Titre : Joli
Auteur :
clair-de-luneSpoilers : ---
Public : Tout public
Mots : ~ 1050
Notes : Ces fanfics à ranger dans la catégorie "à ne pas prendre au sérieux" ? Oui, voilà, c’en est une. On va dire que ça se déroule durant la saison 2, pas de spoilers si vous savez comment se termine la saison 1, spéculatif pour le reste. Non que le contexte lui-même ait tellement d’importance, ceci étant dit.
Elle est sans doute creuse et vaine, mais elle trouve ça injuste.
Creuse et vaine, ou peut-être en proie à la nécessité absolue et immédiate de penser à quelque chose de futile pour ne pas s’effondrer. S’effondrer un peu plus. S’effondrer complètement. Elle a déjà bien commencé, quand même.
Et on peut retourner la question dans tous les sens, la présenter selon l’angle et l’éclairage que l’on veut, ça ne rend pas les choses plus justes.
Quand Michael pleure... ça s’est déjà produit à plusieurs reprises et c’est sur le point de se reproduire... Quand Michael pleure, donc, il a la lèvre inférieure qui tremble imperceptiblement avant de se presser contre la lèvre supérieure (parce qu’il est un homme, n’est-ce pas, et les hommes n’ont pas la bouche qui tremble quand ils pleurent... pour ceux qui pleurent... mais pas de souci de ce côté-là). Puis il a les yeux qui se remplissent de larmes juste comme il faut pour les faire briller et faire ressortir leur couleur, voire lui allonger délicatement les cils, mais pas assez pour que ses paupières rougissent et enflent et brûlent. Il y a un souffle retenu, à peine saccadé, un petit soupir. Et... et c’est tout.
Quand Michael pleure, il est... elle cherche le mot quelques secondes et finit par lâcher mentalement... joli. Et OK, ce n’est sans doute pas le meilleur compliment qu’elle puisse lui faire... ce n’est sans doute pas un compliment du tout, mais en toute franchise ? elle ne se sent pas d’humeur à faire des compliments à qui que ce soit. Même pas à lui. Même pas s’il est en train de tendre les mains vers elle pour les refermer sur les siennes. Et même pas parce qu’il est en train de pleurer aussi joliment de la voir pleurer, elle.
« Ne pleure pas, Sara, » chuchote-t-il, la voix veloutée. Il lui lâche un instant les mains pour lui essuyer le visage du bout des doigts et lui repousser les cheveux en arrière. Délicatement. Joliment.
Quand elle pleure, ce n’est pas joli à voir. Il y a du bruit, des reniflements, des hoquets, sa poitrine qui se soulève de façon spasmodique. Avant qu’elle ait le temps de dire ouf, sa bouche se tord de façon absurde, son nez commence à couler et les larmes débordent de ses yeux et jaillissent sur ses joues jusque dans sa bouche. Et même un petit peu dans son cou. Elle sait qu’elles vont lui laisser les paupières rouges et gonflées jusqu’au lendemain matin, les yeux chassieux, le visage bouffi, les lèvres blêmes, la peau des joues marquée de petites traînées salées, la voix éraillée. Quoi qu’elle fasse. Elle n’est pas capable de pleurer comme une dame, songe-t-elle, c’est-à-dire quelques sanglots élégants et maîtrisés avant de reprendre le contrôle de ses nerfs.
Le contrôle de ses nerfs est une illusion totale, un élément de scénario de la Quatrième Dimension, une fantaisie, une chimère, un voeu pieux, un...
Elle relève la tête, se regarde dans le miroir de l’autre côté de la chambre et voit le désastre se produire en direct. Ce qui contribue à renforcer les reniflements, les jaillissements et les débordements. Et les murmures apaisants et le mouvement des doigts de Michael pour lui essuyer les joues. Et les reniflements, les jaillissements et les débordements.
C’est un cercle vicieux.
Elle voit aussi Lincoln se balancer d’une jambe sur l’autre, un peu mal à l’aise, et il lui demande d’une voix bourrue mais non dénuée de compassion « Pourquoi vous pleurez, Sara ? » Au moins, lui ne lui essuie pas les joues, il enfonce les mains dans les poches de son jean et continue de se balancer d’une jambe sur l’autre. Mal à l’aise. Normal.
« Je sais paaas, » laisse-t-elle échapper, le "pas" s’étirant juste un tout petit peu trop. Bon. Pleurer comme une dame est exclu, elle n’est déjà pas fichue de pleurer comme une adulte. Elle sait très bien pourquoi elle pleure, elle n’est simplement pas en mesure de lister les raisons de façon posée, ni même d’expliquer ça à Lincoln. Mais vraiment, c’est juste un mélange de nerfs qui se (re)lâchent, de soulagement et une (grosse, gigantesque) pointe de colère contre l’univers de façon générale.
« Hum, bon... » Lincoln disparaît dans la salle de bains et revient avec le rouleau de papier toilette. Michael le foudroie de son regard si joliment humide. Un rire nerveux échappe à Sara avant qu’elle se remette à hoqueter sans élégance, et c’est peut-être trop trivial pour Michael, mais ça ira pour elle, elle déroule, déroule, déroule du papier et se mouche bruyamment. Avant de rouler le papier en boule et de caler les boulettes sous sa cuisse, parce qu’il ne manquerait plus pour ajouter au tableau qu’elle les laisse envahir le lit.
Elle parie que Michael aura juste besoin de se tamponner délicatement les paupières. Injuste.
Lincoln, toujours mal à l’aise et normal, hésite à s’asseoir près d’eux et se décide en fin de compte pour une retraite stratégique en direction de la porte.
« Hum, bon, fait-il de nouveau, vous savez quoi ? Je vais aller vous acheter... non, je veux dire, je vais aller acheter des Kleenex. Michael ? OK ? Je peux vous laisser ? »
Michael essuie du revers de sa main les deux jolies larmes scintillantes qui sont en train de descendre sa joue droite (Sara n’a toujours pas compris pourquoi le fait qu’elle pleure le fait pleurer, mais elle étudie la manoeuvre avec une fascination qui la calme un peu) et il hoche simplement la tête et lui dit d’être prudent.
Quand la porte est refermée derrière Lincoln, Sara laisse échapper un lourd soupir malheureux, désespéré, tremblant, et Michael, les yeux encore élégamment humides, lui adresse un sourire réconfortant. Elle lui pose les mains en corolle sur le visage et il ne frémit même pas en sentant la peau tiède et moite de ses paumes sur celle de ses joues. L’image est tellement... sans défaut qu’avant d’avoir réalisé ce qu’elle fait, elle se penche en avant, l’embrasse sur la tempe et murmure « Oh, Michael, tu es tellement joli. »
Et elle est sans doute creuse et vaine, mais elle ne peut pas s’empêcher de sourire devant sa mine soudain interloquée.
-FIN-
14 janvier 2007
N.B. : Je ne posterai vraisemblablement pas de nouvelle fanfic consacrée à Prison Break avant la mi-août.