Lecture : Le Père Goriot - Honoré de Balzac

Apr 20, 2018 12:10


"Le Père Goriot" de Honoré de Balzac
roman historique - 436 pages
♥ ♥ ♥ ♥ ♥ 5/5



Aaaah, avoir vingt ans ! Être beau, vif, ambitieux ! Avoir la vie devant soi ! Vivre à Paris, la plus belle ville du monde ! Que pourrait demander de plus un jeune étudiant provincial ? Voire. Eugène de Rastignac a beau avoir toutes ses qualités, passer ses matinées chez sa cousine la vicomtesse de Beauséant - une des plus splendides femmes de la capitale - cela ne l'empêche pas de devoir rentrer tous les soirs à la misérable pension de la veuve Vauquer. Derrière les murs de la pauvre pension, grouille une faune disparate faite d'étudiants fauchés, de vieilles aristocrates ruinées et de négociants sur le retour. Quelques figures se détachent du tableau, comme celle de l'imposant Vautrin, un bourgeois jovial et gouailleur aux activités nocturnes mystérieuses, ou celle du Père Goriot, ancien vermicellier ayant sacrifié sa fortune au bonheur de ses deux filles adorées. En cette triste compagnie, notre Rastignac ronge son frein. L'étude l'ennuie, la pauvreté lui fait honte et il rêve d'une vie plus facile, plus brillante. Mais il est encore jeune, presque innocent, et ne mesure pas à quel prix il faudra payer toute cette facilité… Gageons qu'il en apprendra bien assez avant la fin du roman.

Ma première réaction à la découverte du “Père Goriot”, il y a quelques années, avait été : “Rhooooo, qu'est ce qu'il est méchant, ce Balzac !” Qu'on ne s'y trompe, la méchanceté en littérature, j'adore ça ! Je dirais même qu'on n'en trouve pas assez, mais je ne m'attendais pas à trouver chez un grand nom de la littérature française un tel degré de fiel et de férocité. Si, chez Victor Hugo ou Alexandre Dumas, l'humanité conserve en général un bon fond, c'est loin d'être le cas chez Balzac. Pour l'auteur de la comédie humaine, l'être humain moyen est pire que mauvais, il est médiocre. le peu que j'ai lu de son oeuvre était une ode à la médiocrité, à l'égoïsme, au nombrilisme mesquin et venimeuse. Cette putréfaction touche tous les étages de la société, s'étendant de la salle à manger de la veuve Vauquer où les pensionnaires humilient sans vergogne leur tête de turc, le pauvre Père Goriot, aux salons huppés de la noblesse où le beau monde se réjouit ouvertement des souffrances amoureuses de la belle vicomtesse de Beauséant.

Mais, quitte à patauger dans la fiente, autant que ce soit une fiente dorée. C'est pour cela que Rastignac s'échine à gravir les échelons menant à la réussite sociale, ne manquant pour cela ni d'ambition, ni d'obstination. Il découvrira vite que deux voies seulement s'ouvrent à lui pour sortir de la misère : la révolte ou la corruption. La révolte, c'est Vautrin, l'ancien bagnard déguisé, dont les raisonnements sardoniques et le pragmatisme sauvage font les délices du lecteur - le long monologue où il tente de convertir Rastignac à sa vision du monde est succulent dans son immoralité triomphante et impitoyable. La corruption, c'est le beau monde, ses hypocrisies, ses faux-semblants et ses indicibles cruautés. La bonté ? La vertu ? le dévouement ? Pouah ! Vous verrez bien où tout cela peut mener… Toute cette acidité pourrait vous retourner l'estomac, mais, bien au contraire, elle enchante le palais comme le plus délicieux des festins. Je ne peux que recommander passionnément ce petit bijou - bien plus digeste à mon sens que sa suite “Les illusions perdues”. A consommer sans modération, pour peu que l'on s'accommode d'une morale très noire et d'une conclusion déprimante à souhait.

auteur : honoré de balzac, theme : crime, rec : roman historique

Previous post Next post
Up