Titre: Loure pour Pomona
Auteur:
incitatus78Fandom: Harry Potter
Table et prompt: Table 1, prompt 10
Personnage: Pomona Chourave
Rating: K
Disclaimer: Pomona appartient à J.K.Rowling, évidemment. Par contre, le reste est à moi ^^
Notes: J'ai choisi il y a très longtemps d'écrire cette table 1 sur Pomona Chourave (plus d'un an), et j'ai enfin eu le courage de venir à bout de mon projet. Je vous présente donc une histoire de dix chapitres, dont le titre correspond à chacun des prompts de la table. Ah oui, et une loure est une danse française, lente et plutôt pesante.
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1. Cellule )
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2. S'écarter )
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3. Des promesses )
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4. Démon )
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5. Jusqu'à l'océan )
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6. Perdu )
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7. Silence )
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8. Tromperie )
« Pomona, viens, j'ai quelque chose à te dire. »
Ce jour, Pomona avait dix ans. Cela faisait deux ans qu'elle avait appris qu'elle ne reverrait plus son père, deux ans que son oranger l'avait trompée, deux ans qu'elle s'était juré de ne plus faire confiance à personne. Deux ans aussi que son jardin prenait des allures de plus en plus fantastiques. Étonnamment, sa mère avait retrouvé un peu d'entrain; elle n'était plus dans l'attente désespérée, mais dans la certitude résignée. Souvent, quand l'air était doux, elle s'asseyait dans le jardin et regardait sa fille s'affairer et lui expliquer le nom de telle fleur, l'origine de telle plante.
Ce jour, sa mère l'interrompit, une ride soucieuse au coin des yeux. Pomona, intriguée, approcha en essuyant sur le devant sa robe la terre qui maculait ses mains. Le soleil se prit dans une mèche et nimba son visage rond de lumière. Sa mère sourit: elle ressemblait tant à son père, avec ses grands yeux noirs et curieux, qui dissimulaient bien mal une lueur d'obstination en leur cœur. Elle passa une main apaisante dans les frisettes de sa fille. Pomona avait dix ans, elle avait le droit de savoir.
« Ma chérie, il faut que tu saches... » Pomona s'assit en tailleur dans l'herbe drue.
Il y avait un monde qu'elle ne connaissait pas encore, et que sa mère avait abandonné voilà bien des années, lorsqu'elle avait épousé Mr Chourave, jeune étudiant en biologie promis à un brillant avenir. Un monde qui expliquait pourquoi son jardin ressemblait à une luxuriante forêt vierge, malgré l'exposition plein nord et le vent âpre qu'apportait la mer. Un monde qui expliquait pourquoi son oranger fleurissait. Un monde auquel elle appartenait, et dans lequel personne jamais ne la traiterait de démon.
Pomona grimaça à la mention de ce vieux souvenir, mais ne dit rien. Elle écoutait sa mère, le cœur battant. Elle n'était pas sûre de bien comprendre. Elle avait peur de ne pas comprendre ce qu'il fallait, peur d'être déçue de nouveau, trompée encore une fois. Pourtant, jamais sa mère ne lui mentirait. L'éclat de scepticisme qui brillait au fond de ses yeux fit taire sa mère.
Alors elle se leva, lissa sa jupe et laissa sa fille dubitative dans l'herbe. Lorsqu'elle revint, elle tenait dans ses mains une branche qui de loin semblait grossière. Mais rapidement, Pomona se rendit compte qu'elle était habilement sculptée, que le bois avait été travaillé avec finesse.
« Ma baguette magique, » annonça sa mère, comme elle lui aurait présenté une amie à elle.
Pomona ne savait plus s'il fallait rire ou pleurer. La situation était absurde, grotesque, sa mère avait perdu l'esprit. Pourtant, au fond d'elle, elle ne demandait qu'à la croire. Elle prit la baguette dans ses mains aux ongles terreux. Elle caressa le bois qu'elle reconnut comme étant du poirier. Elle était plongée dans une sorte de rêverie, admirant l'objet sans bouger, quand sa mère la lui prit doucement des mains.
Elle fit un mouvement souple et un ruban mordoré s'échappa du bout de la baguette. Sa mère était concentrée sur sa tâche, les yeux brillants. Ses doigts frémissaient, comme s'ils se souvenaient de choses lointaines qu'ils croyaient oubliées depuis longtemps. Lorsqu'elle eut fini, les paroles d'une ballade bien connue scintillaient dans l'air vespéral.
Un oranger, sur le sol irlandais
On ne le verra jamais;
Un jour de neige, embaumé de lilas,
Jamais on ne le verra.