Titre : Intervention
Auteur :
shono_himeFandom : Harry Potter
Personnages : Théodore Nott, Draco Malfoy, Scorpius Malfoy, un peu de Neville Longdubat et de Susan Bones
Rating : G
Disclaimer : Tout est à JK Rowling.
Prompt : "Une fic avec Théodore en directeur de Serpentard, exaspéré à la fois par Scorpius et par la façon dont Draco ne veut pas comprendre que son fils est en train de virer petit con, parce que depuis la mort de sa femme, il est encore plus protecteur. A toi de voir comment Théo résout le problème! (et s'il y a du Théo/Susan Bones ou Théo/qui tu veux de Poufsouffle, je piaille encore plus de joie)"
Note : Écrit pour
taraxacumoff pour
creerpouraider.
« Si vous n’intervenez pas, Théodore, c’est moi qui le ferai. » avait déclaré la Directrice.
En descendant les marches menant au bureau de la Direction, Théodore Nott, Professeur d’Arithmancie et Directeur de Serpentard depuis huit ans n’avait qu’une envie : aller “intervenir” en prenant l’objet actuel de ses ennuis par l’oreille pour lui mettre la tête dans le Lac. Plusieurs fois.
Il déboula dans la cour du Château, surprenant un couple de Gryffondors débraillés qui manquaient décidément de jugeote pour s’adonner à ce genre d’activités à proximité du bureau de Madame la Directrice Deauclaire. Il leur enleva machinalement cinq points chacun, ramassa une cravate qui traînait par terre pour la lancer au jugé à la figure du garçon, puis continua son trajet jusqu’à son bureau.
Une migraine commençait à lui labourer le crâne, comme un petit monstre capricieux à la voix trop aiguë. L’image était particulièrement frappante quand on connaissait la raison de ce mal de tête carabiné. Il avait bien l’intention de se mettre au calme et dans l’obscurité pendant sa petite heure de pause avant d’aller “intervenir”. Il commençait vraiment à détester ce mot.
Malheureusement, en arrivant dans le couloir où se trouvait son bureau, ses espoirs de détente s’évanouirent face à la jeune Serdaigle qui attendait devant sa porte, avec l’air misérable d’un chat passé sous la douche. Il ferma les yeux et se massa le front en reconnaissant une élève de sixième année qui brillait dans sa matière. Si elle venait le voir, ce n’était définitivement pas une bonne nouvelle.
« Miss Jones, que puis-je pour vous ? »
Elle leva de grands yeux mouillés vers lui, le faisant paniquer. Il n’était pas Directeur de Serdaigle, et encore moins spécialiste des problèmes féminins adolescents.
« Il faut que je vous parle, Professeur. C’est à propos du dernier devoir... »
Elle se mordit la lèvre et Théodore sentit un mauvais pressentiment s’installer pour tenir compagnie à sa migraine. Ils commençaient déjà à parler enfants et maison à la campagne.
D’un geste, il lui fit signe de le suivre dans son bureau, fermant la porte derrière lui avec peut-être un peu trop de force. Poudlard avait définitivement une mauvaise influence sur ses nerfs... et ses manières. Ça en devenait problématique.
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Si Poudlard avait une influence néfaste sur les nerfs de Théodore Nott, un de ses élèves avait quant à lui un effet absolument désastreux sur l’ulcère qui s’installait lentement en lui. Il avait presque envie de lui faire payer les frais médicaux qui ne manqueraient pas de suivre. Ou plutôt de les facturer à son père au prix fort.
Il avait remercié Emily Jones, lui avait enlevé quelques points et assigné une dissertation supplémentaire, choisissant de laisser la culpabilité qui semblait ronger la pauvre enfant servir de réelle punition. Il se dirigeait maintenant à pas rapides vers la Salle à Manger, où les bruits de repas s’achevaient. Se postant à côté de la porte, il croisa les mains dans son dos et se mit à attendre sa proie, le visage neutre. Nul besoin pour lui de prendre un air inquiétant. Contrairement à son prédécesseur le plus célèbre à la tête de la Maison Serpentard, Théodore n’impressionnait pas ses élèves par son aura menaçante, ce qui avait parfois tendance à le désoler. Il avait une réputation de professeur sévère et exigeant, mais toujours juste. C’était plutôt tout simplement sa présence à cet endroit qui faisait frissonner les élèves.
Il y avait beaucoup de rumeurs qui couraient sur son compte, souvent très farfelues. Quelques années auparavant, un club s’était même formé pour tenter de prouver à la face du monde que Théodore Nott était un vampire. Les nombreuses gousses d’ail qu’il avait retrouvé dans sa salle de classe ne l’avaient pas fait sourire, mais au moins, il n’avait pas été attaqué par une blonde écervelée armée d’un pieu.
Le fait qu’on ne le voyait que très rarement à la table des Professeurs n’était certes pas la raison principale de cette rumeur idiote, mais cela n’aidait certainement pas. Il pouvait presque entendre des premières années impressionnables frissonner en l’imaginant choisir son repas parmi les élèves repus.
Il n’en était rien, bien sûr, même s’il ressentait une certaine soif de sang à cet instant présent. Fort heureusement pour la grande majorité des élèves, elle était dirigée vers un seul d’entre eux, une charmante tête blonde qui n’avait d’angélique que sa propension de plus en plus développée à montrer ses fesses en public, comme l’illustrait son coup d’éclat après la victoire de Serpentard face à Poufsouffle lors du dernier match de Quidditch. Penelope en avait encore des palpitations dans l’oeil gauche et Neville était pris d’un rire nerveux chaque fois que l’affaire était mentionnée.
En apercevant la raison de sa présence, Théodore se grandit en redressant ses épaules et l’appela d’une voix calme mais coupante, qui trancha net dans le brouhaha autour d’eux.
« Monsieur Malfoy. Un mot, je vous prie. »
Scorpius Malfoy, fils unique de Draco “Je-veux-être-ton-ami-et-maître-Théodore-non-attends-hé-je-te-parle-Nott-bon-sang” Malfoy, s’immobilisa comme un moineau coincé au milieu d’un match de Quidditch et Théodore lut distinctement au fond de ses yeux une profonde envie de fuite. Au moins, il se sentait coupable. Restait à espérer que son sentiment de culpabilité avait la même origine que l’énervement de Théodore, sinon ils en avaient pour la journée.
Face au regard de son professeur, à peu près aussi amical qu’un Moremplis affamé, l’adolescent fit signe à ses compagnons de continuer sans lui, les gratifiant certainement d’une grimace quelconque puisqu’ils se mirent à ricaner avant de s’étrangler et de s’éloigner prudemment. Les Malfoys ne choisissaient définitivement pas leurs compagnons pour leur intelligence.
Traînant un peu les pieds, Scorpius le rejoint, le sac sur l’épaule et l’air insolent. Théodore le toisa quelques secondes, ignorant les regards curieux des autres élèves qui passaient autour d’eux.
« Serpentard se passera de vous au prochain match, et vous me ferez une dissertation de trois rouleaux sur l’influence du chiffre quatre dans les malédictions chinoises. Ça vous fera de quoi vous occuper en retenue ce soir. Oh, et j’enlève cinquante points à Serpentard.
- Vous n’avez pas le droit ! Vous n’avez aucune preuve que j’aie triché, de toute façon ! » éclata Scorpius en relevant le menton avec son plus bel air Malfoy.
Théodore eut un sourire narquois. Le témoignage d’Emily Jones constituait pour lui une preuve suffisante, la jeune fille n’étant pas connue comme une menteuse. Il n’était cependant pas pétri d’illusions. Il était dans la nature des Serpentards de mentir et de tricher. À force de se reproduire entre eux, cela avait même finir par entrer dans leur code génétique. Mais que Scorpius (ou n’importe qui d’autre, d’ailleurs) menace une camarade pour obtenir qu’elle rédige son devoir à sa place dans sa matière, ce n’était pas une chose que Théodore acceptait. Encore plus quand il savait que le tricheur était suffisamment doué pour faire son devoir tout seul.
« Je pourrais également enlever cinq autres points pour avoir insulté mon intelligence, Monsieur Malfoy. Je n’ai jamais dit que vous aviez triché. Vous venez de le faire. Vous avez trois jours pour me rendre cette dissertation. Maintenant, vous pouvez circuler. »
Scorpius rougit de colère et Théodore se demanda où était passé le petit garçon naïf et affectueux dont il se souvenait, le nouvel élève timide mais décidé à faire ses preuves qui avait eu l’air si soulagé d’être réparti à Serpentard et qui lui avait serré la main avec enthousiasme lorsque Théodore les avait accueillis dans la salle commune, ses camarades et lui, le premier soir.
« Mon père paie pour l’équipe de Quidditch, vous savez, fit-il remarquer avec un air boudeur.
- Je le sais. Je sais également que l’équipe se portait très bien avant que votre père ne fasse son premier chèque et qu’elle survivra sans vous pendant un match. Mais si vous voulez continuer à argumenter, je peux aussi rendre cette suspension définitive, » répliqua calmement Théodore.
Il avait l’impression de voir Draco face à lui, dans la façon qu’il avait de taper du pied, de croiser les bras avec entêtement, et jusque dans ses yeux plissés. Comme souvent depuis l’année précédente, Théodore se surprit à chercher en lui une trace de sa mère. Ou, à défaut d’une trace, une preuve quelconque que l’adolescent se souvenait d’elle, qu’il n’était pas juste devenu une copie conforme de son père en effaçant tout souvenir d’Astoria.
« Mais ça n’est pas juste ! s’insurgea Scorpius.
- Ne m’obligez pas à donner dans le cliché infâme en vous souhaitant la bienvenue dans le monde réel, Monsieur Malfoy. Ma décision n’est pas ouverte à discussion. Circulez. Je me chargerai de dire à Pucey de se trouver un autre Poursuiveur. »
Scorpius tourna théâtralement les talons, non sans avoir promis de parler de tout ceci à son père, et partit à grands pas vers sa salle de cours. Théodore soupira. Il n’arrivait pas à en vouloir vraiment à l’adolescent. Ou en tout cas, pas tout le temps. Astoria Malfoy était décédée l’année précédente après six mois de maladie, à la fois trop longs et trop courts pour son entourage. Théodore s’était toujours bien entendu avec elle, certainement parce qu’ils partageaient une incompréhension totale vis à vis de Draco. Mais malgré le caractère difficile de ce dernier, il était indéniable qu’il avait beaucoup souffert de la disparition de sa femme, reportant toute son affection sur Scorpius. Ce dernier, affecté par la perte, s’était retrouvé surprotégé et gâté à outrance par son père, jusqu’à devenir, le deuil et la colère n’aidant pas, une vraie tête à claques.
Une fois de retour dans son bureau, Théodore se servit une tasse de thé et la sirota en réfléchissant, jetant un coup d’oeil régulier à sa montre pour ne pas rater son prochain cours. Il s’attendait à une visite de Draco dans la soirée, pas avant, fort heureusement. Son ancien camarade de classe était prévisible au possible : dès l’annonce d’une punition, il déboulait au Château et demandait à parler à au responsable de cet affront, sur lequel il déversait des seaux entiers de fiel et d’indignation toute paternelle. Théodore remerciait le ciel que le blond soit occupé en journée. Cela lui laissait quelques heures pour signaler à ses collègues de garder un oeil sur Scorpius et, au moins pour Susan et Neville, de ne pas trop triompher : Serpentard avait encore toutes ses chances pour la coupe de Quidditch.
L’après-midi ne pouvait pas être calme. Théodore était pessimiste de nature, ce qui lui avait toujours bien réussi. Il avait appris à s’attendre au pire et il ne fut pas déçu. En quatre heures de cours, un Scorpius Malfoy déchaîné insulta son professeur de Botanique, se garantissant une nouvelle soirée de retenue à rempoter des mandragores sous le regard pointilleux de Susan Bones, puis il se battit avec Albus Potter, Neville Longdubat devant les séparer pour qu’ils ne mettent pas à sac la salle des trophées.
Après avoir écouté, entre deux cours, les doléances de ses deux collègues, et s’être demandé quand il avait été désigné responsable de Scorpius, Théodore acheva sa dernière heure de cours de la journée avec un empressement qu’il dissimula trop bien, au grand désespoir de ses élèves. Il s’assura que Scorpius allait bien passer son heure de retenue en compagnie de Rusard, qui avait l’air en forme. À tête reposée, il arriverait peut-être à se sentir coupable.
Il se retrouva dans la salle des professeurs à boire une tisane avec Neville et Susan, qui le regardaient avec un mélange insultant d’amusement et de pitié.
« Je comprends qu’il soit perturbé, sa mère doit lui manquer affreusement, fit remarquer Neville, toujours généreux. Mais le couver et tout lui passer n’est pas non plus la solution.
- Tu permets que je prenne des notes et que je ressorte tout ceci à Draco ? rétorqua Théodore, pince-sans-rire. Je lui ai répété ce refrain vingt fois depuis le début de l’année, mais il n’écoute pas.
- Scorpius est tout ce qu’il lui reste, objecta Susan en soufflant sur sa tisane.
- Dans ce cas, il se retrouvera sans rien quand il aura définitivement mal tourné. »
Théodore fit tourner sa tasse dans ses mains. Lui aussi avait perdu sa mère tôt, plus tôt, même, que Scorpius. Mais son père ne l’avait pas surprotégé, bien au contraire. La méthode de Draco ne valait pas mieux, mais elle était déjà plus excusable, sauf bien sûr, quand elle finissait par desservir l’enfant, ce qui était le cas actuellement.
Un mois plus tôt, Scorpius avait dérobé des ingrédients dans la réserve de la salle des Potions, ne devant d’avoir encore tous ses doigts qu’à l’intervention de Théodore qui avait réussi à calmer Blaise Zabini avant que ce dernier ne sorte son plus gros hachoir. Draco avait prétendu une passion sans borne de son rejeton pour les Potions. Blaise n’avait guère été convaincu, d’autant que les ingrédients visaient clairement à fabriquer une potion à l’usage essentiellement... disons récréatif.
Trois semaines plus tôt, encore, une bagarre entre Serpentard et Gryffondor avait envoyé les deux équipes de Quidditch dans le lac, la présence du Poulpe ne les empêchant visiblement pas de se cogner allègrement dessus. Aux dires de James Potter, Neville et Théodore avaient paru impitoyables et auréolés d’une colère presque divine en faisant sortir tout le monde de l’eau et en gratifiant les deux équipes d’une retenue générale des plus ingrates avec Hagrid.
Ce Potter en faisait toujours trop et il était trop flatteur pour mériter vraiment sa place à Gryffondor celui-là. C’était à surveiller.
Et voici que Scorpius se retrouvait maintenant à menacer ses camarades et à tricher.
« J’envisage de me mettre en maladie pour dépression nerveuse, déclara très sérieusement Théodore en finissant sa tisane.
- Tu as trop de conscience professionnelle pour ça, voyons, répliqua Susan en remplissant de nouveau sa tasse.
- Sans compter que tu sais qu’il te suffirait d’être absent pour que notre Directrice te désigne volontaire pour lui servir d’adjoint, ajouta Neville.
- Je continue de penser que ce rôle devrait te revenir.
- Tu dis juste ça parce que tu es paresseux, Monsieur le Professeur d’Option.
- Je ne suis pas paresseux ! s’insurgea Théodore en foudroyant une Susan hilare du regard. J’ai des responsabilités extérieures à Poudlard.
- D’accord, tu ne l’es pas. Mais avoue que tu ferais un meilleur Vice Directeur que notre Directeur des Vices, non ? Et tu sais que l’année prochaine, au départ de Filius, ce sera toi ou lui. »
Tandis que Neville s’étranglait dans sa tasse au surnom dont les Professeurs et quelques élèves courageux, affublaient malicieusement Blaise Zabini, la porte s’ouvrit sur l’actuel Directeur adjoint.
« Ah, Théodore, vous êtes là ! Monsieur Malfoy vient d’arriver et il est furieux ! » s’agita Filius en s’épongeant le front.
Maudissant une nouvelle fois son bon coeur, qui lui interdisait de laisser au vieux Professeur de Sortilèges le soin de s’occuper de la Tempête Malfoy, Théodore se leva avec un soupir.
« Surtout, sois ferme ! l’encouragea Susan en lui tapotant la main. Et n’hésite pas à lui faire une tisane, ça lui fera du bien.
- Ou à l’assommer avec la théière, ça lui fera encore plus de bien ! » renchérit tranquillement Neville.
Après avoir promis de creuser l’idée, il quitta la pièce avec un enthousiasme plus que relatif. Il détestait jongler entre sa conscience professionnelle, maudite soit-elle, qui lui imposait une certaine sévérité, et sa conscience personnelle, qui répugnait quelque part à tirer les oreilles à Draco pour son manque total d’intelligence dès que Junior était concerné.
Il traversa rapidement l’école et arrivait à son bureau quand il fut coupé dans son élan par l’apparition imprévue de Blaise au détour d’un couloir. Ce dernier le dévisagea, puis lui tendit un petit coffret rectangulaire sans un mot. Théodore l’ouvrit, curieux et déjà fatigué, dévoilant un hachoir de belle taille.
« Je m’en sers pour couper mes racines les plus coriaces. Il devrait être parfait pour un doigt, même orné d’une belle bague de Lord.
- Je... te remercie, Blaise. Je saurai vers qui me tourner si je décide de faire appel à la violence. Par chance, je n’en suis pas encore là. »
Il assura à Blaise qu’il penserait à lui s’il changeait d’avis, ne souhaitant qu’une chose : mettre le plus de distance possible entre Draco et lui, le blond n’appréciant apparemment pas la propension de Blaise à mettre les doigts de Scorpius sous des choses coupantes.
Il n’espérait bien sûr pas pouvoir se débarasser de Draco aussi facilement qu’il l’avait fait avec Blaise, mais toute la préparation mentale du monde ne suffit pas à lui permettre d’encaisser sans broncher l’onde violente de contrariété et d’indignation baignée d’hypocrisie. Ce simple mélange lui faisait déjà tourner la tête. Pas étonnant que Draco ait été doué en Potions !
« C’est intolérable, déclara le blond dès que Théodore eut refermé la porte derrière lui. Je te préviens, Théodore, si notre amitié ne comptait pas à mes yeux, je serais déjà allé voir la Directrice pour lui demander des comptes.
- Ma porte n’est pas fermée, rien ne t’empêche de sortir. Et je t’assure que mon amitié pour toi supportera très bien que tu ailles défendre ton rejeton ailleurs. Bonjour à toi aussi, je vais très bien, et toi ?
- Oh, ça va, épargne-moi les leçons de politesse !
- Ma foi, si c’est comme ça que tu apprends à Scorpius à être poli, ce n’est peut-être pas lui que nous devrions punir quand il manque de respect à ses professeurs. Quand es-tu libre pour une retenue ? »
De sa chaise derrière son bureau, Théodore entendait presque Draco grincer des dents. Il inspira profondément pour essayer de reprendre son calme. S’il ne restait pas un minimum objectif, la discussion risquait de très mal tourner.
« Tu n’as aucune preuve que Scorpius ait triché !
- Tu n’as aucune preuve qu’il ne l’ait pas fait. Quand à moi, j’ai un témoignage de confiance et un passif qui joue malheureusement contre lui, répliqua-t-il en soupirant. Ecoute, Draco, j’ai puni ton fils et je ne reviendrai pas dessus. Tu vas venir me planter un scandale chaque fois que je fais mon travail pendant encore combien d’années ?
- Mais il ne ferait pas ça ! Scorpius ne ferait pas ça ! »
Théodore secoua la tête et perdit quelques secondes à ranger quelques papiers, refusant de voir au fond des yeux de Draco cette lueur qu’il détestait tant. Celle qui disait “Scorpius est mon bébé, et il est pur et innocent.” Il la détestait tant parce que si elle avait été vraie, ce n’était plus le cas aujourd’hui. La perte de sa mère et l’incapacité de son père à le laisser grandir avaient tout changé. Et puis il y avait autre chose, une impression que Théodore répugnait à exprimer tout haut même si cela allait rapidement devenir nécessaire. Il releva les yeux vers Draco et le dévisagea en silence, s’amusant presque inconsciemment de le voir se tortiller sur sa chaise comme un gamin pris en faute. Il toussota.
« Passons sur le sujet de la punition, je n’y reviendrai pas.
- Mais...
- Draco, le coupa-t-il sèchement. Je suis un Professeur de Poudlard et j’ai des responsabilités. Si tu refuses de punir ton fils comme il faut pour lui éviter de mal tourner, il faut bien que quelqu’un se charge du sale boulot, non ?
- J’élève mon fils comme je veux ! Tu es très mal placé pour me donner des leçons, tu n’es même pas marié.
- Argument invalide qui marche sur beaucoup de Sangs Purs mais pas sur moi. Trouve autre chose. »
Théodore détourna dédaigneusement les yeux, sembla se désintéresser de son interlocuteur. Draco se mordit les lèvres, visiblement irrité, mais Théodore savait que son besoin quasi-maladif d’avoir le dernier mot l’empêcherait de clore le dialogue. Il n’était pas sûr de savoir si cela le réjouissait ou pas.
« Tu n’as pas d’enfant, insista le blond après une seconde de silence vexé. Tu ne sais pas ce que c’est, tu... Scorpius est mon fils. Je le connais.
- Essayons de démêler ces arguments confus... Je n’ai pas d’enfant, mais je m’occupe de classes entières de petites choses étranges qui ressemblent beaucoup à ton fils depuis huit ans, maintenant. Je n’ai pas reçu beaucoup de plaintes, donc j’imagine que j’arrive à être relativement pédagogue. Alors, certes, je ne sais pas ce que c’est que d’avoir un fils, mais je commence à m’y connaître en adolescents et je vois ton fils bien plus souvent que toi depuis son entrée à Poudlard, je te signale. Un autre argument ?
- Tu es odieux, tu le sais ? siffla Draco en croisant les bras.
- Et toi bien mal en point si tu en es réduit à ce genre d’insultes. Essayons de discuter en adultes, s’il te plaît. Scorpius a un problème. Un réel problème. Il ne va pas bien, depuis le décès de sa mère et la façon que tu as de le couver et de tout lui passer ne l’aide pas à faire son deuil.»
Il passa dans le regard de Draco comme un éclair de vulnérabilité qui déplut à Théodore. Pas pour la perte de contrôle, mais plutôt parce qu’il n’avait pas pour vocation de jouer les psychomages pour Malfoys en détresse mentale. Ça n’était pas son plan de carrière. Ça ne ressemblait d’ailleurs en rien à un plan de carrière, même si, il fallait être objectif, il y avait de quoi se faire une petite fortune rien qu’avec les deux derniers spécimens en date.
« Sa mère lui manque, souffla le blond. Il faut juste lui laisser du temps, ça ira mieux après.
- En es-tu sûr ? En as-tu parlé avec lui ?
- Non, je... je n’y arrive pas. Quand Astoria est... Je m’occupe bien de lui, tu sais. Il ne manque de rien.
- À part d’une mère, répéta Théodore à voix basse. Et tu peux le couvrir de cadeaux, lui offrir le dernier balai à la mode, les vêtements qu’il veut ou le meilleur chaudron du magasin, tu ne peux pas remplacer Astoria par des biens matériels. Surtout si en dehors de cela, tu ne parles jamais d’elle à Scorpius. Qu’est-il censé penser ?
- Que je suis là pour lui !
- Non, que ton portefeuille est là pour lui. Il doit se sentir tellement soulagé ! »
Il ne parvint pas à contrôler l’amertume dans sa voix. Il n’était pas plus objectif que Draco en ce qui concernait la meilleure façon dont traiter Scorpius. Lui n’avait pas plus bénéficié du soutien de son père, et il avait peur, quelque part, de reprocher à Draco de n’avoir pas fait mieux que son père. Pourtant, d’un autre côté, son expérience personnelle pouvait également l’aider. Il fallait juste qu’il s’assure de rester objectif. Et de ne pas étrangler Draco. Scorpius en deviendrait complètement insupportable.
« Alors que suis-je censé faire, hein ? Puisque tu es si intelligent, trouve-moi la recette miracle ! s’énerva le blond, sans se rendre compte du désespoir presque palpable qui teintait sa réplique.
- Il n’y a pas de formule magique qui permet de guérir un enfant de la perte d’un parent. Mais je t’assure en revanche que cette guérison ne passe pas par des montagnes de cadeaux et une incapacité à le punir en cas de besoin. Scorpius est encore jeune : il a besoin qu’on lui pose des limites, pour savoir où il en est. Certainement, quelque part, qu’il en a besoin pour savoir qu’on s’intéresse à lui. Si tu lui passe tout, c’est comme si tu te désintéressais de lui. Et si tu ne parles jamais de sa mère...
- Je n’y arrive pas, d’accord ? le coupa Draco d’un ton défensif.
- Mais lui en a besoin. C’était sa mère. Elle lui manque, c’est évident, et il a besoin de mettre des mots dessus. Et si tu n’es pas capable de l’écouter, alors peut-être que tu devrais envisager de payer quelqu’un pour le faire à ta place... et t’aider à dépasser le deuil pour arriver à en parler, parce que ce n’est pas sain non plus. »
Théodore s’attendait à essuyer une tempête de protestations, comme quoi les Malfoys n’ont pas besoin de psys, ou une autre bêtise du genre, mais il n’en fut rien. Draco gardait la tête baissée. Ses cheveux commençaient à se parsemer. Ils ne rajeunissaient pas, ni l’un ni l’autre, mais leur rapport au deuil semblait ne pas avoir changé. Là où Draco niait de toutes ses forces, comme si sa seule volonté pouvait annuler l’évènement honni, Théodore analysait tout de loin, sans jamais arriver à se laisser toucher.
« Est-ce que tu ne pourrais pas le faire, toi ?
- Quoi ? Parler à Scorpius ?
- Astoria et toi, vous vous entendiez bien.
- Ca ne suffit pas. Elle s’entendait bien avec Blaise, et pourtant tu ne vas pas lui confier ton fils pour autant. »
Draco verdit légèrement, au grand amusement de Théodore, même si au fond, il comprenait son horreur.
« Mais toi, tu... tu sais parler. Tu y arriverais. »
Théodore soupira, une pointe d’irritation le faisant froncer les sourcils.
« Pour cela, il faudrait déjà que tu arrêtes de miner l’autorité des professeurs en déboulant ici comme une furie dès que ton fils est puni. Contrairement à ce que tu sembles penser, personne ici ne prend les Serpentards pour des souffre-douleurs et aucun professeur ne les martyrise pour le simple plaisir de se venger de leurs parents, d’accord ? En tant que Directeur de Serpentard, je m’assure que les punitions soient justes, et quand Scorpius se bat avec ses camarades, met à sac la réserve de Potions ou tyrannise une camarade pour qu’elle fasse son devoir pour lui, j’estime qu’il n’y a là aucune raison de le défendre ou de lui faire un cadeau pour soulager son petit ego blessé par la punition. »
Draco ravala avec difficulté une réplique, certainement acide vu la grimace qui tordit son visage. Un Malfoy, même accablé par le deuil, ne perdait jamais son orgueil, mais Théodore n’avait jamais été impressionné par ce qui restait pour lui une arme dérisoire.
« De Professeur à parent d’un élève en difficulté, je te conseille de le faire suivre par un spécialiste. S’il a besoin de parler en plus, je ne lui fermerai jamais ma porte. Et en tant qu’ancien camarade de classe, je te conseille de te faire suivre également. Vous en avez tous les deux besoin. »
Draco triturait nerveusement la bague en or qui symbolisait son statut de Lord Malfoy, avant que son regard ne s’égare vers celle, relativement semblable, bien que faite d’argent, qui ornait le petit doigt de Théodore. Ce dernier se permit un petit sourire satisfait que Draco se souvienne qu’il parlait à un égal. C’était toujours une bonne idée de remettre les choses en perspective avec celui-là.
« Les vacances de Noël approchent, reprit-il calmement. Invite ton fils à rentrer les passer avec toi et essayez de discuter. Et par la barbe de Salazar, essaie de lui mettre un peu de plomb dans la cervelle ! Il va finir par s’envoler, à ce rythme !
- Et pour le Quidditch ? »
Théodore leva les yeux au ciel avec un grognement irrité.
« Pour l’amour de Merlin, Draco ! Revois un peu tes priorités !
- Mais tu ne peux pas lui interdire le Quidditch. Il adore ça !
- Vraiment ? »
Draco resta la bouche ouverte, visiblement pris de court par la réponse à laquelle il ne s’attendait pas. Théodore se laissa aller dans son fauteuil, appuyé à l’accoudoir, et cala son menton dans sa main.
« Comment ça ‘vraiment’ ?
- Scorpius n’a jamais vraiment brillé par sa passion de Quidditch. Ne te méprends pas, il semble apprécier la compétition et quelque part, au fond, le travail d’équipe, mais il n’a jamais réclamé une place dans l’équipe jusqu’à ce que tu le lui suggères en lui offrant un balai. Est-ce lui qui aime jouer ou bien est-ce toi qui souhaites à tout prix que ton fils te ressemble et réussisse là où tes talents n’ont pas suffi ? »
Le blond se leva, cette fois-ci clairement furieux. Il serra un poing puis se détourna et alla se camper devant la fenêtre.
« Scorpius n’est pas toi, Draco.
- Pourquoi est-ce que tu me dis ça ?
- Parce que, et c’est là un problème qui date d’avant le décès d’Astoria, tu as parfois tendance à vivre pour lui, à le pousser dans telle ou telle direction au lieu de le laisser faire des choix. Avant son entrée dans l’équipe, en troisième année, Scorpius n’assistait même pas aux matches, sauf quand tu y étais présent.
- Le Quidditch est un excellent sport ! protesta le blond, son ton boudeur.
- Là n’est pas la question. Scorpius a-t-il réclamé le droit d’y jouer, ou bien l’as-tu conduit à la boutique pour lui acheter un uniforme complet dès qu’il en a été en âge ? Laisse-le un peu respirer. »
Théodore ne broncha pas quand Draco se tourna vers lui dans un mouvement sec.
« Ca y est ? Tu as terminé de démolir mes compétences paternelles ?
- Tu es venu ici, la bave aux lèvres, pour me demander d’épargner à ton rejeton une punition méritée, et tu t’attends à ce que j’encense tes talents parentaux ? Tu as bu, avant de venir ?
- Je ne suis pas venu ici pour que tu m’insultes, Théodore ! »
Et voici qu’apparaissait le petit mouvement du menton que Théodore détestait tant, celui qui signifiait que Dame Fierté et Maître Aveuglement avaient décidé de remettre le couvert une fois de plus.
« Alors pourquoi es-tu venu ? rétorqua-t-il avec humeur mais refusant malgré tout de perdre son calme. Pour que je te donne une petite tape empreinte de pitié sur l’épaule en te rassurant que ton fils ne sera pas puni pour ses bêtises ? Pour que je m’excuse d’oser faire mon travail de la façon que j’estime correcte ?
- J’espérais un peu d’écoute, pas que tu me sautes à la gorge, voilà tout !
- Je crois qu’il faut que tu mettes à jour tes définitions. Si c’est cela que tu appelles “sauter à la gorge”, j’attends de voir ce que tu dirais si je laissais Blaise t’indiquer le fond de sa pensée. »
Il ressentit un plaisir un peu mesquin en percevant une esquisse de grimace sur le visage de Draco, qui n’avait pas besoin de ça pour être tordu par la contrariété. Théodore retint un grognement. Il n’avait qu’une envie : que cette fichue conversation cesse enfin, et si possible sans effusion de sang ou esclandre. Il avait des années d’expérience en matière de gestion des explosions Malfoy, difficile de faire autrement quand on partageait un dortoir avec Draco. Mais soit il devenait vieux, soit le blond semblait avoir découvert ce qui pour d’autres restait légendaire : les limites de la patience de Théodore Nott. Même pour Théodore lui-même, ce n’était pas une constatation très agréable.
« Tu m’as demandé mon avis, Draco. Ne me reproche pas de ne pas avoir le même que toi. Nous n’avons jamais eu la même vision des choses, et ça ne semble pas près de changer. Tu le sais très bien. »
Il pencha la tête sur le côté, traversé par une pensée soudaine.
« Tu le sais même si bien que je n’insulterai pas ton intelligence en pensant que tu t’attendais honnêtement à ce que j’abonde en ton sens. Alors pourquoi ce cirque, exactement ? »
Draco fit quelques pas, l’air de ne pas savoir où il allait, puis il se laissa de nouveau tomber dans sa chaise. Il ressemblait à certains élèves de Théodore, ceux qui n’arrivaient pas à trouver leur voie. À quarante ans, cela commençait à devenir inquiétant.
« Je ne sais juste plus où j’en suis, Théodore. Astoria... Si tu savais comme elle me manque ! Je n’ai jamais pensé que je serais un bon père. Mais avec elle à mes côtés, ça devenait plus facile. Sans elle... Plus rien n’est évident. »
Dissimulant une grimace dans sa main, Théodore réprima une onde de pitié à l’égard de son interlocuteur. Ce n’était pas qu’il ne comprenait pas qu’il puisse souffrir, bien au contraire, mais à part se désoler sur son sort, Draco n’était pas capable de grand chose.
« Tu es entouré, Draco. Tu as tes parents, Pansy, Crabbe, Goyle et leurs familles qui voudraient juste pouvoir t’aider, si seulement tu leur en laissais l’occasion. Ne les rejette pas, et ne t’aveugle pas en croyant être seul, tu ne l’es pas. Être entouré vous fera du bien à tous les deux.
- Et... toi ?
- Moi je suis disposé à garder un oeil sur Scorpius et à ne pas t’envoyer simplement balader quand tu joues les pères surprotecteurs. Il faudra que tu te contentes de ça. »
Ils avaient été amis d’enfance, mais les choses avaient changé entre eux. L’amitié qui avait pu exister entre eux avait disparu il y a bien longtemps, le jour où Draco avait mis en avant sa fierté, choisi ses amis pour leur capacité à dire “Oui, Draco” et rejeté ceux qui pensaient par eux-mêmes. Poudlard et ses guerres intestines avaient eu raison de bien des relations, et il n’y avait guère que Draco pour ne pas se rendre compte de cet état de fait, encore aujourd’hui. Théodore avait fait son deuil de leur relation il y a longtemps, et s’était forgé son propre entourage, composé principalement d’un Serpentard adepte du hachoir, d’un Gryffondor fan d’escrime et d’une Poufsouffle maniant le sécateur comme personne. Il allait sans dire qu’il y gagnait au change, et cette constatation balayait ses quelques regrets. Il ne détestait pas Draco, mais ils n’étaient pas amis, juste d’anciens camarades de classe, qui auraient très bien supporté de ne se voir qu’une fois de temps en temps, à d’éventuelles réunions d’anciens élèves. Scorpius en avait visiblement décidé autrement.
Sa réponse sembla réveiller quelque chose chez Draco, car il esquissa un pauvre sourire déçu, avant de hocher la tête et de se lever.
« Parfois, tu n’as pas de coeur, Théodore Nott.
- Parfois, seulement, » admit-il avec un sourire poli.
Il raccompagna son invité jusqu’à la porte de son bureau et la lui ouvrit. Le blond s’immobilisa un instant sur le seuil, et lui lança un regard un peu boudeur.
« Je compte sur toi... pour Scorpius. Merci de prendre soin de lui.
- Je doute qu’il soit du même avis que toi, mais je te remercie pour la marque de confiance. J’essaierai de ne pas te décevoir. N’oublie pas ce que je t’ai dit. Parle-lui. »
Draco hocha la tête, ouvrit la bouche pour rajouter quelque chose, puis se ravisa et lui tendit une main un peu brusque.
« Au revoir, Théodore.
- Bon courage, Draco. »
Théodore referma la porte une fois que le blond se fut éloigné. Avec un soupir las, il se massa la nuque. Il ne rêvait que d’une chose : une bonne douche chaude puis une soirée tranquille et au calme. Il verrouilla son bureau puis se traîna, avec toute la noblesse dont il était capable jusqu’à ses appartements, à proximité du Dortoir des Serpentards.
Les appartements étaient sobrement meublés et sentaient bon le bois chaud. Théodore ôta sa cape et ses chaussures avec délice, ses pieds cherchant le contact du tapis sur lequel il avait confortablement jeté un sort de tiédeur perpétuelle.
« Merci, Théodore, » lança soudain une voix semblant venir de la cheminée.
Il s’avança en défaisant sa cravate et s’appuya d’une fesse contre le dossier de son canapé, rendant son regard au portrait de Severus Snape qui le dévisageait d’un air satisfait. Il haussa une épaule.
« Vous pouvez bien me remercier. J’ignorais que prendre la tête de la Maison Serpentard équivalait à servir de psy aux Malfoys, toutes générations confondues. Si j’avais su... »
Snape eut ce qui pouvait ressembler à un sourire, si on parait du principe que la Joconde était totalement hilare.
« Vous n’avez pas encore eu à supporter Lucius et son délire mégalomane.
- J’en trépigne d’avance. » rétorqua Théodore d’un ton sombre.
Sa salle de bain, et l’idée d’un bain bien chaud lui paraissaient de plus en plus attirantes. Il s’attarda néanmoins une seconde de plus face au portrait.
« Vous pensez que ça ira, pour Draco ?
- Vous avez dit la vérité : il est entouré et il faut qu’il accepte de se faire aider. Vous avez fait du bon travail, le rassura Snape, presque trop gentil. Reposez-vous pour ce soir. L’annonce de la suspension de Scorpius de l’équipe de Quidditch aura fait le tour de l’école d’ici demain matin. Vous allez avoir besoin de forces.
- Oh, Salazar ! gémit Théodore en se plaquant les mains sur les yeux.
- Je vais prévenir Madame la Directrice que votre intervention a porté ses fruits. Bonne nuit, Théodore. »
Le portrait vide semblait le narguer et il se détourna pour aller s’enfermer dans la salle de bains. Ce ne fut que lorsque la buée eut empli la pièce, étendu dans l’imposante baignoire, qu’il se détendit enfin un peu. Il se laissa glisser sous l’eau, appréciant le silence et l’isolation que cela lui offrait, puis ressortit pour affronter le monde.
Rhabillé plus confortablement, une serviette posée négligemment sur la tête, il sortit dans un nuage de buée et s’arrêta, interdit.
« Ah, te voilà enfin ! Neville commençait à penser que tu t’étais noyé ! s’exclama Susan en pointant sa baguette vers trois plats couverts, certainement pour les réchauffer.
- Sèche-toi, tu vas prendre froid ! renchérit le Gryffondor avec un froncement de sourcils désapprobateur et étrangement maternel.
- Faites comme chez vous, surtout ! »
Ils le gratifièrent d’un double sourire, puis l’enjoignirent à s’installer sur le canapé, devant la table basse où était préparé le repas.
« Lapin à la moutarde et petites pommes de terre, avec un bon rosé pour arroser le tout, annonça fièrement Neville.
- Je suis gâté. Quelle est l’occasion ? sourit Théodore en se frottant la tête avec sa serviette.
- A-t-on besoin d’une raison pour passer une soirée tranquille tous les trois ? » répliqua l’autre homme.
Susan se mit à rire et lui enleva la serviette des mains, rendant à ses cheveux emmêlés une apparence plus humaine. Il se raidit un peu mais la laissa faire, acceptant également le verre que lui tendait Neville. Tandis qu’ils s’installaient tous les trois, Théodore leva une dernière fois les yeux vers le tableau toujours vide. Quelque chose lui disait qu’ils seraient tranquilles ce soir-là.
« Un toast au héros de la soirée, qui a su affronter le Dragon et en sortir victorieux, proposa Susan en levant son verre.
- Victorieux, nous verrons bien. L’avenir nous le dira.
- Ne sois pas défaitiste. Tu vas gâcher le goût du vin, le sermonna-t-elle sévèrement.
- À quoi veux-tu trinquer, dans ce cas ? » rajouta Neville, avec un sourire complice.
Il réfléchit une seconde en regardant son verre, puis le leva à son tour. Il n’avait pas envie de trinquer à Scorpius, c’était encore trop tôt pour dire si le garçon allait se reprendre un peu. Il n’avait pas non plus envie de trinquer à Draco, les blessures de ce derniers étaient encore trop vives. La réponse était donc simple.
« À nous trois. »
FIN.