Le vingtième siècle - Albert Robida

Jul 27, 2017 12:20


Albert Robida - Le vingtième siècle (1883 / réimpression Hachette Livre - BNF, 2012)
(400 pages, soit 75 km pour le challenge tour du monde. Total : 12 600 km et 50 428 pages pour 136 livres.
10e titre pour le challenge XIXe siècle 2017)

Par une belle journée de septembre, trois demoiselles fraîchement émoulues du lycée de Plougadec-les-Cormorans, où elles ont passé les dix dernières années de leur jeune existence, débarquent en gare centrale de Paris pour retrouver leur famille et faire leur entrée dans la vie active.
Actif, il l'est indubitablement, ce glorieux vingtième siècle et les femmes y ont désormais leur place aussi bien que les hommes, pouvant prétendre à des postes aussi prestigieux qu'avocates ou politiciennes. Ce qui convient très bien à Barbe et Barnabette, appelées depuis toujours à reprendre des succursales étrangères de la prestigieuse banque paternelle - mais beaucoup moins à la plus sensible Hélène, parente pauvre protégée par les Ponto, que le droit désarçonne, que la politique consterne, que la finance ennuie, et qui va avoir bien du mal à trouver quelle carrière embrasser. Son regard candide est en revanche parfait pour faire découvrir au lecteur les mille merveilles du Paris de l'an 1952, enlevé tout entier vers les airs depuis que les moyens de communication ont brisé les vieilles limites de la pesanteur.
A sa suite, nous découvrirons les remarquables technologies dont peut s'enorgueillir une grande maison bourgeoise, les nouveaux spectacles et les nouveaux grands monuments, les nouvelles prisons aussi et les étonnantes spécialités des avocates féminines, les arcanes du journalisme moderne et de la politique. Nous nous glisserons sur les bancs de l'Académie Française, assisterons à une révolution, partirons en vacances, pousserons jusqu'en Angleterre mormonne, évoquerons quelques éléments d'histoire et de géopolitique avant de nous envoler pour un grand tour du monde improvisé, où l'homme manifestera une fois de plus que sa formidable inventivité ne connait plus de limites.

A première vue, il est sacrément plus séduisant que le vrai, le vingtième siècle imaginé par Robida ! Bien plus léger, bien plus heureux sans doute, et comment ne pas rêver devant ces fabuleuses créations de la science réinventée, devant ce Paris aérien où l'on vole de tourelle en tourelle loin au-dessus des toits et des ponts, où l'on déjeune sur des terrasses magnifiques avec le monde à ses pieds, où tout semble luxe, plaisir et raffinement. Sauf que ce monde tourné tout entier vers le plaisir, le confort, le progrès, la rentabilité, l'action, est aussi un monde qui relègue aux oubliettes la poésie et le mystère, l'art inutile, la spiritualité et même, semble-t-il, toute forme de réflexion un tant soit peu approfondie. Un monde diablement superficiel, en somme, dans sa folle effervescence, droit héritier de la Belle Epoque et du triomphe sans âme de la grande finance.
Cela reste un livre d'inventif divertissement, où la critique sociale est plus sous-entendue que réellement esquissée, mais le ton un rien pince-sans-rire de l'auteur montre bien qu'il n'est pas entièrement dupe des merveilles qu'il décrit, malgré leur indiscutable séduction, et que certaines formes du progrès sont bien proches du ridicule ou de l'absurde.
Son inventivité, en tout cas, est vraiment formidable, assez visionnaire parfois. Sont ici déjà imaginés l'émancipation féminine, le triomphe de l'énergie électrique, l'accélération des transports (quoique considérablement exagérée !), la conquête de l'air, une certaine mondialisation des échanges et de la culture européenne,une première guerre mondiale, une révolution chinoise, les monstrueuses mégalopoles, la généralisation du téléphone, des équivalents au cinéma, à la télévision, à Skype, le sensationnalisme croissant des spectacles et des actualités vécus en direct live... le tout, évidemment, dans une sauce bien particulière, assez réjouissante à comparer à la réalité des faits qu'on connait aujourd'hui.
Et si les personnages et l'histoire, en eux mêmes, ne sont pas d'un grand intérêt, le plaisir sans cesse renouvellé de la découverte compense largement ce petit défaut. D'autant plus que l'auteur est aussi dessinateur, et a semé son roman d'illustrations aussi abondantes que délicieuses !


   

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