Titre : Canard en plastique
Auteur :
flo_nelja
Couple : Arthur/Molly
Fandom : Harry Potter
Rating : PG
Thèmes : 1-Regarde-moi et 20-Retour a la maison
Disclaimer : Arthur et Molly sont à JKR. Mark Duckson
m'appartient, mais pour ce que j'en fait, je veux bien le laisser à tout
intéressé. :-)
Note : Le début de cette fic a déjà été publié sur
quatre_temps.
Cela faisait quinze ans que Mark Duckson était veilleur de nuit dans la
manufacture de canards en plastique "Wibble".
N'allez pas croire pour autant qu'il n'avait pas d'ambition, ou qu'il
était incompétent. Non, Mark Duckson était un homme grand, fort, alerte,
d'une résistance au sommeil inégalée, bardé de diplomes, saucissonné de
références, confit de hauts faits de veille de nuit. Il aurait pu veiller
à son gré sur des fabriques de cannes, de guimauve, d'édredons, de pianos,
de vélomoteurs, ou même sur des entrepôts militaires! Mais Mark Duckson
était un pacifiste, et les canons le tentaient peu. De plus, il était fier
de son entreprise. Les canards en plastique étaient moulés et ornés un par
un, à la main, par des ouvriers syndiqués. Et non pas, comme chez certains
concurrents des plus réprouvables, par des enfants thaïlandais payés moins
d'un shilling par jour pour leurs douze heures de travail quotidiennes.
Wibble était l'orgueil du canard en plastique!
Et depuis quinze ans, il n'avait jamais eu d'ennui ni de défaillance
dans son travail. Jusqu'à ce que "l'autre" apparaisse.
L'autre était un homme - pour autant qu'il soit une créature vivante,
pensa Marc Duckson en se signant - grand, roux, précocement chauve, vêtu
d'une grande cape verte. Il apparaissait souvent, en début de nuit, à
l'autre bout de l'entrepôt. Il fouillait dans les caisses de marchandises
ou de matériel en faisant des bruits sinistres. Pire, Mark l'avait
surpris, une fois, en train de regarder des papiers dans le bureau d'une
des secrétaires. Il l'avait interpellé, mais l'autre s'était vivement jeté
dans la pièce à côté, celle de la machine à café, où il avait été par la
suite impossible de le retrouver, bien que toutes les issues soient
closes.
Toutes les hypothèses possibles avaient traversé l'esprit de Mark
Duckson. Etait-ce un esprit de la machine à café? Le fantôme d'un employé
qui n'avait jamais réussi à finir son travail? Un brownie ou autre faërie
maléfique venue gacher le travail de l'entreprise? Si tel était le cas,
elle était singulièrement inepte, car Mark retrouvait toujours tout dans
l'état rigoureux où il l'avait laissé. S'il avait travaillé dans une
fabrique de canons, il aurait sans hésiter catalogué l'autre comme espion
au service d'une puissance étrangère. Mais il fallait être extrêmement
désespéré pour espionner les secrets industriels d'une manufacture de
canards en plastique, et - sans vouloir être vulgaire, mais en l'étant
quand même - il fallait être incroyablement con pour venir plusieurs
jours de suite explorer une manufacture de canards en plastique
"Wibble" en croyant qu'elle cacherait de lourds Secrets d'Etat.
Cependant, dans les premières heures de la nuit, il patrouillait
toujours plus activement qu'à l'approche de l'aube, dans le but de
capturer un jour cet accroc à son orgueil professionnel, cette tache de
boue, dans sa carrière jusque là sans reproche. Oui, Mark Duckson était un
peu poète, et maîtrisait la métaphore, ainsi que plusieurs autres figures
de style plus compliquées.
Ce fut un jour catalogué comme funeste par son horoscope (bélier
ascendant verseau et dragon en astrologie chinoise) qu'il réussit enfin à
surprendre l'autre, qui tenait en main un des canards en plastique qu'il
était en train de dérober! Il s'avança vers lui, prudemment, sans violence
pour l'instant. Mark Duckson était un pacifiste. De plus, il devait une de
ses références durement acquises au fait qu'il avait parlementé avant de
bastonner un intrus qui s'était révélé être un actionnaire atteint de
somnambulisme.
"Retournez-vous! Regardez-moi!"
L'autre lui avait fait face, avec un grand sourire déplacé. "Ah,
bonjour. Je suis content de vous trouver."
"Ne me prenez pas pour un imbécile."
L'autre avait semblé singulièrement confus et désolé. "Je suis sincère.
J'ai beaucoup de respect pour vos semblables."
Mark Duckson se demanda quel genre de personne pouvait avoir beaucoup
de respect pour les veilleurs de nuit. Peut-être cela n'était-il qu'une
fascination malsaine, qui expliquait la présence de l'autre ici. L'idée
d'être l'objet de fantasmes plus ou moins élégants de la part d'un homme à
moitié chauve lui déplut souverainement. Mais l'autre continuait.
"De plus, il y a une question que j'ai toujours voulu poser, et à
laquelle seul l'un d'entre vous peut répondre : à quoi sert un canard en
plastique?"
Mark resta interloqué, sans pouvoir l'interrompre. "Je me suis demandé
un instant si ça ne servait pas à donner l'illusion d'avoir de vrais
canards dans son bain, mais ça n'a rien d'agréable. Du moins, je me pense,
j'ai essayé avec des poulets, par accident. Mais ceux-là sont creux :
peut-être qu'on met quelque chose à l'intérieur?"
Mark éclata d'un rire tonitruant. L'absurdité de la situation lui ôtait
tous ses reflexes professionnels. Abasourdi, il se demanda un instant si
l'autre avait bien toute sa tête, tout en le regardant faire une sortie
théatrale, drapé dans sa dignité outragée et dans sa cape verte. On ne
laisse pas échapper un beau zeugma quand on en voit un. Qu'est-ce que je
ne vous avais pas dit à propos des figures de style plus compliquées?!
Cependant, se rendit-il compte avec horreur, il avait laissé échapper un
intrus, ce qui était autrement plus grave. L'autre avait déjà disparu dans
le hangar voisin, et quand Mark Duckson tenta de le rattraper en courant,
il avait déjà disparu, comme par magie.
Mark Duckson poussa un grand soupir. Le matin même, se sentant encore
écrasé par la culpabilité de son amusement qui lui avait fait manquer à
tous ses devoirs, il se rendit dans un magasin pour payer de sa poche un
canard en plastique "Wibble", afin de remplacer celui que son manque de
diligence avait laissé voler.
Puis il rentra chez lui et dormit. Il ne revit plus jamais l'autre. Et
plus aucun événement suspect ne vint entacher sa brillante carrière.
Arthur Weasley rentra chez lui sans avoir percé le mystère du canard en
plastique, bien qu'étant resté des heures à fixer ses yeux insondables en
caoutchouc, dans l'espoir vain d'une révélation.
Il se rendit compte qu'il avait médité dessus beaucoup trop longtemps,
quand il vit Molly l'attendre sur le perron, la colère grondant dans ses
yeux noirs et dans son tablier rose.
"Où étais-tu, Arthur Weasley?" tonna-t-elle. "Cela fait plusieurs jours
dans ce mois que tu traînes des heures à l'extérieur, avant de rentrer.
Qu'est-ce que tu fabriques que je ne peux pas savoir?"
Elle était extrêmement menaçante ainsi. Arthur songea un instant à
mentir, à raconter qu'on l'avait retenu longtemps au travail. Ce serait
horrible si Molly allait s'imaginer qu'il avait une jeune et jolie
maîtresse, ou une vieille et laide maîtresse, ou quelque chose du genre.
Mais ce ne fut qu'une pensée fugace. Après tout, elle aurait très bien pu
se renseigner au ministère. Et en y pensant bien, il ne se sentait pas
capable de lui mentir.
"J'étais..." dit-il d'un ton maladroit, comme un enfant pris en faute,
(enfin, ça dépend quels enfants. Fred et George, dans ces circonstances,
restaient plus fiers que jamais.) "J'étais allé augmenter ma culture
générale sur les Moldus."
"Allons donc, augmenter ta culture générale! Qu'est-ce que ça veut
dire?"
He bien, je suis allé visiter une entreprise Moldue, pour voir ce
qu'ils fabriquaient." dit-il. Une illumination le frappa soudain, alors
qu'il sortait le canard dans sa poche, comme une brillante pièce à
conviction qui devait apporter la lumière. "Voilà ce que j'en ai rapporté.
Et je ne sais pas, vraiment pas à quoi ça sert! Alors, tu vois, je ne te
raconte pas d'histoires!"
Elle soupira, avec tristesse, et Arthur se sentit soudain plus mal que
si elle lui avait crié dessus. "Je te crois, Arthur. Mais c'est ça le
problème. Je t'aime ; je trouve parfois tes objets Moldus sympathiques,
même si tes collections sont... excessives, et j'accepte que tu restes
travailler dans ce petit département sans espoir de promotion, parce que
ça te plait. Mais quand même! Tu as une famille! Tu as épousé une
sorcière, tes enfants sont des sorciers. Reste un peu avec nous...
Regarde-nous de temps en temps!" Une horrible pensée lui traversa
l'esprit. "Et que va dire le ministère! Tu n'as pas utilisé la magie
devant des Moldus, au moins?"
"Non. J'étais dans la pièce à côté." Elle soupira, de soulagement et
d'exaspération mêlés.
Arthur se sentit coupable, d'autant plus qu'il s'était attendu à une
scène beaucoup plus explosive. Il bafouilla "Désolé, Molly. Je ne le ferai
plus." Puis il tortilla ses pouces, ne sachant que dire.
Elle eut un pâle sourire. "Bah, ce n'est rien. Je me suis énervée.
Heureusement que les enfants dorment. Mais dis-moi où tu vas, la prochaine
fois." Elle fronça à nouveau les sourcils. "Tout de même, qu'est-ce qu'il
a, ce canard? Qu'est-ce que tu lui trouves de si extraordinaire?"
Arthur ne put répondre que d'un énergique "Euh..." alors que Molly
levait le canard à la hauteur de ses yeux, tout près de son visage. "Non,
vraiment... quelconque..." murmura-t-elle, d'un ton de plaisanterie
maintenant. "Oh, si, il y a quelque chose qui pourrait t'intéresser,
ici."
"Où ça?" demanda Arthur avec une grande curiosité, approchant son
visage du point en question pour le regarder. Molly, à ce moment, écarta
fourbement le canard en plastique et embrassa Arthur, en signe de
paix.
"Je crois que je commence en effet à comprendre l'intérêt." dit-elle
avec un sourire plein de malice. "C'est pour que les maris se souviennent
plus souvent d'embrasser leurs femmes."
"Je ne pense pas que ce soit comme ça que l'utilisent les Moldus." fit
remarquer Arthur inébranlablement franc.
"Eh bien ils ont tort." répondit Molly fermement. "Aucun sens de ce qui
est bon et important dans la vie.
Arthur sourit. Elle n'avait pas tout à fait tort.