Toucher le fond - Les Filles de Caleb - fic n°3

Jun 18, 2007 10:39

Titre: Soif
Auteur: annaoz
Thème: Toucher le fond
Fic n°3
Fandom: Les Filles de Caleb
Personnages: Ovila & Edmond Pronovost (+ Ovila/Emilie sous-entendu)
Rating: PG
Disclaimer: à Arlette Cousture et aux éditions Québec/Amérique

Du bonheur d'écrire des ficlettes sur des fandoms dont tout le monde se fiche :p A situer pendant le chapitre 30 du "Chant du Coq".


Il a soif.

Quand il a soif ainsi, il lui semble qu’il pourrait boire d’une seule lampée toute l’eau du bénitier que sa gorge n’en serait pas moins sèche, ne crisserait pas pareil que l’écorce rude des arbres abattus qu’il débite en rondins.

Quand il a soif ainsi, il voudrait se noyer.

Depuis qu’il court les bois, Ovila connaît mille moyens de perdre pied, d’affleurer sous la surface sans atteindre jamais l’air libre. Il s’est enivré à trop de grains, à trop d’essences, s’en est empli la panse jusqu’à en recracher les effluves dans son souffle, pour ne pas savoir intimement, dans le flot rouge qui pulse à son cœur, à ses tempes, ce dont il a besoin.

Il a besoin d’une bouteille de genièvre, une toute entière qu’il laperait jusqu’à en voir tinter son cul de verre dans le fond de ses yeux.

Il a promis qu’il n’en ferait rien, qu’il serait sobre, qu’il soignerait son âme jusqu’à avoir expurgé de son corps bouffi la dernière goutte d’alcool.

Il a dormi aussi, et pleuré, beaucoup, en se mouchant, écoeuré, dans les draps rêches du presbytère.

Il a fallu qu’Edmond lui arrache lambeaux par lambeaux des bouts de confessions, entre deux hoquets de chagrin et de boisson, qu’il lui parle d’elle, de son manque qu’elle a de lui qu’elle tait sans doute parce que sa tête est plus dure qu’une souche et son caractère de même, pour qu’il admette qu’il a le mal d’Emilie, le mal de Louisa ballottant toute froide dans ses bras, le mal de ses filles, de son fils attendant un père pour l’amener devant les fonds baptismaux, le mal de lui. Il sanglote quand son frère lui demande où est passé ce grand gars Pronovost, cet Ovila d’avant.

Il le prie de revenir à Saint-Tite, au Bourdais, à la famille, insiste qu’il ne peut rester là, à voguer entre deux eaux entre les réserves indiennes et les hôtels de La Tuque, à plonger, plonger encore, jusqu’au trébuchement qui le garde à terre pendant des jours hagards, à se retenir toujours de se soigner d’Emilie auprès d’une Indienne, pas plus jolie que sa belle brume, à peine plus libre.

Il est son frère qui parle aux chevaux, qui comprend les bêtes mieux que les hommes, et pourtant, il a le sentiment que jamais personne n’est allé le repêcher aussi bas qu’Edmond en ce moment.

Lorsqu’il le regarde repartir, le dos lourd de ne pouvoir le ramener de suite avec lui, Ovila se jure que c’est la dernière fois qu’il s’égare aussi loin, qu’il va apprendre à guérir ses blessures sans mettre à chaque fois des lieues de distance entre sa peine et lui, qu’il n’enverra plus rouler ses piasses sur le comptoir, qu’il va changer.

Il y croit sincèrement au moment de dire son au revoir au petit curé de La Tuque.

Il ne fléchira pas. Pas de suite en tout cas, même s’il a si soif.

theme : toucher le fond, fandom : les filles de caleb

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