[one-shot] Vampires - Dernière marche

Jun 10, 2008 22:01


Titre: Dernière marche

Auteur: shono_hime

Fandom: Vampires (Original)

Personnage: Nicolaï Federovich

Rating: PG

Disclaimer: Tout à moi!

Notes: Ecrit pour lily_kohai

Nicolaï en était arrivé à un point où il ne sentait plus rien. Il savait qu'il aurait dû avoir mal, le vent glacial aurait dû brûler ses doigts et ses joues, son épaule où le sang avait gelé aurait dû le lancer à chaque pas, et pourtant, il ne sentait plus rien. Il avançait au jugé, à pas lents et lourds, le corps engourdi et la vue trouble. La seule chose qui le poussait à avancer, c'était le poids du corps sur son dos.

Il avait jeté son fusil quelques heures plus tôt, l'arme inutile l'encombrant plus qu'autre chose. Ses deux mains serraient maintenant presque convulsivement les poignets d'Andrei, et sous les gants, il pouvait presque deviner ses doigts bleuis et glacés par la neige.

Et pourtant, il continuait à avancer, et il parlait. Lui-même s'entendait à peine, par-dessus le bruit de la tempête, mais il continuait, encourageant Andrei et s'encourageant lui-même.

Ils allaient s'en sortir, disait-il. Ils allaient vivre. Survivre à cette saleté de guerre, survivre à ces chiens d'Allemands et même à ceux qui les traiteraient de déserteurs. Ils allaient vivre, et Andrei pourrait retrouver sa Lidiya et leur petite Yelena. Ils le laisseraient vivre avec eux quelques temps, peut-être, et sans doute finirait-il par convaincre Milena de l'épouser. Elle lui avait dit qu'elle l'attendrait, et il croyait dur comme fer qu'elle tiendrait parole. Oui, et après ça, ils quitteraient Moscou et vivraient dans une petite ville, et ils s'en sortiraient.

Oui, tu verras, Andrei, soufflait Nicolaï contre le vent, tout irait bien, maintenant. Ils allaient trouver un abri, se réchauffer, et ça irait. Ça irait.

Peut-être Andrei lui répondait-il, mais les hurlements de la tempête couvraient tout, et Nicolaï savait que s'il tournait la tête pour regarder son camarade, il allait trébucher, tomber, et qu'il ne se relèverait pas. Déjà, sous ses yeux, les flocons de neige se mêlaient de taches noires qui n'avait rien à voir avec le temps dehors.

Il cligna des yeux, remonta un peu Andrei sur son dos et continua d'avancer en titubant. Il avait sommeil, après trois mois de combats quasi-incessants contre les Allemands, trois mois de charges, d'explosions, trois mois de cette peur constante qui vous crève le ventre, trois mois à voir les camarades partir au combat pour ne pas revenir.

"Dimitri, le petit Alyosha, et le Capitaine Sergey, les trois nouveaux de Petrograd, et aussi Rolan et Misha," se mit-il à énumérer du bout des lèvres. "Evgeny, Dorofey, et même cette tête de pioche d'Anatoly…"

Il y avait tant de noms qui se bousculaient dans sa tête… tant de noms passés aussi vite que les balles des Allemands à travers sa chair…

C'était drôle, ses yeux le brûlaient comme s'il allait pleurer, mais les larmes ne coulaient pas, à moins qu'elles ne soient déjà gelées à ses yeux, comme ses lèvres, ses doigts, et chaque centimètre de sa carcasse ereintée.

"Je suis fatigué, Andrei…" souffla t'il.

Pourtant il ne caressa même pas l'idée de s'arrêter, d'abandonner. Quand ils avaient déserté, après avoir vu trois de leurs camarades, Akim, Danil et le vieux Isidor, fauchés par un boulet de canon provenant de leur camp, ils y croyaient.

"On peut le faire, Kolya," lui avait assuré Andrei alors que la retraite sonnait autour d'eux. "On peut disparaître, ils croiront qu'on est morts avec les autres…"

Nicolaï avait regardé autour de lui, avait hoché la tête, et au profit d'un obus explosant non loin d'eux, ils s'étaient détournés et s'étaient enfuis. Au début, tout s'était bien passé. Le froid leur empêchait de se débarrasser de leurs uniformes, mais dans les montagnes, ils ne risquaient pas grand-chose… Du moins, c'était ce qu'ils croyaient.

"Fichus Italiens," cracha Nicolaï avec un bref coup d'œil vers son épaule, où le sang avait imprégné le tissu avant de le durcir en gelant.

Andrei avait pris une balle dans la jambe, mais ils avaient réussi à semer les Fascistes, aidés par la tempête. Depuis, Nicolaï marchait, et ça aurait pu faire une heure comme ça aurait pu en faire cinq, il ne savait plus… Tout ce qu'il savait, c'était qu'il était encore vivant et qu'il n'avait pas envie que ça change.

"Et cette saleté de neige…" continua t'il à gronder, s'accrochant à sa colère comme à une couverture tiède. "Je hais la neige… Toi aussi, hein?"

Il soupira et cligna des yeux. Dormir… Il secoua la tête. Il ne fallait pas. Cherchant dans son esprit qui fonctionnait au ralenti quelque chose pour se tenir éveillé, il lui revint à l'esprit une berceuse que sa mère lui fredonnait parfois, le soir. Il sourit. Une berceuse n'était certainement pas le plus indiqué, mais à part ça, il n'avait que des chants de guerre en tête, et il n'en n'avait plus la force…

Grimaçant en sentant ses lèvres tirer à chaque mot, il trouva tout de même la force de se mettre à chanter.

Une libellule s'est posée sur la lune.
Dans les bois, au profond des nids,
Les oiseaux se sont endormis.

N'aie pas peur du vent qui gronde,
Ni des chiens errant dans l'ombre.
Mille étoiles vont briller,
Mille étoiles pour te bercer.

Tourne la grande ourse, tourne la petite ourse.
Il n'y a pas de nuit sans matin,
Le soleil reviendra demain.

Il cligna des yeux, sa chanson finie et déglutit péniblement, avant d'avoir un faible sourire un peu désespéré.

"Tu as vu ça, Andrei?" plaisanta t'il d'une voix rauque. "J'ai fait tomber la nuit, avec ma chanson…"

Il rit à cette idée, un rire paniqué, douloureux, humide des larmes qui ne coulaient pas sur ses joues. Il faisait nuit, et ils étaient au milieu de nulle part. Il se raccrocha à un rocher quand ses jambes manquèrent de lâcher, et il jura en sentant Andrei glisser de sur son dos.

Tombant à genoux, il se tourna vers lui, ses gestes presque frénétiques, soudain.

"Andrei," l'appela t'il, mais son ami ne répondit pas.

A nouveau, il eut un sourire, mais qui tenait plus de la grimace.

"Allez, Andrei, un coup de main," implora t'il en essayant maladroitement de l'attraper par le devant de son uniforme. Mais ses doigts étaient gourds, et ses mains tremblaient tellement…

A trois reprises, il tenta de le hisser à nouveau sur son dos, chaque mouvement une torture tant ses muscles refusaient de coopérer. Il se remit à chanter pour essayer de se reprendre, mais derrière ses mots, il revoyait maintenant les larmes de sa mère quand elle chantait, et son visage à la fenêtre, tandis qu'elle attendait en vain que son homme revienne.

Un nouveau sanglot lui souleva la poitrine et il retomba à genoux.

"Andrei!!" supplia t'il dans un hurlement cassé par le froid. "Andrei!!!"

Il aurait voulu que ces fichues larmes coulent une bonne fois pour toutes, peut-être qu'elles réchaufferaient ses joues glacées. Presque ironiquement, la tempête sembla s'apaiser tout d'un coup, et Nicolaï rejeta la tête en arrière pour lui hurler sa haine, mais ne réussit qu'à émettre un murmure brisé.

"Andrei…" souffla t'il une dernière fois en le secouant bêtement.

La neige continuait de tomber, paresseusement, maintenant, dans son cou, sur ses cheveux, s'immisçant en lui comme pour achever son œuvre. La tête baissée sur le corps de son ami, il se vit soudain comme de l'extérieur, une statue de glace, un hommage à la bêtise humaine et ses doigts se refermèrent convulsivement dans la neige.

Derrière lui, des pas crissèrent, et il s'écroula sur le côté, soudain sans forces. Les Italiens, certainement. Qu'ils l'achèvent, railla t'il, ça sera certainement leur seule victoire de la journée!

Ses dents ne claquaient plus, et ses yeux brûlants étaient fermés à présent. Il regretta presque d'avoir jeté son fusil, rêvant de pouvoir emporter au moins un Fasciste avec lui, mais il n'avait même plus assez de force pour les insulter…

Ils étaient deux, parce qu'il y avait deux voix, mais ils ne parlaient pas Italien, ni Russe d'ailleurs. Nicolaï aurait bien froncé les sourcils, mais même ça lui semblait trop d'efforts à présent. Et puis, à quoi ça lui aurait servi, de savoir qui ils étaient? Il serait mort bientôt…

"Je ne veux pas…" souffla t'il en une ultime rébellion contre l'inéluctable. "Je ne veux pas…"

Les deux voix s'interrompirent, et il sentit une présence, à côté de lui, des yeux sur son visage douloureux.

"Mourir?" interrogea en Russe une voix grave. "Tu ne veux pas mourir?"

Bouger n'était plus possible, alors il répéta une dernière fois sa litanie.

"Je ne veux pas…"

Il y eut un rire un peu sec, derrière, mais il s'éteignit brusquement, comme interrompu. A nouveau, les deux voix échangèrent quelques mots, qui lui paraissaient de plus en plus lointains, de plus en plus étouffés, puis soudain, Nicolaï sentit une main sur son épaule, une autre sous sa nuque, pour le soutenir. On le fit s'asseoir, mais cela lui semblait vain, et il lui sembla qu'on ouvrait son col, sans qu'il comprenne pourquoi.

Ses paupières collées ne cédèrent pas, et après une sensation de brûlure dans le cou, il sentit une étrange et ultime chaleur l'envahir. Quelques gouttes d'un liquide chaud tombèrent sur ses lèvres tandis qu'il se sentait partir, et il crut saisir un murmure dans le vent.

"Alors vis…"

FIN.

type: fic, fandom: original, genre: gen, univers ori: vampires, statut: one-shot

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