Titre : Projet
Auteur :
lilou_blackFandom : Saint-Seiya
Personnages : Mû et Aphrodite
Rating : G
Thème : 1. voyage
Disclaimer : propriété de Masami Kurumada
Notes de l’auteur : Nuance de sépia, chapitre 1 sur 7
Sanctuaire, 27 mars 1991
Il avait laissé sa décision mûrir pendant la nuit et à présent, il était sûr de lui. Son maître serait probablement perplexe devant sa requête mais à présent qu’il était un adulte responsable, majeur et vacciné, il n’avait plus de compte à lui rendre… du moins pour ce qui était de ses affaires personnelles. Il s’était promis de faire ce voyage depuis la fin de la guerre et avait attendu la bonne date pour en faire la demande par souci des conventions tout en sachant qu’il n’en ferait qu’à sa tête… comme toujours. Il ne s’en était ouvert à personne, pas même à Saga qui dormait encore à côté de lui, parce qu’il n’était pas sûr qu’on le comprendrait. Le seul à pouvoir saisir les tenants et les aboutissants de son projet était Shion… bien qu’il risque fort de penser qu’une telle attitude n’était pas très digne d’un chevalier.
Mû s’en moquait. Après tout ce qui s’était passé, cela n’avait plus vraiment d’importance.
Il quitta le lit sans faire de bruit et se rendit dans sa cuisine préparer le petit-déjeuner, thé et flocons d’avoine pour lui, café noir et tartines pour Saga. Malgré toutes les particularités de cette journée, il se sentait aussi calme que d’habitude et se sentait sûr de son fait.
Il avait vingt-cinq ans et s’apprêtait à retourner vers son passé.
Son compagnon le rejoignit quelques instants plus tard. L’odeur du café l’avait tiré du lit comme d’habitude. Vêtu d’un bas de pyjama mangé au mites et le cheveu ébouriffé, il se dirigea comme un automate vers sa tasse qu’il vida en une gorgée bien que le liquide fût brûlant. De fait, il avait les lèvres chaudes quand il embrassa Mû en chuchotant, avec un sourire vaguement canaille :
« Joyeux anniversaire. »
Le chevalier du Bélier sourit. Il posa une main dans le cou de Saga pour réclamer un autre baiser et goûter la saveur du café sur la bouche de son amant.
Il n’y avait qu’ainsi qu’il tolérait la caféine.
Les deux hommes déjeunèrent ensemble puis Saga se rendit aux arènes tandis que Mû montait au palais du Grand Pope.
Il n’avait toujours pas parlé de son projet.
oOØOo
En voyant débarquer son disciple, Shion ne s’était certainement pas attendu à une pareille demande. Il pensait que depuis le temps, Mû avait oublié tout ce qui se rapportait à sa petite enfance, mais c’était une erreur. Il souhaitait quitter le Sanctuaire pour quelques jours et se rendre au Tibet dans l’orphelinat où il avait passé les trois premières années de sa vie et retrouver la nourrice qui avait pris soin de lui à l’époque. Contrairement à ce qu’avait cru Shion, il se souvenait encore de cette femme ainsi que de la promesse qu’il s’était faite quand il était petit, à savoir la revoir une fois devenu adulte. Le Grand Pope n’avait accordé aucune importance à ce serment enfantin. Mû était destiné à être chevalier et il mourrait probablement à un âge précoce puisque la menace du retour d’Hadès se faisait précise à ce moment-là. Il n’en avait rien dit cependant au jeune Atlante, pensant que le temps ferait son œuvre et que briser ce simple rêve relevait de la cruauté pure et simple.
Jamais il n’aurait cru cette promesse si sérieuse et, alors qu’il pensait que plus rien ne pourrait le surprendre après ce qu’il avait vécu, la demande de son disciple l’avait laissé pantois. Il avait respecté sa décision mais avait précisé que ce départ du Sanctuaire nécessitait l’aval d’Athéna. Un détail, ils le savaient l’un comme l’autre. Aucune menace ne se profilait à l’horizon, Mû était un chevalier dévoué et compétent et la déesse n’avait aucune raison de refuser d’accéder à sa requête.
Shion se rendit donc dans le temple où résidait l’incarnation en se sentant soudain très vieux.
Il avait l’impression de ne pas avoir vu grandir son disciple même si, malgré sa maturité, il était encore susceptible de se laisser déborder par ses sentiments. Mû avait baissé sa garde et n’avait pas fait attention à une présence juste derrière la porte.
Celle d’un chevalier qui n’avait pas encore perdu l’habitude d’écouter derrière les portes.
oOØOo
Caché derrière une colonne du temple du Pope, Aphrodite était troublé. Jamais il ne se serait attendu à entendre une telle requête de la part de Mû. Certes, il connaissait fort mal le chevalier du Bélier. Dix temples les séparaient. Ils ne s’étaient jamais trouvé de points communs, à tout le moins ne s’étaient-ils pas donné la peine d’en chercher. Le Suédois trouvait son collègue de la première maison ennuyeux au possible. Trop lisse, trop inexpressif, il ne perdait son calme légendaire que pour se battre et encore, l’ennemi devait être particulièrement coriace. De fait, Aphrodite était fier d’avoir fait sortir Mû de sa tanière mentale lorsqu’il l’avait affronté vêtu d’un Surplis au début de la guerre sainte. C’était la seule fois à sa connaissance où l’Atlante avait exprimé quelque chose. Sorti de cet événement…
Aphrodite s’était parfois demandé comment le couple que Mû formait avec Saga pouvait tenir. Le Gémeaux avait besoin d’une forte tête, pas d’une créature imperturbable qui ne proférait un mot plus haut que l’autre que quand il l’estimait nécessaire, c’est à dire pas souvent.
Tout à ses préjugés, le chevalier des Poissons n’aurait jamais cru que le natif de Jamir puisse à ce point se préoccuper d’autrui, a fortiori s’il s’agissait d’une personne dont il n’était même pas sensé se souvenir. Le cœur du Suédois se serra. Lui ne se rappelait que vaguement de ce qui avait précédé son arrivée au Domaine sacré, si ce n’était la méfiance, le dégoût, le vent et l’odeur de la mer. Il avait été un sauvageon, un enfant sale qui avait fugué de tous les orphelinats où on l’avait placé et son maître l’avait trouvé quand il avait cinq ans, alors qu’il jouait les passagers clandestins à bord d’un ferry en partance pour le Danemark. Bien qu’il ait depuis intégré les habitudes, les techniques et le mode de vie de ses prédécesseurs, une part de sa personne, bien cachée, dont personne ne savait rien, avait gardé la méfiance et les angoisses de son enfance. Jamais il n’avait cherché à lutter contre cet aspect de lui. Il avait préféré l’ignorer, espérant que tout s’effacerait avec le temps. Il n’était pas arrivé à oublier, pas plus qu’il n’avait eu le courage de se débarrasser de cette feuille pliée en quatre qui l’avait accompagné presque toute sa vie.
Il se prit à envier Mû. Il n’aurait certainement pas eu le courage d’aller trouver Shion et de lui demander l’autorisation de quitter le Sanctuaire pour régler son problème et trouver une réponse à cette question qui le taraudait depuis sa petite enfance. À son grand désarroi, il avait envie d’accompagner le chevalier du Bélier, de le voir faire ce travail sur son passé pour y puiser la force de faire de même. Trouver cette pièce de puzzle manquante ne dépendait pas uniquement de la possibilité de partir, mais aussi de sa propre propension à assumer ce qu’il découvrirait… ou pas. Le calme inébranlable de Mû, sa discrétion pourraient s’avérer un soutien utile… après tout, sa quête n’était pas si éloignée que ça de celle de l’Atlante.
Aphrodite redescendit dans son temple et s’enferma dans ses appartements.
Il avait besoin de réfléchir.
oOØOo
Saga marqua sa désapprobation en allumant une cigarette. Il savait que Mû détestait l’odeur du tabac et c’était son moyen d’exprimer ce qu’il ressentait sans s’énerver. Jamais il ne se serait mis en colère contre le chevalier du Bélier. Il en était incapable et ç’avait toujours été comme ça.
Mû ouvrit le soupirail.
« Ce n’est que pour quelques jours, dit-il.
- Tu aurais pu m’en parler.
- C’est quelque chose que je dois régler seul. Si tout se passe bien, on retournera là-bas ensemble. Pour le moment… »
Le gardien de la troisième maison haussa les épaules. Il ne pouvait comprendre ce que ressentait Mû. Lui et Kanon avaient connu le Sanctuaire toute leur vie. Probablement issus d’une famille très pauvre, ils avaient été abandonnés tous les deux près du local à poubelles d’un immeuble vétuste et Shion les avaient ramassés là. Deux bambins de quelques jours capables de se réchauffer à coups de cosmos n’était pas courant même s’ils agissaient par simple instinct de survie. Saga le savait après avoir fait des recherches sur la question quand il avait usurpé la place de grand Pope. De ce fait, il connaissait les détails de la naissance et de la petite enfance d’une grande partie des chevaliers. Mû avait passé trois ans dans un orphelinat près de Llassa. Milo, Shura et Camus venaient de familles d’accueil. Aioros ne venait de nulle part : il avait fui le domicile familial avec Aiolia quand celui-ci était bébé. Aldébaran avait grandi avec d’autres orphelins dans une favela. Shaka avait été élevé par des moines dans un temple à Calcutta. Deathmask avait été trouvé près du cadavre en partie décomposé de sa mère, ce qui expliquait en grande partie ses psychoses. Quant à Aphrodite, il avait été trouvé sur un bateau, alors qu’il fuyait l’orphelinat dans lequel il était sensé se trouver. Tout cela, Saga avait pris conscience, malgré sa personnalité corrompue à l’époque, que la petite enfance des uns et des autres avaient eu un impact sur ce qu’ils étaient devenus et sur leur façon de remplir leur fonction. Néanmoins, il comprenait mal que Mû ait envie de se tourner ainsi vers son passé et de voyager à l’autre bout de la planète pour retrouver sa vieille nounou.
Il savait qu’il n’avait pas le choix. Son compagnon l’avait mis devant le fait accompli. Ce n’était, comme il l’avait dit, que l’affaire de quelques jours. Il n’empêche qu’il aurait voulu partager ce moment avec lui, parce qu’il lui devait presque la vie.
Il écrasa sa cigarette et adressa à Mû un sourire qui signifiait qu’il acceptait, même s’il ne comprenait pas. Le chevalier du Bélier sembla satisfait et glissa une main dans le cou du Gémeaux pour le remercier de respecter son choix ou pour le rassurer. Saga se prêta à la caresse avec ravissement et évoqua l’éventualité de profiter de la présence de Mû de façon un peu plus horizontale.
Il eut à peine le temps de formuler cette pensée. Une présence se signala à l’entrée du temple. Saga grogna.
« Qu’est-ce que me veut Aphrodite, bon sang ? »
Mû haussa les épaules dans un geste d’ignorance.
A suivre.