur un terrain glissant qu’il n’aimait pas trop fréquenter. Il s’en était douté dès qu’il avait vu le drapeau, dès que le général avait repris les mots qu’elle avait dits - elle aussi avait cru qu’il n’était pas une cause perdue, qu’il allait l’utiliser comme argument.

En bien ou en mal, l’évoquer provoquait toujours une réaction chez Francis. Leur histoire remontait à bien longtemps, et depuis il avait changé, ses raisons de vivre n’était pas les mêmes, mais quel que soit l’opinion que l’on pouvait avoir d’elle, elle restait chère à son cœur. S’il avait survécu, c’était grâce à elle. Même si aujourd’hui, c’était une autre femme qui prenait soin de lui, et pour qui son cœur battait.

De Gaulle, l’air inquiet, par respect pour son pays ou sa sainte patronne, accepta de se taire, pendant que Francis passait une main sur son visage pour tenter de calmer le rythme endiablé de son cœur.

- Pas un mot de plus, général. Mon dieu, comment Arthur peut-il laisser faire une chose pareille…

De Gaulle ne répondit pas tout de suite. Il réfléchit à la manière de formuler sa réponse, tout en regardant Francis droit dans les yeux.

- La situation l’exige. Il faut résister, et quoi de mieux que d’utiliser un symbole qui rappelle Jeanne d’Arc - la femme qui a donné la vie pour vous sauver ?

- Justement ! Je ne veux pas d’autres martyrs !

Francis se mordit la lèvre :

- Combien ai-je souffert, à votre avis, quand j’ai appris qu’on l’avait brûlé ? Comment voulez vous que je résiste, avec des gens à qui je vais forcément m’attacher, si je sais qu’à chacune de leur mort, ce sera comme me consumer à petit feu ? La grande guerre devait être la dernière, il suffit de la viande à canons !

- Et qu’avez-vous ressenti, quand vous vous êtes rendu compte que vous étiez assez fort pour continuer tout seul? N’étiez vous pas près à tout sacrifier en 1914 ? Ne rien faire apparait à mes yeux, sans vous offenser, comme de la lâcheté.

Francis réfléchit une seconde. Qu’avait-il ressenti, à chaque fois qu’il s’était senti capable de venger un être cher ? Plein de revanche, pris d’un second souffle, comme si l’action et l’oubli était le meilleur moyen de faire taire la douleur que causait leur disparition ?

Puis il fixa De Gaulle. Ne comprenait-il donc pas ? Ce n’était pas qu’il ne voulait pas se battre… Mais supporterait-il de voir le général, ou un autre, devant un peloton d’exécution, et de se voir lui-même lancer l’ordre d’ouvrir le feu ?

Et puis il y avait Vichy - avait-il la force de s’infliger une guerre civile, qui aurait au moins forcément lieu dans sa tête à lui ? Au vue de son état, il en doutait. De plus, Vichy lui offrait un minimum de stabilité. Une sorte de point de repères alors que toutes ses certitudes s’écroulaient comme un château de cartes.

Mais Vichy venait de faire table rase sur tout ce à quoi il avait cru, tout ce pour quoi il s’était battu tout au long du siècle dernier…
Marianne était-elle vraiment en train d’agoniser de l’autre côté de la Manche ?

- Jeanne… Jeanne… Elle croyait en l’Eglise et en la monarchie. Ce n’est plus ce que je veux, De Gaulle….

- Il n’est pas non plus question d’opinion politique ou religieuse, il s’agit simplement de vous défendre, répliqua sobrement le Général.

- Mais ce n’est pas ça le problème, s’exaspéra Francis. Ce n’est pas ça. Plus je reste ici, et moins… Je veux savoir ce qui est arrivé à Marianne ! Je… Ce n’est pas Jeanne qui a fait de moi ce que je suis, elle a juste permis de me rendre compte de qui je n’étais pas - à savoir anglais. Pourtant c’est en parti grâce à Marianne que je sais pour quoi je me bats - elle est née la première fois quand je me suis rendu compte que je pouvais être une Nation, et pas uniquement un royaume !

De Gaulle eut soudain une lueur de compréhension, et son visage s’éclaircit. Francis se dit qu’il avait du trouver la pièce la manquante du mystère.

- La République, commença-t-il… Elle ne mourra que si plus personne ne croit en elle et ne se lève pour la défendre. Je ne pense pas que c’est en suppliant Pétain que vous parviendrez à la ressusciter.

La remarque toucha Francis droit au cœur. Il avait entendu les rumeurs sur De Gaulle - lui, le catholique de droite, que l’on disait trainé dans certains milieux. Au fond, cela avait-il une quelconque importance ? Ce n’étaient que des rumeurs.

Puis le Français secoua de nouveau la tête, refusant de se laisser influencer

- Pétain ne …

- Pétain est vieux. Et c’est à son bénéfice que les lois constitutionnelles ont été votées.

Francis tenta alors de faire taire en lui la petite voix qui lui rappela que le Maréchal avait passé quelques années comme ambassadeur auprès de Franco - se pourrait-il vraiment ? Le sauveur de Verdun ?

Le général lui tendit alors la main et Francis hésita.

- Ne doutez juste jamais de l’amour que nous vous portons. Seulement, nous agirons avec ou sans votre accord. Et ni vous ni moi ne lui avons jamais obligé à quoique ce soit.

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Francis jeta un regard inquisiteur à la jeune femme qui se tenait devant lui. Il s’était redressé avec difficulté pour s’asseoir sur son lit, en veillant à ne pas rouvrir les différentes blessures qu’il avait sur le corps et qui le mettaient à l’agonie à chaque mouvement.

Le résultat de son inspection fut assez décevant. Elle était jeune, plutôt jolie, et même sa coupe à la garçonne lui donnait un air rebelle vraiment délicieux. Pour le reste, il était caché derrière une épaisse cape, et sans aucun doute une toute aussi épaisse couche de vêtements. Désolant.

En premier lieu, il avait cru que son roi l’avait envoyé pour le divertir. Une pucelle. Elles avaient leur bon côté, avec leur côté sage et avide d’apprendre, mais vu son état de fatigue, Francis ne se sentait pas en assez bonne forme pour jouer au professeur, et aurait souhaité quelqu’un d’un peu plus instruit. Et d’un peu plus dénudé.

Seulement, il paraissait que l’affaire était sérieuse.

- Tu me dis donc que tu as été envoyé par Dieu pour venir m’aider ?

- Oui Monseigneur.

Peut-être était-ce la perte de sang, mais il ne voyait pas comment Charles VII avait pu être suffisamment convaincu par cet argument pour envoyer la gamine chez lui - tout le monde pouvait bien prétendre être un envoyé divin, cela ne signifiait pas pour autant que l’Eglise considère que cela était vrai. Il devait y avoir autre chose.

- Comment être sur que tout cela est vraiment sérieux?

La jeune femme n’eut aucune réaction face à ce manque de confiance. Elle ne répliqua pas, mais sortit une lettre d’une poche de sa cape, qu’elle tendit à Francis. Etait collé avec le sceau en cire une croix de Lorraine à double branches, symbole du duché du même nom.

- Tiens donc, c’est Lothaire qui t’envoie, murmura Francis plus pour lui-même que pour son interlocutrice, en songeant à son tranquille voisin, puis fronça les sourcils. Le duché, quoique plus agréable que son voisin bourguignon, n’en restait pas moins un croyant pur et dur.

Déchirant le sceau, puis l’enveloppe, Francis récupéra la croix, qu’il enfuit sous son oreiller, puis déplia la lettre que la Lorraine lui avait adressée et commença la lecture, en prenant bien le temps de déchiffrer les pattes de mouches.

Une fois terminé, il reposa le message d’un geste sec.

Finalement la piété n’avait rien à voir là dedans.

- Tu as tellement fait tourner Lothaire en bourrique qu’il t’envoie ?

- Je l’ai juste prié de me donner une escorte…

- On ne me l’a fait pas à moi, jeune damoiselle. Lothaire est la personne la plus calme que j’ai jamais rencontré - et il vaut d’ailleurs mieux qu’il le reste, crois moi, alors s’il me dit que tu as réussi à lui prendre la tête…

La jeune fille sembla quelque peu peinée

- Aller voir son duc… Il est à moitié dans la tombe ! Qu’est ce qui se serait passé si jamais tu l’avais fait mourir d’une crise cardiaque ? J’aurai perdu un de mes possibles futurs alliés, si moi-même j’arrive à survivre !

- Mais monsieur…

- Tout ça pour une peine perdue en plus !

- Vous n’êtes pas une peine perdue, s’énerva la dame, rougissant de colère. Le seigneur Lothaire a été très bon avec moi, et a bien voulu se porter garant devant vous. S’il n’est pas là…

Estomaqué par la véhémence de la jeune femme, Francis la coupa :

- Il n’a que son duc dans sa vie. Il ne va pas risquer de se mettre la Bourgogne à dos tant qu’il n’a pas de sang neuf pour le tenir. Néanmoins, il vous a fait un minimum confiance… Hmf, on verra bien.

Qu’avait-il à perdre dans son état ? Au moins avait-il gagné une infirmière totalement dévouée, il y avait pire pour mourir.

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Cela n’engageait rien, s’était dit Francis en montant sur le bateau.

La main de De Gaulle, il l’avait serrée, sans vraiment savoir pourquoi. Pas pour lui faire plaisir, bien que le général l’avait prit comme un immense honneur, et que, pour la première fois de toute leur discussion, avait laissé échapper toute l’intensité que la rencontre avec son propre pays lui procurait. Pourtant, il lui avait uniquement promis de considérer sa demande.

Francis fronça les sourcils pour ne pas imaginer comment il serait brisé si jamais son pays refusait d’entrer dans la Résistance, ou tout simplement de la cautionner.

Peut-être avait-il accepté d’y réfléchir tout simplement parce qu’il était lui ?

Ou parce que le drapeau orné d’une croix de Lorraine lui rappelait d’autres jours sombres auxquels il avait réussi à faire face, avec un peu de confiance, un certain nombre de batailles, et beaucoup, beaucoup d’abnégation et d’amour.

Seulement, il se rappelait à présent qu’il ne valait pas ce sacrifice - il mentait, il trichait, il envahissait, il violait, il insultait, il espionnait, il souillait tout ce qu’il possédait. Etait-ce en quoi un homme aussi intègre que De Gaulle croyait ? Etait-ce ça l’idéal pour lequel des hommes tout aussi dignes de respect allaient mourir ?

Mais c’était peut-être de là que viendrait la réponse.

Francis verrait ce qu’était Vichy. Il verrait ce que c’était que la collaboration. Il verrait l’attitude de ses habitants. Il verrait s’il trouvait le cadavre de Marianne. Il verrait, il jugerait. Si la Révolution nationale n’avait pas le potentiel de le séduire autant que son électrique République avait su le faire 70 ans auparavant, et bien, lui, le pays des Lumières passerait dans le monde des ténèbres et de la clandestinité.

L’idée était fort plaisante et l’expérience promettait d’être amusante.

Francis sourit.

Il ne regrettait pas la dernière phrase qu’il avait dite au général, son général, avant de le quitter

- Je vous avouerais que j’ai beaucoup apprécié votre appel du 18 juin.

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Bon, j’espère que De Gaulle était à la hauteur de De Gaulle, sinon jetez moi des pierres.

Notes :
- Pétain est arrivé au gouvernement le 16 juin 40 en fin de soirée, l’armistice avec l’Allemagne a été signé le 22. Le 10 juillet, les 2 chambres parlementaires françaises ont voté une loi constitutionnelle suspendant celles de 1875, et par conséquent la République.
- Le 3 juillet, à Mers-El Kebir, les Anglais ont coulé la flotte française pour ne pas qu’elle tombe entre les mains des allemands (après divers quiproquos et pourparlers sans suite, les Anglais ont préféré ne pas prendre le risque) - Vichy coupa ses relations avec l’Angleterre à la suite de cela.
- Le même jour, la croix de Lorraine a été choisie comme emblème des Forces françaises libres. Elle devait être le pendant de la swastika, en mémoire de Jeanne d’Arc, morte pour chasser l’ennemi hors de France. Et pour protester contre l’annexion de l’Alsace et du Nord de la Moselle.
- En 1477, Charles le Téméraire, duc de Bourgogne est mort devant Nancy suite au siège de la ville. On rappelle que les Bourguignons étaient alliés aux Anglais pendant la guerre de 100 ans, et que ce sont eux qui ont capturé Jeanne. Mais la guerre n’avait rien à voir avec elle, Charles voulait juste réunir la Bourgogne aux pays bas bourguignons (actuel Benelux) et la Lorraine était entre les deux… Enfin bref, le corps du Téméraire ne fut retrouvé que deux jours plus tard…
- Apparemment, Jeanne a fait du forcing dans le duché de Lorraine pour avoir une escorte afin d’aller rencontrer le dauphin de France… Finalement l’autorisation fut fournie par René II, gendre du vieux duc, et fidèle à Charles VII.
- Euh.. Le duché de Lorraine, je le vois bien s'appeler Lothaire (vu que Lorraine <= Lotharingie = terre de Lothaire).Par contre 0 idée pour le duché de Bourgogne, les propositions sont donc les bienvenues

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