Disclaimer: Ils ne m'appartiennent pas, malheureusement.
Titre: "Unique" première partie
Pairing: Draco/Charlie
Rating: PG 13
Thème: n°6 Mourir
Résumé: Draco fuit les mangemorts à travers la Roumanie après qu'un évènement tragique lui ait brutalement ouvert les yeux.
Warnings: Angst!! L'action se passe après HP et le Prince de Sang Mêlé, mort d'un personnage secondaire.
Première partie
Cela faisait maintenant plus de deux heures que Draco volait au dessus des terres de Roumanie, fuyant avec détermination et désespoir la Transylvanie. Il n’avait jamais auparavant atteint une telle vitesse sur son balais. Le paysage qui défilait au dessous de lui à une allure folle n’était plus qu’un vague défilé de formes et de couleurs indistinctes, se mêlant les unes aux autres comme une aquarelle délavée.
Il serrait si fort entre ses mains glacées le manche de son balais qu’il avait des crampes dans les bras et que ses doigts étaient totalement engourdis. Le vent froid de cette nuit d’automne, augmenté encore par la grande vitesse à laquelle il allait, faisait claquer sa robe et sa cape contre ses cuisses, le déséquilibrant légèrement. Cela prouvait bien qu’il valait mieux porter un uniforme de quidditch si on voulait faire de longs trajets en balais, ou au moins des habits moldus. Malheureusement, dans sa précipitation il n’avait pas pu faire autrement que de rester en robe, et il n’avait même pas pu prendre de gants pour protéger ses mains. Il avait déjà eu assez de chance qu’ils ne remarquent pas le balais rétréci dans sa poche, ce qui lui avait permis de fuir. Il n’avait pas voulu que quelqu’un se doute de ses projets avant qu’il ne les mette à exécution.
Il se sentait faiblir, le froid et ses blessures le faisant perdre de sa vigilance. Ses yeux se fermaient déjà tout seuls et il savait qu’il ne pourrait pas tenir beaucoup plus longtemps. La rage et la douleur qui l’avaient soutenu jusqu’ici et qui l’avaient poussé à défier le Mage Noir ne faisaient maintenant qu’alourdir son fardeau. La marque des ténèbres sur son avant bras le brûlait comme un charbon ardent.
Il essayait de ne pas penser à elle, de ne pas revoir ses yeux vides qui le fixaient avec étonnement, son visage aux traits d’habitude si vifs et intelligents déformé par la terreur, et son corps étendu sur le plancher sale de la grande maison, comme celui d’une marionnette dont on aurait coupé les fils. Il essayait de ne plus sentir sous ses doigts sa peau si douce que la mort avait rendue froide et cireuse. Mais son esprit revenait sans cesse sur ces dernières images qu’il avait d’elle, et il faisait semblant de croire que les larmes qui jaillissaient de ses yeux et étaient emportées par le vent n’étaient dues qu’à la bise glaciale qui fouettait son visage. Il ne pouvait pas se permettre de faiblir.
Il avait eu de la chance, la nuit était sans lune et une épaisse couverture de nuages couvrait le ciel, le dissimulant aussi bien aux yeux des moldus qu’à ceux de ses poursuivants. Car il était sûr d’être pourchassé. Ils ne se contenteraient pas de le laisser partir comme ça, surtout pas avec la précieuse cargaison qu’il avait emporté avec lui.
Il désespérait maintenant d’arriver à destination. Il avait été obligé de faire de nombreux détours pour confondre ses ennemis et éviter les villes et villages moldus qui parsemaient les plaines de Roumanie. Il espérait ne pas avoir trop dévié de sa route en faisant ça.
Il poussa un gémissement de bonheur quand il vit enfin se profiler devant lui les reliefs montagneux des Carpates. Il se rapprochait enfin du but et, s’il était prudent, il pourrait s’arrêter quelques heures pour se reposer un minimum. Il se tendit un peu plus et accéléra encore, ses muscles protestant douloureusement contre cette sollicitation.
Enfin, il vit un petit bosquet d’arbres à flanc de montagne vers lequel il se précipita. L’atterrissage fut moins que gracieux, ses membres engourdis par le froid et la douleur ne le soutenant qu’avec peine. Il tituba comme un homme saoul jusqu’à un des pins les plus proche afin d’être à couvert quand il s’effondra d’épuisement sur le sol.
Draco roula péniblement sur le dos et contempla un instant l’obscurité, ignorant la douleur qui lui parcourrait tout le corps pendant qu’il calmait sa respiration et les battements de son cœur. Quand enfin il fut un peu plus détendu, il se redressa légèrement et rampa sous l’arbre pour aller s’appuyer contre son tronc. Il ôta sa robe, prit entre ses mains le bas et en déchira un long morceau d’un mouvement sec. Il ferma ses yeux et mordit sa lèvre inférieure quand il ouvrit lentement, un à un, les boutons de sa chemise poisseuse de sang. Il gémit lorsque celle-ci se décolla douloureusement de la blessure qu’elle dissimulait. Il rouvrit enfin les yeux quand elle fut dégagée pour estimer les dégâts : c’était une longue entaille qui courait, peu profonde, le long de son estomac et remontait jusqu’à son flanc en s’aggravant.
"Merde !" grogna-t-il.
La partie de la blessure se situant sur son ventre ne saignait déjà plus. Par contre, celle sur son côté laissait toujours échapper un filet de liquide rouge sombre, presque noir dans le faible éclairage. Il n’osait pas jeter de sort de guérison de peur d’alerter les mangemorts de sa présence, aussi il prit son bandage improvisé et il l’enroula autour de son ventre le plus serré possible.
"Putain Greg, ton père m’a vraiment pas raté." soupira-t-il en s’appuyant à nouveau contre le tronc d’arbre.
Il ferma les yeux avec lassitude en basculant la tête en arrière. Ce n’était pas la peine qu’il inspecte les autres blessures qu’il avait récolté. De toute façon il ne pourrait rien faire pour elles, et surtout pas pour la brûlure à sa jambe gauche qui lui faisait un mal de chien. Il sentit ses muscles se détendre petit à petit et, pour la première fois depuis plusieurs jours déjà, il se laissa aller au sommeil, espérant grappiller quelques heures de repos avant de devoir repartir.
Il était arrivé en Roumanie un mois auparavant. Le Mage Noir avait tenu à l’emmener avec lui pour garder un œil sur lui. Depuis le fiasco de la mort de Dumbledore, Draco n’était pas vraiment en odeur de sainteté parmis les mangemorts. Voldemort avait fait ce voyage lui même en Transylvanie afin de persuader les vampires qui y résidaient de se joindre à sa cause. Ce qui n’était pas une mince affaire étant donné que ceux-ci étaient organisés en clans qui passaient plus de temps à se faire la guerre entre eux qu’à chasser, ce qui était dire quelque chose. Mais leur puissance était telle qu’ils auraient fait des alliers non négligeables, même si un seul des clans acceptait leur offre. Le Seigneur des Ténèbres n’avais pris avec lui que peu de mangemorts pour cette mission et il avait laissé le reste de leur groupe ainsi que les opérations de terreur menées en Angleterre à la charge de Snape, son nouveau favoris. Draco avait bien assez entendu sa tante Bellatrix grommeler amèrement à ce sujet pour être au courant.
Mais à dire vrai, le blond ne se sentait pas très concerné par la politique intérieure des mangemorts, il était bien trop préoccupé par sa propre situation qui lui paraissait assez précaire. Il était terrifié à l’idée de n’être là que pour servir d’offrande aux vampires, en gage de la bonne volonté de Voldemort.
Narcissa avait sans doute pensé la même chose, et c’était sans doute pour ça qu’elle s’était présentée une semaine auparavant au quartier général de Transylvanie. Il ne l’avait vu que quelques minutes quand elle était arrivée, juste le temps pour elle de l’embrasser et de lui chuchoter quelques mots d’une voix douce :
"Tu n’as rien à craindre mon chéri, je suis là."
Elle lui avait caressé tendrement les cheveux puis était partie d’un pas impérial rejoindre le Mage Noir qui l’avait convoquée. Sa simple présence avait rassuré Draco. Il était sûr que tout irait bien si elle était là.
Il fut appelé le lendemain dans la pièce que s’était réservé Voldemort et c'était là qu'il l’avait découverte.
Il n’avait pas hurlé, ni même pleuré quand il l’avait vu étendue sur le sol, sans vie. En fait, il ne l’avait pas reconnue.
Comment l’aurait-il pu ? Sa mère était une femme pleine de vitalité et de tendresse sous le masque glacial qu’elle portait devant les autres. Ce teint cireux, cette bouche bleuâtre, ces traits déformés par la terreur ne ressemblaient en rien à Narcissa. Il refusait de croire que c’était elle.
Draco avait relevé ses yeux vers le Mage Noir qui se tenait silencieux en face de lui, dos à la cheminé.
"Voilà ce qui arrive quand on me défie, Draco." fit-il d’une voix sifflante. "Retiens bien la leçon."
Le blond avait fixé d’un regard vide, incompréhensif, le visage pâle et terrifiant de seigneur des ténèbres. Celui ci l’étudiait intensément de ses yeux rouges, sa bouche se plissant en un sourire cruel.
"Elle méritait de mourir, vois-tu." reprit-il d’une voix presque aimable. "Elle voulait s’enfuir en France avec toi. Elle voulait me trahir !"
Draco secoua la tête en dénégation, non pas de ce que l’autre venait de dire, mais de ce qu’il avait impliqué.
Non non non non non.
"Heureusement, ma chère Bella m’est restée fidèle et m’a dévoilé ses plans à temps. Je ne pouvais pas faire autrement que punir Narcissa."
Il parlait d’un ton de regret démenti par la lueur malveillante de son regard. La gorge du blond se rétréci jusqu’à ce que l'air refuse de passer dans ses poumons. C’est alors qu’il sentit l’esprit du Mage Noir toucher le sien, un effleurement glacial et nauséabond qu’il avait déjà ressentit et qui le faisait toujours se sentir sale après. Par pur réflexe, il remonta ses défenses mentales et bloqua l’accès de l’autre à ses pensées. Draco avait été un élève très doué en occlumency.
Le sourire de Voldemort s’agrandit, dévoilant des canines longues et pointues qui n’auraient pas déparé dans la gueule d’un crotale, mais il n’insista pas.
"Tu es très doué. Bien plus que ton père." sa voix sibilante dégoulinait d’une approbation menaçante. "Mais prend bien garde à ne pas attiser ma colère, tu as vu aujourd’hui ce qui attend mes ennemis… et ceux qui me déçoivent."
Le blond avait hoché la tête mécaniquement, son regard attiré comme par aimant par la forme écroulée sur le sol et qui n’était pas sa mère. La robe sombre de Voldemort le frôla quand il passa près de Draco pour sortir de la pièce, le laissant seul avec le cadavre.
Il s’en approcha lentement, un poids de plus en plus lourd pesait sur sa poitrine alors qu’il examinait les cheveux blonds qui s’étaient échappé d’une résille et qui s’étalaient sur le sol comme un halo doré autour de son visage. Il s’agenouilla à côté d’elle et même si il savait que ce n’était pas Narcissa, ses mains se mirent à trembler alors qu’il repoussait doucement une de ses mèche soyeuse. C’est à ce moment qu’un reflet argenté accrocha son regard. C’était une délicate chaîne qui entourait le cou de la femme. Il la toucha du bout des doigts puis la prit, dégageant le médaillon qui y était accroché et un poing de glace se referma sur son cœur quand il distingua le M ouvragé gravé sur une de ses faces. Il l’ouvrit lentement et vit la miniature qui les représentait lui et sa mère, faite quand il avait cinq ans. Narcissa ne la quittait jamais.
"Non… non non non non non nononononononononononononon !" gémissait une voix dans la pièce, comme le cris d’un animal blessé.
Il croisa les yeux gris au regard apaque de sa mère, deux miroirs brisés ne reflétant plus que la vacuité d’un monde qu’elle avait quitté.
Draco se réveilla en sursaut, son visage baigné de larmes et de sueur. Il n’était pas sûr de ne pas avoir crié et il écouta attentivement les bruit de la nuit pour guetter un son suspect. Il jeta un coup d’œil au ciel pour estimer le temps qui s’était écoulé, mais au vu de l’obscurité ambiante, il n’avait pas dû s’assoupir plus d’une heure ou deux.
Pris d’une brusque inquiétude, il fouilla dans la poche intérieure de sa cape et en ressortit le médaillon. Il le serra fort dans sa main puis le passa autour de son cou. De la même poche il sortit une petit boite rectangulaire en bois. Dans l’obscurité il ne pouvait pas voir les dessins délicatement peints sur elle, mais ils étaient gravés dans son esprit et il aurait pu les retracer de mémoire. C’était un plumier, un très beau et très ancien plumier bleu avec quatre aigles couleur bronze sur chacune de ses faces. Il avait probablement appartenu un jour à Rowena Serdaigle si on pouvait en juger des initiales gravées à l’intérieur.
Draco fit une grimace et rangea vite la boite. Elle suait la magie noire et il était toujours mal à l’aise quand il la tenait dans ses mains.
Il tenta de se lever en s’appuyant lourdement sur le tronc d’arbre mais lorsqu’il fut debout, sa tête se mit à tourner et il vacilla dangereusement. Des frissons le parcouraient mais en même temps il avait chaud et aurait aimé se débarrasser de sa cape.
"Oh putain, non." souffla-t-il en posant son front brûlant contre l’écorce rugueuse de l’arbre.
Il avait de la fièvre. La brûlure à sa jambe, son entaille ou encore une des nombreuses coupures dont il souffrait avait du s’infecter. Ce n’était pas franchement étonnant mais il n’avait vraiment pas besoin de ça en plus du reste.
Il rassembla ses dernières forces, ramassa le balais qu’il avait laissé traîné à terre quand il était arrivé puis redécolla.
Il était nécessaire qu’il arrive à la réserve avant le lever du soleil.
* * * * * *
"Echec."
Charlie fronça les sourcils en fixant l'échiquier d’un air concentré, sa bouche tordue dans une moue pensive. Il plissa ensuite ses yeux en se rapprochant du jeu d’échec, mordilla sa lèvre inférieure et passa une main nerveuse dans ses cheveux courts. Il sentait sur lui le regard de reproche des quelques pièces qui lui restaient et il se sentit coupable envers elles d’avoir si mal joué.
"Alors, on abandonne ?" demanda Stefan d’une voix moqueuse.
Les yeux bruns du roumain pétillaient de malice et son visage tanné exprimait toute son anticipation de la victoire.
"Pas question. Jamais je ne me rendrai." répondit le rouquin en poussant un de ses pion récalcitrant.
Une main brune et fine passa par dessus l’épaule de Stefan et bougea son roi avant que celui-ci ait pu faire quoi que ce soit.
"Echec et mat !" énonça joyeusement une voix féminine. "Et maintenant, il est grand temps d’aller se coucher, vous deux. Vous êtes pires que des gamins."
Charlie sourit à la jeune femme derrière son ami qui avait pris un air faussement sévère. Izabella passa tendrement ses mains dans les cheveux de Stefan, son mari, et lui rendit un sourire lumineux, ses yeux noisette brillant d’une lueur d’indulgence amusée.
"Hé ! Je proteste !" s’exclama Stefan. "Je suis certainement plus évolué que ce loser ! Regarde, j’ai gagné !"
"Erreur. C’est moi qui ait gagné." répliqua la jeune femme en lui flanquant une petite pichenette sur la tête.
Charlie rit doucement de leurs chamailleries, il avait presque l’impression de rentrer à la maison quand il était avec eux et leur petite famille. Stefan Karagosian travaillait avec lui à la réserve, ils avait tous les deux la charge en tant qu’éleveurs de dragons de toute la portion occidentale du parc et ils s’étaient tout de suite bien entendu malgré leurs différences. C’était un homme immense de trente sept ans aux cheveux et aux yeux bruns, marié et père de trois magnifiques enfant qu’il adorait.
Le rouquin jeta un coup d’œil à la pendule posée au dessus du foyer et tressaillit : il n’avait pas vu le temps passer et il était déjà une heure trente du matin.
"Je ne vais pas vous déranger plus longtemps. Je suis désolée Izabella, je n’avais pas vu l’heure. Je vais rentrer."
Il se leva, prit son manteau et déposa un baiser sur la tempes de la jeune femme quand il passa à côté d’elle. Celle ci fronça les sourcils et croisa les bras devant elle, soucieuse.
"Tu n’as pas besoin de rentrer dans le taudis qui te sert de maison. Tu peux dormir ici, tu sais. Et puis, je n’aime pas trop que tu voyage à pied de nuit dans la forêt."
Charlie lui sourit et lui embrassa la joue à nouveau. Quand elle prenait cet air maternel avec lui, il avait l’impression d’avoir en face de lui sa propre mère.
"Tu sais," fit-il d’une voix charmeuse "si tu n’étais pas déjà prise par mon meilleurs ami, je t’enlèverai pour t’épouser."
"Oui." répondit-elle d’un air moqueur. "Et si tu étais vraiment attiré par les femmes, je te suivrai."
"Hé là !" protesta le brun en enroulant un bras possessif autour de la taille de sa femme. "Ca suffit tous les deux ! Tu m’abandonnerai vraiment pour Poil de Carotte ?"
"Sans hésitation mon amour."
"Ah ! Mon cœur se brise !"
Charlie adressa un clin d’œil à Izabella avant d’ouvrir la porte d’entrée. Celle ci cessa immédiatement ses chamailleries et reprit un air sérieux.
"Tu es sûr de ne pas vouloir rester ?"
"Oui, ne t’inquiètes pas. Je ne veux pas vous déranger, et puis," ajouta-t-il en la voyant qui allait protester "en chemin je vais aller voir un des Cornelongue Roumain mâle. J’ai l’impression que la fracture qu’il s’est faite il y a deux semaines s’est mal réduite."
Stefan hocha la tête en prenant un air préoccupé.
"Tu as raison. J’ai remarqué qu’il boitait toujours il y a deux jours. Je vais t’accompagn…"
Il n’eut pas le temps de terminer sa phrase que la jeune femme l’agrippa par le bras et se mit à le traîner en direction de leur chambre.
"Ah non ! Toi, tu viens te coucher. Je peux pas obliger Charlie, mais toi il est hors de question que tu sortes maintenant ! Vous et vos dragons !"
Charlie éclata de rire devant l’air éberlué de son collègue qui protestait pendant que sa minuscule épouse exaspérée l’embarquait de force tout en faisant un signe de la main au rouquin pour lui dire au revoir. Il sortit de la maison et respira profondément l’air frais du soir.
Il traversa d’un pas rapide et sûr la distance qui séparait la petite maison des Karagosian de l’endroit où le Longuecorne Roumain nichait. Il ne s’inquiétait pas de traverser la forêt de nuit et à pied tant elle lui était familière. La réserve de dragons de Roumanie était immense, s’étendant sur une bonne partie de la montagne des Carpates et le territoire qui leur avait été confié à Stefan et à lui était minuscule en comparaison, même si il faisait plusieurs centaines d’hectares. Les moldus étaient protégés par des barrières magiques qui les empêchaient d’accéder au parc et retenaient les dragons à l’intérieur pour éviter de les voir allumer des feux de joie dans les villes moldues.
Charlie adorait son boulot. Il savait que sa mère aurait aimé qu’il vienne habiter en Angleterre pour se rapprocher d’elle. Il ne comptait plus le nombre d’allusions plus ou moins subtiles qu’elle avait faite selon lesquelles il serait tout aussi bien à travailler au parc naturel du Pays de Galles. Mais il se sentait chez lui ici, il aimait travailler dans ce décors solitaire parmis les dragon et il s’entendait bien avec les gens du pays. Il était indépendant, n’avait de compte à rendre à personne à part ses pairs, et qui plus est le ministère de la magie roumain leur laissait une grande liberté et n’était pas sans cesse sur leur dos comme celui de Grande Bretagne.
Et puis, il fallait avouer qu’il appréciait aussi d’être sorti du cocon familial et surtout de l’emprise de Molly, qui avait tendance à étouffer ses enfants de son affection. Il était heureux de la voir quand ils se rendaient visite, mais il ne savait pas s’il pourrait survivre s’il devait habiter aussi près d’elle.
Il s’avança avec plus de prudence quand il arriva aux abords du nid du dragon qu’il recherchait. Il leva sa lanterne au dessus de sa tête, ralentit son allure puis s’arrêta complètement à quelques pas de l’amas de branchage, de mousse et de feuilles qui servait d’abris à la créature. La plupart des dragons étaient des animaux d’habitudes, il avait fallu un moment avant qu’ils ne se familiarisent avec la présence de Charlie, mais maintenant il était devenu pour eux en quelque sorte un élément du décor, un mal nécessaire qu’on supportait sans trop cracher de flammes. Le rouquin ne serait jamais allé en pleine nuit visiter un des « pensionnaire » qu’il ne connaissait pas, ça aurait tout simplement été du suicide. Celui là, le rouquin le connaissait depuis les débuts de son travail ici. Il avait vécu plus de deux siècles, à en juger par les cicatrices sévères qu’il avait du récolter pendant de nombreuses saisons des amours, et avait un caractère assez débonnaire pour un dragon. Un des yeux du Longuecorne Roumain était définitivement clos depuis bien des années déjà, mais l’autre fixait intensément Charlie, sa pupille noire verticale au milieu d’un iris jaune l’examinant avec attention mais sans colère.
Brusquement, l’attention du dragon fut détournée, comme si un son que lui seul pouvait entendre avait raisonné dans l’obscurité. D’ailleurs, un silence profond s’était abattu sur toute la forêt, comme si toutes les créatures la peuplant retenaient leur souffle dans l’attente d’un événement. Charlie suivit du regard celui du Longuecorne jusqu’à une clairière plus haut dans la montagne, là où il savait qu’un Magyar à Pointes femelle misanthrope nichait. Il tressaillit quand il vit l’énorme flamme venant de là qui dépassa la cime des arbres et vint éclairer un instant tous les environs.
Saisi d’un mauvais pressentiment, il se précipita vers la source de la lumière.
* * * * * *
Draco était arrivé à destination. Enfin. Il était à bout de forces et s’écrasa au sol plus qu’il n’atterrit.
Il avait toujours été passionné par les dragons. Au Manoir, il avait une collection impressionnante de bouquins traitant sur le sujet et il avait inlassablement ramassé tout au long de sa vie tous les objets, illustrations et autres bricoles qui pouvaient se rapporter de près ou de loin à ces créatures. Il avait traîné ses parents dans toutes les réserves naturelles autour du monde pour avoir la chance de les rencontrer en vrai. Et quand son père râlait un peu trop à ce sujet, Draco lui répondait qu’il n’aurait pas dû lui donner ce prénom prédestiné. Cela faisait rire sa mère.
Il avait dons été plutôt facile de retrouver le chemin de la réserve de dragons des Carpates étant donné qu’il y était allé de nombreuses fois.
Le jeune garçon s’avança avec prudence dans la forêt. Il recherchait une espèce de dragon précise et il ne tenait pas à se faire dévorer tout de suite, sans avoir accompli sa mission, si il pouvait l’éviter. Il sortit sa baguette et éclaira son chemin devant lui. Il ne craignait plus maintenant d’utiliser la magie. Même si les mangemorts le retrouvaient, il serait de toute façon bientôt trop tard.
Un mouvement dans un fourré à côté de lui le fit sursauter. Lentement, les feuilles du buisson s’écartèrent pour laisser passer un petit museau, puis toute une tête. Le dragon l’examinait avec curiosité, ses yeux d’un bleu intense suivaient chacun de ses mouvements avec attention. Il sembla renifler l’air puis sortit à pas prudents de sa cachette et s’avança vers le blond.
C’était un Suédois à Museau Court assez petit, il faisait la taille d’un poney, et ses écailles bleu-argent brillaient à la lueur que diffusait la baguette de Draco. Le blond savait que cette race était l’une des moins agressives envers les sorciers, notamment parce que ces dragons étaient ultra sensibles à la magie et qu’ils la sentaient en eux. Mais c’était pourtant la première fois qu’il en voyait un d’aussi près. D’habitude, cette race était plutôt craintive et restait éloignée des humains le plus possible.
Perplexe plus qu’inquiet, il resta immobile quand le dragon tendit son museau vers lui et se mit à le renifler, comme le ferait un chat curieux. Il effleura du museau tout d’abord son bras, puis descendit jusqu’à sa main pour ensuite remonter sur son ventre, où il s’attarda quelques secondes, avant de grimper le long de son torse, son cou et s’arrêter au niveau de son visage.
Leurs yeux se croisèrent une nouvelle fois et quelque chose passa dans le regard de la créature que Draco ne comprit pas. Puis il disparut. Un instant ils se regardaient et la tête du dragon était à peine à quelques centimètres de la sienne, et une seconde plus tard le seul témoignage de sa présence était le froissement des feuilles du fourré dans lequel il s’était engouffré.
Stupéfait par ce développement, Draco resta sans bouger un instant. Puis il reprit sa route. De toute façon, la flamme du Suédois à Museau Court n’était pas assez puissante pour ce qu’il comptait faire.
Quand Voldemort avait tué sa mère, il avait sans doute cherché à donner une leçon à Draco tout en se débarrassant d’un élément qui lui était devenu inutile. Il avait sans doute cru mater le blond avec cet acte. C’était bien la preuve que le Mage Noir avait perdu toute humanité depuis trop de longtemps pour continuer à bien comprendre les arcanes complexes de l’âme humaine.
Draco était le premier à admettre qu’il n’était pas courageux, et sa sixième année à Poudlard avait été un véritable cauchemar. Mais il ne pouvait pas véritablement, même aujourd’hui, regretter de ne pas avoir tué Dumbledore. Se retrouver face à une personne désarmée, les yeux dans les yeux, avec pour mission de la tuer était bien plus difficile qu’il ne l’aurait jamais imaginé. Il ne savait pas comment qualifier ce qu’il avait fait cette nuit là, ou plutôt ce qu’il n’avait pas fait. Etait-ce de la lâcheté ou bien un regain brutal de conscience ?
En tout cas, il savait quelle réponse aurait donné le Mage Noir à cette quastion, et c’était sans doute dans cette optique que celui-ci avait assassiné Narcissa. Il avait cru ainsi terrifier Draco et le rendre docile. Dans quel but ? Le blond l’ignorait, et à vrai dire ça n’avait plus trop d’importance.
La rage et la douleur qui habitaient Draco depuis le jour du meurtre bouillonnaient toujours en lui. C’était la force qui l’avait poussé ces derniers jours à continuer jusqu’à aller au delà de ce qu’il pensait être possible. Ca et sa soif de vengeance. Il n’était pas fou au point de croire qu’il aurait ne serait-ce que l’ombre d’une chance contre le Seigneur des ténèbres. Il fallait être décérébré comme Potter pour le croire. Mais il était un serpentard, et il avait appris depuis sa plus tendre enfance à frapper fort là où ça faisait mal.
Il sortit de sa poche intérieure le plumier et eut un sourire mauvais. C’était un Horcrux, quoi que ce mot puisse vouloir dire. Il avait entendu le Mage Noir en parler avec la tante Bellatrix un jour où il avait surpris une de leurs conversations quelques semaines auparavant. Voldemort était allé personnellement le chercher juste avant qu’ils ne partent pour la Roumanie et voulait le mettre le plus rapidement possible en sûreté. Draco l’avait même entendu dire que Potter et toute sa clique recherchaient ce horcrux pour le détruire. Il n’avais jamais cru qu’un jour il irait à de telles extrémités pour faire quelque chose qui avantagerai sa Némésis, mais tout ce qu’il voyait c’était que cet objet avait une importance spéciale pour le Mage Noir et qu’il tenait l’instrument de sa revanche.
Draco n’avait bien entendu pas prévu d’être surpris quand il volait le horcrux et encore moins que Goyle senior aurait la présence d’esprit de lui lancer un sort de lacération alors qu’il s’enfuyait. Le doloris que lui avait lancé la tante Bella n’avait heureusement fait que l’effleurer et il s’en était sorti sans trop de peine avant qu’elle ne le brûle à la jambe gauche d’un sortilège habile. D’autres sorts lui avaient été jeté alors qu’il se précipitait à l’extérieur, réagrandissait son balais et décollait dans les airs, mais il n’avait rien ressenti sur le moment.
Depuis qu’il avait mis au point son plan, il avait su qu’il ne serait pas assez puissant pour détruire le horcrux. Il connaissait bien les objets faits à partir de magie noire et il savait que pour détruire le plumier il faudrait soit un sorcier puissant et expérimenté comme l’avait été Dumbledore, soit plusieurs sorciers lançant le sort en même temps. Mais il y avait une dernière solution, une solution qui dans son désespoir lui était apparue comme la plus évidente.
Draco déboucha dans la clairière en boitant. Il avait froid à présent, ses mains tremblaient et ses jambes semblaient en coton. Il était brûlant de fièvre et avait du mal à garder les yeux ouverts, sa jambe brûlée le faisait énormément souffrir, il avait l’impression que le tissus rugueux de son pantalon frottait contre sa peau comme une râpe à fromage. Il avait envie de se coucher par terre et de s’endormir pour ne plus jamais se réveiller, enfin faire taire ses douleurs physiques et surtout celles de son âme.
Mais il n’avait pas fait tout ce chemin pour abandonner si près du but.
Une ombre à la lisière de la clairière bougea, et Draco vit enfin la créature qu’il recherchait apparaître d’un pas pesant qui faisait trembler le sol. Il sourit, c’était un magnifique spécimen de Magyar à Pointes. Ses écailles noires luisaient dans l’obscurité et ses cornes de bronze semblaient aussi acérés que des poignards. Il était immense, à peu près la taille d’une maison, ses yeux étranges aux pupilles jaunes verticales dans un iris aussi noir que la nuit s’étaient braquées sur le blond d’un air féroce.
Celui-ci laissa tomber au sol son balais, de toute façon il ne lui serait plus d’aucune utilité, et s’avança lentement en clopinant. Mais une fois arrivé à quelques mètres de la créature, une vague de peur intense s’abattit sur lui comme un raz de marée destructeur, lui ôtant le reste de ses forces. C’était cette peur animale, instinctive, qui vous saisit quand vous êtes en face du plus gros carnivore que vous ayez jamais vu et qui vous regarde comme son souper.
Draco savait maintenant ce qu’éprouvait une souris hypnotisée par un serpent, ils avaient d’ailleurs en commun les mêmes chances de survie. Le dragon n’était visiblement pas très content d’avoir été dérangé dans son sommeil comme en témoignaient les mouvements violents de sa queue ornée de pics, qui abattait quelques arbres derrière elle dans sa fureur.
Les jambes du blond le lâchèrent et il atterrit douloureusement sur la peau brûlée de sa jambe gauche. Il ne put retenir le cris de douleur qui jaillit de sa gorge à ce contact, ni même les larmes qui coulèrent le long de ses joues. Ce bruit énerva encore plus le Magyar qui poussa un hurlement de colère et cracha un jet de flamme d’avertissement, roussissant les feuilles des arbres alentours.
Draco serra sa mâchoire avec détermination. Il avait su que ça se terminerai comme ça depuis qu’il avait formulé son plan et il n’avait aucun regrets.
Il soupesa le plumier dans sa main puis le balança à la tête du dragon. Celui-ci, surpris et enragé par cette attaque inattendue, cracha un nouveau jet de flamme puissant en direction du projectile qui s’embrasa immédiatement.
Draco regarda avec une sorte de fascination horrifiée la magie tissée dans la petite boite littéralement imploser dans une gerbe pourpre quand elle se heurta violemment avec la force magique concentrée du feu du dragon. La clairière s’illumina un instant d’une lueur violette éclatante, presque insoutenable, et le temps sembla s’arrêter à cet instant précis. Il crut entendre un hurlement inhumain à ses oreilles et son avant bras explosa de douleur, là où la marque des ténèbres était apposée. L’espace autour de lui fut envahie d’une présence maléfique, l’air que le blond respirait devenant aussi lourd que du plomb.
Enfin, tout s’arrêta et le temps repris son cour. Draco se retrouvait à nouveaux seul face au dragon, le plumier calciné et maintenant inoffensif abandonné à quelques pas de lui. Le silence aux alentours était assourdissant. Le Magyar resta lui même un instant immobile, stupéfait de ce qui venait de se passer. Mais il se repris bien vite, secoua son énorme tête et poussa un nouveau hurlement.
Les Magyars à Pointes crachaient des flammes qui pouvaient aller jusqu’à quinze mètres et ils étaient la race de dragon dont le feu avait la concentration de magie pure la plus dense de tous ses congénères. Et c’était pour ça qu’ils avaient été le premier choix de Draco pour cette mission, même si un autre aurait fait l’affaire : parce qu’il savait qu’il pourrait détruire le horcrux à coup sûr. Il n’ignorait pas que lui même ne survivrait pas à cette aventure pour pouvoir la raconter, mais malgré ça, un calme étrange s’était emparé de lui et la peur qu’il avait ressentie quelques instants seulement auparavant avait totalement disparue. Il avait toujours su qu’il ne fuyait pas la Transylvanie pour sauver sa vie.
Il se demanda dans ses derniers instant si ce sacrifice faisait de lui un gryffondor. Il espérait que non. Tant qu’à mourir, autant le faire avec classe.
Il prit dans sa main le médaillon de sa mère et l’embrassa tendrement. Il n’aurait pas pu faire un geste de plus tant tout son corps était exténué, pas même pour se sauver. Il sourit.
Draco vit la flamme arriver vers lui à tout vitesse et par réflexe il cacha son visage derrière ses bras croisés. Il fut projeté en arrière par la puissance du souffle, mais il n’eut pas le temps d’avoir mal avant qu’il ne s’écrase quelques pas plus loin, sa tête heurtant violemment une pierre, et il perdit connaissance. Mais juste avant cela, il crut voir une forme bleue s’interposer entre lui et le feu.
* * * * * *
Charlie déboucha dans la clairière à temps pour voir le spectacle le plus surprenant de toute sa carrière d’éleveur de dragons. Un Suédois au Museau Court se battait contre un Magyar à Pointes au moins cinq fois plus gros que lui et le mettait en fuite. Il reconnut tout de suite le petit dragon bleu, c’était une femelle assez âgée et d’habitude très craintive que Stefan et lui avaient nommé Sully. Elle restait d’ordinaire toujours à l’écart des autres, même de ceux de sa propre espèce et le rouquin avait rarement pu l’approcher de moins de cinq mètres.
Bouche bée il regardait le combat titanesque qui se jouait devant lui, un genre de remake de David contre Goliath, sauf qu’ici David était joué par une créature bleue très, très hargneuse. Au bout de quelques minutes à peine d’un combat acharné, la femelle Museau Court chassa l’autre de la clairière dans un dernier jet de flamme. Charlie tenta de s’approcher prudemment du dragon restant pour essayer de comprendre ce qui avait pu provoquer de tels instincts guerriers quand il trébucha sur quelque chose qui s’avéra, après examen, être un balais.
"Qu’est ce qu’un balais peut bien foutre…"
Il ne termina pas sa phrase parce que la lueur de sa lanterne avait accroché une forme étendue sur l’herbe calcinée. Il ne se souvint pas d’avoir franchi les quelques mètres qui les séparaient, tout ce qu’ils savait c’était que son cœur battait si fort qu’il avait l’impression qu’on n’entendait plus que lui. Des scénario plus horribles les uns que les autres de gamins perdus dans les bois carbonisés par le Magyar à Pointes lui venaient à l’esprit dans cet instant d’affolement. Il se retrouva en un clin d’œil agenouillé au dessus du corps, il dégagea son cou et posa ses doigts sur sa jugulaire pour voir s’il était toujours vivant.
Oubliant toute prudence, il le prit dans ses bras et transplana jusque chez lui.