Espoirs d'antan

Mar 23, 2007 18:17

Note de la modératrice: Grrr... A 1000 mots près, ça passait en un poste... TTnTT

Titre: Espoirs d’antan (partie 1: De rêves et d'aventures)
Entraîneur:
ezilda
Equipe/Joueurs: Charles Weasley, Olivier Dubois, Katie Bell, Marcus Flint
Catégorie: Exhibition « Kouidditch »
Rating: PG
Note de l’entraîneur: Pour les besoins de l’histoire, j’ai légèrement modifié le prénom de Charlie en Charles.
Résumé: Charles, le cadet du Seigneur Weasley, ne supporte plus les intrigues de la cour. Lorsqu’il apprend que le mariage qu’il désapprouvait, lui est imposé, il décide de fuir pour quérir l’aventure.

Espoirs d’antan

* *
*

Partie 1 : De rêves et d’aventures

Si le château était immense, ce n’était guère pour abriter quelque puissante armée, ni pour protéger la population paysanne alentours ou bien dans l’espoir utopique de créer une prospère cité pleine de vie et de richesses. Charles le dos contre un chêne, éloigna une mèche rousse de devant son regard bleu. La bise glaciale transperçait ses vêtements, le faisant grelotter. Mais peu lui importait. Il n’y avait que cette place forte sur la colline verdoyante face à lui, cet endroit qui aurait pu être un lieu paisible et agréable à vivre si son père n’avait eu la folie des grandeurs. Le pouvoir, l’envie, les richesses, il n’y en avait plus que pour ça. Un château démesuré à la hauteur des ambitions du sieur Weasley, régnant sur les contrées de Durham. La grandeur pour la grandeur, la gloire pour la gloire, rien derrière tous ces objectifs et toute cette mégalomanie. De quoi faire pâlir le jeune homme de vingt et quelques années, bel âge pour rêver d’un monde meilleur où les idéaux prévalent sur les basses ambitions matérielles. On dit que le pouvoir peut faire tourner la tête de n’importe quel homme, mais il n’en était pas ainsi pour Charles Weasley, fils du seigneur de ces lieux. Certains disaient que la maturité se chargerait de le remettre sur le droit chemin. D’autres riaient derrière son dos de cette faiblesse évidente.

Le sieur Weasley avait beau se moquer des lubies de son cadet, il n’en restait pas moins que celui-ci restait libre d’agir à sa guise et notamment libre de désapprouver la conduite de son père. Du moment qu’il y mettait les formes et savait rester discret, tout était pardonné à l’enfant favori de la reine. A tel point que le conseiller du roi, le rusé Bowen, en prenait ombrage et n’hésitait plus à clamer haut et fort son énervement face à un comportement si puérilement naïf.

Un hennissement retentit derrière le jeune homme. Il ne se retourna ni lorsqu’il perçut des bruits de sabots, ni lorsque la tête d’un cheval vint heurter doucement son dos. L’étalon souleva de sa tête la main de Charles qui ne se fit pas davantage prier pour flatter distraitement l’animal.

« Nous allons rentrer, Bran », soupira-t-il en un murmure que le tumulte du vent rendit inaudible.

Il jeta un dernier regard au paysage puis monta son destrier. Lançant la monture au galop, ils descendirent le monticule et traversèrent les champs de blé et de luzerne qui s’étendaient sur des centaines d’arpent. Quelques paysans s’écartèrent sur son chemin, n’omettant pas de saluer comme ils le devaient le fils de leur monarque.

Charles n’avait guère l’esprit à remarquer ces manifestations serviles. Il coupa à travers un bois ne souhaitant pas devoir traverser le village pour atteindre le château. Il pourrait ainsi entrer dans la place forte par la porte Ouest, bien moins fréquentée de par sa situation face à la forêt. Il passa la porte gardée par deux soldats fièrement armés et se retrouva dans la cour pavée. Il mena son cheval jusqu’aux écuries. Il descendait à peine et flattait Bran qu’un bruit précipité de pas retentit dans les étroits escaliers à la droite du damoiseau. Un écuyer en déboula hors d’haleine.

« Mon Seigneur, il faut vous hâter. Vous êtes attendus, haleta-t-il.

- Morbleu Olivier, calme-toi, s’inquiéta Charles. Qui m’attend ? »

Olivier se redressa et lui lança un regard perplexe.

« Vous n’avez donc pas vu l’attelage du baron Draven dans la cour ? s’étonna-t-il.

- Je suis passé par la porte Ouest, je ne pouvais pas le voir. Le baron Draven et sa fille ? maugréa Charles en esquissant une grimace.

- Oui, Sire. Sa fille Winifred l’accompagne. »

Charles donna d’un air absent un peu de fourrage à son cheval.

« Je ne pensais pas que mon père irait si vite en besogne, gémit-il.

- Il s’agit de votre mariage, n’est-ce pas ? » murmura l’écuyer.

Charles alla s’appuyer contre une des colonnes qui soutenait le toit de l’écurie.

« Evidemment, ragea-t-il en frappant du poing le pilier en bois. Comment pourrait-il en être autrement ? J’avais pourtant fait connaître mon désaccord à mon père.

- Il n’y a - semble-t-il - pas prêté oreille.

- C’est ce qu’il semble. »

D’un geste brusque de la main, le jeune suzerain dégagea les mèches rousses qui parsemaient son front.

« Olivier, je ne veux pas de ce mariage », affirma-t-il.

L’écuyer se retourna, fit quelques pas le long de l’écurie puis revint vers son maître.

« Si votre père m’entendait, il m’exilerait de ses terres sur le champ, marmonna-t-il. Mais il me semble qu’il est temps de prêter quelque réalité à tous vos secrets rêves.

- Que veux-tu dire ? demanda Charles perplexe.

- Vous qui souhaitez depuis tant de temps vous éloigner de ce château que vous haïssez, de cette cour, de ces conseillers corrompus, des complots et des manigances…

- Tais-toi ! fit prestement le jeune noble. Si l’on t’entendait…

- N’en avez-vous point assez de jouer à celui qui se tait même s’il n’en pense pas moins ? persista l’écuyer tenant de capter le regard et l’attention de son maître. N’en avez-vous point assez de vous plier aux manigances du pouvoir ? Votre future union, qu’est-elle ? Une stratégie de plus que ce soit pour davantage de puissance, de richesses, de terres ou d’armées.

- Je ne devrais pas t’écouter.

- Mais vous le faîtes, car nos pensées convergent. Nous avons suffisamment parlé de cela, il est temps d’agir. »

Charles planta son regard bleuté dans les prunelles bien trop fières de son écuyer. Puis il secoua la tête.

« Si nous pensons pareil, nous ne sommes pas aux mêmes places. Tu es écuyer et je suis fils de roi. Crois-tu que ceci te concerne autant que moi ? Il est des responsabilités qui me sont dus de par ma naissance et je n’y peux rien.

- Il me semble que par la grâce du ciel, vous soyez suffisamment pourvus de frères pour que ne vous incombe pas ce que vous réprouvez, railla Olivier. William ou Perceval se feront un plaisir de gérer les affaires de ce fief sans se préoccuper le moins du monde de vous.

- Tu dois avoir raison. Mais s’enfuir en un tel moment me paraît difficile.

- Et en quelle manière ? Ne voici donc pas un bon cheval à vos côtés et une belle bourse bien garnie à votre ceinture ? Il ne vous manque que du courage et vous en avez.

- Peut-être un ami pourrait m’accompagner, proposa le jeune seigneur enhardi par la diatribe de son serviteur.

- Un ami ? Voilà qui flatte votre écuyer, Sire Charles.

- Cesse donc tes manières onctueuses. Nous nous connaissons depuis notre plus tendre enfance. Nous errions déjà dans l’ombre de la forêt que William jouait aux apprentis tyrans. »

Olivier eut un sourire canaille, celui qu’il affectait déjà lorsqu’enfant, ils pillaient les cuisines ou jouaient à diverses aventures que généralement désapprouvait la cour, ce qui avait valu plusieurs punitions à Olivier.

« Si vous le désirez, ce serait avec grand plaisir que je fuguerai avec vous, accepta le jeune écuyer. Vous savez combien je souhaite voir du pays. Ce lieu m’étouffe.

- Oui, je le sais. Il en va de même pour moi, acquiesça Charles. Il te faudrait un cheval cependant. »

Son regard fit le tour des écuries pour se poser sur un étalon noir au comportement nerveux.

« Il te suffit de prendre Orion, ajouta-t-il avec un sourire entendu. Ronald sera plus qu’enchanté que tu empruntes sa monture. Ce lui sera une merveilleuse excuse pour en réclamer une plus à son goût.

- Soit. Je m’en vais quérir quelques victuailles aux cuisines.

- Et je me charge de seller ta monture. »

L’écuyer se figea au seuil de l’escalier et dévisagea le jeune seigneur.

« Vous ne pouvez faire ça, s’indigna-t-il. Ce n’est guère à un prince de…

- Olivier, je t’en prie. Le prince s’enfuit ! Désormais je suis Charles, point. Trêve de toutes ces manières et de cet onctueux vouvoiement. Je pense que cela ne te sera pas d’une grande difficulté d’abandonner ces serviles habitudes. »

Perplexe, Olivier regarda Charles apposer une selle sur l’étalon, puis il se ravisa et s’empressa de disparaître par l’escalier dérobé. Il n’en revint que muni d’un sac qui semblait promettre plusieurs jours de nourriture.

Olivier fit mine de réfléchir.

« Peut-être, il serait mieux qu’on ne te voie pas sortir du château. Cela pourrait paraître suspect que tu déguerpisses hâtivement alors que ta promise vient tout juste d’arriver.

- Je suppose que tu as une idée derrière la tête, nargua Charles malicieux.

- Bien entendu, mon cher Charles, badina l’écuyer. Il te suffit de passer par la poterne St-Christophe. Je me charge d’emmener les deux chevaux au-dehors. Il me suffira de dire aux gardes que je les emmène faire un peu d’exercice dans la clairière avoisinante. Un simple écuyer passera plus inaperçu. »

La poterne était une issue de secours discrète qui permettait une fuite aisée du château en situation d’état de siège. Etonnant que Charles n’y ait songé après les trop nombreuses leçons qu’il avait subies de son précepteur sur l’architecture des places fortes et les stratégies de siège.

« Très bon plan. Ce n’est guère étonnant que cela ait été toujours toi qui concoctais nos bêtises d’enfants, fit remarquer le jeune noble en esquissant un sourire moqueur.

- Sa Majesté me fait trop d’honneur, railla Olivier.

- Olivier ! » protesta Charles en levant les yeux au ciel.

L’écuyer ne se départit pas de son expression moqueuse. A charge de revanche, cela avait toujours été ainsi. On avait eu beau leur expliquer que deux personnes de rangs différents ne pouvaient être amies et badiner de la sorte. A vingt ans, ce n’était toujours pas chose assimilée.

« Soit, que le ciel nous préserve ! s’exclama Olivier. Nous nous retrouverons d’ici quelques minutes au-dehors devant la poterne.

- Si les gardes alertent mon père et qu’ils envoient du monde à notre poursuite… hésita le fils du seigneur Weasley.

- Mon cher Charles, tu sous-estimes ma malice naturelle.

- Je ne pensais pas pourtant.

- Il semblerait que si, contredit Olivier feignant l’exaspération. Dans ce sac-là, il y a quelques habits de voyage qui seront beaucoup plus adaptés que tes vêtements d’apparat. Il ne s’agirait pas de faire savoir à milles lieux à la ronde que tu es un noble en fuite. Cela ne nous attirerait que des ennuis tant que nous serons trop près du fief de Durham.

- Je vois que tu as pensé à tout », conclut Charles, rassuré qu’Olivier veuille bien se charger à sa place de penser à tous ces détails.

Olivier monta Orion, agrippa d’un geste ferme les rennes de Bran et s’engagea dans la cour d’un léger trot.

Quelque peu dérouté par la tournure qu’avait prise sa situation, Charles se dirigea d’un pas hésitant dans la direction opposée qui menait à la poterne. En quelques minutes, Charles Weasley, fils du suzerain de ces lieux, était passé au statut de chevalier errant sans but, sans famille, n’ayant plus que son ancien écuyer comme unique ami et compagnon. Où tout cela le mènerait-il ? Dans une impasse. Vers des jours meilleurs. Et si les choses tournaient mal ?

Tentant d’ôter ces idées noires de son esprit, il se faufila le plus discrètement et sereinement possible entre les baraquements et les cours, jusqu’à parvenir au rempart. La poterne n’était qu’une petite porte renforcée de barres de métal et dissimulée dans un contrefort du mur. Elle pouvait s’avérer difficile à repérer pour qui ignorait son emplacement. Ce qui n’était évidemment pas le cas du Sire Charles. Epiant les alentours, il s’apprêtait à se précipiter sur la poterne pour enfin sortir de cette place forte. Mais un bruit de pas l’arrêta et il se carra davantage contre les froides pierres du rempart. C’est soulagé qu’il s’aperçut qu’il ne s’agissait que d’une domestique se dirigeant vers les cuisines, transportant à son bras un panier lourdement rempli de divers fruits et légumes. Une fois qu’elle fut passée, il se hâta vers la lourde porte, en décrocha le verrou et passa de l’autre côté.

Refermant hâtivement la porte, il s’appuya de tout son poids tout contre. Sa respiration s’était fortement accélérée. Il regarda alentours et tout cet espace verdoyant le ragaillardit. Mais s’il était sorti, ce n’était guère la fin. Se faufilant dans l’ombre du mur, il tendit l’oreille. Ni hennissement, ni bruit de pas, ni joyeuses acclamations d’Olivier. Que pouvait-il bien faire ? Il ne fallait pas tant de temps pour passer la porte Ouest et faire le tour des murs jusqu’ici.

Ses pensées s’égarèrent et inévitablement, il pensa à Winifred Draven, qui devait l’attendre en ce moment même dans la grande salle du château. Cette jeune promise qu’il n’avait jamais vue et qu’il ne verrait jamais. Le portrait qu’on lui en avait fait était plutôt flatteur, certes. Mais ce n’était guère que l’aspect superficiel de la chose. Et si Charles s’était opposé au mariage, Winifred n’en était aucunement la responsable puisqu’il ne la connaissait en rien. Non, ce qui l’avait poussé au refus, c’était purement et simplement le fait qu’on le lui impose. Il aurait pu réagir autrement qu’en adolescent gâté. Mais si l’on se contrefichait de son avis, pourquoi le lui demander ? Charles ne voulait pas d’une épouse fidèle et aimante, il ne rêvait que de liberté, de terres inconnues sur lesquelles faire galoper sa fougueuse monture, et d’aventures.

S’arrêtant un instant, il réalisa : d’aventures s’il en désirait, le voilà servi désormais. Que lui arrivait-il donc ? Comment tout cela avait bien pu commencer ? Parce qu’il avait refusé qu’on lui dicte son comportement ? Sûrement. Tout ce qu’il savait, c’est que peu importaient les risques, il ne reviendrait pas en arrière.

C’est ce moment que choisit le jeune écuyer pour apparaître suivi des deux montures. Soulagé, Charles s’empressa de le rejoindre et s’apprêtait à lui montrer son enthousiasme de le revoir enfin, mais Olivier l’arrêta.

« Allons nous réfugier prestement sous le couvert des arbres. La partie n’est pas gagnée. Il ne faudrait pas qu’un garde nous surprenne pendant sa ronde », murmura-t-il.

Charles acquiesça et imitant son écuyer, monta Bran et traversa les quelques arpents qui les séparaient du bois. Arrivés sous l’épaisse verdure des arbres, l’écuyer continua à plus vive allure, zigzagant entre les fourrés avec une aisance qui laissait aisément deviner combien il connaissait la forêt. Ne sachant où voulait le conduire son compagnon, Charles s’efforça de ne pas le quitter des yeux et de le suivre, et cela ne fut pas sans lui poser problème. Ronces et branches se prenaient dans son pourpoint, le freinant dans son élan, et de plus, se mêlaient de la partie les divers creux et fosses qu’offrait le terrain accidenté. Il n’était pas un habitué de ce genre de courses. Comme les agréables galops dans les champs de blés lui paraissaient préférables. Il remisa ces pensées hors de propos. Il n’était ici guère question de loisir et de plaisir.

Il retrouva Olivier au pied d’une petite falaise cachée de part et d’autre par d’épais fourrés. Il eut à peine mis pied à terre, que des vêtements atterrirent sur son visage, lui cachant la vue.

« Empresse-toi d’enfiler ces hardes, lui intima l’auteur de cet affront qu’était Olivier.

- Je ne pensais pas que tu oublierais si vite les manières qu’ont habituellement les serviteurs envers leurs seigneurs », persifla Charles.

La mine renfrognée d’Olivier fut suffisante pour lui faire comprendre la rudesse de ces paroles.

« Désolé, je ne sais plus trop où j’en suis, s’excusa le rouquin l’air penaud.

- Trêves d’excuses. Enlève donc ce pourpoint écarlate. Il y a de quoi nous faire repérer à milles lieux à la ronde. »

Charles se hâta de faire ainsi qu’il lui disait, même si la gêne de se voir donner des ordres par son ancien écuyer persistait. Olivier amassa les vêtements princiers, les ajouta au ballot appendu à la selle de son cheval et détailla la nouvelle tenue de Charles.

« Voilà qui est mieux. Ce n’est certes pas aussi prestigieux, mais ça aura le mérite d’être passe-partout et plus confortable. Nous vendrons ceci, affirma-t-il en désignant le ballot de riches habits, lorsque nous trouverons un village suffisamment éloigné. »

Sur ce, Olivier remonta sur sa monture et enjoignit Charles d’en faire de même.

« Allez, votre Majesté, s’exclama-t-il avec un sourire éclatant. Il ne fait pas bon traîner ici.

- Votre Majesté ? ronchonna Charles. Je n’arrive pas à déterminer s’il s’agit d’une ancienne marque de respect ou d’une moquerie.

- Sûrement les deux », railla le jeune homme brun.

Il dévisagea Charles qui observait circonspect ce qui devait être sa nouvelle tenue de voyage.

« Es-tu sûr de vouloir ça ? interrogea-t-il.

- Pardon ? demanda Charles tout en écartant une mèche rousse de son front.

- Es-tu sûr de vouloir quitter toutes ces richesses et tout ce prestige pour partir à l’aventure ? expliqua Olivier. C’est une décision risquée. Ce n’est peut-être qu’un coup de tête.

- Insinuerais-tu que je ne suis pas suffisamment intelligent pour décider de ce qui est bon pour moi ? grinça Charles.

- Loin de moi, cette idée.

- Alors, je ne tiens plus à ce que l’on aborde ce sujet. »

A la lueur froide qu’il perçut dans les yeux bleus de Charles et à son visage fermé, Olivier sut qu’il n’y avait effectivement plus matière à discuter.

« Qu’attendons-nous, Olivier ? Nous y allons ? A moins que ce ne soit toi qui aies des regrets maintenant. »

Olivier releva fièrement la tête et répliqua sèchement :

« Je n’ai rien à perdre, moi.

- Soit. Alors, allons-y ! »

D’un coup d’éperons, Charles mena son cheval au galop et Olivier s’empressa de le suivre.

« Le Nord, nous allons donc vers le Nord. Ainsi soit-il », pensa-t-il.

Ils chevauchèrent ainsi sur des milles et des milles. Qu’augmente sans cesse la distance qui les séparait du fief des Weasley, était la pensée obsédante de Charles. Ils usèrent leurs montures jusqu’à la tombée de la nuit. Epuisés, ils s’arrêtèrent et se réfugièrent dans un bois. Ils ne parlèrent ni d’où ils allaient, ni de ce qu’ils comptaient faire. Ils n’en avaient ni le courage, ni l’envie, se contentant de savourer leur liberté toute nouvelle. La nuit les enveloppa de sa sombre douceur et ils sombrèrent dans les délices d’un sommeil mérité.

Les rayons lumineux perçant à travers les arbres ne furent pas suffisants pour les éveiller de leur torpeur. Non, ce qui sortit bien trop brusquement Charles de son sommeil, fut une sensation sur son visage. Frémissant, il ouvrit grand ses yeux. Ses réflexes le firent reculer précipitamment et porter la main à son épée.

« Nul besoin d’avoir peur, chevalier », susurra une voix chevrotante.

Une vieille femme revêtue de hardes sombres se tenait devant lui. Elle ne ressemblait guère à quelque heureuse grand-mère et si Charles ne se prétendait pas superstitieux, il aurait volontiers cru que l’apparition pouvait être une sorcière. Ces longs cheveux d’un gris sale et le capuchon qui tentait de dissimuler son visage ne pouvaient que l’encourager dans cette voie. Il secoua la tête nerveusement et lâcha le pommeau de son épée. Une pauvre vieille femme ne pouvait en aucun cas être un danger.

Il jeta un regard à Olivier, qui gisait quelques mètres plus loin, toujours assoupi sous sa couverture.

« Qui êtes-vous ? Et pour quelle raison avez-vous troublé mon sommeil ? » demanda Charles décontenancé par cette apparition inattendue.

La vieille releva la tête et sous le capuchon, il put apercevoir un regard d’un bleu si clair qu’il en était réellement effrayant. Charles essaya de maintenir sur son visage une expression déterminée et farouche en bon guerrier qu’il était.

« Il n’y a nulle crainte à avoir, chevalier, répéta-t-elle. Je ne suis qu’une vieille paysanne qui passant par là, s’est retrouvée surprise de voir assoupis ici deux jouvenceaux.

- Je ne suis pas un jouvenceau et je n’ai aucune crainte », s’indigna Charles.

Un sourire déforma les traits grossiers de la paysanne.

« Je ne voulais pas vous offenser. A mon âge - qui je dois le déplorer, est particulièrement avancé - vous auriez pris cela pour le plus beau des compliments. L’apanage de la jeunesse est bien de ne penser qu’à soi, soupira-t-elle.

- Que me voulez-vous ? répéta le jeune homme.

- Il n’y a qu’une chose que j’aimerais que vous me permettiez. Un aussi beau jeune homme doit avoir un bel avenir devant lui. J’aimerai vous aider.

- M’aider ? s’étonna Charles. Je ne vous connais que depuis un instant et vous prétendez vouloir m’apporter quelque aide. Quel est le piège ? »

Un ricanement s’échappa du gosier de la paysanne.

« Méfiant, sourit-elle. Vous avez raison. En ces temps troublés, il ne faut faire confiance en personne. Mais vous n’avez rien à craindre d’une pauvre vieille femme comme moi. Comment pourrai-je vous nuire ?

- Vous pourriez être une sorcière », retentit une voix grave.

Charles se retourna pour voir Olivier dont l’expression renfrognée et la main maintenue sur son épée ne lui disaient rien qui vaille.

« Ne me dis pas que tu crois en de telles sornettes, persifla Charles.

- On n’est jamais trop prudent, répliqua le jeune homme, toujours sur ses gardes.

- Jeune chevalier, je ne demande qu’une chose : donnez-moi votre main un instant, dégoisa la vieille femme d’une voix suppliante et grinçante. Que cela vous coûte-t-il ? Je pourrais y lire le bonheur, la gloire ou si vous le désirez, répondre aux questions qui siègent en votre cœur. Mon vieil âge pourrait vous être d’agréable conseil. »

Charles n’eut guère le temps de se soustraire à l’emprise de la vieille. Plus vive que l’éclair - chose étrange pour quelqu’un de cet âge - elle s’empara de sa main droite.

« Hmmm… fit-elle d’un air secret tout en contemplant les traits mystérieux qui barraient la paume du jeune seigneur.

- Qu’y voyez-vous ? demanda Charles, ne pouvant retenir sa curiosité.

- Voyons, vous n’avez pas cru pareilles fadaises, ricana-t-elle tout en le dévisageant, ses yeux brillants de malice. Comme si en lisant les lignes de votre main, on pouvait connaître l’avenir. Ma foi, si tel était le cas, tout serait si simple sur Terre. »

Vexé, le rouquin retira prestement sa main des griffes de cette démente et il foudroya du regard Olivier qui ne parvenait plus à cacher son hilarité.

La vieille leva les yeux au ciel comme pour le prendre à témoin de la bêtise des jeunes hommes.

« Si maintenant, vous désirez les conseils d’une paysanne expérimentée, reprit-elle plus gravement. Je crois que vous avez tout intérêt à poursuivre votre périple vers le Nord.

- Et pourquoi devrions-nous t’écouter, vieille folle ? demanda Olivier redevenu méfiant.

- Au Nord se trouve le Quidditch, glosa-t-elle d’un ton mystérieux.

- Et qu’est-ce donc que cela ? » interrogea Charles.

Un sourire morbide étira les lèvres fines de la paysanne.

« A bien des milles d’ici, se trouve un village nommé Shepherd. Dans ses alentours, il y a une grotte. Seuls les fous ou les faibles d’esprit osent s’y aventurer, car y réside le Quidditch, un monstre tout droit sorti de l’Abîme et qui n’a de cesse de dévorer les jeunes filles du pays.

- Et en quoi cela nous intéresserait ? questionna Charles qui sous des aspects de moquerie, prêtait une oreille attentive à de pareils propos. Nous ne sommes ni fous ni faibles d’esprit. Et cette bête hideuse ne nous concerne en rien.

- Vous avez chacun une épée, du courage et un bon cœur. Les habitants de cette région souffrent de voir leur progéniture disparaître jour après jour. Seuls de vaillants chevaliers tels que vous pourraient mettre un terme à cette malédiction. Pensez-y. »

Sur ces paroles, elle se détourna et repartit d’un pas chancelant, laissant les deux damoiseaux songeurs et intrigués. Mais avant qu’ils n’aient pu prononcer le moindre mot, la voix de la vieille dame résonna une dernière fois :

« Que les divinités veillent sur vous et vous inspirent de bonnes actions… messire Charles, cadet du seigneur Weasley, et Olivier Dubois, écuyer de votre état. »

Les deux hommes se jetèrent un regard stupéfait, mais lorsque leurs yeux se reportèrent sur l’endroit où se tenait quelques secondes plus tôt l’inconnue, elle n’y était plus.

« Volatilisée », souffla Olivier.

Le silence s’installa quelques instants, lourd de perplexité et de réflexions. Cependant, les bruissements de la forêt n’étaient guère propices à la tranquillité d’esprit des deux damoiseaux.

« Voilà une étrange bonne femme, commenta Charles l’air songeur.

- C’est une sorcière », cracha Olivier que cette croyance ne quittait pas.

Charles leva les yeux au ciel.

« Bien sûr, et d’ici quelques minutes, nous la verrons dans le ciel chevauchant un balai, ironisa-t-il. Voyons, elle n’a fait aucune magie.

- On ne l’a peut-être pas vu, argua l’écuyer, dont les sourcils froncés donnaient une expression féroce. S’il le faut, nous sommes maudits.

- Elle ne semblait pas nous vouloir du mal.

- Mais elle connaissait nos noms ! s’exclama le jeune homme brun, indigné de tant de désinvolture. Bon sang, Charles ! C’est une sorcière. Il vaut mieux déguerpir au plus vite. »

Contre toute attente, le rouquin s’assit à terre et sembla réfléchir.

« Le Quidditch… marmonna-t-il. Elle nous a recommandé d’aller à son encontre et de le combattre. »

Olivier, en quelques enjambées, fut devant lui, l’air furieux.

« Dis-moi que tu ne parles pas sérieusement ! gronda-t-il, tout en gesticulant comme un forcené. Nous n’allons pas nous précipiter au-devant de la mort, juste parce qu’une vieille folle nous a fait la grâce de nous prodiguer ce merveilleux conseil. Qu’avons-nous à y gagner ?

- Après tout, pourquoi ne le ferions-nous pas ? considéra Charles qui semblait plus parler pour lui-même que pour son compagnon, dont il ne paraissait pas discerner la colère. Où allons-nous ? Que faisons-nous ? Rien. Ca ne peut rien nous coûter d’essayer.

- Nos vies ne sont rien, bien entendu », railla Olivier avec mauvaise humeur.

Charles releva la tête et croisa avec consternation le regard rageur de son ami.

« N’as-tu pas confiance en ton épée et en ton courage ? demanda-t-il.

- Face à un monstre pareil qui doit être armé des atouts les plus vils jamais prodigués par les forces ténébreuses, non, répliqua fermement Olivier avec un bon sens qui lui semblait évident. Surtout au vu de mon expérience, qui tend à se limiter à tes cours d’escrime et de combat auxquels - dois-je te rappeler - j’ai seulement assistés.

- Tu n’es pas obligé de venir avec moi. Je ne t’y ai jamais forcé. Je voulais la liberté, je l’ai eu. Il en va de même pour toi. Nos chemins peuvent se séparer ici même. »

Olivier se détourna et dans un mouvement de colère, envoya voler une pierre par un coup de pied magistral. L’expression de Charles se fit plus perplexe face à ce geste peu compréhensible.

« Tu es insultant quand tu t’y mets, s’offusqua Olivier. Crois-tu donc que c’est par esprit de servitude que je te suivrais dans cette quête ? Morbleu, tu es mon ami et jamais je n’ai escompté t’abandonner. Soit ! Si tu désires te lancer dans cette folle escapade, je suis d’accord. Rien ne nous empêche de nous rendre jusqu’au village de Shepherd et de décider là-bas de ce qui est bon pour nous. »

Le sourire de Charles se fit rêveur au grand dam de son compagnon.

« Ce serait une noble quête que de délivrer tous ces gens de pareille atrocité », allégua le jeune noble.

Olivier eut une grimace qui semblait en dire long sur son désaccord. Peu importait le manque de bon sens de son ami, il serait toujours temps de le faire redescendre sur terre une fois à Shepherd, lorsqu’il constaterait que ces histoires de chevalier au grand cœur ne tenaient plus face à un monstre haut comme une montagne avec force dents et griffes aiguisées. Olivier remballa leurs affaires et les accrocha solidement à la selle de son cheval.

« Allons donc à Shepherd, concéda-t-il. Continuer notre voyage vers le Nord aura au moins le mérite de nous éloigner du fief de ton père. »

Le visage de Charles s’éclaira, il s’empressa de se relever et de monter à cheval.

Le voyage se poursuivit quelques jours sans incident notable pour les deux amis. Si Charles montrait quelques difficultés à s’adapter à l’inconfort matériel de cette nouvelle vie, il savait le cacher ou du moins il faisait des efforts et n’inondait pas Olivier de moult plaintes. Mais le temps aidant, le château et les grandes flambées qui régnaient dans les nombreuses cheminées, se faisaient oublier. Les nuits glaciales, le vent s’infiltrant sous les tuniques et les quelques giboulées n’étaient plus qu’habitudes. Qui eut cru qu’un prince gâté puisse se faire si vite à cette nouvelle vie de misère ? Pas Olivier Dubois en tous cas. Si grande que puisse être son amitié envers Charles, il se pensait lucide face aux gens de la noble société. Cependant, de par l’opiniâtreté de son noble compagnon, il lui fallut changer peu à peu ses préjugés. Il semblait que la nature acariâtre n’avait pas su entamer la volonté farouche de Charles, celle qui le poussait au Nord, vers Shepherd, vers un monstre nommé Quidditch… Comme si cet objectif était là uniquement pour combler le néant de son nouvel avenir.

Novembre approchant et avec lui ses frimas, le périple devenait des plus rudes. Ils avaient parcouru une très grande distance depuis leur fuite et la crainte d’être reconnu s’était estompée, ce qui leur permettait d’arpenter les grandes routes, leur évitant ainsi des détours malaisés. Si la bourse de Charles pourvoyait encore à leur approvisionnement et à leur fournir d’épais manteaux, cela ne suffisait plus à supporter le froid glacial des nuits. Quand ils entraperçurent au loin une grande maisonnée flanquée de plusieurs bâtiments et entourée de larges champs clôturés, il n’eurent guère besoin de paroles pour exprimer l’idée qui leur était venue spontanément. Une aussi riche bâtisse devait avoir d’immenses cheminées, pensèrent-ils avec délice. L’on donnerait bien l’hospitalité à deux chevaliers errants en échange de quelques piécettes d’argent.

Ils mirent pied à terre sous le fin crachin glacial et Olivier frappa vigoureusement à l’épaisse porte de bois, tandis que Charles observait les alentours. Nombreux animaux s’ébattaient dans les champs qu’une forêt s’étendait au loin. Vaches, volatiles en tout genre, chevaux, moutons, le propriétaire des lieux semblait vivre dans l’aisance.

La porte s’ouvrit enfin pour laisser apparaître dans l’embrasure une femme à l’allure puissante. Rougeaude, le visage fort, elle scruta les deux hères tout en s’essuyant les mains sur son tablier.

« Que puis-je pour vous ? demanda-t-elle sèchement.

- Madame, excusez-nous de vous importuner, entama Olivier avec un sourire et des manières onctueuses que ne lui connaissait guère Charles. Nous ne sommes que deux chevaliers errants qui cherchons l’hospitalité pour la nuit. »

Charles aurait bien juré à l’expression de la femme qu’elle s’apprêtait à leur claquer la porte au nez, si une voix gaie comme un pinson ne l’avait coupée dans son élan :

« Allons Magda, laisse-les entrer. Il fait si froid, dehors. »

Même en se tordant le cou, le rouquin ne put distinguer d’où venait leur salut. Grognant et râlant, la matronne ouvrit plus largement la porte, et ils ne lui laissèrent guère le temps de se raviser, se précipitant hâtivement à l’intérieur. La chaleur des lieux s’infiltra agréablement sous leurs vêtements et Olivier poussa un soupir d’aise. La pièce était véritablement très grande, ne pouvant concurrencer les immenses salles du château certes, et le mobilier restait somme toute rustique, mais les nombreuses personnes traversant ça et là, étaient suffisantes pour comprendre que même s’il ne s’agissait que d’une ferme, le propriétaire devait tout de même posséder une petite fortune.

« Madame, quelqu’un pourrait-il s’occuper de nos chevaux ? » demanda Olivier avec un sourire charmeur à la dénommée Magda.

Celle-ci ne prit pas la peine de répondre, mais adressa un signe à un domestique qui hocha la tête. Il semblait que la gouvernante ne soit pas du genre très bavard ni même hospitalier. Elle semblait fulminer en observant leurs vêtements malmenés par la pluie. Alors que Charles commençait à se sentir très mal à l’aise face à l’attitude inquisitrice de la matronne, une jeune fille passant en trombe dans le fond de la pièce attira son regard.

« Mademoiselle Katie », héla Magda sur un ton qui ne souffrait aucun refus.

La jeune personne s’arrêta dans son élan et se hâta de venir les rejoindre. Charles eut un sourire en voyant le charmant minois de cette damoiselle. Une bouche mignonne, deux jolies joues roses, deux yeux noirs brillant d’un éclat vivace, que voilà une charmante apparition. Cela faisait si longtemps qu’il n’avait vu d’image si rafraîchissante. Elle semblait pétiller.

« Oui Magda, fit Katie avec un semblant de courtoisie qui ne s’accordait guère avec la malice de son sourire.

- Vous avez accordé l’hospitalité à ces jeunes gens. Je vous prierai maintenant de vous occuper d’eux, somma-t-elle.

- Bien entendu, Magda, acquiesça la jeune fille. C’est tout naturel. »

La matronne eut un soupir d’exaspération, puis se détourna et alla vaquer à ses occupations vers ce qui semblaient être les cuisines.

« Désolée, s’excusa Katie sur un ton plus enjoué que navré. Magda a l’air plutôt rude au premier abord. Mais au fond, c’est un ange. Il suffit juste de savoir s’y prendre.»

Elle s’amusa de la grimace dubitative d’Olivier, puis les dévisagea sans aucune pudeur, causant une rougeur intempestive sur le visage de Charles, à qui elle adressa un timide sourire.

« Mademoiselle, pourrions-nous avoir l’honneur de savoir à qui nous devons cette charmante hospitalité ? demanda Olivier avec une pointe d’agacement que Katie sembla ignorer.

- Oh, je suis navrée. Dans la précipitation, j’en ai oublié toutes mes bonnes manières. Je suis Katie, la fille du propriétaire de ces lieux, Augustus Bell. Et vous êtes ?

- De simples chevaliers errants, s’empressa de répondre Olivier, au vu du soudain manque de répartie de son compagnon. Voici Charles Weasley et je suis Olivier Dubois.

- Enchantée messieurs. Mon père ne devrait pas tarder à revenir. Il est parti régler quelques affaires. Maintenant que ceci est fait, peut-être qu’un bain vous tenterait et nous pourrions vous donner quelques vêtements plus secs », proposa-t-elle gaiement.

Olivier hocha la tête vigoureusement. Leurs frusques détrempées auraient bien besoin de ça et un bain chaud semblait promettre mille délices après avoir passé plusieurs jours à subir le froid et les intempéries.

Ils suivirent la jeune maîtresse de maison, qui les mena à travers des couloirs et des escaliers étroits jusqu’au premier étage où elle ouvrit une large porte. Au grand bonheur d’Olivier qui semblait aux anges, ils découvrirent en cette pièce une vaste baignoire ainsi que nombre onguents et savons pour la toilette.

« Des domestiques vont venir remplir la baignoire et vous apporteront des vêtements plus confortables, explicita Katie. Vous pourrez ensuite aller vous sustenter en cuisine. »

Sur ces paroles, elle referma la porte et les laissa seuls dans la vaste pièce. Olivier s’approcha de la baignoire avec une expression ébahie.

« Je n’ai jamais pu me baigner ailleurs que dans la rivière ou cet infâme baquet qui servait aux domestiques. »

Il s’assit sur le rebord de la baignoire, en caressa la paroi émaillée, puis jeta un regard perplexe à Charles.

« Te sens-tu bien ? Tu n’as pas pipé mot depuis que nous sommes entrés en cette demeure. »

Le rouquin eut un rire nerveux.

« Je suis juste un peu éprouvé.

- Par cette jeune Katie ? » maugréa Olivier, dont les yeux noirs restaient obstinément fixés sur Charles.

Cette question impudente fit monter le rouge aux joues du rouquin.

« Où vas-tu chercher pareille idée ? bafouilla-t-il.

- A tes joues rouges et à ton silence inhabituel, qui sont plus éloquents que tout ce que tu pourras arguer.

- Voyons… tenta l’offensé de se défendre.

- Ne fais pas de bêtises, Charles, le coupa sévèrement l’écuyer. Tu m’entends ? Il ne serait pas bon d’abuser de l’hospitalité que ces braves gens veulent bien nous accorder. »

Pour le coup, le visage du rouquin s’embrasa véritablement et il paraissait impossible de déterminer si c’était de honte ou de colère.

« Olivier ! Tu ne me crois pas capable de déshonorer nos hôtes ainsi ?! gronda-t-il.

- Je me méfie de toi, tout autant que d’elle, marmonna Olivier la mine préoccupée.

- D’elle ? »

Olivier eut un geste de la main, comme pour faire comprendre à Charles que ce n’était rien et que ce n’était guère la peine de poursuivre. Ce qui ne manqua pas de laisser le jeune noble décontenancé par ces dernières paroles.

Le rouquin ne chercha pas à en savoir davantage. A dire vrai, il était vexé du peu de foi que lui accordait son ami.

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Suite
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