Titre: Confession
Auteur: drakys
Jour/Thème: 5 juin/Épistolaire
Fandom: black cat (univers alternatif)
Personnage/Couple: kranz/bardol
Rating: PG-13
Disclaimer: kentarô yabuki
Participation au vote de fin de mois: oui
"Bardolias, mon frère.
Je t'écris en cette dernière nuit chez moi, avant de finalement partir comme toi pour le champ de bataille, vers un destin que je présume sombre et désespéré. Ainsi vont les guerres des grands, et élevé par l'acier et le sang, c'est mon devoir de m'y rendre sans la moindre parole rancunière et le cœur pur de tout doute.
Je trouverai peut-être la mort, charmante compagne de tous les héros sanctifiés, sur une plaine rougie de la vie liquide des braves. Et je n'ai pas de regret, sinon celui que je ne pourrai peut-être plus jamais jouer du piano et t'entendre me dire que je n'ai pas la moindre mesure de talent avec ce sourire suffisant sur tes lèvres.
Si la belle déesse de la chance me sourit, généreuse mère de l'honneur, peut-être serais-je auréolé de gloire, mais sais que je me battrai avec tout l'honneur que tu m'as inculqué, jusqu'à ce que mon dernier soupir quitte mes lèvres entrouvertes et mon corps mourant.
À la faible lueur de la bougie, j'hésite sur ces quelques lignes comme si mettre sur papiers mes craintes me terrifiait plus encore. L'ombre de la peur est parfois plus terrible que la peur elle-même, ne crois-tu pas? Je ne sais trop quoi te dire, mon cher ami. J'ai peur, je crois, j'aurais peut-être besoin d'entendre ta voix et de voir dans tes yeux cette ferme résolution qui n'est jamais sans réchauffer mon cœur.
Ton courage et ta résolution me manquent. Ne pas pouvoir te suivre, toi et ces idées pleines de ta folie et de ton insouciance, me manquent tout autant.
Je ne sais où tu te trouves et comment cette lettre te trouveras, si même elle te trouvera. Je n'ai plus eu missive de toi depuis des mois et j'ai toujours crainte d'entendre par ta famille que tu n'es plus de ce monde, devenu ange des cieux après avoir été ange, mon ange sur la terre des hommes.
Bien à toi et je t'embrasse, mon frère,
Kranz Maduke, IVe Division de l'Infanterie de Sa Majesté."
***
"Kranz, ridicule idiot romantique.
Je t'entendrai encore torturer ce pauvre piano avec tes musiques de compositeurs morts bien avant ta naissance. Tu sembles me croire mort ou pire, ce qui est humiliant pour moi. Je croyais que tu avais plus confiance dans la précision et l'efficacité de ma lame. Tu sais bien que j'ai un ami que tu connais parfaitement bien, à qui j'ai déjà promis ne pas mourir le flanc percé par une balle ou une lame rebelle.
Je te verrai sous peu, dans cette vie et pas la prochaine. Et si tu t'avises de mourir, je promets par tout ce qui est sacré que j'irais te tirer des griffes des Enfers, dois-je y laisser ma raison. Tu mourras vieux et les cheveux blancs, ou tu ne mourras pas du tout.
Bardol, ton aîné en tout, même en sagesse. Ne t'avise surtout pas d'oser me contredire sur ce dernier point ou c'est à l'épée que nous régleront ce différent."
***
"Monsieur Bardolias S. Fanghini, VIIIe Division de l'Infanterie de Sa Majesté,
Je vous écris cette note suite à l'insistance d'un de mes patients et homme de votre connaissance, monsieur Kranz Maduke de la IVe Division de notre puissante et auguste régente. Monsieur Maduke, soldat de Madame la Reine, a malheureusement perdu la vue à son Service.
Il m'a fait la demande expresse de vous faire parvenir cette information, en plus de la relayer à sa famille immédiate. Je ne sais quel sentiment d'amitié vous unis, mais il semble dépérir rapidement et se mure dans un triste silence que je ne peux briser malgré toute ma science.
Je prends sur moi-même de vous demander de faire requête d'un congé pour vous rendre à notre établissement, et j'inclus pour votre supérieur tous les papiers nécessaires à son octroi. Faites diligence, car même la meilleure médecine ne semble plus rien pouvoir pour lui.
Bien à vous,
Monsieur Belzé Rochefort,
Sanatorium de la Place Chronos."
***
"Monsieur Rochefort,
Je vous serais gré de lire à haute voix ces mots à cet idiot de Maduke. Incluant ceux-ci, pour qu'il comprenne bien qu'il est un imbécile.
Kranz, pitoyable sot. Dois-je toujours te tenir par la main pour que tu conserves un niveau décent de volonté de vivre? Tu as perdu l'usage de tes yeux, soit, voilà une triste perte pour en partie, la gente féminine qui ne profitera plus jamais de leur couleur parfaite.
J'ai obtenu un congé et j'en userai exclusivement pour venir te voir. J'espère que je ne te trouverai pas malade, cloué au lit de ce triste hôpital qui m'a contacté. Comprends bien que j'aurais pu mieux dépenser ces rares jours de liberté à une quelque autre activité de plus belle importance, comme boire ma solde ou trouver un peu de réconfort entre des bras pas trop chers payés.
Mais je ne ferai rien de tout cela parce que je viendrai plutôt passer quelques jours à tes côtés, mon frère. J'espère te trouver bien portant et si tu ne peux plus me voir, prépare-toi à m'écouter plus que tu ne l'as jamais fait.
Bardolias, pas assez tôt parti. Puisse cette damnée diligence faire route bientôt, mais après que cette lettre soit jetée à la poste. Sois certain que je suis dans une disposition pour moi-même mettre fin à tes jours si tu ne te sors pas de ta misérable torpeur."
***
"Bardol cher à mon cœur, jamais tu ne liras ces mots.
Je t'écris en cette dernière nuit chez moi, après avoir complété cette première lettre que j'oserai poster. Celle-ci disparaîtra dans les flammes et je la regarderai brûler et devenir cendres légères, mais mes sentiments resteront pour me hanter. Je pars demain au champ de bataille le cœur souillé de tous ces regrets qui le noircissent.
Celui de n'avoir jamais su avoir le courage de poser mes lèvres sur les tiennes. Celui de n'avoir jamais pu tenir ta main en homme, autrement que dans ces jeux, souvenirs de notre enfance. Celui de ne pas t'avoir revu depuis trop longtemps, même si tes traits sont gravés d'or dans ma mémoire.
Je n'ai jamais su trouver les mots pour t'avouer ce qui rend mon cœur si lourd et si triste. Je regrette de n'avoir jamais pu caresser ton visage, non pas dans ces tristes étreintes de l'amitié, mais dans le rituel de deux amants. Je regrette de m'être fait aveugle à mon propre cœur, quand il ne battait que pour copier la musique du tien.
Bardol, mon ami, mon amour jamais assouvi, j'ai peur de t'avoir menti.
Je ne chercherai pas sur le champ de bataille la gloire et les honneurs du soldat accompli, mon épée ne sera pas tirée contre les impétueux rebelles et ne servira pas son auguste Majesté. Mon corps et même mon âme chercheront la mort dans les plaines, la lame à ma main tremblera et j'espère si avidement tomber sous les coups de l'ennemi.
Mon cœur déchiré par l'acier ne semble pas plus un mal que la douleur qui maintenant l'oppresse dans ma poitrine. Mon corps offert à la puissance guerrière du dieu Mars n'est pas plus triste que tous ces jours passés sans ta présence et ailleurs que sous ton regard.
Bardol, je t'en supplie, laisse-moi l'illusion de mourir en homme d'honneur. Ne me laisse plus jamais, ne m'abandonne plus jamais. J'emporterai avec moi mon odieux secret, cette misérable souillure à mon honneur d'homme. Plutôt la mort que de perdre ton estime, plutôt la mort que de souffrir plus longtemps de ne pas pouvoir te toucher, t'aimer.
À toi pour l'éternité et au-delà, ton frère indigne, Kranz."
(05 juin 2006)