Titre : A toi, de toi
Auteur :
Alaiya666Jour/Thème: 1er juillet 2006 - dépendance
Fandom : Saint Seiya - UDC!verse
Pairing: Angelo (DM)/Shura
Rating: PG
Nombre de mots: 1000 tout pile
Disclaimer: Masami Kurumada
Participation au vote de fin de mois : non
Note : UDC!verse - Séquelle - se déroule au printemps 2008, soit deux ans et demi après la fin de Fragments (et trois ans et demi après la fin d’UDC). Oui, je sais. Fangirl irrécupérable.
Ses doigts tremblent. Presque. Lorsqu’il les pose sur la bouche à peine entrouverte, le bleu ne cille pas, accroché à lui, attentif et sans ombre derrière lesquelles se dissimuler. Les extrémités de son index et de son majeur glissent sur la lèvre supérieure, s’interrompent sur la gerçure familière qui en marque le centre, avant de poursuivre, légères, jusqu’à la commissure. Celle-ci, à peine, se relève. Un sourire peut-être, ou un mot sur le point de naître ; les doigts, eux, poursuivent leur lente exploration. La lèvre inférieure est pleine et douce et cette fois, la main de l’Espagnol frémit tout à fait alors qu’elle s’attarde. C’est qu’il y a cette ligne, claire, cette démarcation nette et parfaite qui ourle la bouche cent fois embrassée et la rattache à la peau mate du visage mille fois contemplé.
Des yeux, inlassablement, il l’a redessinée. Pour ses rêves d’abord, pour ses souvenirs ensuite, ceux dont il a longtemps pensé qu’ils seraient à jamais les seuls trésors en sa possession. Aujourd’hui encore, il a du mal à y croire. Ce qu’il a si souvent regardé, il le touche. Imaginé, il le possède. Les fantasmes se font et se défont au gré des jours puis s’effacent au fil des années ; la réalité ne peut pas se déliter, elle existe, tangible et présente à chaque instant. Elle vit et perdure au rythme de leurs volontés puisqu’elles seules suffisent désormais à lui conférer sa substance. Ils veulent ? Ils obtiennent. De l’autre, d’eux-mêmes. Du monde aussi, s’ils le souhaitaient, mais du monde, ils n’ont pas envie.
La main d’Angelo rejoint la sienne, leurs doigts se mêlent et trouvent leurs bouches l’une contre l’autre. Un baiser de plus, mais le premier, toujours, comme une reconnaissance. L’autre main du Cancer s’est posée sur l’épaule gauche de son compagnon, que la chaleur d’un cosmos qui pourrait être le sien gagne peu à peu. Elle est plus qu’un souvenir : elle est la vie que l’autre lui a rendue.
Shura bascule sur le côté du lit, s’étend à plat dos, sa main toujours logée dans celle de l’autre homme. De le baie vitrée ouverte lui arrive la brise de la fin d’après-midi, rafraîchie par le lac dont elle frise la surface, et il en savoure la caresse sur son torse nu. Il n’a pas froid, et se dit qu’il pourrait demeurer ainsi indéfiniment, sous ce toit et entre ces murs tout entiers de bois, loin de tout et près de lui.
« Et si on restait là ? »
A sa droite, le Cancer a tourné la tête vers lui. Lui est encore comme il est arrivé une heure plus tôt alors que Shura s’était assoupi en l’attendant. Avant même son poids sur le matelas, c’est sa présence qui a ouvert les yeux du Capricorne. La chemise noire qu’il porte n’est pas la sienne et le sac qu’il a laissé dans l’entrée non plus : l’Espagnol a vu alors son regard. Il n’a rien demandé.
Ils n’ont pas encore fait l’amour. Une semaine qu’ils ne se sont pas touchés mais ils savent : le temps qui leur est dorénavant imparti est celui qu’ils décideront de s’allouer.
« Je veux dire, pour de bon ? On pourrait. »
Ne plus partir. Ne plus être séparés.
Angelo a considéré l’expérience nécessaire. Pour lui-même. « Je veux savoir », a-il dit sans préciser plus avant, sans que ce soit indispensable non plus pour le Capricorne qui s’est plié à sa demande. Et lui, qui n’était pourtant pas en proie à la même soif de connaissance de soi, a alors dû s’abreuver au même tonneau. Et ce qu’il savait déjà n’en a été que d’autant plus confirmé qu’au loin, il a compté les jours. Les heures. Et chacun des instants qui raccourciraient un peu de l’absence.
Angelo sait à présent. Mais sait-il tout ? Cette question qu’il pose, n’en connaît-il donc pas déjà la réponse ?
Un rire étouffé soulève le torse de Shura et le Cancer resserre sa main dans la sienne, comme il ne voit plus de lui que son profil acéré, la ligne de son front presque plat, celle, si droite, de son nez, et enfin le dessin de son menton à contre-jour, synthèse de la force contenue dans une mâchoire qui a trop l’habitude d’être serrée.
Une seconde, l’Italien croit qu’il ne va pas répondre et cette perspective le ferait vaciller s’il n’était pas allongé. Il n’a pourtant pas l’intention de lui demander de comprendre ; seulement d’accepter. Le reste, il en fera son affaire. Pourvu seulement qu’il l’entende.
« Je ne pense pas qu’on puisse être dépendant de quelqu’un comme moi je le suis. De toi. »
La lumière du jour bas est rasante sur le côté du visage de l’Espagnol qui a pivoté vers le Cancer. Le reste de ses traits est perdu dans un clair très obscur que les yeux d’Angelo, soudain mobiles, peinent à percer.
« Tu croyais être le seul ? » Dit encore Shura dont la voix, basse soudain, se fraie une route jusqu’aux certitudes de son compagnon. Qui cèdent sous la vérité nue des mots de l’autre.
Dans les doigts qui se tordent entre les siens, Angelo se reconnaît. Il perçoit l’angoisse nouée au ventre par les “et si demain” qui font le lit de ses nouveaux cauchemars ; il ressent la douleur derrière les yeux induite par l’absence ; et il suffoque à l’idée de la Perte. Ce qu’il a redouté puis accepté le concernant anime son compagnon de la même manière. Avec la même intensité. Et la même souffrance, celle qui naît de ce qui ne peut être contrôlé et dont on sait que tout sera emporté sur son passage. Un jour.
« Je voulais le croire. »
C’est tout ce que le Cancer dira. Lorsque le Capricorne soulève leurs deux mains nouées et les guide jusqu’à sa poitrine, l’Italien le laisse faire. Sous sa paume, le cœur bat. Régulier. Fort.
« Ici, ou ailleurs, peu m’importe. »
Mais avec toi.