Titre: Rewind
Auteur: drakys
Thème: les murmures du passé
Fic n°2
Fandom: cyborg 009
Personnage/Couple: 004-centrique (albert heinrich), albert/hilda
Rating: PG-13
Disclaimer: ishinomori shōtarō à la base et avex mode, japan vistec pour leur ré-interprétation plus moderne de la série (cyborg 009: the cyborg soldier).
Notes: angst et extrapolations sur le peu qu'on sait du personnage
Quand il se réveille, la douleur est insoutenable. Elle n'est pas dans ses bras modifiés ou dans les articulations mécaniques, ni dans sa jambe artificielle ou dans ses yeux qui sont faux eux aussi et qui lui montrent maintenant le jour sous une lumière qui est filtrée et analysée. La douleur lui serre le cœur, ou ce qui lui en reste. Il reste immobile, couché sur le dos à se demander s'il sait encore pleurer.
S'il pourrait malgré tout encore appeler son nom, même si elle n'est plus qu'un souvenir lointain et pâle que son cerveau décortique parfois en simples impulsions électriques qui n'ont aucune signification. Parfois, il se souvient de son visage et de sa voix. Il se souvient d'elle, de sa chaleur contre lui, de leurs baisers et aussi de leurs rêves.
Le soleil filtre depuis les rideaux mal refermés la veille, son corps lui indique que la luminosité de la pièce est à 16% et ses yeux sont entrés automatiquement en mode nocturne dès qu'il les a ouverts. Ses lèvres bougent, dans le vide de sa chambre.
"Hilda."
Et c'est un soulagement qui chasse une part de la douleur que de dire son nom, de se rappeler d'elle. Toutes ces images d'avant qui lui reviennent en tête, toutes ces images d'il y a tellement longtemps, elles le soulagent, plus que d'avoir trouvé dans les autres cyborgs de sa série une famille hétéroclite.
Elles lui disent qu'il est peut-être encore humain.
***
Quand il se réveille, il hurle de douleur. Son corps brûle ou peut-être est-il glacé et il ne voit rien du tout. Il sent à peine les câbles qui trouent sa peau ou les aiguilles qu'on pique dans ses bras. Il n'entend pas plus les cris autour de lui et quand des mains gantées et anonymes tentent de l'immobiliser, il réalise à peine qu'il n'est pas seul.
Il ne prend conscience de presque rien, aveugle qu'il est. Ses circuits visuels refusent de s'activer et il ne contrôle plus son corps. Il s'arche et retombe lourdement sur la table d'opération, s'arche encore, se convulse et une lumière blanche devant ses yeux lui fait réaliser qu'il voit à nouveau.
Un peu, à peine.
Il voit des formes floues qui se bousculent autour de lui et son cerveau s'agite pour mettre des noms sur les visages, mais ses circuits n'arrivent pas à un taux satisfaisant de reconnaissance visuelle. Où sont les hommes en sarraus blancs qu'il connaît? Ceux qu'il hait si profondément pour leurs mensonges et leurs fausses promesses.
Il ne sait rien de toutes les années qui se sont écoulées pendant qu'ils l'ont fait dormir, insatisfaits de son corps robotisé. Insatisfaits du produit qu'il est, même plus entièrement humain, juste une arme de laquelle ils n'ont pas encore réussi à arracher toute l'humanité.
Il voudrait pleurer et hurler un nom, son nom, un nom dont il ne se souvient pas dans les impulsions contradictoires qui partent en vrillent désordonnées dans son cerveau. Si seulement il pouvait l'appeler, il se sentirait mieux.
Même si elle ne pourrait lui répondre de là où elle est, il pourrait se raccrocher à son souvenir.
***
Quand il se réveille, son corps ne lui obéit plus. Autour de lui explosent les bruits des machines et quelques voix lointaines. Il s'agite en criant et est secoué aussitôt par des spasmes terribles, la bile coule des coins de sa bouche, lui brûle la gorge et il s'étouffe avant qu'on vienne lui injecter il ne sait quoi.
Il retourne lentement aux ténèbres qui descendent sur lui comme un voile.
Albert se bat contre elles, désespérément. Il ne veut pas retourner au néant, pas toute de suite, il veut savoir, il doit savoir. Et elle, et elle? Est-elle sauve? Il n'a besoin que de savoir si elle est en vie. Il s'endort lentement d'un sommeil artificiel, un souvenir d'elle à la limite de sa mémoire.
Il s'endort lentement et verse ses dernières larmes.
Les dernières qu'on accorde à son corps déjà terriblement modifié.
Le réveil suivant est mille fois pire. Il essaie de s'asseoir et c'est quand il les voit. Son bras droit et sa jambe droite. Métalliques, artificiels: la peau n'est plus blanche est chaude, elle est devenue enveloppe froide et artificielle sur les circuits et les nerfs qui le sont tout autant. Le choc le laisse muet et ce n'est qu'après un moment qu'il réalise que sa vision est complètement différente.
Des informations apparaissent quand il fixe son regard sur les objets. Un regard au plafond lui en indique les composants et la hauteur. Il lève sa main et une jauge apparaît pour l'informer de l'état satisfaisant, aucune défaillance trouvée.
Il regarde les doigts métalliques et sans vie. D'une pensée, il ferme son poing et il hurle de douleur quand les nerfs et les muscles, les vrais, ceux encore raccordés à son épaule supportent mal ce nouveau membre artificiel.
Il essaie de se lever, pose sa jambe droite par terre et hurle encore quand il s'écroule lourdement contre le plancher froid. L'aiguille du soluté dans son bras s'arrache et le sang coule chaud contre sa peau, il se redresse à moitié sonné. Il entend les machines autour de lui qui grondent plus fort et des alarmes résonnent aigües et agressantes. Le son lui transperce la tête comme un pieu et il hurle, veut boucher ses oreilles et le mouvement cause une souffrance pire encore.
Albert voit des points blancs danser devant ses yeux, se penche pour vomir et entend, lointain, le bruit des portes qui claquent. Il s'effondre, tremblant et délirant.
Ce n'est pas ce qu'il souhaitait. Ce n'est pas ce dont il avait osé rêver.
***
Quand il se réveille, elle est couchée près de lui et il se penche pour embrasser son front. Sa peau est doucement tiède sous le baiser, il effleure son visage de la main et il sourit à sa belle dormeuse dans la lumière pâle du petit matin.
Ils vont s'enfuir de cet enfer. Ils réussiront à vaincre le mur de cette prison et ils passeront à l'Ouest, vers le paradis qu'on dit qui s'y trouve. Il le lui a promis déjà tant de fois et même si elle ne lui répond que d'un sourire gris qui lui dit si cruellement qu'il est fou, il sait qu'ils y arriveront.
Ils vont s'enfuir de cet enfer, lui promet-il encore, silencieusement d'un autre baiser.
Parce qu'il l'aime tant et qu'elle mérite qu'il se désâme à lui apporter le paradis.
(2 avril 2007)