La République des voleurs (Les Salauds Gentilshommes, tome 3) - Scott Lynch (2013 / Bragelonne, 2014)
(672 pages, soit 100 km de plus pour le challenge Tour du Monde. Total : 3300 km, 14 298 pages et 13 pays pour 38 livres)
Après le casse le plus foireux de leur carrière, Locke agonise et Jean remue ciel et terre pour tenter de lui sauver la peau. Mais contre le poison qui le ronge, aucun médecin, aucun alchimiste ne peut trouver de remède. Fichu, Locke ? Allons donc, il reste encore quatre tomes à paraître dans la série !
Contre toute attente, c'est des Mages Esclaves que viendra cette fois le salut. D'une Mage Esclave, plus exactement, qui entretient de troubles rapports avec le Fauconnier que les Salauds Gentilshommes ont si cruellement affronté à Camorr, et qui confie aux deux hommes, en échange de la vie de Locke, une mission politique : truquer les prochaines élections de la ville de Karthain, pour faire gagner le clan soutenu par la dame. L'autre camp, évidemment, a son propre manipulateur, engagé très à propos pour affronter Lamora : nul autre que la belle Sabetha, ancien membre de la bande et grand-amour-perdu-mais-jamais-oublié du jeune homme.
Après toutes les allusions des deux premiers tomes, j'étais assez curieuse de découvrir enfin ce personnage - curieuse, et un brin inquiète aussi, car les histoires d'amour ont toujours un lourd potentiel casse-gueule, particulièrement dans les romans d'aventure où la subtilité psychologique est rarement assez développée pour rendre la chose intéressante.
Scott Lynch, de fait, ne s'en tire pas trop mal - plutôt bien, même, dans un premier temps. J'ai tout d'abord trouvé le personnage de Sabetha assez chouette, et les ressorts de sa relation avec Locke sont assez compliqués pour susciter l'intérêt. Le récit parallèle, qui nous entraîne dans le passé pour en explorer les prémices, m'a également beaucoup plu : Locke, Jean, Sabetha et les jumeaux, encore adolescents, envoyés par leur mentor pour sortir de la dèche une troupe de théâtre dirigée par un parfait cinglé, c'est assez irrésistible, et Lynch a un certain talent pour revisiter le théâtre classique.
Toutefois, le parallèle passé/présent n'est pas aussi fin que dans le premier tome, et il ne sert guère, au fond, qu'à accroître l'importance de la relation Locke/Sabetha. Relation qui finit par l'emporter sur tout le reste, beaucoup trop à mon goût, d'autant plus qu'elle finit par tourner un peu en rond, captive des mêmes ressorts jusqu'à devenir un poil gonflante. Locke n'aide pas non plus à retenir mon intérêt, hein : je le préfère mille fois en escroc intenable qu'en carpette transie !
Là derrière, l'intrigue politique ressemble un peu à un prétexte pour rapprocher nos deux amoureux, et si les péripéties qu'elle implique sont plutôt réjouissantes, elle aurait mérité un traitement nettement moins superficiel.
Dernier reproche enfin : ce tome est trop long, manque de rythme à force de retomber dans des digressions qui ne font guère que répéter le même propos.
Tout n'est pourtant pas à jeter, loin de là : ce qu'on apprend au passage sur Locke, sur ses origines, mais aussi sur l'univers, son passé lointain, les possibles menaces qu'il implique, est très intéressant, et habilement présenté, pour laisser plein de possibles en suspens sans encore rien affirmer formellement. Et puis, il y a évidemment les dialogues truculents, les mésaventures improbables, l'imagination foisonnante et fantaisiste de l'auteur, qui ne perdent rien de leur charme et rendent cette lecture, malgré tout, très plaisante, à défaut de rester aussi enthousiasmante que l'étaient les Mensonges. Après, j'ai enchaîné les trois tomes assez vite, j'accuse peut-être un brin de lassitude ? Quoi qu'il en soit, celle-ci aura tout le temps de disparaître avant que je puisse m'attaquer à la suite, que je reste très curieuse de découvrir !