KKM - Wolfram - 49 Demain est quelque chose dont nous nous rappelons [liste 1]

Jul 29, 2007 17:42

Thème : 49. Demain est quelque chose dont nous nous rappelons
Personnage : Wolfram
Série : Kyou Kara Maoh !
Rating : PG
Spoilers : jusqu’au 76
Disclaimer : Rien n'est à moi, mais on a le droit de rêver, non ?

Note : Plus ou moins suite de Ne dis rien de Meanne77. C’était pas fait exprès j’avais un bunny auquel il manquait une préquelle, une séquelle était nécessaire au sien pour la bonne santé fluffienne de la série, et curieusement les deux pouvaient s’accorder. XD J’ai fait quelques modifs nécessaires pour qu’ils se suivent et tadam ! (c’est quand même compréhensible même si vous avez pas lu Ne dis rien. Mais c’est mieux si vous le faites. :D)



Anissina lâcha un soupir écoeuré et s’écarta de sa nouvelle invention, le-faiseur-de-bonne-humeur-kun. Ça ne marchait pas. Rien ne marchait de toute façon ces derniers temps. Et pourtant ils en auraient bien besoin, de bonne humeur !
Elle se rapprocha de la fenêtre et regarda dehors, l’air sombre. Une main sur le ventre, elle se demanda s’il y aurait un moment où elle pourrait faire son annonce en toute tranquillité. Elle refusait de faire connaître son état dans l’ambiance négative qui régnait au château.
Anissina avait cherché à en vouloir à Wolfram, sans succès. Elle comprenait plus qu’elle n’aimait se l’avouer ; qui savait ce qui aurait pu se passer si elle n’avait pas pris les choses en main avec Gwendal ? La différence, c’était que Wolfram avait pris les choses en main dès le début ; elle avait été témoin, tout le monde avait été témoin, de la force et de la détermination de son amour pour Yuuri. Ça devait être évident qu’un jour où l’autre, même Wolfram finirait par fatiguer.
Dix ans, c’était long pour garder des sentiments amoureux passionnés qui n’étaient pas rendus. Yuuri s’y était pris trop tard, beaucoup trop tard, et même si demander l’annulation du mariage le jour même de la célébration n’était pas des plus diplomatiques - la diplomatie n’avait jamais été l’une des qualités de Wolfram - elle ne pouvait pas s’empêcher d’admirer le courage de son beau-frère. On pouvait reprocher beaucoup de choses à Wolfram, mais certainement pas d’être lâche.
Mais depuis, le château était plongé dans un silence et une morosité telle qu’y vivre était devenu insupportable. Anissina s’inquiétait pour le roi. La plupart du temps c’était Wolfram qui lui donnait des coups de pieds pour le réveiller, le sortir de sa torpeur lorsque ça n’allait pas. Ça ne pouvait pas être le cas cette fois pour des raisons évidentes. Conrad marchait sur des œufs, Gwendal refusait de sortir de son bureau, Gunther était d’un silence inquiétant… Seule Greta essayait de remonter le moral de son père.
Wolfram était parti vite après le fiasco. Anissina s’inquiétait aussi pour lui. Ces dix dernières années sa vie avait tourné autour de ses fiançailles avec Yuuri, ça ne devait pas être facile de se retrouver sans but et sans personne. En demandant l’annulation du mariage, Wolfram s’était coupé du château et des gens qu’il aimait. Oh, personne ne l’abandonnerait en âme et conscience, mais… Tout le monde était autour de Yuuri. Le comportement de Conrad, entre autres, irritait un tant soit peu Anissina. Il suivait Yuuri comme son ombre, de loin, mais de façon à lui faire comprendre qu’il était là en cas de besoin. Et qui serait là pour son petit frère ? Qui le guiderait dans son désarroi ? Elle savait que Gisela l’avait forcé à rentrer avec Adelbert et elle, mais ce n’était pas le rôle de la jeune femme de s’occuper de Wolfram. Conrad avait vraiment besoin de redéfinir ses priorités. Qu’il ne vienne pas pleurer après parce que son petit frère le boudait !
Anissina s’était attendu à mieux de la part de Yuuri. Elle l’avait vu grandir, s’affirmer, devenir un roi et un homme. Elle s’était attendu à ce que Yuuri parte à la poursuite de Wolfram comme Greta n’arrêtait pas de lui dire de le faire, elle s’était attendu à ce que Yuuri mette tout en action pour le reconquérir. Il semblait qu’elle s’était trompée. Le roi se transformait vraiment en la mauviette que son ex futur époux lui avait toujours reproché d’être.
On frappa à la porte. Elle lança un « Entrez ! » retentissant.
« Anissina. »
Quand on parlait du loup… Le roi était à la porte, un bol familier entre les mains et l’air plus que déterminé.
« Anissina, j’ai une faveur à te demander. »

¤¤¤

« Je n’arrive pas à croire que non seulement je t’autorise à faire ça, mais qu’en plus j’y participe, bougonna Murata. Qu’est-ce que j’ai à servir des rois plus allumés les uns que les autres ?
- Et je t’en serai éternellement reconnaissant, répondit Yuuri, le ton calme. A toi aussi, Anissina. »
L’épouse de Gwendal agita la main pour indiquer que ce n’était rien, concentré sur sa machine.
« Je maintiens que ç’aurait été quand même plus facile si tu t’étais contenté de lui chanter la sérénade », continua Murata.
Cette fois Yuuri ne répondit rien. Murata soupira. Il posa une main sur l’épaule de son ami.
« Je suis désolé d’être égoïste comme ça, dit Yuuri. Mais…
- Oh, tais-toi ou je change d’avis !
- Ça y’est ! s’exclama Anissina. C’est prêt ! Si vous voulez bien prendre place sur le siège et Votre Altesse, voici le miroir. »
Yuuri sursauta et prit une inspiration, puis d’un pas raide, alla s’asseoir dans le fauteuil relié à la machine d’Anissina. Il était nerveux, mais tellement déterminé que ça n’avait aucune importance.
« Voici comment ça fonctionne, commença Anissina, Votre Majesté, vous allez mettre ce casque et déclencher votre Maryoku, pendant ce temps Son Altesse va poser le miroir sur le plateau dédié à cet effet et déclencher également son Maryoku. La puissance devrait être alors suffisante pour envoyer Sa Majesté dans le passé à la date de son choix.
- Amen, fit Murata. Alors, Shibuya ? Quand est-ce qu’il faut que tu changes les choses ?
- Choisissez bien, avertit Anissina. Vu la quantité de Maryoku nécessaire, je crains qu’un seul essai ne vous soit autorisé, la machine peut casser sous la pression, peut-être même le bol aussi ! »
Yuuri émit un petit rire rauque.
« Où il faut que je change les choses ? Peut-être qu’il vaut mieux que je revienne à mon premier jour à Shin Makoku, alors.
- Shibuya.
- Je sais, je sais… Rien d’autre ne doit changer que… ma relation avec Wolfram. Rien d’autre, souffla-t-il.
- Et souvenez-vous que vous n’aurez probablement pas plus de vingt-quatre heures, peut-être même moins », dit Anissina.
C’était court. Court pour dire à Wolfram tout ce qu’il aurait dû lui dire il y avait longtemps, déjà. Mais ça devrait être suffisant. Il fallait que ça soit suffisant.
« Je suis prêt, dit-il.
- Alors c’est parti ! »

¤¤¤

Noir.
Que… ?
Tout était sombre.
Yuuri se redressa. Quelques secondes plus tôt il était encore autour d’une table de conseil.
« Je me suis endormi ? … Il y a quelqu’un ? Gwendal… ? Gunther… ?
- Regarde ici. »
Il se retourna d’un coup, le cœur battant, et se retrouva… face à lui-même. Ou presque. Il avait l’air un peu plus vieux. Fatigué, aussi.
« C’est quoi, une vision ? demanda-t-il d’un ton curieux avant d’appeler pour le principe : Mademoiselle Julia ?
- Non, répliqua son double. C’est moi. Toi. Enfin, je suis toi.
- … Heu…
- Je vais prendre ta place.
- Quoi ?
- Je vais prendre ta place, quelques heures. Ne t’inquiète pas. En attendant, il faut que tu écoutes, et que tu comprennes. »
Avant que Yuuri n’ait le temps de réagir, une foule d’images et de sensations l’envahirent, d’un coup, comme si quelqu’un avait ouvert un barrage.
De l’amour, de l’amour pour [Wolfram] sans la panique et la peur juste de la joie et le besoin de le serrer dans ses bras « Wolf, je veux t’épouser » l’attente impatiente et le bonheur et « Je t’aime mais je ne suis plus amoureux de toi » Mal.

¤¤¤

Yuuri avait bien choisi son moment. Loin, le plus loin possible, pour être sûr ou presque que Wolfram serait encore amoureux de lui.
Pas trop loin tout de même, juste assez pour se retrouver dans cette période où il s’était rendu compte qu’il aimait Wolfram, mais refusait de le reconnaître. Idiot, idiot, quel idiot il avait été !
Mais il allait changer les choses, coûte que coûte.
« Votre Majesté ? »
Yuuri sursauta, cligna des yeux, et réalisa qu’il n’était pas seul. Qu’il était même loin d’être seul, assis au bout d’une table autour de laquelle se trouvaient Gwendal, Gunther, Dimitri Von Khrenikov, le père de Julia et Wilhelm Von Bielefeld.
Il eut un instant de panique, de vraie panique, parce qu’ils le regardaient tous, que ça avait marché et qu’il ne savait pas du tout ce qu’il se passait.
Il sentait une autre présence en lui, une présence agitée. Il se rendit compte très vite qu’il s’agissait de lui-même. De son lui du passé.
Ç’avait été leur plus grosse inconnue dans l’équation, ce qui arriverait à son lui du passé le temps qu’il serait là. Maintenant il avait la réponse, il le possédait, comme l’avait déjà fait Shinô.
Ça avait marché. Ça avait marché.
« Excusez-moi, j’ai eu une idée mais ça ne vaut pas le coup, reprenez, s’il vous plaît, dit-il d’un ton d’excuse, les doigts croisés pour ça passe.
- Je disais que les ressources de Khrenikov ne sont pas suffisantes pour accueillir tous les réfugiés », reprit Dimitri, et Yuuri situa enfin le moment où il avait atterri.
Suberera. Les demandeurs d’asile de Suberera qui s’accumulaient aux frontières, la nécessité de construire de nouveaux villages, la participation surprenante du grand-père de Wolfram à la réunion parce que certains des réfugiés avaient rejoint de la famille sur le territoire Bielefeld.
Quand il y repensait, Yuuri ne pouvait pas s’empêcher de se dire qu’il avait été lamentable sur cette histoire. Il pensa aux mois difficiles qui allaient suivre et qu’il pouvait éviter en quelques mots, les mots qui lui venaient de façon naturelle maintenant parce qu’il avait l’expérience nécessaire.
Mais il ne devait pas. Malgré l’envie qu’il en avait, il ne devait pas. Au lieu de donner les ordres auxquels les Nobles auraient été obligés d’obéir (il était leur Roi, même si à ce moment dans le temps il avait toujours des difficultés à assumer son autorité), il les laissa se disputer sur la ligne de conduite, essaya de les calmer de temps en temps, puis prit la décision oh combien stupide d’aller voir sur place et de discuter avec la famille royale de Suberera.
L’important, c’était ce qui allait suivre.
La réunion se conclut et Yuuri se leva, sourit à tout le monde comme il se devait, salua Dimitri et le père de Julia qui s’éloignèrent, puis se dirigea vers la sortie, tendu. Ça n’allait plus tarder, maintenant, d’ici un instant à l’autre…
« Votre Majesté ? »
Yuuri s’immobilisa, il avait le cœur qui battait la chamade. C’était là. Maintenant ou jamais. Il se retourna, sourire aux lèvres, aussi crispé qu’il l’avait été à l’époque mais plus tout à fait pour les mêmes raisons. Wilhelm l’intimidait encore un peu, mais à cet instant la famille Von Bielefeld tout entière ne pourrait le détourner de son but.
Le grand-père de Wolfram avait l’air tout aussi mal à l’aise que Yuuri, mais parce que l’idée de demander une faveur, fut-ce au Maoh, devait l’indigner jusqu’au plus profond de lui-même.
« Votre Majesté, vous serait-il désagréable que mon petit-fils m’accompagne jusqu’à Bielefeld ? Cela fait maintenant quelques années qu’il n’est pas rentré en son territoire d’origine. »
Concentre-toi, pensa Yuuri, ce n’est pas le moment de paniquer. Respire à fond.
Bien sûr, avait-il répondu à l’époque, follement soulagé à l’idée que Wolfram et les émotions qu’il provoquait chez lui s’éloignent, bien sûr, emmenez-le.
Lorsque Wolfram était venu s’assurer que Yuuri était d’accord, ce dernier l’avait encouragé avec enthousiasme. Et avait dissimulé, avec soin, le départ prochain pour Suberera. Résultat, après des semaines de conflit, de tentatives d’assassinat et de négociations ratées, il était rentré fourbu, désillusionné, encore plus amoureux de Wolfram et décidé à attendre que le climat politique se soit calmé. Autrement dit trois ans, trois ans de trop.
Yuuri, au fond de lui, sentait que ces deux mois de séparation avaient été la goutte d’eau de trop. Wolfram avait forcément appris à un moment ou un autre que le voyage à Suberera avait été décidé pendant la réunion.
Yuuri ne voulait même pas imaginer à quel point il avait dû être blessé. Wolfram, en temps normal, l’aurait rejoint, contre océans et houseki, mais cette fois il ne l’avait pas fait.
« Je suis désolé, Sire Von Bielefeld, s’entendit-il répondre comme dans un rêve. Mais Wolfram m’est indispensable et je ne peux m’en passer durant mon voyage à Suberera. »
Il s’attendait presque à une réaction de son double, mais tout était calme en lui.
« D’autant que ma visite aura bien plus d’impact si je suis accompagné de mon futur consort », ajouta-t-il.
Les sourcils de Wilhelm se haussèrent, Yuuri imagina sans peine les mâchoires de Gwendal et de Gunther s’écraser au sol. Il ne bougea pas néanmoins, garda son sourire navré au visage, jusqu’à ce que des pas familiers se rapprochent, que la voix aimée se fasse entendre :
« Yuuri, ça y est tu as fini ? »
Il crut suffoquer. Tu sens ? pensa-t-il pour son double. Tu sens à quel point ça fait mal ?
Yuuri se retourna. Wolfram saluait son grand-père mais ses yeux le cherchaient lui ; alors seulement il en fut certain.
Il m’aime. Il m’aime encore.
Vertige. Depuis combien de temps Wolfram ne l’avait pas regardé comme ça ? Et comment avait-il fait pour ne pas s’en rendre compte ?
Son sourire menaçait de lui déchirer le visage en deux.
« Yuuri ? »
La voix de Wolfram était incertaine. Yuuri ne doutait pas qu’il devait avoir l’air d’un parfait idiot à le regarder ainsi, mais il ne pouvait pas s’en empêcher. Il voulait prendre Wolfram dans ses bras, l’étouffer de baisers, et si l’expression de son fiancé, de Wilhelm et des deux conseillers encore présents était d’aucune indication, la sienne ne devait le dissimuler en rien.
Wolfram était écarlate.
« Je… souhaitais te voir rentrer avec moi, commença Wilhelm la voix hautaine et qui se raccrochait à sa dignité. Mais Sa Majesté semble ne pas… pouvoir se passer de toi. J’espère néanmoins que malgré ta qualité de futur consort, tu n’en oublies ni ta famille, ni tes origines. »
Il était rare de voir Wolfram bouche bée et incapable de répliquer. Yuuri, sur un nuage, se rapprocha, laissa leurs bras se frôler.
« Nous viendrons vous voir tous les deux, promit-il d’un ton joyeux. Dès que cette histoire avec Suberera sera réglée. Je ne connais pas Bielefeld, Wolfram pourra me faire visiter, n’est-ce pas, Wolf ?
- Je… tu… Yuuri ?
- C’est entendu, donc, continua Wilhelm. Nous vous attendrons. Si Sa Majesté veut bien m’excuser… Wolfram, tu me raccompagneras au moins jusqu’à mon équipage ?
- Je… Bien sûr, grand-père… »
Avec un regard perdu à l’adresse de Yuuri, Wolfram suivit son grand-père et le Maoh put enfin maîtriser un minimum son euphorie.
« Bien. Je… vais dans mon bureau », marmonna Gwendal.
Ses doigts s’agitaient de façon sporadique. Gunther adressa au Maoh un discours presque inintelligible qui ressemblait plus ou moins à des félicitations avant de s’enfuir dans un sanglot.
Yuuri lâcha un soupir de soulagement. Tout irait bien maintenant. Ça ne pouvait qu’aller dans le bon sens. En lui, son double commença à s’agiter.
« Attends, souffla Yuuri. Attends. Il me reste encore quelque chose à faire. Une dernière chose. »
Il prit une inspiration puis partit à la suite de Wolfram et de son grand-père. Il arriva juste au moment où son fiancé remontait les marches de l’entrée du château. Yuuri attendit qu’il soit en haut pour se montrer ; Wolfram sursauta.
« Yuuri ! Qu’est-ce que tu fais là à rôder dans les couloirs pour surprendre les gens ?
- Je t’ai fait peur ?
- Non ! Bien sûr que non ! J’ai juste… »
Wolfram sembla se souvenir de ce qu’il s’était passé un peu plus tôt et s’interrompit. Ses joues rosées contrastaient avec sa peau pâle, mais il avait repris un peu de contenance. Il redressa la tête et le fixa droit dans les yeux. Yuuri sentit sa gorge se serrer.
« Yuuri, pourquoi est-ce que tu m’as regardé comme ça ?
- Comment est-ce que je t’ai regardé ? demanda le Maoh, la voix douce.
- Tu sais parfaitement comment », rétorqua Wolfram, la sienne aussi ferme que possible, mais la note d’espoir qui y vibrait était presque palpable.
Yuuri se rapprocha de lui, et son double se mit à protester avec fureur, Yuuri sentait qu’il n’en avait plus pour longtemps. Il avait perdu des heures inutiles dans la salle de réunion, et puis son esprit était fort, il n’était pas du genre à accepter de se faire posséder, fût-ce par lui-même.
Je ne le toucherai pas, promit-il. Il faut juste que je lui dise quelque chose. Il n’avait pas le droit de lui dire à quel point il l’aimait, ce n’était pas à lui de le faire, enfin si, mais pas au lui de maintenant, ou plutôt du futur.
Il ne put s’empêcher de prendre la main de Wolfram, de la serrer.
« Wolf… »
Sa voix s’enroua.
« Wolf, je vais peut-être avoir besoin d’encore un peu de temps… mais… Je t’en prie… »
Il perdait le contrôle de son corps.
« Je t’en prie, attends-moi. Attends-moi. »
L’instant d’après il se retrouvait dans l’univers sombre du début, face à son double. Ce dernier avait les yeux écarquillés.
« Tu as compris ? demanda Yuuri, le ton pressant. Tu as compris ?
- Oui, répondit son double d’une voix secouée. C’est bon. »
Soulagé, rassuré, Yuuri laissa le temps le reprendre.

¤¤¤

Il ouvrit les yeux d’un coup, les tempes bourdonnantes, désorienté. Il avait la tête posée sur son oreiller, les rayons lumineux de la lune éclairaient la chambre, ils avaient encore oublié de fermer les rideaux. Il fallut à Yuuri un moment pour remettre ses pensées en ordre. Des images continuelles lui embrouillaient l’esprit, comme s’il recevait en même temps le souvenir de plusieurs vies, et au fur et à mesure que les choses lui revenaient, la panique s’emparait de lui, jusqu’à ce qu’il manque suffoquer. Il se redressa avec un cri de détresse et se tourna, affolé, vers le côté droit du lit.
« Wolfram… » souffla-t-il, la voix rauque.
La tête blonde de son fiancé… époux ?... reposait sur l’oreiller, paisible dans son sommeil, toujours paisible lorsqu’ils avaient fait l’amour avant de dormir, sauf que quelque chose en Yuuri lui soufflait qu’ils n’avaient jamais fait l’amour puisque Wolfram l’avait abandonné le jour de leur mariage, que ce n’était pas Wolfram mais une illusion. Et pourtant il se souvenait de la cérémonie, combien Wolfram avait été beau ce jour-là, et les fleurs blanches dans les cheveux de Greta, le baiser devant tous, son bonheur et celui de Wolfram…
Il tendit une main tremblante vers le corps endormi, le mirage, toucha du bout des doigts le drap qui glissa, puis une épaule nue, solide et chaude. Yuuri tira le drap lentement. Wolfram était nu, et c’était la première, non, la deuxième fois qu’il était nu dans son lit si l’on comptait cette nuit peu après leur fiançailles, mais ce n’était pas possible car il connaissait son corps par cœur, chacune des courbes imprimées sur ses doigts, ses mains, il se rappelait le grain de beauté au creux de son dos sur lequel il ne pouvait jamais s’empêcher de poser les lèvres.
« Un rêve ? »
Quel était le rêve ? La place vide dans leur lit, si douloureuse que ça ne pouvait être que réel, ou bien la présence à ses côtés ?
La gorge serrée, il se laissa retomber sur le matelas, passa un bras autour [du vide] de Wolfram, enfouit le visage dans son cou et se colla à lui. Le geste dut déranger le blond dans son sommeil, car sa voix endormie s’éleva :
« Mmmmuuri ? »
S’il pouvait se réveiller et parler, c’était qu’il était réel, n’est-ce pas ? Plus Yuuri sentait la peau chaude contre la sienne, plus les autres souvenirs paraissaient lointains. Wolfram se retourna lentement, les yeux à peine entrouverts, frotta le bout du nez contre l’épaule de Yuuri.
« Je crois que j’ai fait un cauchemar », murmura ce dernier, la voix toujours étranglée.
Un baiser dans son cou, humide, tiède.
« J’ai peur de me rendormir.
- Ma mauviette, marmonna Wolfram, affectueux. Dors. Ce n’est qu’un rêve. »
Un rêve.
« Et si je me réveille demain et que tu n’es pas là ? »
Wolfram se redressa juste assez pour l’embrasser, puis le regarder dans les yeux.
« Idiot, souffla-t-il. Où est-ce que je pourrais être d’autre ? »

¤¤¤

« Bien ce qu’il me semblait. »
Ken ramassa le miroir-démon, ou du moins les deux morceaux qui en restaient. Son rêve de la nuit dernière avait été beaucoup trop trouble pour être honnête, la sensation de vécu trop familière à ses souvenirs de vies antérieures pour ne pas avoir un soupçon de réalité.
« Au moins, plus personne ne pourra l’utiliser, maintenant. »
Par prudence, il empocha tout de même les deux parties, puis sortit de la salle des trésors pour rejoindre la salle à manger. Le déjeuner ne tarderait plus à être servi, et Lady Von Voltaire avait une annonce à faire.

(fin)

Jeudi 18 janvier 2007
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