Toutes ces années qui passent

Apr 29, 2007 14:37



Be a student
J’étais prête à tout pour trouver quelque chose de nouveau à faire, quand j’étais élève. La plupart du temps c’était dangereux et donc interdit, ce qui rendait la chose beaucoup plus amusante et intéressante, évidemment. C’était tellement bien… Je n’avais tout simplement pas envie de quitter ce cocon, ce nid, notre monde, ma bulle. Je ne voulais pas grandir. Je voulais rester à Poudlard toute ma vie, et puis n’avoir à me soucier que de ce que nous allions avoir au repas suivant, et à m’amuser. Toujours.

Il était une fois mon histoire, celle d’une jeune demoiselle qui tomba amoureuse de son professeur, à l’âge de dix-sept ans.

Je crois que j’avais quatorze ans quand il est arrivé - je ne me souviens plus. Il était notre professeur de métamorphose, pour notre plus grande joie. C’était étrange de tomber amoureuse d’un homme déjà âgé. Mais en réalité, il n’était pas question d’un véritable amour, c’était juste une passion platonique que je ressentais pour un professeur, rien de plus. Et apparemment, il y avait de quoi. Il semblait si confiant, si à l’aise d’avoir à expliquer des centaines de choses à des élèves qui, pour la plupart, ne s’y intéressaient pas. Cependant, il arrivait à captiver ses classes, comme il nous enseignait beaucoup de choses toutes plus intéressantes les unes que les autres. J’étais souvent, je crois, la première élève à arriver à son cours. A être attentive et à lancer des regards noirs à ceux qui parlaient durant le cours. Moi, celle qui détestait plus que tout la Métamorphose l’année précédente. Je n’ai pas compris ce qui m’arrivait. Apparemment, les autres non plus. Ils se moquaient de moi, parfois, moi qui devenais studieuse, à faire mes devoirs le jour même où il les avait donnés, à aller à la bibliothèque durant des heures, juste pour lui montrer que je valais la peine qu’on s’intéresse à moi. Ils me trouvaient ridicule et, avec le recul, je me trouve stupide, moi aussi.

A croire que c’est vrai, qu’un professeur peut rendre un cours tellement plus intéressant. Il en était réellement capable. Il aimait ce qu’il faisait, il aimait enseigner, et ça se voyait. Je suis certaine que, s’il avait été professeur d’Histoire de la Magie, il aurait su nous captiver, ce qui n’est pas une mince affaire, on en convient. Durant toutes ces années, durant la plus grande partie de ma scolarité, il était là. C’est même lui qui…

‘Miss McGonagall, vous êtes très douée en Métamorphose, vous le savez bien. Et même si vous ne le croyez pas, c’est moi qui vous le dis.

- Oui, Monsieur.

- Je ne suis pas disposé à vous forcer la main - mais si j’en avais le pouvoir, qui sait, ah ah - mais je vous conseille fortement de vous renseigner au sujet d’études approfondies en Métamorphose. S’il s’avérait que ça ne vous plaise définitivement pas, vous pourriez toujours changer d’avis, je ne le prendrais pas personnellement - je vous demande juste de me faire confiance. Si vous le désirez, donc, demain, venez me voir dans mon bureau, je vous montrerai quelque avant-goût de ce genre d’études, celles que j’ai faites - qui ont bien changé, depuis, certes, mais vous étudierez sensiblement les mêmes sujets.

- …D’accord, Professeur Dumbledore.

- Je compte sur vous, Miss McGonagall.’

Bien que je paraisse dubitative, mon choix était déjà fait, en sortant de son bureau.

Et pourtant quelques mois auparavant mon discours était bien différent. Je ne voulais pas m’enfermer dans un bureau toute ma vie pour travailler. Moi, je voulais devenir batteuse professionnelle de Quidditch, quoiqu’il arrive. Je voulais m’amuser, je voulais continuer ce sport toute ma vie, jusqu’à ce que je ne puisse plus mettre un pied devant l’autre. J’avais peur.

Je ne jouais pas extrêmement bien. Le véritable problème était que j’étais en fait beaucoup trop dissipée. Incapable de me concentrer, je tapais n’importe où, sans aucune réelle technique. Ça marchait, la plupart du temps, mais c’était juste face aux autres élèves de l’école. Ça n’aurait pas pu marcher contre de grandes équipes, car je n’apprenais rien, finalement. Je ne progressais pas. En réalité je n’avais pas compris que même un sportif de haut niveau a des contraintes, doit travailler, étudier, calculer. Je n’avais rien compris.

Mais j’ai pu quitter cette idée, peu à peu, pour aborder cette nouvelle perspective d’avenir, celle qu’il m’avait proposée. Je me suis rapidement raccrochée à celle-ci. Et ça rassurait mes amis, à mon grand désespoir, car ils avaient l’impression que je me calmais, un peu. Je jouais toujours dans l’Equipe de Gryffondor, et j’y ai joué jusqu’au dernier jour de ma septième année, mais c’était devenu différent. Je n’étais pas moins dangereuse, sur le terrain - au contraire. Paradoxalement, du fait que je n’envisageais plus sérieusement de passer professionnelle, j’avais progressé. Je me concentrais plus facilement. Peut-être était-ce aussi dû au fait que je savais qu’après le mois de Juin, je ne pourrais peut-être plus toucher de batte et frapper les cognards avant bien longtemps. C’était comme une sorte de nostalgie qui s’imprégnait en moi ; j’essayais de me souvenir de chaque match joué, gagné, perdu, de chaque blessure grave, des autres, d’avant et après les matchs, de chaque douche, des quinze heures de sommeil sans interruption qui nous attendaient dès qu’on posait la tête sur notre lit, le soir même. Tout ça.

Et donc, le lendemain, j’allai voir Dumbledore. Et j’en ressortis aussi émerveillée qu’enjouée. J’allais étudier la Métamorphose, et - chose que je n’aurais jamais crue possible auparavant - cela m’enchantait. J’en ai même rêvé la nuit, et même les quelques nuits qui ont suivi. Lui devait ne plus y penser dès l’instant où j’ai fermé la porte de son bureau. Après tout, je n’étais qu’une élève parmi tous ceux qu’il avait, une seule parmi tant d’autres. Mais ça, je le savais. C’est pour ça que je voulais lui montrer de quoi j’étais capable, lui prouver que j’y arriverais. J’allais suivre les traces de la personne qui m’impressionnait le plus au monde, j’allais pouvoir devenir comme lui - enfin, au moins, essayer. J’allais peut-être devenir Quelqu’un, ou peut-être pas, mais une chose était sûre : je deviendrais moi-même.

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Be a teacher
Je voulais rester à Poudlard toute ma vie. Cette phrase, qu’il m’arrivait de me répéter des dizaines de fois dans la même journée, qui m’angoissait tellement quand j’étais jeune, cette phrase, elle me fait sourire, à présent.

Dès ma sortie de Poudlard, à dix-huit ans, je suis partie m’enfermer, étudier d’arrache-pied. Et puis j’ai vécu, après avoir obtenu mon diplôme, j’ai visité le monde, rencontré énormément de personnes, grandi, acquis de la maturité. J’ai oublié, un peu, je l’ai oublié lui.

Mais c’est bien lui qui m’a contactée, un jour du mois de Mai. Le poste de professeur de Métamorphose avait été libéré. Il m’a engagée presque immédiatement, après un rendez-vous où je me sentais plus comme une gamine qui a fait une bêtise face à un adulte : intimidée, je regardais mes pieds. Vous auriez dû voir ça, c’était vraiment très drôle - à bien m’en souvenir. Il m’a montré qu’il ne m’avait pas oubliée, et mieux encore : qu’il avait confiance en moi. J’ai commencé à enseigner dans l’école qui était devenue la sienne, et puis une habitude s’est installée, mais je ne me lassais pas. J’étais heureuse d’être là où j’étais parvenue, et je ne devais ça qu’à mon célèbre professeur.

Forcément Sean a ri, quand il a su. A nouveau ils se sont tous moqués de moi. C’était si irréel, pensais-je. Je n’avais pas pu grandir aussi vite.

A trente et un ans j’ai donc à nouveau pénétré dans l’Ecole, mon école, et puis tout est revenu. Elle avait changé tout en restant la même, étrangement. Elle était telle que je l’avais laissée, mais elle n’était plus mienne. C’était drôle d’un certain côté, de tout redécouvrir. J’ai visité tout le château de fond en comble - du moins, tout ce que je connaissais - me suis assise dans les endroit où nous nous retrouvions, devant le lac, dans la Grande Salle. J’ai marché sur le terrain de Quidditch, et j’ai même pu retourner dans la Tour du Lion, dans le dortoir, sur mon lit. Un lit qui n’était plus le mien depuis quelques années déjà, et qui serait à nouveau à quelqu’un d’autre le lendemain. Une autre jeune fille, une première année, qui serait perdue ici, dans cet immense château. Une autre demoiselle qui grandirait durant sept ans. Avec peut-être moins de drames que ceux que nous avons connus, quand nous étions élèves.

Lui, je l’ai toujours perçu comme quelqu’un de beaucoup trop proche des dieux pour avoir un quelconque désir envers quelqu’un. C’était drôle, de se dire ça. D’imaginer. Quelque part tout cela m’était vraiment trop monté à la tête. J’avais beau affirmer haut et fort que ce n’était qu’une passion platonique, un grand respect et une admiration sans faille, ce que je ressentais, il fallait que j’y songe ; c’était plus fort que moi.

La vie à Poudlard, l’Ecole de Sorcellerie, continuait de passer sans même se faner.

J’étais joyeuse de pouvoir voir régulièrement des entraînements de Quidditch, des matchs, et soutenir mon équipe. La rouge et or. Je ne suis plus remontée sur un balai de sport depuis mes vingt-cinq ans. C’était étrange, après, de regarder les joueurs d’une toute autre façon. Avec du recul. J’aurais pu donner des conseils, hurler à tel ou tel joueur de se placer autrement - mais l’impartialité qu’un professeur devait avoir m’en empêchait. Il m’arrivait parfois de m’imaginer à la place d’un batteur, et j’avais des remontées de nostalgie, des bouffées de joie et de peine à la fois. J’avais tellement envie d’y retourner, mais je n’en étais plus capable. Je ne voulais plus jouer, finalement. Je voulais juste revenir à l’époque où j’avais tout juste dix-sept ans ; tout était plus facile. A bien y repenser, j’ai toujours eu ce même désir : rester cette apprentie adulte, pleine de doutes mais de vie aussi, d’une force indomptable et de quelque chose d’autre, aussi, je ne saurais pas bien dire pourquoi mais je pense que c’était ça - l’avenir devant soi.

A rester enfermée dans une école dix mois dans l’année, il devenait clair qu’entretenir une vie de famille allait se révéler totalement impossible. J’y ai donc renoncé. Je savais à quoi m’en tenir dès l’instant où j’ai posé mon talon sur la première marche de l’entrée, cette année-là. Je me décidais à consacrer ma vie à cette envie d’apprendre aux autres comme on m’avait appris, jusqu’à ce que je n’en puisse plus ; au pire, si je rencontrais La personne, je n’aurais qu’à arrêter, j’étais prête à ça. Mais, au plus profond, en dessous de tout ça, c’était lui qui me donnait l’envie et la force de passer mes journées à enseigner. J’avais clairement envie de lui montrer que j’étais là, que je serais toujours présente dans son école. Même si je savais que je n’aurais rien d’autre qu’une confiance mutuelle et, à la rigueur, une complicité sans arrière pensée.

C’est étrange comme, quand on est élève, on est persuadé que nos professeurs n’ont aucune vie en dehors de nous ; parfois, on a raison. Dans mon cas, c’était vrai. Bien sûr, il y a eu les vacances d’été, où il s’est passé énormément de choses en autant d’années…Entre les visites à la famille, aux amis, les histoires courtes, les sorties dans les stades, les retours à pied car on avait trop bu - qui se raréfiaient avec le temps, bien heureusement - mes deux mois d’été étaient généralement chargés. Mais la fin du mois d’Août arrivait, et c’était différent. Je me refermais automatiquement. J’allais le voir, et tout changeait en moi. Il m’est impossible de décrire cette sensation, c’était comme une impalpable bouffée d’air chaud dans la poitrine, mais je n’ai jamais compris ce qu’elle signifiait vraiment.

Ce qui m’énervait le plus était le fait qu’il ne semblait même pas se soucier de ce que j’avais fait durant les deux mois où nous retournions à l’extérieur. Je savais bien que je ne devais pas attendre quoique ce soit, mais ça m’a toujours fait ce drôle d’effet-là. Moi, je voulais savoir ce qu’il s’était passé dans sa vie pendant ces soixante jours. Bien évidemment je ne pouvais rien demander, ça n’aurait pas paru poli, et surtout, ça aurait eu l’air totalement déplacé. Ridicule. Il ne me devait rien. J’étais un professeur, et lui mon supérieur.

C’était aussi simple que ça, pourtant.

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Voilà voilà...

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