Titre: Une mesure de rêve
Auteur: drakys
Fandom: samurai champloo
Couple: yukimaru/jin
Disclaimer: shinichiro watanabe, fuji TV, manglobe inc., shimoigusa champloos
Rating: R
Liste/Thème: liste 2 - thème 3. mouvement
Notes: x-post sur
31_jours. avertissement de narration vaguement weirdass et de mauvais haiku.
Fragile devant lui
Transparent et oublié,
Comme le verre cassant.
Yukimaru sait bien qu'il lui sera toujours inférieur en talent et en grâce (et dans cette beauté glaciale, froide comme l'hiver, immuable comme l'éternité). Il sait bien que Jin n'aura jamais besoin que d'un seul mouvement fluide (un seul mouvement qui contient peut-être l'Infinité) quand il lui en faudra toujours deux, ou trois peut-être, saccadés et laids, pour couper l'adversaire.
Jin est l'Essentiel et la Perfection, sauf pour son cœur qui ne s'ouvre jamais. Il est le reflet que Yukimaru ne peut jamais atteindre: même à tendre les bras encore et encore, ils ne se refermeront toujours que sur le vide (il se brisera sûrement, à trop vouloir le rattraper).
(Il se brisera sûrement, à poursuivre un sourire qu'il ne verra jamais.)
Il sait bien qu'au dōjō, quiconque l'affronte fait fasse à l'échec avant même que le combat commence (destinée scellée). Le corps de Jin semble exister seulement pour tenir une arme entre ses mains et pour trouver toutes les faiblesses de l'adversaire. Son corps bouge (mouvement fluide et parfait et accompli sans le moindre effort), précis et meurtrier sans que son regard change.
Yukimaru ne doute pas que quand c'est son katana qu'il tire, son corps s'arche et se courbe pareillement dans cette même danse mortelle de laquelle il connaît tous les pas. Un pas, posture parfaite, une résolution, la lame goûte la chair et l'écarlate du sang (s'abreuve d'une victoire qui laisse Jin froid et désintéressé).
Il sait bien que dans le cœur de l'autre homme, il n'y aura jamais de place pour lui. Yukimaru n'est pas aveugle au bushido qui le relègue au second rang, au bushido pour lequel Jin sera sûrement toujours aveugle et cœur fermé à tout ce qui existe d'autre dans la Création.
Il n'est pas aveugle, mais il ne sait comment arrêter de le regarder (parce que le rêve est beau et fort et le rêve l'enivre mieux que le saké).
D'un pas en arrière
Contempler l'inaccessible,
Rêver d'impossible.
Yukimaru le poursuit comme son ombre (et de ses regards remplis de désir, de ses regards qui ne trouvent pas de réponses). Comme s'il pouvait jamais le rattraper (aussi, il se contente de l'aimer). Comme si l'embrasser pouvait le dompter (peut-il vraiment l'enchaîner?).
Il n'est pas repoussé la première fois (Jin est-il si humain qu'il ne veut pas le blesser?). Il n'est pas repoussé ni la seconde ou la troisième fois, ni la centième (Jin est-il assez cruel pour le laisser rêver?). Il n'est pas repoussé quand ses doigts froissent ses vêtements, s'y accrochent et qu'il le supplie et le supplie encore...
(De lui accorder juste un peu de rêve.)
Peut-être est-ce pour cela que Yukimaru s'obstine aveuglément (mille baisers et pourtant jamais assez pour réchauffer ses yeux). Peut-être est-ce pour cela que quand leurs deux corps bougent ensemble (mouvement doux, rythme chaotique, perfection fugitive), Yukimaru rêve éveillé.
Il rêve de ce qu'il voudrait que Jin soit, que Jin fasse, que Jin dise. Quand Jin est égal à lui-même (glacial et beau), qu'il retourne les gestes en miroir (froid et stoïque), qu'il reste silencieux (immuable même quand il s'arche et se courbe sous le corps de Yukimaru).
Ses doigts sur la soie,
S'en mêlent, s'emmêlent indécis
Tracent des secrets.
Chaque baiser que Yukimaru lui arrache n'est pas une victoire, mais un échec contre se corps qui ne plie que parce qu'on le lui exige (il est pâle comme la lune et inflexible comme l'acier). Les poings de Yukimaru se referment désespérés et exigeants sur le kimono, défont et arrachent en refoulant les larmes brûlantes du refus toujours répété sans qu'un seul mot soit dit.
(Je ne suis pas à toi, je ne serai jamais à toi, dit le regard sans passion.)
Le long corps du obi qui retient la soie bleue serpente et glisse comme pris d'une vie propre avant d'être abandonné mort contre le crème pâle de la paille du tatami (où il s'immobilise et ils s'immobilisent, une seconde, une fraction d'éternité avant que-).
Yukimaru embrasse les lèvres et froissent les vêtements et marquent de son empressement la peau nue qui apparaît (avant qu'il l'aime, trop et pas encore assez mêlés). Des marques qui s'étalent comme les pétales de fleurs tantôt rosées qui pâlissent le temps d'un soupir, tantôt bleutées quand elles naissent de trop de force. Des fleurs qui disparaîtront bien avant de faner (belles et tragiques dans l'éternité fugace de leur passage sur la peau pâle).
Yukimaru embrasse sa gorge et sa poitrine (peut-être que s'il le dévore, sera-t-il sien, soit en moi et je serai en toi). Ses mains le libère du gi bleu, du hakama plus bleu encore et finalement la peau douce de l'étoffe se disperse et se froisse, abandonnée. Toutes les peaux disparaissent une à une jusqu'à laisser Jin nu.
(Mille baisers encore, milles histoires sans fin.)
Ils s'effleurent et bougent et se touchent et chaque geste blesse et aime. Ils s'embrassent et leurs lèvres s'ouvrent et leurs langues s'effleurent elles aussi et chaque respiration est unique et séparée. Il y a entre eux l'espace de rien, peau contre peau et désir contre rêve.
Yukimaru bouge (sur lui et en lui, mais jamais avec lui). Jin se retient à lui (presque caresse des doigts légers que Yukimaru ressent à peine). Yukimaru le possède (mais ce ne sera jamais que pour ces quelques instants). Jin se laisse être possédé (mais sans céder vraiment, sans vraiment être à lui).
Yukimaru ne crie pas son nom quand il s'effondre contre lui, respiration lourde, cheveux et peau embrassée par la sueur. Il s'accroche à lui et Jin ne referme pas les bras autour de son corps, et Jin ne lui jette pas de regard rempli de tendresse (seulement son expression immuable pour tout réconfort, les neiges éternelles ne fondent pas).
Il a seulement assez de la bienveillance née de son nom pour ne pas le repousser aussitôt (comme un poids qui le ralentit et dont il doit se débarrasser).
Parfois, Yukimaru voudrait lui demander pourquoi. Pourquoi il n'a pas la bonté de lui résister ou de lui refuser ce qu'il désire (la bonté de lui briser le cœur une fois plutôt que mille). Pourquoi Jin toujours le laisse l'embrasser et l'aimer et se perdre en lui jusqu'à ne plus vouloir autre chose (pourquoi il le laisse seul).
Mais Jin ne répondrait pas.
Il y a, niché
Dans le silence de ses yeux
Sa réponse glaciale.
(08 mars 2007)