Titre: Dévotion
Auteur: drakys
Jour/Thème: 3 juillet/J'y crois pas
Fandom: cartouche, prince des faubourgs
Pairing: cartouche/le lorrain
Rating: PG-13
Disclaimer: xilam
Participation au vote de fin de mois: non
L'air de parfait désappointement sur le visage de Freluquet avait été poignant, l'accusation de traîtres, vous êtes tous des traîtres! venant ajouter en drame au tableau. Le gamin des rues n'avait pas voulu y croire, ce qui avait fait chaud au cœur de Cartouche d'avoir un si fervent allié en la personnage du petit orphelin blond.
Il avait repoussé Fleur d'Épine, larmes aux yeux, incapable de même penser qu'ils puissent vouloir trahir Cartouche. Il avait voulu mourir de honte de les connaître, eux qui trahissait ainsi l'aventureux bienfaiteur des parisiens. Son tourment avait été si déchirant que le bienfaiteur en question s'en était voulu de l'avoir tenu au secret pour une considération aussi ridicule que sa propre sécurité.
À un point tel que malgré les risques, Cartouche lui avait finalement révélé son plan, après s'être dûment débarrassé du déguisement apparemment excellent.
Après tout, le prince des faubourgs allait avoir besoin de tous ses alliés pour ne pas se retrouver réellement pris au piège. Entre les chasseurs de prime courant après les cent mille écus sur sa tête et l'acharnement de la Police, il avait beau avoir du talent et beaucoup de chance, un peu d'aide n'était pas de refus.
Mais la touchante loyauté de Freluquet n'était pas la plus grande marque de dévotion qu'il avait reçue ce jour-là.
***
Le Lorrain marchait avec le faux vieillard, ses yeux dardant toujours d'un passant à l'autre pour voir si quelqu'un remarquait le subterfuge. Le plus nonchalamment possible, il gardait une main à la garde de son épée. Cartouche croyait peut-être dur comme fer à sa bonne étoile, mais l'autre homme aimait encore mieux conserver une certaine prudence.
Prudence était mère de sûreté et sûreté pesait lourd comme mot dans son esprit, lui donnant cette tranquille assurance que préparé, il ne pourrait pas être surpris.
"Cent mille écus", souligna encore l'aristocrate de sa belle voix un peu traînante. "C'est quand même une belle somme.
- Ah, mais encore avec cette remarque Le Lorrain? Te tenterait-t-elle assez pour que tu me trahisses pour de bon?", dit le vieillard d'une voix rauque, lui lançant un regard bleu et surtout inquisiteur.
L'aristocrate soupira.
"Je suis tenté, c'est vrai, mais pas fou. Enfin, pas aussi fou que toi. Et j'aurai peut-être quelque chance dans un tripot pour plutôt gagner cette somme à Dame la Chance que d'avoir à faire le sacrifice de ta tête pour récolter le magot."
Cartouche éclata de rire.
"Je savais que tu ne pouvais pas te passer de moi!"
Le visage de l'autre homme se colora vivement et il détourna la tête tout aussi vite, toussant discrètement dans son poing pour regagner son flegme habituel.
"Ces écus feront bien mieux entre les mains des parisiens que dans celles de quelque chasseur de prime avare qui bénéficierait de la protection d'une meilleure étoile que la tienne."
Il s'immobilisa en réalisant qu'il marchait maintenant seul et il se retourna:
"Est-ce l'endroit?", demanda-t-il en voyant l'autre homme sous le porche d'une maison.
Cartouche secoua la tête pour répondre négativement à la question et il lui fit signe d'approcher, poussant le battant. Il l'entraîna à l'intérieur de la construction délabrée, enlevant chapeau et fausse barbe, et le coinça soudainement contre un mur. L'aristocrate sans le sou fronça les sourcils, sa main trop loin de son épée et le corps de l'autre homme trop près pour qu'il puisse penser bien clairement.
"Galuchon, Fleur d'Épine, ils sont taillés de la même matière que moi. Tu n'as pas les mêmes racines et les aristocrates m'ont cent fois prouvé qu'il n'était pas trop difficile de les rempoter. Pourquoi te ferais-je confiance?", demanda Cartouche, sa voix teintée d'une mesure de menace que le Lorrain y entendait pour la première fois. "Tu ne cesses de mentionner la récompense, tu la joues déjà à l'avance. Pourquoi?"
Son prisonnier ferma les yeux, essayant de composer sur son visage une expression qui n'était pas entièrement transparente. Il n'eut pas l'impression d'y parvenir et il se résigna. Il rouvrit les yeux pour trouver le regard de Cartouche bien planté dans le sien.
"Je ne te trahirai pas", dit-il simplement.
Même sans un traître écu à son nom, il lui restait deux choses de l'aristocratie: sa parole et son honneur. Et si Cartouche n'avait ni argent sonnant, ni titre de noblesse, il avait néanmoins honneur en proportion suffocante.
Sa parole seulement pourrait peut-être le convaincre sans qu'il ne fasse étalage de son inclinaison.
Le Lorrain ne fut pas libéré et il baissa la tête, son visage se colorant de honte. Sa parole et son amitié mises ensemble ne semblaient pas assez fortes pour remplacer les liens intrinsèques d'être de la même condition sociale. Il lâcha une exclamation de surprise quand les mains le relâchèrent, qu'une attira son visage et quand des lèvres prirent les siennes.
Et il s'abandonna au baiser, plein d'un désir apparemment partagé, empoignant les pans de la large cape noire. Il brisa l'étreinte, fermant les yeux. Le Lorrain ne retrouva sa voix qu'avec un terrible effort et il ne murmura d'abord qu'un silence avant d'avouer.
"Je ne sais pas ce que je vais présenter à Dieu, tu m'as déjà pris mon âme."
(03 juillet 2006)