"Les ciels bleus", dogs, haine/badou, R

Mar 29, 2007 09:45

Titre: Les ciels bleus
Auteur: drakys
Fandom: dogs
Couple: haine/badou
Rating: R-ish
Disclaimer: miwa shirow
Notes: pour modocanis. désolée pour l'aspect musique que j'ai sûrement bien bieeen massacré au passage, c'est le prompt qui me fout le plus la trouille.


Son chandail tombe dans un tas informe par terre et il le pousse d'un pied nu jusqu'au panier. L'eau coule depuis un moment, occupée à remplir la baignoire. Il relève ses cheveux et reprend l'élastique tenu entre ses lèvres pour les attacher. Badou se débarrasse de ses jeans troués et de ses boxers, étire ensuite un bras pour fermer le robinet.

Derrière la porte fermée lui vient le grésillement diffus d'une vieille radio et les paroles qu'il reprend sans trop s'y attarder. Le chanteur à la voix rauque parle de ciels bleus et de soleils couchants quand il se laisse glisser dans l'eau chaude. Il parle de tarte aux cerises et de gomme à mâcher, des berceuses qui restent à chanter et encore des ciels bleus, auxquels tout le monde à droit.

Badou arrête de fredonner et fronce les sourcils. Les ciels bleus, il n'y en a plus depuis longtemps, comme les saisons qui ont pris la fuite. Il y a la grisaille seulement, ou parfois un bout de ciel qui se révèle fugitivement derrière les nuages pour promptement s'y cacher à nouveau. Il baisse la tête et s'asperge le visage.

Une fois, deux fois, trois fois.

Le chanteur a beau crier que tout le monde a droit à son ciel bleu, il en doute. Badou a plutôt l'impression d'accumuler les malchances et les petits boulots pour gagner un peu d'argent. Entre le travail au magasin et les diverses besognes souvent plus risquées que payantes pour mettre du pain sur la table, il se demande où il est, son ciel bleu.

De l'œil qui lui reste, Badou en vient à regarder la cicatrice dans sa main droite. Ce n'est qu'une parmi tant d'autres, mais c'est celle-là qu'il finit toujours par fixer, perdu dans ses pensées.

Haine n'a aucune cicatrice, lui. S'il en embrasse ou en touche une du bout des doigts, elle ne sera plus là la prochaine fois. Elles naissent sur sa peau pâle pour disparaître rapidement, comme si elles n'avaient jamais abîmées son corps. Le rouquin ne sait pas s'il en est jaloux, ou si c'est une constatation qui lui fait peur.

De mourir tout seul, parce que Haine est increvable.

Il ferme les yeux en soupirant, se laisse caler jusqu'à ce que sa tête soit confortablement appuyée au bord du bain. Rêve de ciels bleus, de cheveux blancs.

***

L'air autour d'eux sent la poudre, le métal et le sang et ça ne prend que quelques secondes avant que l'odeur de tabac s'ajoute au lot.

"Fuwaaah~!", soupire Badou à ses côtés avec satisfaction, après avoir relâché une bouffée de fumée. "Je croyais que j'allais mourir!"

Haine ne lui répond pas. Pas immédiatement. Il tire d'abord encore quelques rounds supplémentaires dans le système de son qui l'énerve. Quelques dernières notes d'electronica sont crachées et la voix se morcèle dans un grésillement et disparaît avant de répéter pour la énième fois les mêmes paroles.

"C'est tes saloperies de cigarettes qui vont te tuer", laisse-t-il tomber en le rejoignant.

Il vérifie ses chargeurs et range les pistolets avant de se laisser glisser contre le mur près de l'autre homme. Autour d'eux, il y a des trous de balles un peu partout, des douilles vides qui roulent encore et la poussière qui flotte encore rend l'air épais.

Le rouge du sang éclabousse le plancher et les murs plus loin.

Haine jette un regard en coin à Badou, avise une fine ligne rouge sur sa joue droite et arrête son geste avant de le commencer quand il lui prend l'envie de l'effacer du pouce. Il y a des tâches de poussière collées à ses vêtements et à son visage. Il détourne la tête avant de continuer son examen, de trouver d'autres des blessures qui lui ajouteront une ou deux cicatrices de plus.

Ils restent silencieux.

Badou étend les jambes par terre, appuie la tête contre le mur et relâche une dernière bouffée de fumée. Il écrase la cigarette par terre, où elle ne fait qu'une tâche de plus contre le plancher sale.

Ils restent silencieux et le rouquin se relève pour partir après s'être assuré que le paquet récupéré est bien dans la poche intérieure de son manteau. Haine lui attrape le poignet pour l'arrêter.

Ils restent silencieux et Haine l'oblige à rester accroupi, lève l'autre main qu'il dépose derrière sa nuque. Se soulève à demi et l'embrasse.

Sans raison, il n'en a jamais besoin. Le baiser contraste d'abord avec la violence éteinte un moment plus tôt par les derniers coups de feu.

Le goût n'est pas mauvais, pense Haine. Le tabac, une trace de cuivre. La chaleur n'est pas si mal, leurs langues l'une contre l'autre et les doigts de Badou qui tirent sur ses vêtements. Haine se presse contre lui et le renverse, approfondit le baiser. Le baiser fait ensuite écho à la violence éteinte un moment plus tôt par les derniers coups de feu.

"...Bleu", arrive à marmonner Badou.

"Quoi?

- Ça doit être ça, un ciel bleu", sourit-il bêtement, comme si ses paroles faisaient du sens.

Haine l'embrasse pour le faire taire, avant qu'il dise autre chose de stupide ou d'irritant.

***

Le plafond blanc, il le regarde depuis son sofa noir. Le téléviseur posé sur le carrelage noir et blanc diffuse des images grises auxquelles il n'accorde pas le moindre intérêt. Il pourrait se lever et éteindre le poste, mais reste immobile, bras croisés derrière ses cheveux pâles. Une voix modifiée continue de chanter tout bas sur fond de musique électronique.

Les paroles finissent par se mêler à ses pensées.

Je ne veux être avec personne.

Pensées de rouge qui insistent, insistent et lui chuchotent des images. Ce n'est pas le rouge qu'a la couleur du sang, la couleur à laquelle il est habitué. C'est le rouge qu'ont les cheveux de Badou, qui lui rappelle sa voix et son odeur et tous ses gestes-

Haine fronce les sourcils.

Le monde est bien trop grand pour que je l'affronte seul,

C'est pour ça qu'il a Badou. Rien d'admis entre eux, pas d'aveux. Seulement des endroits, lits d'hôtel et planchers sales. Seulement des baisers sans promesse, des murmures et des gémissements. Seulement des nuits, qui ne signifient plus rien quand le soleil se lève.

mais je ne veux pas d'amis, je veux-

Il se tourne sur le côté, fait face au dossier et le fixe avec une intensité étrange. Il écrase tout ce qui veut le faire continuer par que tu sois avec moi, que tu sois à moi. Il y réussit, juste à temps.

-rester seul.

Le chanteur, voix désincarnée et lointaine, continue à répéter ses paroles. Les planètes tournent et personne ne veut rester immobile, les horloges comptent le temps qu'on ne peut arrêter.

Je veux rester seul, est-ce un crime?

Les paroles se mêlent à ses pensées, les contredisent.

Rester seul d'un côté et être avec l'autre imbécile de l'autre. Son corps lui semble lourd de toutes les cicatrices invisibles, du fantôme de toutes celles qui sont passées et reparties en une heure, un jour. Il entend battre son cœur, sans anormalité, sans appel pour battre en même temps que celui de quelqu'un d'autre.

Je veux rester seul, est-ce un crime?

Il lui reste quelques pensées de rouge qui insistent, insistent et lui chuchotent des images. Quand il ferme enfin les yeux pour effacer le bruit de la musique, des pensées, il refuse de comprendre pourquoi il rêve de ciels bleus et de cheveux rouges.

(29 mars 2007)

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les chansons d'inspiration/auxquelles je fais référence:
- bob schneider 'blue skies for everyone'
- juno reactor 'pistolero' & 'guardian angel'
- chromeo 'mercury tears'

!fic, dogs

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