Sciences humaines : CHECK !
« La psychanalyse des contes de fées » de Bruno Bettelheim
essai - 480 pages
♥ ♥ ♥ 3/5
Toute gamine, je raffolais de la lecture à voix haute (il faut d’ailleurs bien avouer que ce petit faible m’est restée, bien que mes goûts littéraires aient largement évolué depuis) et, comme la plupart des enfants, particulièrement de celle des contes de fée et des mythes. Si j’ai abandonné plus tard les châteaux enchantés, les maisons en pain d’épice et les vertes vallées des contes des frères Grimm et d’Anderson, j’en garde tout de même une certaine nostalgie et c’est cette nostalgie qui m’a poussée en partie à m’attaquer à « La psychanalyse des contes de fées » de Bruno Bettelheim. Après quelques jours de lecture attentive, je ressors de cette petite immersion dans le monde fantasmagorique de l’enfance avec une impression mitigée, non pas tant sur les thèses défendues par l’auteur que j’ai trouvé convaincantes pour la plupart et ouvrant des pistes de réflexion tout à fait intéressantes, que sur la qualité de l’ouvrage lui-même. Avant de jouer ma tatillonne, je voudrais déjà souligner un point positif indéniable, à savoir la fluidité de l’écriture de Bettelheim et surtout la clarté de ses analyses : on peut approuver ou désapprouver ses hypothèses, mais elles ont au moins le mérite d’être très aisément compréhensibles, ce qui est loin d’être toujours le cas dans les quelques ouvrages de psychanalyse que j’ai eu l’occasion de lire jusqu’à aujourd’hui.
Je me suis donc plongée dans « La psychanalyse des contes de fées » avec beaucoup de facilité et un certain plaisir - plaisir qui fut, hélas, un peu gâché par d’autres particularités plus irritantes. Premier sujet d’agacement : la façon cavalière dont l’auteur présente chacune de ses hypothèses comme des vérités absolues, une démarche aventureuse quand on sait à quelle point la psychanalyse peut être une science nébuleuse. Par exemple, je suis prête à admettre que la pantoufle de verre de Cendrillon soit symboliquement un vagin (même si les images mentales provoquées par cette idée sont tout de même un peu dérangeantes) mais quand Bettelheim nous assène dans la foulée qu’en coupant leurs orteils pour entrer leur pied dans la pantoufle, les méchantes belles-sœurs castrent en réalité leur pénis fantasmé, ben, euh, comment dire… Je déplore également dans l’ouvrage de Bettelheim une certaine tendance au rabâchage, l’auteur ayant la fâcheuse manie de donner dix exemples pour étayer un point de son argumentation, alors qu’un seul suffirait à le clarifier. Inutilement longuet, « La psychanalyse des contes de fées » aurait probablement gagné à être synthétisé en deux cents ou trois cents pages seulement.
Troisième et principal point négatif de cet ouvrage à mes yeux, et celui-là est le plus subjectif de tous, je l’admets volontiers : contrairement à la critique de Denise Dubois-Jallais figurant sur la quatrième de couverture de mon exemplaire, je ne trouve absolument pas que « ce livre nous émerveille », bien au contraire ! À force d’analyser et du sur-analyser chaque détail des contes de notre enfance, séparant soigneusement les « bons contes » des « mauvais contes », Bettelheim finirait presque par faire passer la lecture à voix haute à un enfant pour une ennuyante corvée, nécessaire au bon développement de votre marmot sous peine d’en faire un petit sociopathe, mais aussi excitante et amusante qu’un rendez-vous chez un expert-comptable. Quid du plaisir et des rires partagés ? De la fantaisie ? De la légèreté ? De toute évidence, tout cela reste bien secondaire dans l’analyse de M. Bettelheim.
Pas un ouvrage inintéressant donc, ni dénué de pertinence, mais en matière d’enchantement, de poésie ou d’ouverture des enfants aux merveilles de la littérature, on repassera…