Titre: Doux-amer
Auteur: drakys
Jour/Thème: 19 février/faire courir ses doigts
Fandom: prince of tennis
Couple: akutsu/kawamura
Rating: R
Disclaimer: takeshi konomi
Notes: fic qui pourrait être située disons une dizaine d'années dans le futur, donc ça patauge fort possiblement tout près de l'univers alternatif. peut-être un peu OOC, j'ai encore de la difficulté avec ces personnages (bouh ouh ;_;).
Participation au vote de fin de mois: oui
Il connaît cet endroit sur le bout des doigts et trouve qu'il y prend trop de confort. Il sait bien qu'il y va trop souvent et que ce n'est jamais vraiment pour le sushi, un aveu à lui-même qui l'irrite profondément. Sa main pousse sur la porte et elle s'ouvre presque silencieusement. La voix lui souhaite la bienvenue et il lui est entièrement exaspérant que n'importe quel deux de pique qui entre se voit salué avec autant d'entrain.
"Irashaimase!", sourit Takashi avant de réaliser qui vient d'arriver.
Jin se laisse tomber sur le banc le plus près au comptoir, sa forme élancée et svelte épouse parfaitement ce coin en particulier. Comme si c'était sa présence répétitive qui avait poli le bois du siège qu'il occupe. Comme s'il faisait maintenant presque partie du décor. Il a le même froncement de sourcils que depuis toujours, sous le blanc des cheveux qui ont besoin d'une nouvelle décoloration. Il relâche sa cravate et enlève son veston et suit de son regard foncé de fauve les mouvements de l'hôte.
"Je serais avec vous dans un- Jin!"
"Jin…", lui gémit-il doucement à l'oreille.
La dernière consonne s'étire sans jamais s'éteindre, comme allongée jusqu'à la fin du monde. Un baiser pour qu'il se taise, parce qu'entendre son nom prononcé comme ça fait vachement trop mal. 'Ne m'aime pas', voudrait-il lui dire, à grand renfort de coups pour qu'il comprenne enfin.
Un autre baiser ajouté à l'autre pour qu'il reste tranquille sous lui comme il bouge et continue de bouger, acharné et dents serrées, essayant de se battre lui-même à la course. 'Putain, ne m'aime pas, j'en ai trop besoin', voudrait-il lui crier, en lui faisant mal pour le repousser.
Le baiser s'emporte sans qu'il l'ait consciemment désiré, mais son corps connaît le moindre désir qu'il ait. Leurs langues s'effleurent durement et Jin se reprend, mord la lèvre inférieure de Taka et suce la peau endolorie. Le baiser devient plus sauvage et des mains l'attirent plus près encore.
'Non, Taka...'
Il y a une bouteille de Sapporo déposée devant lui avant même qu'il en demande une. Les doigts y restent trop longtemps, laissant quand ils s'en vont enfin des taches ovales sur la condensation qui épouse le métal de la cannette. Jin lève les yeux sans un mot pour rencontrer les siens.
Il force sur son visage tout l'inintérêt qu'il peut y mettre à cette salutation particulière et silencieuse. Mais Taka le vainc de ce petit sourire si heureux et il baisse les yeux, incapable encore une fois d'arriver à le blesser.
"De quoi as-tu envie ce soir?", vient la question.
"La même chose que d'habitude", répond Jin.
Sur un ton sec qui n'engendre qu'un rire trop doux, douceur qu'il ne mérite pas.
"Tu sais vraiment ce que tu aimes, Jin."
Oui. Ce sont les doigts qui courent sur la peau nue de son dos, les doigts qui essaient en vain de s'accrocher à lui, mais qui glissent et qui dérapent à cause de la sueur. Les longs doigts aux ongles coupés courts, parfaitement propres, qui s'enfoncent dans son dos avec des gémissements étouffés pour tout effet sonore.
C'est la langue si chaude qui vient à la rencontre de la sienne sans se faire prier. C'est quand Taka ferme les yeux et qu'il peut y déposer des baisers, un geste si gentil, presque délicat, qu'il a l'impression qu'il va devenir fou à ainsi se trahir lui-même.
C'est ce qu'il y a dans le fait qu'il peut le rudoyer sans jamais le briser. C'est ce qu'il y a dans la force tranquille avec laquelle Taka accepte tout avec un sourire. C'est ce qu'il y a dans cette entente muette entre eux qu'il ne faut pas poser de question.
C'est ce qui le ferre sans espoir de se libérer du crochet, comme la prise du jour.
La même de sélection de nigiri qu'il mange toujours chez Kawamura Sushi s'étale devant lui sur l'assiette noire aux dessins rouges. L'homme qui l'y a déposée se défile déjà pour servir un autre client. Son visage est si plein du bonheur que lui apporte son travail que Jin sent l'amertume le noyer. Il détourne le regard et la noie en retour avec ce qui lui reste de bière. Il se verse ensuite un peu de sauce soya et y délaie du wasabi.
Beaucoup trop, comme une insulte au chef parce qu'il sait que Takashi remarquera que la pâte de raifort a entièrement disparu du plat, mais qu'il ne fera pas la moindre remarque quand ses mains viendront débarrasser le comptoir.
Il y a du blanc et du rose et du rouge et du brun présentés sur l'assiette, à quelques couleurs près d'un arc-en-ciel complet. Une fleur délicate de gingembre mariné ouvre ses pétales dans un coin et il se sent étrangement jaloux de ces longs doigts qui ont donné naissance à cette rose.
Les doigts sur son visage sont trop doux et il détourne la tête pour ne pas se laisser prendre par le regard trop plein des significations qu'il refuse d'accepter. Il lèche et suce la peau que ses lèvres atteignent, ses doigts glissent sur les phalanges, caresse d'émail sur chair.
Sa bouche trouve sur les doigts une vague trace de goût qui y erre: sucré comme le mirin et pourtant amer comme le vinaigre de riz.
Le saumon disparaît en premier. Le riz ne lui colle par aux doigts; le poisson fond sous sa langue.
Baiser sur baiser sur d'autres baisers: une succession infinie de chaleur et de ces douces petites attentions (et d'amour). Jin s'en arrache et retiens sa respiration pour ne pas s'y perdre. Il bouge plus vite, son front contre l'épaule large de l'homme sous lui et ses mains se referment en poings, jointures blanches.
Ses poings se défont et s'agrippent au corps de l'autre homme. Ils courent et glissent et se reprennent et se resserrent. Baiser sur baiser sur d'autres baisers: échangés du bout des lèvres dans le mouvement chaotique.
L'anguille suit: délicieux mélange de chair tiède et de riz frais.
Le plancher sous eux est froid; leurs corps unis sont trop chauds et trop lourds. Ils ne font qu'un, enveloppés dans le même besoin et dans le même désir écrasant. Ils ne font qu'un, même si Jin déteste cette pensée. La pensée qu'il n'est complet que grâce à Taka.
Il ne lui reste que le thon rouge: Jin le garde toujours pour la fin.
Pour quand il ne peut contenir plus longtemps le plaisir et qu'il jette la tête en arrière, que son corps s'arche. Il y a une seconde, deux secondes, quelques-unes de ces petites éternités qui ont un goût de paradis. Respirations rapides et yeux fermés et tout est enfin absolument parfait.
"C'était bon?", demande Takashi en s'arrêtant un instant près de lui, quand il a terminé son plat.
Les doigts (sur son corps) reprennent le plat.
"J'ai connu mieux", grogne Jin, parfaitement hargneux, pour toute réponse.
Et il y a ce sourire qui joue encore sur les lèvres de Takashi (qu'il dévore de baisers affamés) et Jin détourne les yeux quand il demande une autre Sapporo et quelques morceaux de sashimi d'anguille.
Il y a des choses dont il ne peut simplement pas se passer.
(Putain, ne m'aime pas, j'en ai trop besoin.)
(19 février 2007)