Titre : Trois mystérieuses lettres
Auteur :
luminelya Couple : Jaffar & Nino
Fandom : Fire Emblem
Rating : G
Thème : 17. kHz (kilohertz ; unité de mesure de fréquence)
Disclaimer : Jaffar et Nino, ainsi que les autres personnages, l'univers dans lequel ils évoluent et les grandes lignes de leur histoire,
appartiennent à Nintendo.
Notes : J'ai choisi pour ce défi de me baser sur le scénario pré-existant dans le jeu, en brodant tout autour. De ce fait, la lecture de mes fanfictions sera source de spoils pour ceux qui ne connaissent pas le jeu ou même pour ceux qui n'en ont pas encore exploré toutes les possibilités.Par ailleurs, mes fanfictions ne se suivront pas réellement et pourront être lues de façon indépendante, mais je vais tout de même m'efforcer de suivre l'histoire de mes personnages de façon chronologique.
Cela fait trèèès longtemps que je n'ai pas posté et j'en suis désolée. Je me suis remise en selle avec un petit délire autour d'un thème que je trouvais jusque-là inabordable... J'espère que cela vous plaira ! Je tâcherai aussi d'être plus régulière à l'avenir.
Épisodes précédents :
Une tache sur le plancher,
Être froid et dur,
Un regard qui donne la vie,
Le sourire de Leila,
Ce qui nous rassemble,
À jamais,
Au centre de toutes les pensées,
Le premier.
Nino s'interrompit dans sa lecture, les sourcils froncés, et répéta à voix basse le mot sur lequel s'était arrêté son doigt. Elle procédait toujours ainsi lorsqu'elle se heurtait à une suite de lettres dont elle n'arrivait pas à saisir le sens ; bien souvent, elle s'apercevait alors qu'il s'agissait d'un terme qu'elle connaissait mais qu'elle n'aurait jamais eu l'idée d'écrire ainsi. Cette fois, cependant, la sonorité même du mot lui parut encore plus étrangère que sa silhouette sur le papier.
La jeune fille releva les yeux vers Canas, penché sur un autre ouvrage à l'extrémité opposée de la table.
« Excusez-moi, Canas... »
Le druide lui adressa un regard bienveillant.
« Excusez-moi, mon oncle », corrigea-t-il avec un gentil sourire.
Nino rougit. Elle avait cru tout perdre en perdant le Black Fang, aussi n'arrivait-elle pas encore à admettre le bonheur incroyable qu'elle avait eue de retrouver presque aussitôt un membre de sa véritable famille.
« Excusez-moi, mon oncle, mais il y a ici un mot que je ne comprends pas...
- Quel est-il ?
- Je crois que ça se prononce « kzz ».
- Kzz ? répéta Canas d'un air surpris.
- Oui, enfin, il y a un h au milieu mais il doit être muet, n'est-ce pas ?
- Sans doute, sans doute... Épelez-le-moi donc, si vous voulez bien.
- K, h, z.
- Pas de voyelle ?
- Non... »
Le druide ôta son monocle pour l'essuyer avec soin, les yeux perdus dans le vide.
« Tout ceci me dit quelque chose, déclara-t-il enfin d'un ton pensif. Voyez-vous, Nino, il existe des langues qui ne notent pas les voyelles, seulement les consonnes. Il est probable que le mot qui vous pose problème provienne de l'une de celles-ci, mais il faudrait que je fasse quelques recherches, et... »
Il esquissa un geste d'impuissance qui englobait les nombreux ouvrages empilés sur la table, dans l'attente d'être lus.
« Oh, ne vous dérangez pas pour ça, s'empressa de dire Nino. Je ne voulais pas vous gêner dans votre travail, excusez-moi.
- Vous ne me gênez pas, voyons, protesta le druide. Je vous tiendrai au courant quand j'aurai fini, d'accord ? En attendant, peut-être pourriez-vous aller demander à lord Pent. Il est très érudit. Si vous préférez, vous pouvez aussi aller voir son élève, Erk : je crois que vous le connaissez bien. »
La jeune fille hocha la tête : malgré ses manières un peu sèches, Erk l'intimidait toujours moins que son impressionnant maître. Une fois sortie de la bibliothèque, le livre glissé sous son bras, elle marqua un temps d'arrêt pour apprécier la caresse du soleil sur son visage. L'été approchait. La guerre ne ressemblait déjà plus qu'à un mauvais souvenir. Comment croire que Nino luttait pour sa vie une semaine auparavant alors qu'à présent son principal souci se résumait à trois lettres ?
Elle trouva Erk dans son logement, en compagnie de Serra. Autant que Nino put en juger au premier coup d'œil, le sage essayait de préparer ses bagages tandis que la jeune fille s'efforçait de son mieux de l'en distraire et de semer le désordre dans ses affaires en tripotant tout ce qui lui tombait sous la main.
« Peut-être devrais-je repasser plus tard..., fit Nino d'une voix hésitante, depuis le pas de la porte.
- Non, restez, ma chère ! » s'écria Serra, ravie.
Erk jeta un regard désespéré à Nino.
« Oui, restez, reprit-il en se passant la main dans les cheveux. Au point où j'en suis... Au moins ne serai-je plus seul avec elle. »
Contre toute attente, Serra éclata d'un rire réjoui.
« Être seul avec moi lui cause un profond trouble, vous comprenez, glissa-t-elle à Nino sur un ton de confidence.
- Un trouble inexprimable, soupira Erk. Aviez-vous besoin de quelque chose, Nino ?
- Oh, ce n'est rien de très important. J'aurais voulu avoir votre avis sur un mot qui me pose problème...
- Faites-moi voir », intima le jeune homme d'un air concentré.
Nino avait déjà eu l'occasion de constater à quel point il prenait la lecture au sérieux. Pourtant, lui aussi sourcilla devant les trois lettres qu'elle lui désignait du doigt.
« K, h, z..., marmonna-t-il.
- Canas a supposé que cela pouvait provenir d'une autre langue, une langue qui ne note pas les voyelles, fit Nino.
- C'est possible, en effet. À moins que cela ne soit une abréviation...
- Une abréviation ?
- Parfois, pour gagner du temps et de la place, le scribe n'inscrit que le début du mot, voire la première lettre du mot seulement. C'est souvent le cas dans les livres de magie, n'avez-vous pas remarqué ? »
La jeune fille esquissa une grimace gênée.
« Vous savez que je n'en lis pas beaucoup...
- J'oubliais que vous n'en aviez pas vraiment besoin, admit Erk. Cela étant dit, reprit-il en plissant le front, je ne vois pas de quel mot ces consonnes pourraient être l'abréviation. Ce qui me surprend, aussi, c'est la dysharmonie entre l'écriture du h et celle des deux autres lettres... Cela doit avoir un sens, mais lequel ? »
Serra, qui louchait en silence par-dessus l'épaule du jeune homme depuis l'instant où Nino avait ouvert le livre, profita de la pause qui suivit pour intervenir :
« Le h est le plus important, c'est évident. On écrit toujours en gros ce qui est important. Je suis sûre que c'est l'initiale du nom d'un personnage d'envergure, comme... comme sieur Hector, par exemple ! »
Erk roula des yeux consternés, mais Serra lui administra une tape sur l'épaule avant de continuer d'une voix excitée :
« Mais si, c'est très probablement ça ! H comme Hector, k comme... euh... courage, ou cœur...
- Les deux s'écrivent avec un c, remarqua Erk sur un ton égal.
- Et la dernière lettre correspond sans doute à mon nom ! exulta Serra sans lui prêter attention.
- Votre prénom s'écrit avec un s.
- Sans doute le scribe l'ignorait-il, répliqua-t-elle avec hauteur. C'est un prénom d'une si élégante rareté, d'une si...
- Eh bien, Nino, coupa Erk en se tournant vers la jeune fille, j'espère que cette supposition vous éclaire : un scribe tout à fait illettré aurait écrit kHz comme abréviation de cœur, Hector, Serra. Une question reste toutefois en suspend : pourquoi un scribe aurait-il pris la peine d'écrire de pareilles sornettes ?
- Mais parce que... parce que... c'est peut-être un livre de prophéties, s'exclama Serra.
- De... prophéties ? répéta Erk avec une moue narquoise.
- Mais oui, puisque cela annonce mon mariage prochain avec Hector.
- J'ai entendu dire, glissa Nino malgré elle, que sieur Hector se préparait à épouser Florina... »
Serra en resta bouche bée.
« Il va falloir vous trouver un autre parti, j'en ai peur, lui lança Erk, impitoyable. En tout cas, cela semble contrarier votre hypothèse... Je suis désolé, Nino, ces bêtises vous font perdre du temps.
- Oh, ce n'est rien, se récria la jeune fille. C'est moi qui suis venue vous déranger, à l'origine. Je vous remercie d'avoir réfléchi à la question.
- Si une idée me vient, je vous le ferai savoir. »
Nino reprit son livre et salua. Au moment où elle franchissait la porte, elle entendit Serra qui, sa voix retrouvée, reprenait avec obstination :
« Ces rumeurs ne signifient rien. Et quand bien même, cela me serait égal. Je ne manque pas de partis, comme vous dites ! »
Le battant se referma sur la réplique d'Erk et Nino secoua la tête, partagée entre la perplexité et l'amusement. Comment ces deux-là pouvaient-ils supporter de demeurer dans la même pièce ? Erk ne cherchait pas à dissimuler l'agacement que lui inspirait Serra, et pourtant il tolérait sa présence même alors qu'aucun contrat ne le liait plus à elle. De son côté, la jeune fille recherchait sa compagnie sans sembler souffrir des sarcasmes qu'elle devait pourtant bien entendre, à moins de souffrir de réels problèmes de surdité. C'était à n'y rien comprendre...
Alors qu'elle se remettait en marche, Nino aperçut, un peu plus loin dans la rue ensoleillée, Rebecca qui venait à sa rencontre. Un sourire illumina aussitôt le visage de la jeune fille. À peine plus âgée qu'elle, l'archère faisait partie de ceux qui l'avaient accueillie avec enthousiasme, sans paraître accorder la moindre importance à son passé. Elle se montrait toujours si gaie et si vive que tout le monde l'aimait beaucoup, Nino la première.
« Que fais-tu ici, Nino ? Lui lança Rebecca sur un ton joyeux dès qu'elle fut à sa hauteur.
- Oh, je cherche à résoudre une énigme, répondit la jeune fille en montrant son livre. Il y a ici un mot que ni Canas ni Erk ne connaissent.
- Ça doit être un mot très compliqué ! Tu me le montres ? »
Nino s'exécuta de bonne grâce, et Rebecca se pencha tant sur la page que son nez frôla le papier.
« Es-tu sûre que c'est un mot ?
- Qu'est-ce que cela pourrait être d'autre ?
- Eh bien, je ne sais pas, dit la jeune fille en se redressant. Une sorte de dessin, peut-être ? »
Nino considéra les trois symboles d'un œil sceptique. Les illustrations représentaient pour elle une oasis au milieu de l'aridité des lignes d'écriture noire, dont elle n'était jamais sûre d'arriver à bout - mais si les dessins se mettaient à ressembler à des lettres, elle ne s'en sortirait pas.
« Regarde, s'exclama Rebecca, en premier, c'est un bonhomme qui lève un bras et une jambe ! À côté, c'est une étagère. Derrière, ce doit être un siège. Une fois qu'on le sait, on ne voit plus que ça, non ? »
La jeune fille hocha la tête sans conviction. Elle avait beau loucher sur la page, elle ne parvenait à y distinguer autre chose que trois lettres.
« D'habitude, risqua-t-elle d'une voix polie, les dessins sont plus... plus évidents.
- Oh, moi, quand je dessine, ça ressemble à ça ! rit Rebecca. Mais c'est vrai que les images sont normalement plus jolies.
- Bonjour, Nino, bonjour, Rebecca », fit soudain une voix derrière elles.
Les deux jeunes filles se retournèrent et sourirent à Mark. Les cheveux encore plus ébouriffés que de coutume, le stratège jetait aux alentours des regards nerveux.
« Excusez-moi de vous interrompre, mais n'auriez-vous pas vu... »
Ses yeux tombèrent sur le livre que Nino tenait encore ouvert.
« Ah, mon cahier ! euh, mon livre ! je l'ai cherché partout... »
La jeune fille rougit violemment et s'empressa de lui rendre son bien.
« Je suis désolée, je l'ai trouvé à la bibliothèque, et je ne pensais pas...
- Ce n'est pas grave, je n'avais qu'à pas l'oublier..., assura Mark, aussi embarrassé qu'elle. Mais que faisiez-vous avec ? »
Comme Nino n'osait pas répondre, Rebecca expliqua à sa place :
« Nous cherchions à comprendre un mot, ou un dessin, nous ne savions pas trop.
- Ah, dit Mark en pâlissant. Lequel ?
- K, h, z, murmura Nino.
- Il faut nous dire ce que c'est, Mark, insista Rebecca avec un grand sourire.
- Je ne sais pas si je peux, bredouilla-t-il. Vous n'en êtes pas à ce stade, ça pourrait... »
Les deux jeunes filles échangèrent des regards interloqués, et la figure de Mark passa du blanc au rouge.
« Oui, bon... Vous n'avez pas l'intention de devenir physicienne, Nino ? Ni vous non plus, Rebecca ? »
Sans doute jugea-t-il leur silence assez éloquent, car il reprit, le front humide de sueur :
« Euh, donc, k, h, z, c'est une abréviation...
- Erk me l'avait dit, laissa échapper Nino.
- Pour kilo... pour une unité de mesure...
- Qui mesure quoi ? s'enquit Rebecca.
- Euh, eh bien... la période sur le temps... Ou l'inverse ? Oh non, je ne me souviens plus... Enfin, c'est la fréquence, quoi... La fréquence à laquelle des choses arrivent...
- Mais à quoi ça sert ? »
Mark dévisagea Nino d'un air égaré.
« À quoi ça sert ? répéta-t-il. Mais... je ne sais pas ! Ça sert à avoir un contrôle demain, c'est tout... Et je ne suis pas prêt, pas prêt du tout... »
Il prit une profonde inspiration qui sonna comme un sanglot.
« On ferait mieux de vous laisser, devina Rebecca. J'allais voir Will, de toute façon.
- Excusez-moi encore d'avoir pris votre livre », dit Nino.
Il secoua la tête, comme pour signifier une fois de plus que ce n'était pas grave, mais ses mains tremblaient tandis qu'il compulsait frénétiquement les pages de l'ouvrage. Il semblait avoir déjà oublié la présence des jeunes filles, aussi celles-ci s'éloignèrent-elles sans faire de bruit.
« Tout ça pour ça, soupira Rebecca.
- Je ne crois pas que ce livre m'aurait intéressée, de toute façon, décréta Nino. Ça n'a pas l'air très amusant, ces histoires. »
Rebecca opina du menton et la conversation des deux jeunes filles glissa tout naturellement sur d'autres sujets. Lorsqu'elles furent arrivées devant la porte du logement de Will, Nino prit congé de son amie et s'éloigna d'un pas rêveur. Avoir rendu son livre à Mark la laissait désœuvrée et elle ne savait plus trop comment occuper sa matinée. Bien sûr, elle pouvait toujours retourner à la bibliothèque pour chercher une autre lecture, mais l'idée ne la tentait qu'à moitié.
Ce fut presque sans s'en rendre compte qu'elle sortit de la ville. Jaffar se trouvait là où elle s'attendait à le voir, adossé à un arbre, plongé dans ses pensées. La foule continuait de mettre l'assassin mal à l'aise. Nino devinait sans lui en avoir parlé qu'il redoutait de rencontrer les familles de ses victimes. L'Ange de la Mort qu'il était autrefois ne s'en serait pas soucié, mais il n'éprouvait rien. Jaffar avait depuis ouvert son cœur, et, dans ces cas-là, il n'est possible ni de choisir ni de contrôler : tout s'engouffre dans la brèche, plaisirs et douleurs, bonheur et tristesse.
Comme Nino s'approchait, l'assassin leva les yeux et un sourire fugitif éclaira ses traits. La jeune fille s'appuya au tronc à côté de lui et inclina la tête sur son épaule. Jaffar se pencha pour effleurer ses cheveux d'un baiser. Nino sourit. Ils n'avaient rien besoin de dire, et cela lui convenait parfaitement. Elle avait eu son compte de mots pour la journée.