"Things unsaid", black cat, PG-13

Jul 24, 2008 17:20

Titre : Things unsaid
Auteur : drakys
Fandom : Black Cat
Persos : Kranz et Bardol
Rating : PG-13
Disclaimer : kentaro yabuki
Nombre de mots : 2454 mots
Notes : pour sakoni : Black Cat, Kranz/Bardol, situation : comment réagiraient ces deux-là si, des suites d'une mission un peu foirée, Bardol était condamné à ne plus quitter sa chaise roulante (ou son lit d'hôpital, selon le degré de mobilité que tu veux bien lui accorder).
BARDOL POSE TOUTES LES QUESTIONS PERTINENTES ! \o/
En espériant que vous compréhensionnez et 'scusiez le délai que mon cerveau y'avions causé à la rédaction de c'te fiction, ma bonn' dame.
Et euh, j'espère que ce n'est pas complètement pourri.

Il démontait, nettoyait, remontait des armes depuis près de trois ans, ne portait plus le complet noir depuis aussi longtemps. La dernière fois qu'il l'avait porté, il était encore un des Chrono Numbers. Il aurait dû mourir dans ces maudits vêtements, pas survivre. Pas survivre après la détonation d'une charge dont la minuterie avait eu la brillante idée de faire défaut. Pas survivre avec une poignée d'éclats d'une saloperie de bombe fichés dans son dos.

Il s'était fait baisé par un petit morceau de métal de rien, enfoncé quelques millimètres de trop au mauvais endroit.

Bardol relâcha une bouffée de fumée avant de déposer la cigarette dans le cendrier. Il avait commencé à fumer peut-être six mois après être devenu comme ça. Kranz n'avait jamais râlé, mais la ligne de ses lèvres était plus droite, plus sévère encore quand il passait le voir. L'odeur devait le faire chier, mais il n'avait jamais rien dit.

Alors Bardol n'avait jamais arrêté.

Il regarda les pièces devant lui, ordonnées parfaitement sur le carré de tissu étalé sur la table. Il les avait déjà toutes nettoyées, il ne lui restait qu'à remonter le semi-automatique. Il pouvait le faire en moins de vingt secondes maintenant. Trente s'il était bourré.

C'était ce qu'il avait découvert il y avait huit mois, après qu'un p'tit con soit passé récupérer son arme. Il avait insisté pour le remercier, alors que Bardol s'en foutait, il était déjà grassement payé par Chronos pour remettre en état un tas de leurs armes.

C'était moins humiliant ça qu'une pension d'handicapé.

Bardol eut un sourire amer en faisant rouler une des pièces sous ses doigts. Leurs armes, plus les siennes.

Ils avaient pris des shots de vodka jusqu'à ce que les murs tournent. C'est là qu'il l'avait mis au défi d'une voix pâteuse d'y arriver en moins de trente secondes. Il y était arrivé de justesse. Bardol avait démonté l'arme en premier, l'autre crétin avait enclenché le chronomètre de sa montre et il avait remonté son semi-automatique, le lui avait pointé sur le front pile à la fin des trente secondes allouées.

Avant de remettre la sécurité, de faire tourner le semi-automatique sur son index, le tenant par le canon pour le lui rendre crosse en premier.

La bouteille de vodka était restée sur la table quand l'autre était parti. Bardol l'avait fixée. Puis vidée. Il avait passé le lendemain à vomir. Bien sûr, ça avait été pile la journée que Kranz avait choisie pour sa visite hebdomadaire ou mensuelle. Ou sa visite de quand il avait le temps de passer, pour qu'ils parlent à peine, remplissant le reste de la conversation d'inconfortables silences à la con.

"Je suis étonné que tu ne sois pas en train de tirer sur une clope", avait commenté le blond sans humour.

"J'suis assez occupé à dégueuler. Jamais été assez brillant pour faire deux trucs à la fois."

Bardol ne l'avait pas remarqué s'éloigner. Le verre d'eau glacée avec lequel il était revenu de la cuisine, par contre, aurait certainement été la plus belle chose dans sa vie s'il n'avait pas décidé d'être désagréable.

Il avait levé les yeux, avait vu le verre et la main tendue. Il avait regardé plus loin que la main, il avait vu Kranz au bout du bras, dans son complet parfait, pas un pli, pas une tache, avec ses damnés gants blancs. Alors qu'il devait avoir une tronche de déterré : ses cheveux humides lui collaient au front, il supposait qu'il avait des cernes horribles et était au moins certain que si ça tête menaçait d'exploser, c'était parce qu'il avait un mal de crâne terrible.

Bardol avait baissé la tête, froncé les sourcils. La gueule de bois n'était pas encore assez terrible pour lui permettre d'ignorer l'évidence : il y avait un monde de différence entre lui et Kranz.

Il avait pointé, pas que Kranz aurait pu le voir, mais il avait pointé quand même.

"L'évier est juste là ! Je suis encore capable d'y ramper, si j'veux à boire !

- Bardol-"

Il avait donné un coup du revers de la main sur le verre, envoyant les trois quarts de l'eau sur les pantalons noirs, propres de Kranz. Bardol n'en avait pas porté des pareils depuis au moins deux ans. Il ne portait plus que des pantalons cargos coupés aux genoux, des tee-shirts noirs. Ses cheveux étaient trop longs, il se rasait une fois par semaine, quand il s'en donnait la peine.

Kranz avait l'air parfait, comparé à lui.

"Fous-moi la paix !", avait-t-il hurlé, irrité par la perfection de Kranz, encore plus irrité par lui-même.

Le blond avait ramassé le verre, l'avait posé par terre et était parti. Il n'avait rien répliqué, n'avait certainement pas essayé de le raisonner, était seulement parti. Il n'était pas revenu depuis…

Bardol remonta le semi-automatique en pièces détachées devant lui. Lentement. Presque deux minutes.

C'était toujours ça de plus de passé dans sa vie de merde.

Il reprit la cigarette, tira dessus. Jeta la tête en arrière et exhala lentement.

***

Cinq jours après qu'on le laisse sans surveillance, dans cette belle petite chambre qu'on avait préparée pour lui, il avait trouvé le moyen de se faire ramener à l'hosto. C'était la première fois qu'il avait vu Kranz furieux. Vraiment furieux.

"Tu vas refaire ça chaque fois qu'on te laisse seul ?", avait-il demandé, glacial.

Pas glacial comme il l'était d'habitude, non, Antarctique Froid plutôt, avec une touche de zéro absolu pour faire plus joli. Bardol avait préféré nié, en évitant son regard. Pas que l'autre homme pouvait réellement s'en préoccuper.

"Faire quoi ?"

Le blond lui avait agrippé le poignet, enfonçant son pouce dans les bandages. Bardol avait eu la décence de ne pas grimacer de douleur, même quand la plaie s'était rouverte, même quand le blanc stérile du pansement s'était mouillé de rouge.

"Ça !", Kranz avait resserré les doigts. "…Tu peux me dire quand tu es devenu assez pathétique pour essayer de te tuer ?

- J'essayais juste de trouver quoi faire de mes mains", cracha Bardol, avec un sourire mauvais.
"Et tu n'as rien trouvé de mieux que de te planter une lame de rasoir dans les poignets ?

- Hé, t'as été le premier à me lâcher qu'il fallait que j'essaie des nouveaux trucs maintenant. T'as pas à te plaindre : j'avais jamais fait ça avant."

Kranz avait relâché le poignet de l'autre homme, s'était assis sur la chaise près du lit. Il avait serré les poings, Bardol avait vu ses jointures blanchir. Pendant une seconde, il s'était demandé où était les gants blancs. Puis, il s'était souvenu que les gants n'étaient plus blancs. Ils étaient rouges. Rouge sang. Rouge de son sang, en fait, quand Kranz l'avait trouvé baignant dedans.
Bardol ferma les yeux.

Évidemment, il aurait pu attendre plus longtemps avant de se foutre des objets tranchants dans les veines. Au moins après la visite quotidienne du blond plutôt qu'avant, ce qui aurait amélioré ses chances de crever. Kranz resta silencieux, sa bouche une terrible ligne droite. Il bougea les lèvres, ou enfin essaya, avant d'hésiter et de se taire. Ce qui était peut-être plus flippant que de le voir furieux.

Le blond avait finalement parlé lentement. Il avait levé une main vers sa tête, avant de la laisser retomber sans avoir touché son visage. Bardol aurait compris sans le geste qu'il allait mentionner son propre accident.

"…Tu crois que ça a été facile pour moi ?"

Bardol ne lui avait pas répondu. Ce qui avait enragé Kranz, une rage à la Kranz, sans déversement de points d'exclamation et de hausses du volume.

"Force-toi un peu, merde, ce n'est pas la fin du monde.

- C'est facile à dire, pour toi !

- Non-

- T'as perdu la vue, bouh ouh, ouais, ça c'est vraiment à pleurer !

- Bardol-

- Tu penses que je peux faire comme t'as fait ? M'entraîner à mort, qu'ça va faire une différence ?", le coupa Bardol, serrant les poings dans les draps. "Je ne vais plus jamais marcher ! "

Il avait eu envie de hurler qu'il n'avait pas juste perdu l'usage de ses jambes : il avait perdu son utilité. Il n'était né que pour servir Chronos, pour devenir un des Numbers, pour mourir comme un numéro. Pour mourir anonyme, au bout de son sang, pour l'Organisation. Kranz l'avait agrippé par les cheveux, lui avait tiré violemment la tête en arrière.

"C'est qu'une saloperie de numéro", avait-il sifflé. "Maintenant tu peux être autre chose qu'un con de chiffre !"

La poigne dans ses cheveux ne s'était pas relâchée, comme si Kranz avait eu envie de le secouer jusqu'à ce qu'il dise quelque chose de brillant. Bardol avait, très lentement, mouillé ses lèvres avec sa langue.

"…Quelque chose comme quoi ?"

Sa voix n'avait probablement jamais été aussi calme. Il n'avait probablement jamais été aussi sérieux.

Le blond n'avait pas pu lui répondre. Ils avaient tous les deux été élevés pour devenir des numéros, ils ne connaissaient rien d'autre. Comment pouvaient-ils envisager être quoi que ce soit d'autre ? Et ça, Kranz l'avait toujours su aussi bien que Bardol.

C'était peut-être pour ça qu'il l'avait libéré avant de lui arracher la moitié des cheveux.

Kranz s'était éloigné, allait sortir quand Bardol demanda, peut-être seulement pour essayer de le faire sortir de ses gonds.

"Pas de réponse ? T'as rien d'autre à me dire ?"

***

Deux coups secs frappés à la porte. Bardol fronça les sourcils, jeta un coup d'œil à sa montre. Il était trop tard pour que quelqu'un passe récupérer une arme. Il déposa le pinceau sur la table, s'essuya les mains sur un chiffon, fit rouler son fauteuil jusqu'à la porte et mit une main sur la poignée.

"Ouais ?

- C'est moi."

Bardol retira sa main de la poignée. Qu'est-ce que Kranz foutait là ?

"…C'est ta journée de bénévolat pour les infirmes ?", demanda-t-il à travers la porte.

"Ouvre."

Il se contenta de déverrouiller, avant de retourner à sa table de travail. Kranz entra, referma derrière lui et resta une seconde à peine planté au même endroit, avant de faire un seul pas en avant. Probablement personne d'autre que Bardol n'aurait pu y voir de l'incertitude.

"Rien n'a changé", lui signala-t-il, avant d'écraser sa cigarette dans le cendrier plein et le blond s'approcha. "Et avant que tu demandes, j'ai assez d'eau et de bouffe et j'ai pas pissé partout pendant que t'étais parti."

Kranz tira une des chaises, s'assit devant Bardol qui ne s'intéressa pas à lui. Il continua à nettoyer les pièces devant lui.

"Tu vas encore piquer une crise, comme la dernière fois ?", demanda le blond.

"J'ai pas bu depuis longtemps, je me suis dit que j'allais sagement me buter un organe important à la fois, en commençant par les poumons. Tu veux mon dernier bilan médical ? Ou le psychologique ? J'ai encore les papiers quelque part, les gens en blouses blanches sont toujours délirants de voir mes progrès."

Silence.

Bardol crut pendant un instant qu'ils étaient de retour au pays des silences inconfortables et laissa celui-là continuer comme il avait commencé. De toute façon, c'était le silence de Kranz, il n'allait pas le remplir juste parce qu'il le rendait nerveux. Après avoir ajouté quelques longueurs fraîches à son silence, Kranz demanda :

"Tu as déjà pensé à ce qui aurait été différent, si tu avais accepté le verre d'eau ?

- De quoi tu parles ?", rétorqua Bardol après une pause trop longue.

Une pause assez longue pour qu'il se souvienne très bien du verre d'eau, du Fous-moi la paix ! et de la disparition de Kranz dans sa vie qui avait suivit.

"Tu aurais pu accepter le putain de verre d'eau, Bardol. Ça n'aurait rien changé du tout. Ça n'aurait pas voulu dire que tu acceptais la pitié de quelqu'un. Ça n'aurait pas voulu dire que je croyais que tu étais incapable de quoi que ce soit.

- T'es con, tu sais que j'suis incapable de marcher", précisa Bardol.

"Pourquoi tu ramènes tout à ça ?

- Parce que ça, c'est ma réalité."

Un silence, pour faire changement, mais celui-là était le sien. Il pensa le remplir un peu mieux, peut-être en admettant qu'il était un crétin fini et qu'il disait un tas de débilités, mais ça aurait permis à Kranz de gagner l'échange de répliques. Bardol préféra se taire.

Kranz secoua la tête, mais se n'était pas encore assez pour chasser le silence. Bardol abandonna les pièces sur la table et le fixa, le regardant faire des efforts invisibles pour faire ce qu'ils n'avaient jamais été capables de faire normalement : avoir une discussion plus ou moins normale.

"Je n'ai pas commencé assez tôt", commença le blond. "Tu te souviens juste après que tu-", il s'interrompit. "À l'hôpital-

- Après ma tentative foirée de suicide."

Un autre silence, possiblement plus inconfortable que les précédents. Bardol réalisa que s'il était capable de lâcher ce genre d'aveu, il n'était pas encore assez zen avec l'idée pour ne pas cacher les cicatrices derrières des bracelets de force.

"Oui, après ça. J'aurais dû-", le blond hésita.

Kranz hésita avec un inconfort palpable, ce que Bardol ne trouva pas exactement normal. Il plia le tissu sur les pièces détachées, replaça ses affaires, trouva une cigarette qui traînait encore dans le carton et appuya un coude sur la table. Il joua avec son briquet, l'ouvrant et le refermant avec des clics irritants.

"Pas besoin de faire des efforts pareils. Dis-moi juste que j'ai été con, que tu m'aurais étranglé si ça n'avait pas été exactement ce que j'avais voulu. J'vais te dire ensuite de la boucler et on pourra revenir à notre merveilleuse routine de silences qui se multiplient comme des lapins.

- Bardol-

- Ou bon, si t'aimes pas l'idée des silences, on trouvera autre chose. Il doit bien exister un bouquin qui conseille des activités culturelles et éducatives pour les visites d'un Number chez son copain infirme.

- Bardol, putain de merde, ferme-la à la fin !", grinça le blond en se redressant, il fit aussitôt le tour de la table. "Tu piailles toujours, c'est absolument insupportable, pas moyen de placer un mot. Pas moyen de", il se pencha vers l'autre homme, chercha son visage des doigts, "te faire comprendre…"

Bardol plaça sa main sur celle de Kranz.

"Tu vas m'embrasser, espèce d'homo ?"

Le blond plaqua ses lèvres sur celles de l'autre homme. Bardol ne le repoussa pas, lui retourna le baiser. Pas longtemps.

"Tu crois que ça va me faire taire longtemps ?", demanda-t-il.

"Je trouverai bien une façon de t'empêcher de parler."

Kranz insista pour l'embrasser avant qu'il lui rétorque quoi que ce soit, mais c'était sans compter l'obstination de Bardol à lui poser une question.

"Alors, t'as déjà baisé avec un mec en chaise roulante ?"

(24 juillet 2008)

!fic, black cat

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